– Un réel intérêt économique et social. – Le viager, parce qu'il assure à son bénéficiaire un revenu jusqu'à la fin de ses jours, présente un réel intérêt économique et social. L'objet du contrat de vente en viager peut être aussi bien un immeuble qu'une chose mobilière. Nos propos se limiteront volontairement à la vente du logement, objet des travaux de ce congrès. Ce sujet a déjà été abordé par nombre de précédents congrès, preuve de son intérêt et de son actualité. Nos développements reprendront donc de façon synthétique régime juridique et fiscal (Sous-section I), pour s'attacher davantage aux raisons pour lesquelles le recours au viager reste limité (Sous-section II), ce qui nous permettra de suggérer des pistes d'amélioration (Sous-section III).
La vente en viager
La vente en viager
Le régime juridique et fiscal de la vente en viager
Un contrat fondé sur l'aléa
– Définition. – Si le viager préexistait au Code civil, c'est ce dernier qui en a défini les règles. La vente du logement « en viager » est un contrat de vente d'immeuble dont le prix est versé par l'acquéreur, appelé débirentier, au vendeur, appelé crédirentier, en tout ou partie, sous la forme d'une rente viagère. Le terme extinctif du versement est le décès du vendeur, ou celui d'une tierce personne si la rente est stipulée réversible. Ainsi le contrat de vente peut stipuler qu'au décès du vendeur, la rente sera versée à son conjoint, son partenaire de Pacs, son concubin ou toute autre personne déterminée. Et de même, en cas de pluralité de vendeurs, il est permis de stipuler le versement de l'intégralité de la rente jusqu'au décès du survivant. Le contrat de vente moyennant rente viagère garantit donc au vendeur et, le cas échéant, à ses proches, un revenu jusqu'à la fin de leurs jours.
– Un contrat nécessairement aléatoire. – Le viager trouve sa place dans le titre douzième du Code civil, « Des contrats aléatoires », sous les jeux et paris. L'ancien article 1964 du Code civil définissait le contrat aléatoire et citait le contrat d'assurance, le jeu et le pari ainsi que le contrat de rente viagère. Ce texte a été abrogé à compter du 1er octobre 2016. La définition du contrat aléatoire figure maintenant dans le titre troisième du Code civil, « Des sources d'obligations », à l'alinéa 2 de l'article 1108 : le contrat « est aléatoire lorsque les parties acceptent de faire dépendre les effets du contrat, quant aux avantages et aux pertes qui en résulteront, d'un événement incertain ». La vente en viager présente bien un caractère aléatoire puisque l'acquéreur ne sait pas pendant combien de temps il va devoir payer la rente viagère.
– L'aléa, condition essentielle. – Ce caractère aléatoire est une condition essentielle de validité du contrat de vente contre rente viagère dont il constitue l'essence même : l'absence d'aléa est sanctionnée par la nullité absolue de la vente.
– Nullités d'origine légale. – Sur le même fondement, la loi prévoit deux cas d'annulation automatique :
- si le vendeur est déjà décédé au moment de la vente ;
- si le vendeur décède, dans les vingt jours de l'acte, d'une maladie dont il était déjà atteint lors de la signature de l'acte, et ce même en cas d'ignorance, et donc de bonne foi, de l'acquéreur. Cette disposition est d'ordre public. Elle ne s'appliquera pas, toutefois, en cas de pluralité de crédirentiers, s'il n'y a pas réduction de la rente au décès du prémourant, puisqu'en ce cas, l'aléa subsiste. Elle ne s'appliquera pas non plus si ce n'est pas la maladie qui a entraîné le décès, en cas d'accident notamment.
– Extension jurisprudentielle. – Au-delà de ces cas, relativement exceptionnels, la vente peut également être annulée lorsque les circonstances démontrent qu'elle ne comportait, en fait, aucun aléa.
Vente en viager : nul ne peut gagner sur tous les tableaux
La vente en viager est peut-être l'un des domaines dans lesquels le notaire est le plus souvent amené à jouer son rôle de « gendarme du droit ». En la matière, en effet, l'inventivité des débirentiers est parfois surprenante quoique tristement répétitive, et il appartient à l'officier public de ne pas entrer dans leur jeu. Florilège de mauvaises idées à chasser :
- Payer peu ? Conformément à un vieil adage, l'aléa chasse la lésion. Dès lors, pourquoi ne pas convenir d'une faible rente, déconnectée de la valeur vénale du bien vendu ? La vente ne pourra pas être annulée de ce chef.
