Le droit de surplomb par l'extérieur

Le droit de surplomb par l'extérieur

Les passoires thermiques en chiffres

  • Le logement est le premier poste de dépense dans le budget des ménages.
  • Selon l'Insee, au 1er janvier 2021, la France compte 37,2 millions de logements.
  • Parmi ces logements, près de un sur six, soit environ 17 %, peut être qualifié de « passoire thermique », ce qui correspond aux étiquettes F et G du DPE.
  • Si l'on intègre à cette estimation les logements étiquetés E, le taux des logements énergivores s'envole à 39 % en province, et à 50 % (!) à Paris, selon les analyses de l'Atelier parisien d'urbanisme (Apur), précision faite que l'étude de l'Apur ne porte que sur les résidences principales.
  • À l'heure du bilan, on estime que le logement est responsable de 27 % des émissions de gaz à effet de serre.
– Logement vacant = logement énergivore. – Les Notaires du Grand Paris, dans leurs « 30 propositions pour un habitat accessible et de qualité », ont mis en évidence l'existence d'un lien entre la vacance d'un logement et sa mauvaise performance énergétique. On peut y lire : « encourager la rénovation des bâtiments anciens pourrait (…) permettre de répondre à une partie de la demande qui s'exprime sur le marché résidentiel ». Encore faut-il que la rénovation soit techniquement et juridiquement réalisable, ces deux conditions étant liées l'une à l'autre.
– Conditions techniques et juridiques de la rénovation énergétique. – Sans nous livrer ici à des développements techniques qui n'y ont pas leur place, il est prouvé que :
  • rénover efficacement une maison individuelle construite avant 1974 suppose de pouvoir en isoler thermiquement les façades ;
  • parmi les différents procédés disponibles pour ce faire, c'est l'isolation thermique par l'extérieur qui s'avère la plus performante.

Différentes techniques d'isolation d'une maison individuelle

Avantages d'une isolation thermique par l'extérieur (ITE)

Pourquoi privilégier l'isolation par l'extérieur ?
  • Un gain de place. L'isolation par l'extérieur permet de ne pas perdre de surface habitable puisque l'intérieur demeure intact. Dans des logements exigus, notamment à Paris, cela est souhaitable.
  • Pas de relogement. Le propriétaire peut demeurer dans les lieux pendant les travaux.
  • Une réduction notable de la consommation d'énergie. Une réduction de la consommation de chauffage de 15 à 25 % est constatée dans les logements ayant bénéficié de ce type de travaux.
  • Éviter les ruptures d'isolation. Le procédé permet de pallier les ponts thermiques liés à d'éventuelles ruptures d'isolation, soit, pour le profane, les points de la construction par lesquels se produisent les plus fortes déperditions.
  • Enfin (ce point sera traité ultérieurement), le choix d'une isolation thermique par l'extérieur rend le propriétaire éligible à des aides publiques.
– Inconvénients de l'isolation thermique par l'extérieur (ITE). – Les inconvénients de la technique sont d'ordre financier et juridique. En termes financiers, l'isolation thermique par l'extérieur est plus coûteuse pour le propriétaire, même si celui-ci semble pouvoir s'y retrouver sur la durée grâce aux économies engendrées. Mais surtout, techniquement, l'isolation extérieure impose d'accroître le volume du bâtiment d'une quinzaine de centimètres, ce qui, juridiquement, soulève des difficultés lorsque l'ouvrage est édifié en limite séparative du fonds voisin. En effet, isoler par l'extérieur suppose d'installer une couche de matériau isolant, puis de la recouvrir avec un parement de façade. Le propriétaire de ce fonds perd la jouissance de la partie supportant l'ouvrage d'isolation, et peut de ce fait s'opposer à la mise en œuvre du projet. Or, on connaît la rigueur de la jurisprudence en la matière : quelle que soit l'importance de l'empiètement, la démolition est inéluctable. Dès lors, seule une intervention législative pouvait régler cette question, comme le souhaitait, en 2018, le 114e Congrès des notaires de France.
– Naissance d'un nouveau droit. – C'est chose faite depuis 2021 avec la loi « Climat et Résilience » qui donne à tout propriétaire désirant isoler son bâtiment par l'extérieur un « droit de surplomb du fonds voisin de 35 cm au plus » et le droit, accessoire, d'y accéder et d'y installer les équipements nécessaires aux travaux correspondant, le tout moyennant une indemnité préalable due au propriétaire du fonds surplombé. Les modalités de mise en œuvre de ce droit peuvent être constatées par acte authentique ou par décision de justice.

