– Se prémunir contre la surlongévité des crédirentiers. – Le principal risque assumé par tout acquéreur en viager est celui d'une surlongévité du vendeur. Un simple calcul de probabilité permet cependant de se rendre compte que l'incidence du risque diminue quand le nombre des biens acquis en viager augmente. Ainsi, celui qui a acquis dix biens moyennant rentes viagères est statistiquement moins exposé au risque d'une surlongévité des vendeurs que celui qui n'en a acheté qu'un seul. Et celui qui peut en acquérir cent se trouve dans une situation moins risquée encore : il y a peu de chances que 100 % des vendeurs dépassent l'espérance de vie qui leur est ordinairement attribuée. C'est ce que l'on qualifie de mutualisation (c'est-à-dire réduction par division) du risque. Ce raisonnement comporte un sous-entendu, rassurant pour le crédirentier ; il laisse entendre que le débirentier qui mutualise paiera toujours bien, puisqu'il est clair que les gains retirés de certains contrats viendront compenser les pertes constatées sur d'autres, préservant ainsi sa trésorerie et sa bonne santé financière.
Le viager mutualisé
Le viager mutualisé
– La mutualisation : une condition insuffisante. – Cette démonstration a pu laisser croire à des candidats crédirentiers qu'ils ne courraient aucun risque en présence d'un acquéreur titulaire d'un portefeuille de viagers fortement doté. Il n'en est rien. D'abord parce qu'une probabilité, si finement calculée soit-elle, n'équivaut jamais à une certitude. Mais surtout parce qu'il n'existe aucun mécanisme contractuel propre à obliger valablement l'acquéreur, débirentier, à employer les gains qu'il réalise au paiement des rentes dont il reste débiteur à l'égard d'autres crédirentiers, ce qui d'ailleurs viderait le contrat de tout intérêt pour l'acquéreur. Ce qui, en revanche, est bien certain, c'est que l'activité ainsi déployée par l'acquéreur, qu'il s'agisse d'une personne physique ou morale, l'expose comme tout commerçant à faire l'objet d'une procédure collective, dont on connaît les effets dévastateurs sur le malheureux crédirentier.
– L'intervention publique ou institutionnelle. – Pour être admissible, le viager mutualisé doit donc être pratiqué par des investisseurs insusceptibles de faire l'objet d'une procédure collective, ce que seule peut apporter l'intervention publique ou celle d'institutions financières notoirement solvables. D'ailleurs, Dominique Libault, dans son rapport déjà cité, appelle à une telle intervention pour encourager et encadrer le développement des solutions de viager mutualisé. Précisément, la Banque des Territoires s'était déjà emparée du problème du financement du grand âge en lançant deux solutions de viager mutualisé. Dès lors qu'un tel partenaire intervient dans l'opération, elle est parfaitement sécurisée.
La solution Certivia
La récente attractivité du logement. Après l'avoir délaissé depuis les années 1990, les investisseurs institutionnels s'intéressent à nouveau au logement avec, pour objectif, de promouvoir des investissements socialement responsables. Le besoin de logements est tel que la demande locative reste soutenue. Le taux d'occupation financier (TOF) de l'habitation, souvent supérieur à 97 %, la faiblesse des taux d'impayés, estimés à moins de 5 %, les perspectives de plus-values à la revente et la faible volatilité de cette classe d'actifs font du logement un investissement attractif. Les fonds résidentiels se sont ainsi développés, en France et en Europe, et notamment des fonds viagers tels le fonds Certivia 1, créé à l'initiative de la Caisse des dépôts et consignations. Lancé en 2014, le fonds Certivia 1 a permis l'acquisition d'environ 450 logements en viager entre 2015 et 2019. Fort de ce succès, le fonds Certivia 2 a été lancé en 2020, qui a pour objectif d'acquérir environ 600 logements supplémentaires.
Le champ d'application. Les fonds Certivia 1 et 2 s'adressent aux vendeurs de soixante-huit ans et plus, propriétaires de leur résidence principale située en Île-de-France, dans la région Paca ou dans les principales agglomérations régionales.
Avantages pour le vendeur. Le vendeur est sécurisé. L'acquéreur, débirentier, est le fonds Certivia, composé d'investisseurs institutionnels présentant une forte solidité financière qui lui garantit le paiement de la rente. En outre, le vendeur est accompagné par des conseillers pendant toute la durée du viager.
La solution Lab-ViagéVie
Un outil de viager social. En 2018, en partenariat avec la Ville de Marseille, la Métropole Aix-Marseille-Provence, l'établissement public foncier de la région Paca (EPF Paca) et deux coopératives HLM, la Banque des Territoires a lancé, à titre expérimental, le dispositif Lab-ViagéVie, déployé en 2021. Cet outil est un viager social à vocation intergénérationnelle dont l'objectif est de permettre le maintien à domicile des personnes de plus de soixante-quinze ans aux revenus modestes, et ce dans de bonnes conditions. En effet, le vendeur bénéficie d'un accompagnement humain puisqu'il est épaulé, dans son quotidien, par son « accompagnant postier ». Au décès du vendeur, le logement est mis en vente au profit de jeunes ménages solvables mais qui ne peuvent pas bénéficier de financements classiques.
« Ce dispositif partenarial innovant permet le renouvellement intergénérationnel, dans la durée, en intégrant la mixité sociale et en prenant en compte la précarisation des seniors et des jeunes ménages actifs. Il répond aux enjeux des politiques publiques en matière de maintien à domicile des personnes âgées dans de bonnes conditions et de rénovation urbaine de logements anciens en centre-ville ».
– Partenariats communes/SCIC. – De récents partenariats ont aussi été formés entre certaines communes importantes comme Paris, mais également de plus petites communes (notamment Saint-Julien-en-Genevois en Haute-Savoie), et une structure spécialisée, la société coopérative d'intérêt collectif (SCIC). Ainsi, la SCIC Les Trois colonnes, créée en 2013 et établie en région Auvergne-Rhône-Alpes, acquiert des biens immobiliers en viager, en partie grâce au crowdfunding, en faisant le lien entre propriétaires, collectivités territoriales et bailleurs sociaux, qu'elle réinjecte dans le circuit de l'économie solidaire sous forme de location ou de revente.