Objet de la société et objectifs de mixité en termes de programmes et de logements

Objet de la société et objectifs de mixité en termes de programmes et de logements

La SCCV doit avoir pour « unique objet la construction d’immeubles d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation en vue de leur vente ».
Malgré l’apparente restriction posée par le texte, on peut penser que la volonté du législateur était d’insister sur l’objet central de ces sociétés et non d’empêcher la SCCV de réaliser des programmes de logements qui, devant s’inscrire dans la ville et répondre aux besoins des habitant, comporteraient également en pied d’immeuble des surfaces de commerces. Cela irait à contresens tant de l’enjeu de mixité programmatique qui a motivé la création de ces SCCV entre les opérateurs privés et les bailleurs sociaux, que de l’évolution des compétences des organismes HLM qui deviennent de véritables acteurs de la politique de la ville et de la revitalisation des territoires. La lettre du texte nous invite toutefois à prôner une modification législative sur ce point.
Le programme doit également prévoir la réalisation d’au moins 25 % de logements mentionnés à l’article L. 411-2 du Code de la construction et de l’habitation, c’est-à-dire des logements locatifs conventionnés (PLS, PLUS, PLAI) et des logements en accession sociale. Les logements locatifs intermédiaires de l’alinéa 9 de l’article L. 411-2 du Code de la construction et de l’habitation ne nous paraissent pas pouvoir être comptabilisés dans les 25 %. En effet, en application de cet article, depuis le 1er janvier 2020, ces logements ne font plus partie du service d’intérêt général (SIEG) et semblent donc exclus, depuis cette date, du champ d’application de cet article et donc de la quote-part de 25 %. Les logements locatifs intermédiaires peuvent en revanche être intégrés dans la partie non sociale de 75 % du programme et être acquis par l’organisme HLM s’il le souhaite (sans que cela puisse impacter sa quote-part de capital qui dépend uniquement de l’acquisition de la partie sociale du programme).
Le texte est silencieux sur le calcul des 25 % de logements mais, là encore, cela ne doit pas freiner le recours à ces SCCV car les travaux parlementaires et l’objectif de mixité permettent d’aiguiller suffisamment l’interprétation qu’il convient d’en faire en privilégiant, d’une part, une approche au nombre de logements (25 % des logements réalisés et non des surfaces) et, d’autre part, un décompte par programme, par permis de construire, et non à l’échelle de l’ensemble des programmes portés par une même SCCV.

Droit de l’Union européenne et logement social – le SIEG

I/ La reconnaissance du logement social comme service social d’intérêt général au sens du droit européen
La directive « services » a pour objectif d’éliminer les obstacles à la liberté d’établissement des prestataires dans les États membres, à la libre circulation des services entre États membres et de garantir aux destinataires et aux prestataires la sécurité juridique nécessaire à l’exercice effectif de ces deux libertés fondamentales du traité.
Précisons que l’inclusion dans le périmètre de la directive « services » est sans incidence sur la capacité des opérateurs à percevoir, ou non, des subventions de la part des collectivités publiques : la directive « services » ne traite pas de la question du financement ni des subventions, et n’a pas non plus de conséquence sur la façon dont les collectivités publiques choisissent les opérateurs bénéficiant de ces financements publics. Le droit des aides d’État et celui de la commande publique sont des sujets distincts de la directive « services ».
Cette directive prévoit l’exclusion de certains services sociaux « dans les domaines du logement, de l’aide à l’enfance et de l’aide aux familles et aux personnes dans le besoin qui sont assurés par l’État au niveau national, régional ou local, par des prestataires mandatés par l’État ou par des associations caritatives reconnues comme telles par l’État avec pour objectif d’assister les personnes qui se trouvent de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin particulière en raison de l’insuffisance de leurs revenus familiaux, ou d’un manque total ou partiel d’indépendance et qui risquent d’être marginalisées. Ces services sont essentiels pour garantir le droit fondamental à la dignité et à l’intégrité humaines et sont une manifestation des principes de cohésion sociale et de solidarité et ne devraient pas être affectés par la présente directive ». Plus précisément, l’article 2 indique que la Directive ne s’applique pas aux activités de « services sociaux relatifs au logement social, à l’aide à l’enfance et à l’aide aux familles et aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin qui sont assurés par l’État, par des prestataires mandatés par l’État ou par des associations caritatives reconnues comme telles par l’État ». Cette exclusion repose donc sur deux conditions restrictives et cumulatives. L’une porte sur le champ du secteur social couvert : les « services sociaux relatifs au logement social, à l’aide à l’enfance et à l’aide aux familles et aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin ». L’autre porte sur la nature des opérateurs susceptibles de bénéficier de cette définition : l’exclusion vise les services « qui sont assurés par l’État, par des prestataires mandatés par l’État ou par des associations caritatives reconnues comme telles par l’État ».