Le droit de surplomb par l'extérieur pour rénovation énergétique : chronique d'une loi annoncée

  • Prémices : dès 2013, la Compagnie des architectes de copropriété appelle à l'institution d'une servitude propre à permettre à un bâtiment d'être isolé par l'extérieur en portant emprise sur le fonds voisin.
  • Première étape : 2015. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (TEPCV) instaure une obligation de réaliser, lors de travaux de ravalement, une isolation thermique. Le cas, pourtant fréquent, où ces travaux créent un empiètement sur le fonds voisin n'est pas alors traité.
  • Seconde étape : 2018. Le 114e Congrès des notaires propose « la création, dans le Code civil, d'une servitude légale d'isolation permettant au propriétaire d'un bâtiment édifié en limite de propriété, n'ayant pas atteint la norme BBC, de procéder à des travaux d'isolation par l'extérieur avec emprise au sol ou aérienne sur le fonds voisin ».
La même année, lors de la discussion de la loi Elan, et afin de l'inscrire dans la suite de la loi de 2015, Mme Lienemann, ancienne ministre du Logement, propose d'insérer au chapitre 2 du livre 2 du Code civil une section 6 intitulée « Du droit de surplomb pour isolation thermique par l'extérieur ». À elle seule, cette codification aurait permis d'assimiler ce droit particulier à une servitude légale permettant d'empiéter sur le fonds voisin afin de réaliser les opérations d'isolation par l'extérieur. Il eût été envisageable d'en justifier l'existence par l'utilité publique que présentait déjà la lutte contre le réchauffement climatique. Cet amendement fut néanmoins rejeté au profit du mécanisme mis au point, en 2021, par la loi Climat et Résilience.
Le respect des attributs du droit de propriété en sort certainement renforcé, mais au prix d'une non moins certaine complexité.
– Nature juridique de ce nouveau droit de surplomb. – La nature exacte de ce nouveau droit fait débat. On comprend, à l'examen des travaux préparatoires, que le législateur a tout fait pour éviter de porter une atteinte excessive au droit de propriété. En particulier, il n'a pas retenu les propositions qui tendaient à ériger ce droit de surplomb en une véritable servitude légale, à l'instar de celle qui existe au profit d'un fonds enclavé. Certains auteurs, des plus autorisés, considèrent qu'il ne peut s'agir d'une servitude, l'exercice de ce droit emportant transfert de propriété au profit de son bénéficiaire. Mais d'autres, à l'instar des Notaires du Grand Paris dans leurs « 30 propositions » déjà citées, revendiquent cette qualification, tandis que d'autres encore y voient une variété de droit réel de jouissance spéciale. Nous envisagerons successivement les principes qui gouvernent ce droit de surplomb pour isolation thermique par l'extérieur (ITE) (Sous-section I), puis les conditions et les actes nécessaires à sa mise en œuvre (Sous-section II).

