Logement et vieillissement de la population

Logement et vieillissement de la population

Le vieillissement de la population française est une réalité démographique tissée d'intimes conséquences humaines et tendue d'âpres enjeux économiques et financiers.

Une réalité démographique

La tendance au vieillissement est observable en deçà comme au-delà de nos frontières.
– Le vieillissement, réalité nationale. – Pays à la jeunesse florissante en 1945, la France est aujourd'hui une nation vieillissante. Depuis 2015, on y compte plus de « seniors » (soixante ans et plus) que de « jeunes » (moins de vingt ans). Et ce n'est pas seulement leur nombre qui s'accroît, mais aussi leur âge. Il s'agit, pour certains, du phénomène démographique majeur de notre temps.

Une projection démographique préoccupante

Aujourd'hui au nombre de 15 millions en France, les personnes âgées de plus de soixante ans seront 24 millions en 2060, soit environ un tiers de la population française actuelle. Le nombre de personnes âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans devrait quadrupler d'ici 2050.
Projection des proportions générationnelles dans la population française de 2000 à 2040
Année Population au 1 er janvier (en millions) Proportion des 0-19 ans Proportion des 20-59 ans Proportion des 60-64 ans Proportion des 65-74 ans
200058,926 %54 %5 %9 %7 %
201564,524 %51 %6 %9 %9 %
202066,024 %50 %6 %11 %9 %
202567,324 %48 %6 %11 %11 %
203068,623 %48 %6 %11 %12 %
203569,723 %47 %6 %11 %14 %
204070,722 %47 %5 %11 %15 %
Le vieillissement, réalité mondiale. – Cette tendance au vieillissement des populations ne concerne pas que la France. Comme le constate l'Organisation mondiale de la santé (OMS), « partout dans le monde, les gens vivent plus longtemps ». Aussi, selon la même source, « tous les pays du monde connaissent une croissance à la fois du nombre et de la proportion de personnes âgées dans la population ».
On peut lire ici dans son intégralité une étude réalisée par l'OMS sur le thème « Vieillissement et santé » :
De même, dans une étude commune, Jean-Marin Serre (†), Benjamin Williams et Maxime Maury indiquent, sur le fondement d'une étude publiée en 2009 par le Bureau américain du recensement (US Census Bureau), que le nombre de seniors de plus de soixante-cinq ans devrait s'élever dans le monde à 1,3 milliard d'ici 2040, et qu'ainsi, dans moins de vingt ans, les plus de soixante-cinq ans seront – pour la première fois dans l'histoire de l'humanité – plus nombreux que les enfants de moins de cinq ans.

Une réalité humaine

– L'image de la personne âgée se transforme. – L'image traditionnelle du doux vieillard rendu sage par l'expérience est, de plus en plus, une image d'Épinal. On lui substitue la vision d'un être traversé d'inquiétudes : peur de manquer financièrement, peur de voir sa santé décliner ou d'être victime d'un accident, peur de la mort, peur d'être privé de ses capacités, peur d'être un poids, peur de la solitude, en considération de liens familiaux devenus plus lâches qu'à l'époque où lui-même observait ses aïeux.