Les organismes HLM sont officiellement en charge de l’exécution des services sociaux relatifs au logement social dès lors qu’ils sont mandatés par la loi, et par des conventions d’application qui prennent la forme de Convention d’Utilité Sociale (CUS) ou de convention APL.
On relèvera par ailleurs que l’article L. 365-1 du Code de la construction et de l’habitation pose une définition du service social relatif au logement social conduit en faveur des personnes défavorisées :
« Les prestations qui sont effectuées en faveur des personnes et des familles mentionnées au II de l’article L. 301-1, qu’elles soient locataires ou propriétaires occupants, par des organismes qui bénéficient à cette fin d’un financement, par voie de décision, de convention de subvention ou de marché, de collectivités publiques, d’établissements publics ou d’institutions sociales ne laissant à la charge du destinataire de ces prestations qu’un montant inférieur à 50 % de leur coût, constituent des services sociaux relatifs au logement social au sens de l’article 2 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur lorsqu’elles visent à exercer des activités :
  • de maîtrise d’ouvrage d’opérations d’acquisition, de construction ou de réhabilitation de logements ou de structures d’hébergement en tant que propriétaire ou preneur de bail à construction, emphytéotique ou de bail à réhabilitation ;
  • d’ingénierie sociale, financière et technique ;
  • d’intermédiation locative et de gestion locative sociale (…) ».
Le service social relatif au logement social est donc défini en trois grandes activités par ce texte : la maîtrise d’ouvrage, l’ingénierie sociale, financière et technique et l’intermédiation locative. De plus, cet article définit le mandatement au sens de la directive service : il est considéré que la décision, la convention de subvention ou l’existence d’un marché passé entre l’organisme et une collectivité publique pour mener une action d’insertion par le logement des personnes défavorisées constitue le mandat donné par les pouvoirs publics à un tiers. Ces trois modes de « mandatement » donnent en effet obligation de prester au sens européen. Les articles L. 365-2, L. 365-3 et L. 365-4 fixent par ailleurs un régime d’agrément des activités conduites par les organismes pour ces trois grandes catégories précitées.
II/ La reconnaissance du logement social comme service d’intérêt économique général
a) Rappels sur la notion d’aides d’État
Principe et enjeux des aides d’État. Le principe est posé par l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) en date du 13 décembre 2007 :
« 1. Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. »
Sauf dérogations prévues par le Traité et évoquées ci-après, les aides publiques aux entreprises sont donc, par principe, incompatibles avec le marché intérieur. Elles ne peuvent être mises en œuvre que si elles bénéficient d’une exemption délivrée par la Commission européenne sur la base d’un examen préalable de leur bilan économique.
Les enjeux de cette qualification pour les États et les collectivités territoriales, couvertes par la notion « d’État », sont très importants dans la mesure où le non-respect de cette procédure d’examen préalable conduit à considérer comme illégale toute aide versée sans examen préalable. L’aide doit alors être entièrement et immédiatement remboursée même si cette aide peut être déclarée a posteriori compatible avec le marché intérieur par la Commission.
Conditions de qualification des aides d’État. Quatre conditions cumulatives sont posées. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources de l’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence.
Si les conditions exposées précédemment sont susceptibles d’être remplies, les opérations en cause relèvent de la qualification d’aides d’État. Dans ce cas, ces aides doivent, en principe, être notifiées au préalable à la Commission, sous peine d’illégalité, ainsi qu’il a déjà été exposé ci-avant.