Principes directeurs du droit de surplomb pour ITE

Le droit principal et ses limites

– Droit principal : le surplomb. – On parle de surplomb lorsqu'un ouvrage édifié sur un fonds fait saillie sur le fonds voisin à une altitude donnée (au-delà, donc, de la limite divisoire). Le surplomb se distingue de l'empiètement en ce qu'il ne s'exerce pas au niveau du sol, mais au-dessus de celui-ci. Cependant, le droit de propriété sur un fonds devant être conçu comme la propriété d'un volume (et non du simple sol), il est aisé de comprendre que le surplomb n'est en réalité qu'une variété d'empiètement, un empiètement en altimétrie. Il constitue ainsi, en son principe même, une atteinte au droit de propriété, lequel est constitutionnellement protégé. Cette constatation ne pouvait qu'orienter la démarche du législateur, car toute atteinte excessive au droit de propriété eût été passible d'inconstitutionnalité, le Conseil constitutionnel pouvant en être saisi dès le vote de la loi, mais aussi beaucoup plus tard, par le biais d'une question prioritaire de constitutionnalité. C'est en raison de cette protection de niveau constitutionnel que le législateur a entouré sa création, puis sa mise en œuvre, de multiples précautions qui constituent autant de limites à l'exercice du droit de surplomb.
– Un droit limité dans l'espace. – La première de ces précautions a consisté à exclure la création d'un véritable « droit à l'empiètement ». Soucieux de mesurer l'atteinte portée aux prérogatives du propriétaire voisin, le droit de surplomb pour isolation par l'extérieur ne permet de réaliser celle-ci qu'en surplomb, et précisément « à deux mètres au moins au-dessus du pied du mur, du pied de l'héberge ou du sol, sauf accord des propriétaires des deux fonds sur une hauteur inférieure ».
– Un droit limité dans le temps. – Le droit de surplomb n'est pas accordé de manière permanente. Lorsque le propriétaire voisin projette la réalisation de travaux autorisés par l'administration en limite séparative ou en usant de ses droits mitoyens, c'est au propriétaire de l'ouvrage surplombant d'assurer, à ses frais, la dépose de l'ouvrage d'isolation. On ne peut dès lors qu'engager à la prudence celui qui projette de réaliser des travaux d'isolation par l'extérieur, dans le cas où ceux-ci empiètent sur le terrain voisin. Ils pourraient n'être qu'éphémères malgré le coût engendré.

Les droits accessoires

– Le strict nécessaire. – Comme c'est le cas en matière de servitudes, le droit de surplomb emporte le droit, accessoire, de faire ce qui est nécessaire pour en user et le conserver. Aussi le droit de surplomb confère-t-il à son titulaire, d'une part, le droit d'accéder temporairement à l'immeuble voisin et, d'autre part, celui d'y mettre en place les installations provisoires strictement nécessaires à la réalisation des travaux : échafaudages, protection pour la réception des chutes de matériaux, etc.

Les conditions

La loi impose à qui veut se prévaloir du droit de surplomb, d'une part, de justifier le choix d'une isolation par l'extérieur (§ I) et, d'autre part, de respecter les prérogatives du propriétaire du fonds voisin (§ II).

La justification des travaux d'isolation, condition d'existence du droit de surplomb pour ITE

– La justification des travaux. – Pour se prévaloir du droit de surplomb, le propriétaire qui souhaite isoler son bâtiment doit justifier le choix d'une isolation par l'extérieur en démontrant qu'aucune autre solution technique ne permet d'atteindre un niveau d'efficacité énergétique équivalent, ou qu'une autre solution présenterait un coût ou une complexité excessifs. Contrairement à ce qu'avait préconisé le Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique, dans un avis du 15 mars 2022, aucune précision n'a été apportée sur la nature des pièces justificatives attendues.

L'avis technique, un préalable indispensable

Il semble indispensable que le propriétaire fasse établir un avis chiffré par un bureau d'études, un architecte ou tout homme de l'art, afin de préconstituer la preuve que cette condition est bien remplie. On pourrait en outre suggérer à ces professionnels de préciser expressément, dans leurs avis, que ces conditions sont remplies.

Cet avis permettra aussi au notaire de dégager toute responsabilité sur une question qui ne peut relever de sa compétence.

La garantie des droits du propriétaire voisin

Trois catégories de droits sont reconnues au propriétaire du fonds à surplomber : droits d'information (A), droits à indemnisation (B) et droits d'opposition (C).

Les droits d'information

Information préalable : la notification du projet de travaux d'ITE
Le projet de travaux doit nécessairement débuter par une notification, par le propriétaire du bâtiment qui envisage d'isoler son bâtiment, adressée au propriétaire du fonds voisin, de son intention de réaliser un ouvrage d'isolation en surplomb de son fonds et de bénéficier de ce droit. Cette notification est faite par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte de commissaire de justice. Elle identifie le propriétaire requérant, décrit l'ouvrage d'isolation à créer, et propose au propriétaire grevé les termes de la convention et le montant de l'indemnisation.