- ERREUR : La liberté contractuelle, en apparence totale, est limitée par l'obligation de conférer au contrat un caractère aléatoire. Si la rente est trop faible, l'aléa fait défaut car l'acquéreur est certain d'en tirer bénéfice quelle que soit la durée pendant laquelle il la versera. C'est pourquoi le montant des arrérages doit être nécessairement supérieur aux revenus que pourrait procurer le bien vendu. S'il est inférieur ou même égal, la nullité du contrat est encourue.
- Payer moins longtemps ? C'est le cas lorsque l'acquéreur (par exemple compte tenu de sa proximité affective avec le vendeur, ou encore – c'est l'argument d'un mémorable film de Pierre Tchernia – par l'exercice de sa profession) a connaissance de la gravité de l'état de santé du vendeur, et donc du risque d'un décès imminent.
- ERREUR : La vente est alors nulle pour défaut d'aléa, même si le décès a lieu au-delà du délai de vingt jours, et même si le décès n'est pas causé par la maladie dont le vendeur était atteint au jour de l'acte.
- Retirer à la rente son caractère viager ? Certains acquéreurs ont pu imaginer d'assortir le versement de la rente prévoit d'un terme extinctif certain. Un tel contrat ne peut plus être qualifié de « viager » ! Il encourt la nullité pour défaut d'aléa, puisque l'acquéreur sait, dès l'origine, pendant combien de temps il va devoir payer. L'acquéreur « en viager » doit payer la rente jusqu'au décès du vendeur, ou du survivant en cas de pluralité, voire d'une tierce personne si la rente est réversible.
Régime juridique de la vente en viager
– Une vente immobilière. – La vente en viager est avant tout une vente d'immeuble. Elle obéit donc aux règles de droit commun des ventes immobilières que nous ne reprendrons pas ici. Nous limiterons notre étude aux particularités de la vente en viager (A) et à ses règles fiscales (B).
Les particularités liées à l'occupation du bien
– Viager « libre » ou viager « occupé ». – Le transfert de jouissance du bien vendu peut être opéré immédiatement, lors de la conclusion du contrat, ou différé à une date ultérieure non déterminée. Si l'acquéreur a la jouissance immédiate du bien lui permettant soit de l'occuper lui-même, soit de le mettre en location, on parle alors de viager « libre ». À l'inverse, le vendeur peut conserver la jouissance de son logement, et ce jusqu'à son décès s'il le souhaite. On parle de viager « occupé ». L'objectif de notre étude étant la conservation du logement, nous circonscrirons nos propos au viager « occupé », qui représente 95 % des ventes en viager, et au seul cas où il y a identité entre le vendeur et le crédirentier.
Deux modalités d'occupation. Si le vendeur veut continuer à occuper son logement après la conclusion de la vente, il peut s'en réserver l'usufruit (I) ou le droit d'usage et d'habitation (II). L'acquéreur devra s'acquitter du prix de la vente en tenant compte de modalités particulières (III).
L'usufruit du logement
Le vendeur vend la nue-propriété et conserve l'usufruit du logement.
– Le droit, pour le vendeur, de louer. – Le jour où le vendeur quitte son logement, il a la faculté de le mettre en location afin de se procurer un revenu complémentaire qui, ajouté à la rente, couvrira les frais de son nouveau logement.
– La répartition des charges. – La loi prévoit que le vendeur usufruitier conserve la charge de l'entretien de son logement alors que les grosses réparations incombent à l'acquéreur nu-propriétaire. Cette disposition n'est pas d'ordre public. Il peut y être dérogé contractuellement. Il convient de définir précisément dans le contrat les obligations de l'usufruitier et celles du nu-propriétaire, notamment pour que le vendeur puisse, le cas échéant judiciairement, contraindre l'acquéreur à réaliser les travaux et réparations à sa charge. En effet, si aucune répartition des obligations de réparation entre les parties n'est établie dans le contrat, l'usufruitier ne pourra pas faire condamner le nu-propriétaire à exécuter les grosses réparations définies à l'article 606 du Code civil, qui lui incombent en vertu de l'article 605. Encore faut-il, pour produire l'effet contraignant escompté, que la convention déroge au principe posé par l'article 605 du Code civil.
Le droit d'usage et d'habitation
Le vendeur vend la pleine propriété du logement grevée du droit d'usage et d'habitation.
– L'interdiction, pour le vendeur, de mettre en location. – Le jour où le vendeur quitte le logement, la jouissance en est transmise à l'acquéreur. Le crédirentier n'a pas la possibilité de donner le bien à bail. Cette solution est préférable si le crédirentier ne souhaite pas subir les contraintes et inquiétudes d'une location.