Dispenses. Cela n’exclut pas toutefois que certaines aides puissent bénéficier d’une dispense de notification et ne soient donc pas considérées comme illégales. Il s’agit notamment des aides dites « de minimis », ne dépassant pas un certain seuil. En vertu de l’article 108, § 4 du TFUE, la Commission européenne peut en effet être habilitée par le Conseil à adopter des règlements dispensant les États de lui communiquer préalablement des projets d’aide. Le règlement (UE) no 1407 / 2013 dispose alors que les aides accordées à une entreprise unique n’excédant pas 200 000 euros sur une période de trois exercices fiscaux sont considérées comme ne remplissant pas tous les critères de l’article 107, § 1 du TFUE et comme n’étant pas soumises, de ce fait, à l’obligation de notification. Si l’entreprise s’est vu confier la gestion d’un SIEG, le règlement (UE) no 360 / 2012 du 25 avril 2012 prévoit une dispense plus importante portée à 500 000 euros sur une période de trois exercices. Par ailleurs, lorsqu’une intervention étatique doit être considérée comme une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires chargées de la gestion de services d’intérêt économique général (SIEG) pour exécuter des obligations de service public, ces entreprises ne profitent pas, en réalité, d’un avantage financier et ladite intervention n’a donc pas pour effet de mettre ces entreprises dans une position concurrentielle plus favorable par rapport aux entreprises concurrentes. Dans un tel cas, l’intervention ne relève pas de l’article 107, § 1 du TFUE. Ces aides sont compatibles avec le marché intérieur et exemptées de l’obligation de notification prévue à l’article 108, § 3 du TFUE.
b) Le SIEG du logement social
Les États membres sont libres de définir ce qu’ils entendent par services d’intérêt économique général, de définir les obligations et les missions de ces services ainsi que leurs principes d’organisation.
Dans une décision en date du 20 décembre 2011, la Commission a toutefois clairement reconnu que « En conséquence, les entreprises assurant des services sociaux, y compris la fourniture de logement social aux personnes défavorisées ou aux groupes sociaux moins avantagés qui, pour des raisons de solvabilité, ne sont pas en mesure de trouver un logement aux conditions du marché, doivent aussi bénéficier de l’exemption de notification prévue dans la présente décision, même si le montant de la compensation qu’elles reçoivent dépasse le seuil de notification général fixé dans la présente décision ».
En application de cette décision, le service d’intérêt économique général se caractérise par un mandat donné à une entreprise (ou catégorie d’entreprises) déterminé pour des activités dont la nature doit être définie.
Application en France. En droit interne, deux missions sont expressément reconnues comme faisant partie intégrante d’un SIEG.
Tout d’abord, l’article L. 365-1 du Code de la construction et de l’habitation qui pose une définition du service social relatif au logement social conduit en faveur des personnes défavorisées et institue un système de mandatement (V. supra) et pour lequel il est précisé que « Ces activités sont définies par décret en Conseil d’État et financées en conformité avec la décision 2012/21/UE de la Commission, du 20 décembre 2011, relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ».