Instant poésie

Michel Billé
Le vieillard et ses liens
Un homme avait vécu longtemps !
Il voyait s'ajouter les ans
Mais ne comptait plus les années…
À quoi bon toujours calculer
Le temps qui passe et qui vous lasse
Qui vous inquiète et vous angoisse ?
Notre homme avait, sa vie durant,
Travaillé dur, donné son temps,
Aimé sa femme et ses enfants,
Ses amis, ses proches, ses parents…
Il avait su tisser des liens
Nombreux, des liens qui font du bien.
Il s'était donc beaucoup lié,
Relié, allié, attaché,
Il avait noué tant de liens
Les avait cultivés si bien
Qu'il en avait vécu heureux
Du moins souvent, du moins un peu.
En vieillissant, la maladie
Avait bouleversé sa vie,
Alzheimer et la dépendance
Semblaient lui enlever toute chance
De vivre encore, de savourer
Ces liens qu'il avait tant aimés.
Ses enfants, bien intentionnés,
Avaient voulu le faire entrer
Dans un lieu de soins protégé
Où la vie est sécurisée
Où tous risques sont écartés
Pour vivre et mourir rassuré. (…)
– L'isolement s'accroît… – La taille des ménages a tendance à se réduire. Selon l'Insee, ils comportent en moyenne 2,2 personnes en 2013, contre 2,4 en 1999. Un tiers à peine est constitué de trois personnes ou plus, un tiers de deux personnes ; le dernier tiers ne comprend qu'une seule personne. Cette situation trouve en partie son origine dans l'accroissement du nombre des séparations et la raréfaction des familles nombreuses. Mais elle découle aussi du vieillissement de la population. En vieillissant, on perd son conjoint (réalité qui concerne majoritairement les femmes, du fait d'une espérance de vie plus longue), souvent le dernier compagnon d'une existence où les relations sociales se sont raréfiées.
– … contribuant au sentiment général d'anxiété. – Ces constats alimentent un sentiment général d'anxiété qui, succédant à la colère observée avant la pandémie, découle aussi, pêle-mêle, de la pauvreté, de l'inégalité sociale, du chômage, de l'inflation… toutes choses qui favorisent, entre autres, de nouvelles difficultés d'accession au logement.

Une réalité économique et financière

– Un problème de finances publiques, mais pas seulement. – « Le vieillissement est l'affaire de tous : il est bon qu'il le reste ». Telle est la conclusion d'un important rapport. Ce constat sous-entend que la mobilisation des finances publiques, certes nécessaire, ne saurait suffire à financer l'ensemble des besoins découlant du vieillissement. C'est donc aussi au sein des patrimoines privés qu'il conviendra de rechercher les ressources indispensables, notamment en termes de logement.
Le rapport du groupe no 1 sur la prise en charge de la dépendance est consultable ici :
– Le logement, privilège de l'âge ? – Il faut le constater, en France, la majorité du patrimoine immobilier appartient aux générations les plus âgées. Ainsi, une étude Insee (no 1899) publiée le 3 mai 2022 nous enseigne que 71 % des personnes âgées de plus de soixante-dix ans sont propriétaires de leur logement, et que 21 % d'entre elles possèdent une résidence secondaire. Entre soixante et soixante-neuf ans, ils sont 65,7 % à posséder leur résidence principale, et 23,2 % une résidence supplémentaire. Mais entre trente et trente-neuf ans, on ne rencontre que 47 % de propriétaires de leur logement. Agir en faveur du logement pourrait donc être un levier décisif susceptible d'épauler la collectivité publique dans la résolution complexe de l'équation financière du vieillissement.

Le financement par la collectivité

Il est nécessaire d'exposer brièvement le contexte global des financements publics à visée sociale (A), avant d'entrer dans le détail des aides publiques à l'adaptation des logements au vieillissement de la population (B).

Données larges du sujet

– Un avenir préoccupant. – Les dépenses sociales, en France, sont élevées (31 % contre 20 % en moyenne pour les pays membres de l'OCDE). Parmi elles, la part du financement des besoins des personnes âgées est importante, et appelée à s'accroître. On y trouve, bien sûr, les retraites par répartition et la Sécurité sociale. Mais il faut y ajouter les aides compensatrices de la dépendance, et plus particulièrement l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) à la charge des conseils généraux, les aides de l'État et des collectivités au travers de l'Anah, ou encore les aides spécifiques des collectivités locales (CCAS, etc.), déjà évoquées au titre de l'accessibilité du logement.