– L'éventuelle majoration de la rente. – Lorsqu'il libère son logement, le vendeur perd sa réserve de jouissance et doit alors se reloger à ses frais. Corrélativement, le débirentier bénéficie d'un nouveau droit de jouissance lui permettant de louer le logement et de dégager ainsi un revenu, ou de l'occuper personnellement. Il paraît alors logique qu'il y ait une contrepartie à l'enrichissement du débirentier, pour compenser l'appauvrissement du vendeur. D'autant qu'une décote a été appliquée, à l'origine, pour déterminer le montant de la rente, afin de tenir compte de la réserve de jouissance du vendeur. Mais la majoration de la rente à la libération du logement par le crédirentier n'est pas automatique et appelle de la part du rédacteur de l'acte une vigilance particulière.
Vente en viager : organiser la majoration de la rente en cas de libération anticipée du bien vendu
1. Prévoir le principe d'une majoration. Faute d'être prévue dans le contrat de vente, aucune majoration ne s'appliquera si le vendeur libère les lieux.
2. Prévoir les modalités de calcul de la majoration. Le contrat doit également prévoir les modalités de calcul de la majoration. Certains contrats appliquent un pourcentage forfaitaire, de l'ordre de 25 à 30 %. D'autres prévoient que le montant de la revalorisation de la rente sera égal à 1 % de la valeur vénale du bien au jour de l'acquisition, sans tenir compte de l'occupation, et font ensuite le rapport entre ce montant et la rente annuelle. La formule de calcul est la suivante :
1 % × Valeur vénale date acquisition |
Rente annuelle |
3. Définir le fait générateur. Le contrat doit enfin indiquer quel sera le fait déclencheur de la prise d'effet de la majoration. La simple libération des lieux ne signifie pas, à elle seule, que le vendeur a renoncé à son droit d'usage et d'habitation. La renonciation doit être expresse. Le crédirentier doit notifier au débirentier, par courrier recommandé ou exploit de commissaire de justice, la date de libération du logement et de restitution des clés.
– La répartition des charges. – Le vendeur supporte uniquement les charges locatives.
Les particularités liées aux modalités de paiement du prix
L'acquéreur doit s'acquitter du prix de vente. Les modalités de paiement peuvent être doubles : une partie comptant, appelée le bouquet (a), le solde par rente viagère (b).
Le bouquet
Si la particularité de la vente en viager est le versement d'une rente, pour autant les parties sont libres de stipuler qu'une partie du prix sera payée au moment de la vente. La somme payée comptant est dénommée « bouquet ». Pour être très usuelle, la pratique n'a rien d'obligatoire. Néanmoins, un notaire est tenu d'informer le vendeur de la possibilité de demander le versement d'un bouquet.
– Libre détermination. – Le montant du bouquet est librement déterminé entre le vendeur et l'acquéreur, en fonction des besoins du premier et des possibilités financières dont peut disposer le second. Naturellement, plus le montant du bouquet est élevé, plus faible sera le montant de la rente viagère. En pratique, le bouquet varie le plus souvent entre 10 % et 30 % de la valeur du bien.
La rente
– Libre calcul. – La loi ne prévoit aucune méthode de calcul de la rente, laissant aux parties, a priori, une totale liberté contractuelle, dans les limites précédemment évoquées. L'article 1976 du Code civil dispose, en effet, que les parties sont libres de fixer le taux de la rente. La loi n'impose donc aucune méthode de calcul ou barème. Chaque branche professionnelle élabore sa propre méthode, ce qui se traduit par un manque de lisibilité. Quelle que soit la méthode, en pratique, le montant de la rente est calculé en fonction des trois éléments suivants :
- la valeur vénale du bien vendu au moment de la conclusion du contrat, déduction faite du bouquet, s'il en est versé un. Cette valeur sera, en outre, décotée si le vendeur conserve la jouissance du logement et en cas de stipulation d'une clause de réversibilité ;
- l'espérance de vie du ou des crédirentiers, déterminée à partir des tables de mortalité ;
- et le taux de rentabilité du bien.
En cas de pluralité de vendeurs, la rente est en principe réduite de moitié au décès du premier. Une clause du contrat peut toutefois prévoir que la rente continuera d'être servie dans son intégralité au survivant des crédirentiers, afin qu'il conserve des ressources identiques pour pouvoir continuer à entretenir le logement qu'il occupe.
– Les arrérages. – Les versements de la rente, dits « arrérages », se font selon une périodicité librement convenue entre les parties au contrat de vente, généralement trimestrielle ou mensuelle, à terme échu ou à échoir.
– L'indexation de la rente. – La rente est indexée annuellement afin de maintenir un même niveau de revenus pour le crédirentier compte tenu de l'inflation et de l'érosion monétaire. L'indexation est conventionnelle ou légale.