La notification préalable à l'exercice du droit de surplomb pour isolation par l'extérieur : points d'attention

Cette notification doit comporter les éléments suivants :
  • les noms, prénoms, adresses postales et électroniques et coordonnées téléphoniques du ou des propriétaires du bâtiment à isoler et, le cas échéant, ceux de son ou de ses représentants légaux ou statutaires ;
  • un descriptif détaillé de l'ouvrage d'isolation thermique par l'extérieur, comprenant un plan des façades et, le cas échéant, des toitures modifiées par le projet, en faisant apparaître l'état initial et l'état futur ;
  • les justificatifs démontrant qu'aucune autre solution technique ne permet d'atteindre un niveau d'efficacité énergétique équivalent ou que cette autre solution présente un coût ou une complexité disproportionnés ;
  • une proposition chiffrée relative au montant des indemnités préalables prévues aux I et II de l'article L. 113-5-1 du Code de la construction et de l'habitation ;
  • le projet d'acte authentique prévu au I de l'article L. 113-5-1 du Code de la construction et de l'habitation ;
  • le projet de la convention prévue au II de l'article L. 113-5-1 du Code de la construction et de l'habitation ;
  • une reproduction des dispositions de l'article L. 113-5-1 du Code de la construction et de l'habitation.
Cette notification précise qu'elle constitue le point de départ du délai d'opposition de six mois prévu au III de l'article L. 113-5-1 du même code.
Information complémentaire relative aux entreprises
– Une information complète. – Dès qu'il a fait son choix des entreprises devant réaliser les travaux, le propriétaire du bâtiment à isoler notifie au propriétaire du fonds à surplomber les noms, prénoms, adresses postales et électroniques et coordonnées téléphoniques de la ou des personnes appelées à intervenir et, s'il s'agit d'une entreprise, son numéro d'inscription au Répertoire des entreprises et des établissements (REE), ainsi que son ou leur numéro de police pour l'assurance mentionnée à l'article L. 241-1 du Code des assurances. Il notifie également le numéro de police pour l'assurance mentionnée à l'article L. 242-1 du Code des assurances dès qu'il l'a souscrite. Ces notifications complémentaires sont valablement faites par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et sont sans incidence sur le point de départ du délai d'opposition mentionné à l'article R. 113-19 du Code de la construction et de l'habitation.

L'obligation de recourir à une entreprise

Il se déduit des précisions relatives aux documents devant être transmis au propriétaire surplombé que le propriétaire qui entend bénéficier du droit de surplomb ne peut choisir de réaliser lui-même les travaux, et doit donc nécessairement les faire réaliser par une entreprise.

Les droits à indemnisation

– Les indemnités. – Deux indemnités distinctes sont prévues par la loi et doivent être versées au propriétaire du fonds surplombé avant le commencement des travaux. L'une compense le préjudice résultant de l'installation proprement dite de l'ouvrage d'isolation, l'autre dédommage le propriétaire des désagréments temporaires survenant pendant la réalisation des travaux.
– La fixation des indemnités. – Si aucun accord n'a pu être trouvé sur le montant de ces indemnités, il y a lieu à fixation judiciaire, ce qui suppose qu'une opposition soit régulièrement formée par le propriétaire du fonds à surplomber.

Les droits d'opposition

Le propriétaire du fonds surplombé peut faire obstacle aux travaux d'ITE avant leur réalisation ; selon la même procédure, il peut demander en justice la fixation des indemnités qui lui seront dues.
Principes. Pendant une durée de six mois à compter de la notification du projet de travaux d'ITE, le propriétaire du terrain surplombé conserve le droit de demander en justice la fixation des indemnités, et celui de s'opposer :
  • soit à l'exercice du droit de surplomb ;
  • soit seulement à l'exercice des droits temporaires accessoires (accès et installations de chantier).
Quelle que soit la visée de sa demande, les conditions et la procédure à suivre sont identiques.
– Obligation de motivation. – Le propriétaire surplombé doit justifier d'un « motif sérieux et légitime » tenant :
  • soit à l'usage présent ou futur de sa propriété ;
  • soit à la méconnaissance des conditions d'existence ou de mise en œuvre du droit de surplomb.
– Forme. – À défaut d'accord avec le propriétaire du bâtiment à isoler, l'opposition du propriétaire du fonds à surplomber doit saisir, dans le délai de six mois courant à compter de la notification, le président du tribunal judiciaire du lieu de situation de l'immeuble à surplomber, statuant selon la procédure accélérée au fond. Lorsque le fonds à surplomber est un immeuble soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis, c'est le syndicat des copropriétaires qui peut s'opposer aux droits prévus aux I et II de l'article L. 113-5-1 du Code de la construction et de l'habitation, par décision nécessairement motivée.