Les aides à l'adaptation du logement au vieillissement

Les aides publiques de nature financière (II) s'accompagnent d'une importante prise en compte juridique (I) des impératifs liés au vieillissement.
La prise en compte juridique du vieillissement
Le législateur entend que le vieillissement de la population soit pris en compte dès la création du logement ; il oriente donc en ce sens le droit de l'urbanisme (a). Au-delà, il anticipe l'adaptation de la société au vieillissement dans la loi du 29 décembre 2015 (b).
Le vieillissement en droit de l'urbanisme
C'est dès l'élaboration du rapport de présentation du schéma de cohérence territoriale (SCoT) que doit être pris en considération le vieillissement. À cet effet, l'article L. 141-3 du Code de l'urbanisme vise, parmi les axes essentiels de la transition écologique, une « offre d'habitat, de services et de mobilités adaptés aux nouveaux modes de vie », formulation qui ne saurait exclure les modes de vie résultant du vieillissement des habitants. Il revient ensuite au programme local de l'habitat (PLH) d'intégrer, au fur et à mesure de ses renouvellements, les problématiques de la perte d'autonomie et du handicap. Le PLH imprimant ses inflexions au plan local d'urbanisme (PLU), il est donc susceptible d'influencer directement les réflexions et les actions au niveau communal et intercommunal. Il faut ajouter que les commissions d'accessibilité, recensant les établissements et les logements accessibles aux personnes âgées et handicapées, doivent intégrer des associations ou organismes représentant les personnes âgées (CGCT, art. L. 2143-3) et que, dans le parc social, une priorité d'accès a été aménagée non plus seulement aux personnes handicapées, mais aussi aux personnes âgées.
Le vieillissement depuis la loi de 2015
– Une loi d'adaptation. – La loi portant adaptation de la société au vieillissement de la population (dite « loi ASV ») promulguée le 29 décembre 2015 a pour ambition de « changer le regard sur le vieillissement ». En ce qui concerne le logement, l'objectif est de favoriser autant que possible le maintien du cadre de vie des personnes âgées au sein de leur domicile, et d'éviter autant que faire se peut l'hébergement médicalisé. Il y va tant du moral de nos anciens, qui très majoritairement souhaitent demeurer à leur domicile, que de l'intérêt des finances publiques, cette option étant en définitive moins coûteuse pour la solidarité nationale que celle du financement de solutions alternatives d'hébergement. À cet effet, la loi ASV souhaite favoriser l'habitat collectif (i) et vient en aide au locataire pour l'adaptation de son logement (ii).
L'adaptation du logement collectif
– Renaissance des béguinages. – La loi ASV du 28 décembre 2015 pose le postulat que l'aide au maintien à domicile passe d'abord par une adaptation de l'habitat et, à cet égard, elle entend favoriser un nouveau type d'habitat collectif, vu comme une sorte de troisième voie entre le logement purement individuel et l'hébergement en établissement médicalisé. L'idée n'est pas nouvelle. Elle s'inspire de ce que le Moyen Âge flamand avait su inventer dès le XII e siècle : le béguinage, forme d'habitat regroupé, propre à conserver l'intimité de chacun mais permettant, par la mise en commun de certains services, de répondre aux besoins de personnes fragilisées (par l'âge, le veuvage, la pauvreté…) mais encore autonomes. En bref, un habitat communautaire à vocation sociale.
– Les logements-foyers sont morts, vive les résidences autonomie ! – Le texte de 2015 modifie la dénomination des logements-foyers de l'article L. 633-1 du Code de la construction et de l'habitation, pour les requalifier de « résidences autonomie » lorsqu'ils accueillent des personnes âgées. Ce changement de terminologie souligne un élargissement de leurs missions, axées désormais vers la prévention de la perte d'autonomie. Les résidences autonomie doivent assurer un socle minimal de prestations défini par décret. À ce titre, ces résidences sont désormais éligibles à bénéficier d'un forfait autonomie pour financer les actions de prévention, conditionné à la conclusion d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM) .
– Une nouvelle donne pour les résidences services. – Dans le même élan, la loi ASV revoit l'organisation juridique et économique des copropriétés avec services (« résidences services »), réécrivant les articles 41-1 et suivants de la loi no 65-557 du 10 juillet 1965. Cette intervention provient du constat d'une difficulté marquée, dans la pratique, de procéder à la revente des logements détenus au sein de telles résidences, en raison des charges incompressibles qui les accompagnent, et ce même si le logement n'est pas occupé et si son prix est largement pondéré par rapport aux tendances générales du marché local. Pour cette raison, la loi ASV impose la différenciation entre les services individualisables et ceux qui ne le sont pas, qui seuls constituent des charges de copropriété. Le tout est désormais écrit et codifié aux nouveaux articles L. 631-13 et suivants du Code de la construction et de l'habitation.
L'adaptation du logement locatif
– Un coup de pouce en faveur de la personne âgée locataire. – Nous avons déjà évoqué l'adaptation du logement aux personnes en situation de handicap ou de perte d'autonomie. Lorsque de tels travaux d'accessibilité sont envisagés par un locataire âgé, à ces frais exclusifs, la loi ASV substitue à l'accord préalable du bailleur une simple information, ouvrant droit à opposition. Seule est requise une demande écrite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le locataire doit y indiquer précisément les transformations envisagées et les conditions dans lesquelles les travaux seront réalisés. Il doit identifier les entreprises chargées de les exécuter. Il doit, enfin, rappeler expressément au bailleur qu'à défaut de réponse dans le délai de deux mois, il sera réputé avoir donné son accord tacite et définitif aux travaux. De la sorte, au départ du locataire, le bailleur ne pourra pas exiger la remise des lieux en l'état antérieur. La liste limitative des travaux admis à ce régime particulier a été fixée par décret en Conseil d'État. Ce dispositif est applicable quelle que soit la date du bail (même conclu antérieurement aux lois ASV ou Elan), et qu'il s'agisse de location nue ou meublée.