- L'indexation conventionnelle. En pratique, l'indexation est prévue conventionnellement. La rente viagère étant assimilée à une dette alimentaire, les parties ont le libre choix de l'indice, peu importe qu'il n'y ait pas de relation directe avec l'objet du contrat ou l'activité de l'une des parties. L'indice le plus fréquemment retenu est l'indice mensuel des prix à la consommation des ménages urbains, hors tabac, série France, publié par l'Insee. L'indexation est toutefois plafonnée, le montant des arrérages ne devant pas dépasser, en capital, la valeur du bien vendu.
- L'indexation légale. La loi impose une révision minimale de la rente au 1er janvier par application du taux de majoration publié chaque année par arrêté du ministère du Budget. Le texte est d'ordre public. La majoration légale s'applique obligatoirement si aucune indexation conventionnelle n'est prévue ou si l'application de l'indexation conventionnelle donne un résultat moindre. Le débirentier peut toutefois demander la remise de la majoration s'il démontre qu'il n'est pas en mesure d'acquitter l'augmentation.
– La durée de l'obligation de paiement. L'absence de faculté légale de rachat. – Le débirentier ne peut pas refuser de payer la rente au motif que le vendeur a dépassé l'âge donné par l'espérance de vie et/ou si le montant cumulé du bouquet et de la rente versée dépasse la valeur vénale du bien au moment de l'achat, sur la base de laquelle a été déterminé le montant de la rente viagère. Le débirentier n'a pas, en principe, la possibilité de racheter la rente. Mais le texte n'est pas d'ordre public. Le contrat peut déroger à cette interdiction et accorder cette faculté à l'acquéreur.
– Décès de l'acquéreur. – Si l'acquéreur décède, ses héritiers sont tenus de poursuivre le paiement de la rente jusqu'à son terme.
– Revente du bien par le débirentier. – En cas de revente du bien acquis en viager, avant le décès du crédirentier, le débirentier reste tenu du paiement de la rente. Il peut toutefois en transférer la charge à son propre acquéreur, mais cette convention est inopposable au crédirentier, s'il n'a pas donné son consentement, et le débirentier reste tenu. En cas de délégation parfaite, en revanche, le débirentier est dégagé de toute obligation car le créancier a accepté le nouveau propriétaire comme nouveau débiteur.
– Défaut de paiement. Garanties. – Il est nécessaire de protéger le vendeur – dont la rente constitue le plus fréquemment un complément de retraite indispensable pour assurer ses vieux jours – d'un défaut de paiement. Des garanties doivent impérativement être prévues dans le contrat de vente. Les plus fréquentes sont l'hypothèque légale du vendeur et la clause résolutoire. Mais ces garanties traditionnelles s'avèrent malheureusement inefficaces si le débirentier fait l'objet d'une procédure collective ou de surendettement.
a) L'hypothèque. Le crédirentier peut demander à ce qu'une hypothèque soit prise sur le logement vendu et/ou sur un autre bien immobilier appartenant au débirentier ou à un tiers.
- L'hypothèque légale du vendeur. Avec la réforme du droit des sûretés, entrée en vigueur le 1er janvier 2022, le privilège du vendeur a été purement et simplement supprimé, comme tous les privilèges spéciaux, et remplacé par l'hypothèque légale du vendeur. La suppression des privilèges spéciaux s'est accompagnée de la disparition de la rétroactivité de l'inscription au jour de l'acte. L'hypothèque légale du vendeur prend donc rang au jour de son inscription au fichier immobilier et non plus au jour de la vente. Elle est, sur ce point, assimilée à une hypothèque conventionnelle. L'hypothèque garantissant une dette dont l'échéance est indéterminée est prise pour une durée maximum de cinquante ans.
- L'hypothèque conventionnelle. À défaut de paiement de la rente, le vendeur ne souhaite pas, s'il occupe toujours le logement, qu'il soit saisi. En outre, il sera peut-être plus difficile à vendre compte tenu de son droit d'usage et d'habitation. Il peut avoir intérêt à ce que le débirentier lui consente une hypothèque conventionnelle sur un autre bien lui appartenant.
- Le pacte commissoire. L'hypothèque conventionnelle peut être assortie d'un pacte commissoire permettant au crédirentier, en cas de non-paiement de la rente, de devenir propriétaire du bien grevé.