Ensuite, l’article L. 411-2 du Code de la construction et de l’habitation qui expose que « les organismes d’habitations à loyer modéré mentionnés aux alinéas précédents bénéficient, en conformité avec la décision 2012/21/UE de la Commission, du 20 décembre 2011, relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général, d’exonérations fiscales et d’aides spécifiques de l’État au titre du service d’intérêt général défini comme :
  • la construction, l’acquisition, l’amélioration, l’attribution, la gestion et la cession de logements locatifs à loyers plafonnés, lorsqu’elles sont destinées à des personnes dont les revenus sont inférieurs aux plafonds maximum fixés par l’autorité administrative pour l’attribution des logements locatifs conventionnés dans les conditions définies à l’article L. 831-1 et dont l’accès est soumis à des conditions de ressources. Font toutefois partie du service d’intérêt général, jusqu’au 1er janvier 2020, les opérations susmentionnées destinées à des personnes de revenu intermédiaire dont les ressources ne dépassent pas les plafonds fixés au titre IX du livre III, lorsque les logements correspondants représentent moins de 10 % des logements locatifs sociaux mentionnés à l’article L. 302-5 détenus par l’organisme ;
  • la réalisation d’opérations d’accession à la propriété destinées à des personnes dont les revenus sont inférieurs aux plafonds maximum, majorés de 11 %, fixés par l’autorité administrative pour l’attribution des logements locatifs conventionnés dans les conditions définies à l’article L. 831-1 et dont l’accès est soumis à des conditions de ressources. Font toutefois partie du service d’intérêt général, dans la limite de 25 % des logements vendus par l’organisme, les opérations destinées à des personnes de revenu intermédiaire dont les ressources dépassent les plafonds maximum susmentionnés sans excéder les plafonds fixés au titre IX du livre III, majorés de 11 %, lorsque l’ensemble des opérations sont assorties de garanties pour l’accédant dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État ;
  • la gestion ou l’acquisition en vue de leur revente, avec l’accord du maire de la commune d’implantation et du représentant de l’État dans le département, de logements situés dans des copropriétés connaissant des difficultés importantes de fonctionnement ou faisant l’objet d’un plan de sauvegarde en application de l’article L. 615-1 ou d’une opération programmée d’amélioration de l’habitat visée à l’article L. 303-1 ou situés dans le périmètre d’opérations de requalification de copropriétés dégradées prévues à l’article L. 741-1 ainsi que, pour une période maximale de dix ans à compter de la première cession, la gestion des copropriétés issues de la cession des logements locatifs mentionnés au neuvième alinéa du présent article tant que l’organisme vendeur y demeure propriétaire de logements. À défaut d’opposition de la part du représentant de l’État notifiée dans le délai de deux mois à compter de la date de la réception de la demande, son avis est réputé favorable ;
  • l’intervention comme opérateur, sans pouvoir être tiers-financeur, dans le cadre des procédures prévues à l’article 29-11 de la loi no 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis et de l’article L. 615-10 du présent code ;
  • les services accessoires aux opérations susmentionnées et les services que les organismes d’habitations à loyer modéré se rendent entre eux pour les besoins des opérations susmentionnées. »
Les éléments principaux de ce mandat, outre l’obtention de l’agrément qui leur permet d’intervenir dans le SIEG du logement social figurant explicitement à l’article L. 411-2 du Code de la construction et de l’habitation, relèvent (i) d’autres articles du Code de la construction et de l’habitation définissant en particulier les règles d’attribution des logements auxquels sont soumis les opérateurs sociaux, mais également (ii) des conventions d’application qui prennent la forme de Convention d’utilité sociale (CUS) applicable à l’ensemble du patrimoine de l’organisme HLM et définissant les axes prioritaires et stratégiques de développement du SIEG sur son territoire de compétence, ou de convention APL définissant les obligations de service public par opération.
Les organismes HLM tiennent une comptabilité interne permettant de distinguer le résultat des activités relevant du service d’intérêt général et celui des autres activités. Ils enregistrent les résultats de l’activité relevant de la gestion de services d’intérêt économique général sur un compte ne pouvant être utilisé qu’au financement de cette activité. Toutefois, les sociétés peuvent les utiliser à la distribution d’un dividende, dans la limite d’un montant fixé par les clauses types mentionnées à l’article L. 422-5.
Logement intermédiaire. En revanche, le logement intermédiaire est clairement exclu, depuis le 1er janvier 2020, du service d’intérêt général mentionné à l’article L. 411-2 du Code de la construction et de l’habitation pour les organismes HLM. Selon le Rapport n° 370 (2014-2015) de Catherine Deroche, Dominique Estrosi Sassone et François Pillet, fait au nom de la commission spéciale, déposé le 25 mars 2015, dans le cadre des travaux parlementaires ayant conduit à l’adoption de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques du 6 août 2015 : « l’inscription du logement intermédiaire dans le champ du SIEG est problématique du point de vue du droit européen, puisqu’il ne s’agit pas d’un service destiné à des groupes sociaux pouvant être considérés comme vulnérables. C’est la raison pour laquelle l’article 23 quater A du projet de loi modifie l’article L. 411-2 et retire le logement intermédiaire du champ du SIEG à compter du 1er janvier 2020 ».