Mentions obligatoires de la lettre recommandée du locataire désireux de réaliser dans son logement des travaux d'adaptation à la perte d'autonomie

La demande de travaux doit comporter la reproduction intégrale de l'article 7, f) de la loi du 6 juillet 1989.
À reproduire dans le courrier au bailleur :
Loi du 6 juillet 1989 : art. 7, f
« Le locataire est tenu (…) de ne pas transformer les locaux et équipements loués sans l'accord écrit du propriétaire ; à défaut de cet accord, ce dernier peut exiger du locataire, à son départ des lieux, leur remise en l'état ou conserver à son bénéfice les transformations effectuées sans que le locataire puisse réclamer une indemnisation des frais engagés ; le bailleur a toutefois la faculté d'exiger aux frais du locataire la remise immédiate des lieux en l'état lorsque les transformations mettent en péril le bon fonctionnement des équipements ou la sécurité du local. Toutefois, des travaux d'adaptation du logement aux personnes en situation de handicap ou de perte d'autonomie peuvent être réalisés aux frais du locataire. Ces travaux font l'objet d'une demande écrite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception auprès du bailleur. L'absence de réponse dans un délai de deux mois à compter de la date de réception de la demande vaut décision d'acceptation du bailleur. Au départ du locataire, le bailleur ne peut pas exiger la remise des lieux en l'état. La liste des travaux ainsi que les modalités de mise en œuvre sont fixées par décret en Conseil d'État ».
La possibilité d'adapter le logement constitue sans doute « la première clé du maintien à domicile ». Mais elle ne serait rien si elle n'était accompagnée d'un volet financier.
La prise en charge financière du vieillissement
Deux leviers principaux peuvent être cités : l'allocation personnalisée autonomie (APA) (a) et le soutien de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) (b). Il faut également rappeler l'existence du crédit d'impôt prévu à l'article 200 quater A du Code général des impôts (c).
L'APA
– Mieux définir la perte d'autonomie et les besoins liés à l'âge. – La loi ASV promeut une revalorisation de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), censée fournir une aide aux différentes dépenses liées au vieillissement, dont celle de l'adaptation du logement. Tout d'abord, elle rend obligatoire dans tous les départements (ce qui auparavant n'était pas le cas, bien que souvent observé) une évaluation multidimensionnelle des besoins de la personne âgée. Ainsi, une équipe pluridisciplinaire proposera un « plan d'aide » recensant tous les moyens convergeant vers un soutien à domicile, y compris ceux dont le département n'est pas le financeur, tels qu'une orientation vers l'Anah pour une adaptation du logement. Dans le même ordre d'idées, la loi de décembre 2015 unifie la méthode d'appréciation du niveau de dépendance (qui jadis différait, et parfois divergeait entre les départements et les organismes de sécurité sociale). Cette évaluation est désormais la même pour l'attribution de l'APA que pour les aides des caisses de retraite.
– Mieux calculer la contribution du bénéficiaire. – Ensuite, la loi ASV réforme le traitement du plafond du plan d'aide et la participation du bénéficiaire. Ce plafond est revalorisé annuellement par de complexes calculs liés non plus à l'inflation, mais à l'évolution de la majoration pour aide d'une tierce personne ([MTP] complément versé avec l'APA quand existe un besoin d'aide constante). Quant à la participation du bénéficiaire au financement de sa dépendance, l'objectif est d'en réduire le taux au fur et à mesure que la dépendance augmente et, là encore, la formule mathématique du décret no 2016-210 du 26 février 2016 est d'une complexité peu amène.
– Adapter le versement de l'APA. – Le principe est le versement mensuel au bénéficiaire, éventuellement sous la forme de chèque emploi-service universel (Cesu). Mais par exception, le département pourra verser la partie de l'APA destinée à rémunérer un service d'accompagnement et d'aide à domicile (Saad) directement au service choisi par le bénéficiaire. Sur ce point, précisons que :
  • le département n'est plus tenu d'obtenir l'accord préalable du bénéficiaire pour procéder à ce versement direct auprès du service ;
  • le bénéficiaire étant quant à lui libre de changer de Saad.
– Critique du financement de la réforme de l'APA. – Sans entrer ici dans le détail, la solution retenue a été d'affecter une partie du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa) au financement de l'APA, ce qui a déclenché des critiques quant aux impacts financiers de cette réforme sur l'équilibre budgétaire des départements, ceux-ci rencontrant qui plus est des difficultés pour acquérir une connaissance fine des nouvelles charges induites par la revalorisation annuelle des plafonds et les modifications des calculs des participations individuelles. Or, selon une étude de la Drees de 2011, le nombre de personnes bénéficiaires de l'APA, qui est de 1,2 million en 2012, atteindra 1,5 million en 2025 et 2 millions en 2040. De l'avis d'une part non négligeable de la doctrine, la réforme de l'APA reste fragmentaire, incomplète, voire creuse ou théorique.
L'Anah
– Financer des opérations à portée collective. – Dans l'intérêt des personnes âgées, l'Anah peut soutenir une opération programmée d'amélioration de l'habitat (Opah) ou un programme d'intérêt général (PIG).