- Le cautionnement hypothécaire. L'hypothèque peut également être consentie par un tiers sur un immeuble lui appartenant, sans qu'il engage pour autant le reste de son patrimoine.
b) La clause résolutoire. L'article 1978 du Code civil prive le vendeur du droit de demander la résolution de la vente pour défaut de paiement des arrérages. Son seul recours, à défaut d'autre garantie, est alors de poursuivre le débirentier en exécution forcée en faisant saisir et vendre ses autres biens. C'est pourquoi les contrats de vente en viager prévoient quasi systématiquement une clause résolutoire. La clause peut prévoir la possibilité, pour le crédirentier, de demander la résolution judiciaire de la vente, laissant alors au juge le pouvoir d'appréciation. Mais la clause peut aller plus loin et prévoir une résolution de plein droit. Le juge perd alors tout pouvoir d'appréciation : il ne peut que constater la résolution. La jurisprudence a récemment réaffirmé la validité de la clause résolutoire de plein droit tout en précisant qu'elle devait « être stipulée de manière expresse et non équivoque » et, qu'à défaut, le juge recouvrait son pouvoir d'appréciation.
Si le débirentier fait l'objet d'une procédure collective, le vendeur ne peut plus se prévaloir de la clause résolutoire puisque le jugement d'ouverture interrompt et interdit toute action en justice et arrête et interdit toute procédure d'exécution. En outre, les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont interrompus. Toutefois, si la clause résolutoire de plein droit a déjà produit ses effets au jour du jugement d'ouverture de la procédure, la résolution de la vente pourra intervenir.
Le contrat prévoit généralement, à titre de pénalité, que le crédirentier ne sera pas tenu de restituer au débirentier les arrérages et le bouquet perçus.
Les règles fiscales de la vente en viager
Les règles fiscales de la vente en viager
Des règles fiscales particulières sont attachées au viager, aussi bien pour le crédirentier (I) que pour le débirentier (II).
Pour le vendeur, crédirentier
– La rente seulement. – Partie d'un prix de vente, le bouquet n'est pas taxé, en tant que tel, à l'impôt sur le revenu. Après déduction d'un abattement, la rente est taxée à l'impôt sur le revenu au taux marginal d'imposition du vendeur, auquel s'ajoutent les prélèvements sociaux au taux actuel de 17,2 %. Le montant dépend de l'âge du crédirentier au jour du premier versement de la rente. Il est ensuite invariable. Par exemple, si le vendeur a soixante-quatre ans le jour du premier versement, le taux de l'abattement applicable chaque année est de 60 %. Si les crédirentiers sont deux époux ou partenaires de Pacs, l'âge pris en compte est celui du plus âgé. L'abattement de 10 % pour frais professionnels n'est pas applicable.
Dans le cadre d'une vente en viager, la rente est une modalité de paiement du prix. La taxer comme un revenu autre qu'un gain en capital n'est-il pas une « anomalie » ? Si, par ailleurs, le vendeur est redevable d'un impôt sur la plus-value, il sera finalement doublement taxé.
Part imposable de la rente selon l'âge du crédirentier au premier versement de la rente
Âge du crédirentier au premier versement | Part imposable |
---|---|
Moins de 50 ans | 70 % |
De 50 à 59 ans | 50 % |
De 60 à 69 ans | 40 % |
Plus de 69 ans | 30 % |
– Impôt sur la plus-value. – En matière d'impôt sur la plus-value, la vente en viager ne diffère pas d'une vente classique. Le vendeur sera exonéré en cas de vente de sa résidence principale, ou encore s'il détient le bien depuis plus de trente ans. Il existe d'autres cas d'exonération.
En dehors de ces cas, la plus-value est taxée aux conditions de droit commun sur la base du prix fixé dans l'acte de vente ou de la valeur capitalisée de la rente augmentée du bouquet s'il en est versé un. Nous ne reviendrons pas sur le mode de calcul de l'imposition, rappelant simplement que cet impôt fait l'objet d'un prélèvement forfaitaire libératoire retenu sur le prix et versé au service des impôts par le notaire rédacteur de l'acte. Pour permettre au vendeur de s'acquitter de l'impôt, il est donc souhaitable de prévoir un bouquet au moins équivalent à son montant.
Cas d'exonération de l'impôt sur la plus-value en cas de cession d'un logement
– Taxe foncière. – Le vendeur continue d'acquitter la taxe foncière, conformément à l'article 608 du Code civil, s'il s'est réservé l'usufruit, ou à l'article 635 du même code, s'il s'est réservé le droit d'usage et d'habitation, sauf à mettre conventionnellement cette contribution à la charge de l'acquéreur. Le vendeur reste toutefois redevable de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.
– Taxe d'habitation. – S'il n'en est pas exonéré, le vendeur usufruitier ou titulaire du droit d'usage et d'habitation continue d'acquitter la taxe d'habitation.
Le vendeur doit déclarer la valeur de l'usufruit ou du droit d'usage et d'habitation dont il est titulaire, déterminée par application du barème de l'article 669, I du Code général des impôts. La valeur du droit d'usage et d'habitation est égale à 60 % de celle l'usufruit.
