– Pourquoi ne pas s'inspirer de nos voisins allemands ? – L'Allemagne est un pays dont on ne peut contester ni l'ambition écologique ni le souci d'une approche différenciée selon les territoires. État fédéral où les Länder ont une large part dans la conduite des politiques publiques, la cause écologique a été épousée par l'opinion dès les années 1970 et les Verts allemands ont intégré les fonctions exécutives plus tôt et plus haut qu'en France. Aussi le cas de l'Allemagne en matière de lutte contre l'artificialisation est-il particulièrement intéressant. Il a été présenté dans l'étude d'impact de la loi Climat et Résilience :
« En Allemagne, en 1998, plus de 120 hectares par jour étaient artificialisés au niveau national. Dès 2002, l'objectif de réduction de l'artificialisation des sols a été inscrit dans la stratégie nationale de développement durable, intégrant les objectifs du développement durable. Cette action 4 de la stratégie posait un objectif de 30 hectares artificialisés par jour d'ici 2020, un butoir de 20 hectares en 2030, puis l'objectif de zéro hectare en 2050, affiché dans le plan de protection adopté en 2016 par le gouvernement fédéral. Cela répondait au souci de durabilité et exprimait une volonté de développement d'une « économie circulaire des terres (ou des sols) » ».
En dépit des efforts entrepris et en grande partie du succès des actions de programmation relatives aux zones constructibles au niveau communal, le pays artificialise encore 60 hectares par jour en 2019. Lors de chaque révision de la stratégie de développement durable, les objectifs sont réexaminés : report de l'objectif de 30 hectares par jour de 2020 à 2030, tendant vers 0 en 2050 avec des incertitudes (révisions de 2016 et 2018).
Les Länder procèdent chacun de manière différente en matière de compensation, mais il y a des tentatives d'harmonisation.
En matière de construction, comme en France, la lutte contre l'artificialisation est compliquée par le fait que les ménages aspirent à vivre en dehors des centres-villes où l'habitat est parfois inadapté, avec, à Berlin, de vieux appartements surdimensionnés dont les prix augmentent. Il y a une forte demande de la population qui a besoin de se loger à des prix abordables.
Pour atteindre l'objectif assigné à chaque commune, un calculateur a permis de répartir les 30 hectares par jour entre les 12 000 communes par taille de communes (tranches de population) sans que cela ne s'impose. Cela permet à chacune de savoir quelle réserve foncière elle peut encore consommer.
Des certificats d'échanges de terres sont en outre prévus pour permettre aux communes de procéder ensuite à des échanges entre elles. Ce système a été testé entre quatre-vingts communes et s'est révélé probant.
Afin de densifier les villes et de réduire l'artificialisation, deux principes sont arrêtés :
- la nécessaire densification de l'existant est mise en avant, plus que la lutte intrinsèque contre l'artificialisation ;
- la règle fédérale est que sauf exception il n'y a pas de droits à construire à l'extérieur des villes. Pour faire des opérations en dehors des zones agglomérées, il faut prouver que cela ne peut se faire qu'en dehors et verser des compensations lorsque les terres agricoles sont consommées.
Outre ce cadre général déterminé au niveau fédéral, les Länder (plus prescriptifs que le niveau régional français) définissent des stratégies, variables d'un Land à l'autre. Par exemple la Bavière a rendu le recensement des friches obligatoire, ce qui n'est pas le cas général. La mise en œuvre relève des communes. Le problème identifié est celui d'un objectif national à atteindre, mais qui ne s'impose pas autoritairement au niveau des Länder puis de leurs communes, voire des communes autonomes ».
Les politiques de réduction de l'artificialisation des sols en Europe
L'inscription dans la loi d'un objectif de réduction de l'artificialisation des sols apparaît comme une exception française. L'Allemagne a défini un objectif national : limiter l'artificialisation à moins de 30 hectares par jour d'ici 2030. L'Italie a un objectif plus ambitieux encore : l'absence d'artificialisation nette d'ici 2030. Mais ces deux objectifs ne sont pas juridiquement contraignants. En Espagne, aucun objectif n'a été adopté, tandis que le Gouvernement des Pays-Bas a indiqué qu'un objectif de zéro artificialisation nette n'était pas réalisable.