Les opérations programmées d'amélioration de l'habitat (Opah)

Instituées en 1977, elles ont pour finalité de permettre la réhabilitation du parc immobilier bâti, le développement d'une offre équilibrée et diversifiée de logements locatifs, le développement de services de voisinage, le respect des équilibres sociaux, le respect des objectifs du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD) et, s'il existe, du programme local de l'habitat (PLH).
Elles se déclinent sous quatre formes distinctes.
  • L'Opah de droit communElle concerne des quartiers en zone rurale, urbaine ou périurbaine, présentant un habitat dégradé, un manque de logements locatifs et une insuffisance d'équipements publics et de commerces. En tant qu'opération d'ensemble, elle doit comporter un volet urbain, un volet immobilier, un volet éradication de l'habitat indigne, un volet social et économique. Son objectif est de revaloriser ces quartiers par une dynamique de réhabilitation des immeubles et de production de logements et de services répondant aux besoins des habitants, tout en préservant la mixité sociale.
  • L'Opah de renouvellement urbain (Opah-RU)Ce type d'opération concerne tout particulièrement des territoires urbains (quartier, îlot) confrontés à de graves dysfonctionnements (insalubrité de l'habitat, friches urbaines, vacance et vétusté des immeubles, concentration de population en difficulté). En complément des actions de réhabilitation de l'habitat, l'Opah-RU met en place des dispositifs coercitifs relevant du droit public (traitement de l'insalubrité, démolitions, actions foncières sous déclaration d'utilité publique ou non) permettant de mettre en œuvre un projet social et urbain et d'assurer des conditions de vie et d'habitat décentes à la population résidente.
  • L'Opah de revitalisation rurale (Opah-RR)Ce type d'opération permet de traiter spécifiquement, dans un cadre intercommunal, les territoires ruraux confrontés à des conditions d'habitat inadaptées aux besoins, à une décroissance démographique, au vieillissement de la population, voire à la désertification et la paupérisation. Sont concernées les communes rurales s'organisant autour d'un centre-bourg ou d'une petite ville ne dépassant pas 10 000 habitants (hors région Île-de-France, zones urbaines et zones littorales ou touristiques).Elle intègre des actions visant à revitaliser le territoire intercommunal concerné (réhabilitation des immeubles dégradés, aménagement des espaces publics ruraux, soutien du commerce, mise en valeur du patrimoine local…).
  • L'Opah « copropriété »Ce type d'opération vise les copropriétés dont la situation est fragile ou qui sont au début d'un processus de dévalorisation. Elle constitue un outil incitatif (préventif ou curatif) permettant de traiter les copropriétés dont l'ampleur des difficultés nécessite l'appui de la puissance publique pour réaliser les travaux indispensables à la conservation des bâtiments. Sa mise en œuvre s'appuie sur un accompagnement du syndicat de copropriétaires pour redresser la gestion de la copropriété.