Barème fiscal de l'usufruit (CGI, art. 669)
ÂGE | VALEUR | VALEUR |
---|---|---|
Moins de : | ||
21 ans révolus | 90 % | 10 % |
31 ans révolus | 80 % | 20 % |
41 ans révolus | 70 % | 30 % |
51 ans révolus | 60 % | 40 % |
61 ans révolus | 50 % | 50 % |
71 ans révolus | 40 % | 60 % |
81 ans révolus | 30 % | 70 % |
91 ans révolus | 20 % | 80 % |
Plus de 91 ans révolus | 10 % | 90 % |
– La taxation de la réversibilité de la rente. – Pour le crédirentier, la réversion de la rente peut donner lieu au versement de droits de mutation à titre gratuit ou à titre onéreux. La plupart du temps, la réversion est convenue à titre gratuit. Entre époux, à défaut de stipulation contraire, elle est présumée telle. Époux et partenaires de Pacs bénéficient d'une exonération totale. Entre concubins, la réversion est soumise aux droits de mutation à titre gratuit applicables entre étrangers, soit 60 %. Si elle est consentie à titre onéreux, la réversion sera soumise aux droits de mutation à titre onéreux au taux de droit commun.
Pour l'acquéreur, débirentier
– L'interdiction de déduire la rente. – Bien que la rente soit taxée entre les mains du vendeur, l'acquéreur ne peut pas déduire de son revenu imposable le montant versé à ce titre, la rente étant constituée à titre onéreux. Une obligation déclarative pèse cependant sur l'acquéreur. Chaque année, il doit remplir un imprimé spécial indiquant l'identité du bénéficiaire de la rente et le montant des sommes payées au cours de l'année précédente. À défaut, il est passible d'une amende.
– La détermination de la valeur d'acquisition. – En cas de revente du bien acquis en viager, sauf cas d'exonération évoqués plus haut, le débirentier est imposé sur la plus-value réalisée. La difficulté réside dans le fait que le prix d'acquisition retenu pour déterminer la plus-value n'est pas le prix fixé dans l'acte d'achat.
– Vente après le décès du crédirentier. – Le décès du crédirentier, ou du bénéficiaire de la réversion si la rente était stipulée réversible, entraîne l'arrêt du paiement de la rente. Le débirentier dispose d'une option pour la détermination de la valeur d'acquisition. Soit il retient comme valeur d'acquisition le montant du bouquet augmenté de la somme des rentes versées. Soit il retient la valeur de capitalisation de la rente indiquée dans l'acte d'achat. Si le débirentier a versé au crédirentier une somme supérieure à la valeur de capitalisation, la première option sera évidemment plus favorable et plus juste.
– Vente avant le décès du crédirentier. – Si la vente intervient avant le décès du crédirentier, la valeur d'acquisition est égale au montant du bouquet augmenté de la valeur du capital représentatif de la rente tel qu'établi lors de l'acquisition. Toutefois, le débirentier peut demander à retenir comme valeur d'acquisition la somme du bouquet, des rentes versées et du capital représentatif de la rente restant à verser au moment de la revente.
– Taxe foncière. – Si le vendeur s'est réservé le seul droit d'usage et d'habitation, l'acquéreur doit s'acquitter de la taxe foncière. Même si le vendeur conserve l'usufruit du bien, la taxe foncière peut être mise à la charge de l'acquéreur contractuellement, par dérogation à l'article 608 du Code civil.
– Taxe d'habitation. – Le viager étant « occupé », l'acquéreur acquittera la taxe d'habitation une fois les lieux libérés par le vendeur titulaire du droit d'usage et d'habitation ou suite au décès du vendeur usufruitier, à condition d'occuper le bien lui-même.
Dans le cas d'un viager « occupé », l'acquéreur redevable de l'IFI déclare uniquement la valeur de son droit de nue-propriété. Au titre du passif, il pourra déduire la valeur de capitalisation de la rente.
Lors de l'acquisition du bien, l'acquéreur doit s'acquitter des droits de mutation à titre onéreux au taux de droit commun. S'agissant d'un viager « occupé », l'assiette des droits ne peut pas être la valeur du bien vendu.
– Vente de la nue-propriété. – Si le vendeur se réserve l'usufruit, l'assiette des droits est constituée par la valeur de la nue-propriété obligatoirement déterminée par application du barème de l'article 669, I du Code général des impôts.
– Vente avec réserve du droit d'usage et d'habitation. – Si le vendeur se réserve le droit d'usage et d'habitation, l'assiette des droits est constituée par la valeur du capital représentatif de la rente, augmentée du bouquet, sur laquelle est appliquée une décote. Le recours au barème de l'article 669, I du Code général des impôts est possible mais non obligatoire, ne s'agissant pas d'un usufruit. Une autre méthode de calcul peut être utilisée, sous réserve du contrôle de l'administration fiscale. Une méthode consiste à multiplier le nombre d'années d'espérance de vie du crédirentier par la valeur locative du bien.