Opposition au droit de surplomb par un immeuble soumis au régime de la copropriété

Lorsque le fonds à surplomber est un immeuble soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis, le syndicat des copropriétaires peut s'opposer aux droits prévus aux I et II de l'article L. 113-5-1 du Code de la construction et de l'habitation par décision motivée. Le syndic inscrit à l'ordre du jour d'une assemblée générale des copropriétaires :
  • la question de la saisine du juge en opposition à l'exercice des droits prévus aux I et II de l'article L. 113-5-1 du Code de la construction et de l'habitation ;
  • la question de la saisine du juge en fixation des indemnités prévues aux I et II dudit article L. 113-5-1.
Les documents notifiés au syndicat des copropriétaires par le propriétaire du bâtiment à isoler doivent être joints à la convocation de l'assemblée générale. L'assemblée générale appelée à se prononcer sur ces questions se tient dans un délai qui préserve la faculté du syndicat des copropriétaires de saisir le juge dans le délai de six mois prévu au III de l'article L. 113-5-1 du Code de la construction et de l'habitation.

Les actes à rédiger

– Deux actes distincts. – Faire usage d'un droit de surplomb pour ITE nécessite d'accomplir deux actes juridiques distincts que rien, cependant, n'interdit de regrouper en un seul et même instrumentum en cas d'accord des deux parties. Le premier acte énonce les modalités propres au surplomb (§ I), le second vient régler les conditions d'accès et d'exécution des travaux (§ II).

Acte de mise en œuvre du droit de surplomb (droit principal)

– Un acte nécessairement authentique. – Un acte relatif aux modalités de mise en œuvre du droit de surplomb doit être établi en la forme authentique et être publié au fichier immobilier, pour l'information des tiers. Au regard des précisions apportées par l'article R. 113-19 du Code de la construction et de l'habitation, imposant notamment la notification d'un projet d'acte authentique, il apparaît assez logiquement que les notaires en seront les rédacteurs. Pèsera donc sur eux la tâche d'informer tant le propriétaire désirant exercer ce droit de surplomb que le propriétaire du fonds voisin devant le supporter. Ils devront, à cet égard, s'entourer des précautions déjà citées, et en particulier préconstituer la preuve qu'aucune autre solution technique ne permet d'atteindre un niveau d'efficacité énergétique équivalent ou que cette autre solution présente un coût ou une complexité excessifs.
– Un acte unilatéral ou conventionnel ? – Une controverse doctrinale est apparue quant à la nature, unilatérale ou, au contraire, conventionnelle, de cet acte authentique. En effet, l'article L. 113-5-1 du Code de la construction et de l'habitation ne qualifie pas l'acte en question. Pour certains auteurs, il s'agirait d'un acte unilatéral. La signature du propriétaire du fonds surplombé ne serait pas, en ce cas, nécessaire. En l'absence d'opposition du propriétaire devant subir le droit de surplomb, l'acte lui serait opposable dès lors qu'il a bien fait l'objet d'une publicité foncière. À l'inverse, d'autres auteurs considèrent qu'il s'agit d'un acte conventionnel, ce qui semble pouvoir être déduit de l'article R. 113-21 du même code. En ce cas, l'acte authentique devrait être signé tant par le propriétaire du fonds surplombant que par le propriétaire du fonds surplombé.
– Une question à clarifier. – Les dispositions relatives au droit de surplomb manquent, sur ce point, de cohérence. Si l'on admet que ledit acte est bel et bien un acte unilatéral, le propriétaire du fonds surplombant ne pourra mettre en œuvre celui-ci en l'absence de convention définissant les modalités d'accès ou de décision de justice. À l'inverse, si l'on retient qu'il s'agit d'un acte conventionnel, pour quelle raison revient-il au propriétaire du fonds surplombé de saisir le juge s'il s'oppose à l'exercice du droit de surplomb et non au propriétaire du fonds surplombant qui souhaite réaliser les travaux ?
– Un accord conventionnel s'impose. – En attendant qu'une clarification soit apportée à ce sujet, seule la voie d'un acte conventionnel paraît praticable, puisque permettant d'écarter toute incertitude juridique. Un tel accord entraîne renonciation au délai de six mois prévu par l'article L. 113-5-1 du Code de la construction et de l'habitation, point sur lequel il sera utile d'attirer l'attention du propriétaire du fonds servant. En effet, l'article R. 113-21 du même code précise bien que c'est à défaut d'accord que le propriétaire du fonds servant disposera d'un délai de six mois pour s'opposer.