Les projets d'intérêt général (PIG)

Outil alternatif aux Opah, le PIG est régi par l'article R. 327-1 du Code de la construction et de l'habitation. Il a vocation à résoudre des problèmes particuliers de l'habitat existant, tant dans le champ social que technique, sur des territoires étendus (agglomération, bassin d'habitat, canton, voire département) ne présentant pas de dysfonctionnements suffisants pour justifier la mise en place d'une Opah.
Dans le champ social, il permet de traiter du logement des personnes âgées ou handicapées, du logement des étudiants ou des travailleurs saisonniers, du logement des personnes défavorisées ou de lutter contre l'insalubrité en secteur diffus.
Dans le champ technique, il permet notamment de traiter les problématiques liées à l'amélioration des performances thermiques des logements.
– Mise en place. – Dans les deux cas (Opah comme PIG), le soutien de l'Anah implique la ratification d'une convention de programme, conclue entre l'État, l'Anah, la ou les collectivités territoriales concernées et, dans certains cas, d'autres acteurs locaux. Cette convention fixe le périmètre de l'opération, décline le programme d'actions à mettre en œuvre et précise les engagements réciproques, notamment financiers, des partenaires signataires. Divers plafonds de dépenses subventionnables sont ensuite prévus, en fonction des différentes typologies d'opérations, tels qu'ils ont été fixés par la délibération no 2013-11 du conseil d'administration de l'Anah du 13 mars 2013. Les bénéficiaires des subventions d'ingénierie prévues pour ces opérations ne seront pas les particuliers, mais les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), les bureaux d'études privés spécialisés dans la mise en œuvre des politiques locales de l'habitat, les sociétés d'économie mixte (SEM), les opérateurs de type associatif ou les syndicats de copropriétaires.
Le crédit d'impôt
– Rappel. – Pour achever ce rapide panorama, rappelons l'existence du crédit d'impôt prévu à l'article 200 quater A du Code général des impôts. Nous renvoyons sur ce point aux développements qui précèdent (V. supra, nos et s.).

Le financement personnel

– Une idée fausse : les seniors ne dépensent pas. – Bien que ce postulat ait servi de prétexte à de nombreuses politiques publiques, notamment fiscales, les populations du troisième et du quatrième âge assument de nombreuses dépenses qui peuvent, d'ailleurs, augmenter avec l'âge. Ainsi le « jeune senior », fraîchement retraité et encore pleinement valide, profite de son temps libre et dépense volontiers pour bien vieillir. Puis, avec l'avancée en âge, on voit s'accroître les dépenses liées à la dépendance ou à son anticipation. Elles concernent majoritairement le logement, qu'il soit collectif ou individuel.