Les écueils de la vente en viager
Au cours de la dernière décennie, le marché du viager a progressé de 5 % par an, 6 % en 2021. Il reste pourtant confidentiel : le nombre de ventes en viager, compris entre 5 000 et 6 000 chaque année, représente à peine 1 % du marché immobilier. Le marché du viager est, en outre, très disparate selon les régions. Auparavant essentiellement concentré dans les régions Île-de-France et Paca, on assiste, depuis ces cinq dernières années, à sa régionalisation. Les acquéreurs d'un immeuble en viager, soit parce qu'ils réalisent un investissement, soit parce qu'ils recherchent un bien pour en faire leur résidence secondaire, voire principale, à l'âge de la retraite, sont attentifs au lieu d'investissement. Les raisons du recours très limité au mécanisme de la vente en viager sont plurielles.
L'aléa
L'aléa effraie autant le crédirentier que le débirentier, même si le marché compte davantage d'acheteurs que de vendeurs. Le crédirentier peut craindre de décéder avant d'atteindre l'âge donné par les tables de mortalité sur la base desquelles a été calculé le taux de la rente, et donc, de brader son bien. À l'inverse, le débirentier, surtout si c'est un particulier qui réalise une opération unique, craint que le vendeur vive au-delà de son espérance de vie, et donc de faire une mauvaise affaire en surpayant le bien. Cette crainte rebute nombre d'investisseurs. La publicité autour du cas de Jeanne Calment – un temps doyenne des Français, décédée à cent vingt-deux ans après avoir perçu sa rente successivement de son débirentier, puis des héritiers de celui-ci – et le fameux film de Pierre Tchernia sont dans tous les esprits. Dans la plupart des cas, pourtant, le vendeur ne dépasse guère l'âge de l'espérance de vie donné par les tables de mortalité. Cette crainte de l'aléa est renforcée par l'existence de méthodes de calcul diverses pour la détermination de la rente.
Le défaut de paiement
La vente en viager est souvent le seul moyen pour le crédirentier de se constituer une source de revenus complémentaires à la retraite, indispensable pour ses vieux jours. Les conséquences d'une défaillance du débirentier en sont d'autant plus graves. Les garanties traditionnelles, que sont l'hypothèque légale du vendeur et la clause résolutoire, s'avèrent inefficaces si le débirentier fait l'objet d'une procédure collective (A) ou d'une mesure de surendettement (B).
La procédure collective
Le jugement d'ouverture d'une procédure collective entraîne deux conséquences essentielles, dramatiques pour le crédirentier : l'interdiction des paiements et la suspension ou l'interruption des poursuites individuelles.
– L'interdiction des paiements. – À compter du jugement d'ouverture, le débirentier a l'interdiction de payer les dettes antérieures et la rente viagère n'y fait pas exception, n'étant pas une créance alimentaire. Le crédirentier doit alors impérativement déclarer sa créance. Encore faut-il, pour qu'il ait une chance d'être payé, que la procédure ne soit pas clôturée pour insuffisance d'actif.
– L'interdiction et l'interruption des poursuites individuelles. – Le jugement d'ouverture interrompt et interdit toute action en justice. En outre, il arrête et interdit toute procédure d'exécution. Le crédirentier n'a donc plus aucun recours. Si le contrat de vente en viager était considéré comme un contrat à exécution successive, le crédirentier pourrait se prévaloir de la résolution de plein droit après mise en demeure de l'administrateur de prendre parti sur la poursuite du contrat restée infructueuse plus d'un mois. Mais la Cour de cassation considère que le contrat de vente a produit son effet essentiel, le transfert de propriété, dès sa conclusion et qu'il ne peut donc pas être considéré comme étant en cours d'exécution.
– Un espoir pour le débirentier entrepreneur individuel. – Avec l'avènement du nouveau statut de l'entrepreneur individuel, le bien acquis en viager, s'il n'a jamais été « utile pour l'exercice de sa profession », et donc s'il ne fait pas partie du patrimoine professionnel du débirentier, ne devrait pas être impacté par la procédure collective si elle concerne uniquement l'activité professionnelle. Mais l'on peut craindre que l'entrepreneur individuel qui fait l'objet d'une procédure collective rencontre également des difficultés de paiement à titre personnel et fasse, à ce titre, l'objet d'une procédure de surendettement.
La procédure de surendettement
L'admission de la recevabilité du dossier du débirentier par la commission de surendettement entraîne la suspension et l'interdiction des procédures d'exécution et l'interdiction de payer les dettes, autres qu'alimentaires, nées antérieurement.