Jusqu'à quel point la convention de mise en œuvre du droit de surplomb pour ITE peut-elle aménager le régime légal du droit de surplomb ?

<strong>1. Le délai de réalisation des travaux.</strong> L'article R. 113-22 du Code de la construction et de l'habitation ne précise pas le délai dans lequel le propriétaire bénéficiant du droit de surplomb et du droit d'accès doit faire réaliser les travaux. Cependant, l'article R. 113-20 du même code vient sécuriser le propriétaire du fonds surplombé en précisant dans la convention la durée d'accès audit fonds, qui, nécessairement, paraît correspondre à celle de la réalisation des travaux.

<strong>2. </strong>Dans le cadre de cet accord conventionnel, il ne nous semble pas possible de prévoir la renonciation aux causes d'extinction du droit de surplomb, sans modifier, dans le même temps, le régime dudit droit.

– Remarque. – Il doit être remarqué ici que l'article R. 113-22 du Code de la construction et de l'habitation ne précise pas le délai dans lequel le propriétaire bénéficiant du droit de surplomb et du droit d'accès doit faire réaliser les travaux. À cet égard, il apparaît donc nécessaire de bien préciser dans la convention relative aux modalités d'exercice du droit d'accès la période au cours de laquelle les travaux devront être réalisés, permettant ainsi de protéger le propriétaire du fonds servant, même s'il est vrai que l'article R. 113-20 du même code n'impose pas une telle précision, mais uniquement celle relative à la durée d'accès au fonds.

La convention relative aux droits accessoires

– Un acte pas nécessairement authentique. – Lorsque les voisins s'entendent, une convention pour le droit d'accès temporaire doit être établie. Celle-ci précise notamment :
  • la localisation et le périmètre de l'accès au fonds à surplomber à prévoir pour la réalisation des travaux d'isolation thermique par l'extérieur ainsi que la durée à prévoir de cet accès au fonds ;
  • la nature des installations provisoires à mettre en place pour la réalisation des travaux d'isolation thermique par l'extérieur et les conditions de cette mise en place, notamment pour la protection du fonds à surplomber ;
  • l'indemnité due en contrepartie des droits d'accès et d'installation temporaires ;
  • le cas échéant, les mesures prévisionnelles de remise en état du fonds voisin.
Cette convention, contrairement à celle relative au droit de surplomb, n'a pas nécessairement à être établie par acte authentique et n'a d'ailleurs pas à faire l'objet d'une publicité foncière.

Droit de surplomb : seule la voie conventionnelle paraît praticable

Nous avons montré qu'en l'état des incertitudes qui pèsent sur la nature (unilatérale ou conventionnelle) de l'acte de mise en œuvre du droit de surplomb pour ITE, seule la voie conventionnelle paraît praticable. Il est dès lors possible et souhaitable d'acter simultanément les conventions relatives au droit d'accès temporaire, autrement dit de traiter d'un bloc l'ensemble de la situation. D'ailleurs, l'article R. 113-19 du Code de la construction et de l'habitation impose que le projet de convention soit notifié en même temps que le projet d'acte authentique, ce que permettra bel et bien une rédaction simultanée.