Le logement de la personne âgée est souvent le premier poste de dépenses de son budget

1. Qu'il s'agisse de la coûteuse entrée dans une maison de retraite (le coût moyen pour un résident en Ehpad s'établissant entre 2 000 et 2 500 € mensuels, selon de fortes disparités régionales, voire plus de 3 000 € en région parisienne, et pouvant aller plus loin en fonction de la nature des prestations requises ou souhaitées), ou du coût d'un maintien en domicile (en moyenne 2 200 €), schéma nettement plébiscité depuis toujours dans les souhaits des Français, mais plus encore depuis les épisodes sanitaires de confinement et d'isolement total subis courant 2020 et 2021 au sein des établissements d'hébergement.
2. Dans les deux cas, de tels budgets sont à comparer avec le montant moyen des retraites en France, de l'ordre de 1 509 € mensuels selon une étude publiée par la Drees. Selon un rapport au Sénat déjà évoqué, une personne sur cinq seulement était, en 2008, en mesure de financer avec ses propres revenus son hébergement en maison de retraite.
3. Vaut-il mieux, dès lors, rester chez soi ? Cela implique de pouvoir le faire : en termes de santé, certes, mais aussi en termes de budget. Selon l'étude de la Drees déjà citée, le coût annuel des adaptations nécessaires d'un logement est d'environ 4 280 € (création d'une chambre au rez-de-chaussée, installation d'équipements de sécurité, mise aux normes). Il ne s'agit ici que des seuls travaux spécifiques d'adaptation. Il faut y ajouter les travaux ordinaires de rénovation de l'habitat (peintures, isolation, circuits, équipements…) qui, par hypothèse, reviendront périodiquement.
4. S'y ajoutent encore les travaux nécessaires à la transition environnementale du logement, qu'ils soient imposés par les textes (diagnostic de performance énergétique « nouvelle formule » instauré par la loi Climat et Résilience pour les logements que le retraité donnerait à bail d'habitation) ou par les faits (évolution climatique, accroissement des prix de l'énergie, etc.).
5. Enfin, il est bien légitime de vouloir rendre plus confortable un logement dans lequel on passe désormais de plus en plus de son temps. Aussi pourra-t-on vouloir améliorer un habitat en y aménageant une terrasse, une véranda, un jardin d'hiver, etc.
– Pas d'État-providence pour la dépendance. – Au-delà des ressources fournies par les pouvoirs publics pour la couverture des frais liés à la dépendance, ce sont les ménages eux-mêmes qui s'acquittent de ces dépenses. Selon le rapport au Sénat déjà cité, en 2008, les personnes âgées ou leurs proches acquittaient « au moins sept milliards d'euros par an en complément des ressources fournies par la solidarité nationale ». Leur couverture est assurée d'abord au moyen des pensions et revenus perçus par les retraités, mais aussi en puisant dans des placements financiers constitués au cours de la vie active ou des réserves assurantielles (rentes issues de contrats d'assurance-vie ou de contrats d'assurance dépendance, par exemple). Peuvent aussi y contribuer les fruits d'un investissement locatif, pourvu qu'il ait été attentivement sélectionné et soigneusement entretenu.
– Le logement n'est pas un actif dormant. – À cet effet, un programme d'investissements doit être mis en place pour la gestion d'un bien ou d'un parc immobilier, avec plans de financement à l'appui, à la manière même d'une entreprise. Anticiper ces sujets, les provisionner, tenir compte de l'accélération des normes publiques et de l'augmentation des coûts de travaux (main-d'œuvre ou pièces et matériaux) demande une réelle projection « entrepreneuriale », si l'on ne veut pas être disqualifié et se retrouver « hors marché ». Tout propriétaire devrait s'en convaincre ; l'administration fiscale, quant à elle, devrait en tirer les conséquences.
– L'investisseur immobilier n'est pas un rentier. – Dès lors, le propriétaire bailleur ne devrait plus être stigmatisé comme situé en dehors de « l'économie réelle ». Il mobilise, à nos yeux, autant de réflexion, de décisions, de choix, d'efforts d'investissement et, dans une certaine mesure, de prise de risque qu'un entrepreneur ou le titulaire d'un portefeuille de valeurs mobilières. Les défis posés par la révolution démographique sans précédent que nous vivons, consécutive aux effets conjugués de l'augmentation de l'espérance de vie et de la chute de la natalité, sont vertigineux. Ils ne pourront être relevés par la seule solidarité nationale ; bien au contraire, il y a là « une dynamique qui nous concerne tous et toutes : jeunes et âgés d'aujourd'hui, jeunes et âgés de demain ».