L'entrave de l'article 918 du Code civil
– La présomption de gratuité. – Il est déconseillé de vendre un bien en viager à l'un de ses héritiers. En effet, l'article 918 du Code civil pose une présomption de gratuité : l'acquéreur est présumé avoir reçu le bien par donation. Pour la Cour de cassation, cette présomption est irréfragable. L'acquéreur ne peut pas s'y opposer en prouvant la réalité du paiement des arrérages. La seule possibilité d'échapper à la présomption est d'obtenir le consentement de tous les cohéritiers de l'acquéreur à la vente en viager.
La volonté de conserver la propriété pour transmettre
Les propriétaires sont réticents à vendre leur logement en viager lorsqu'ils ont des descendants. Ils ont l'impression de les déshériter. Effectivement, le bien vendu en viager ne fera pas partie de la succession du crédirentier. Mais avec l'allongement de la durée de la vie, la transmission intervient tardivement : les enfants ont généralement leur propre logement et ont eux-mêmes déjà atteint l'âge de la retraite lorsque leurs parents décèdent. C'est bien plus tôt qu'ils ont besoin d'être aidés, pour eux ou pour leurs propres enfants. Vendre le logement en viager peut justement permettre aux parents d'aider financièrement leurs descendants grâce au bouquet et aux revenus complémentaires que constituent les arrérages. Cela leur permet surtout de ne pas avoir à solliciter l'aide financière de leurs enfants.
Les pistes d'amélioration de la vente en viager
Le viager est une véritable solution de financement des retraites et de la dépendance pour l'État en quête de ressources complémentaires. Encourager le recours au viager nécessite d'en modifier le régime, identique, à une exception près, depuis 1804. S'il est inconcevable de supprimer l'aléa, condition de validité de la vente en viager, il est possible d'en atténuer les effets ou de le rendre acceptable pour les parties à l'acte.
Une méthode de calcul uniforme
– Une méthode légale supplétive. – Dans un souci de transparence, afin de rassurer les parties au contrat, une méthode légale pour le calcul de la rente viagère, mais également pour déterminer la valeur de la réserve de jouissance, devrait être prévue. Le législateur pourrait s'inspirer des diverses méthodes de calcul existantes. Cette méthode n'aurait qu'un caractère supplétif. Son utilisation serait donc laissée à l'appréciation des parties.
Des garanties plus efficaces
Les garanties traditionnelles que sont l'hypothèque légale du vendeur et la clause résolutoire s'avèrent malheureusement inefficaces si le débirentier fait l'objet d'une procédure collective. Il existe d'autres garanties, plus efficaces et mieux adaptées pour le crédirentier. Notamment, la clause de réserve de propriété, particulièrement efficace en cas de procédure collective.
- Le cautionnement. Le crédirentier peut demander à l'acquéreur de lui fournir un cautionnement, l'idéal étant le cautionnement bancaire. Mais le coût peut être rédhibitoire.
- Les assurances. Le crédirentier pourra souscrire une assurance pour rente impayée. Il pourra en outre exiger du débirentier le nantissement d'un contrat d'assurance-vie. De son côté, le débirentier pourra également souscrire une assurance décès pour ne pas laisser la charge des arrérages à ses héritiers et/ou une assurance « viager longévité exceptionnelle » qui prendra le relais des paiements en cas de dépassement de l'espérance de vie du crédirentier.
- La fiducie-sûreté. Le 107e Congrès des notaires a suggéré de recourir à la fiducie-sûreté, dont le fonctionnement est le suivant : le débirentier transfère la propriété du logement acquis à un fiduciaire garant chargé, en cas de défaillance du débirentier, de transférer la propriété au crédirentier, s'agissant d'un viager « occupé ». Au décès du crédirentier, si le débirentier n'a pas failli, la propriété du logement lui est transférée.
- La clause de réserve de propriété. La clause de réserve de propriété a pour effet de différer le transfert de propriété jusqu'au paiement intégral du prix. Le vendeur, resté propriétaire du logement, est préservé de l'aléa d'une procédure collective dont le débirentier pourrait faire l'objet, et ce même s'il omet de déclarer sa créance. En outre, bien que la réserve de propriété comme sûreté réelle ait été reconnue par la Cour de cassation, puis par la loi, elle n'a pas, pour autant, à être obligatoirement mentionnée dans la déclaration de créance. En effet, cette obligation de mention de la sûreté au sein de la déclaration de créance ne concerne que les sûretés ayant pour objet un bien figurant dans le patrimoine du débiteur. Or le bien vendu n'a pas été transféré dans le patrimoine du débiteur puisque le vendeur en a conservé la propriété. Le crédirentier n'est donc pas en concours avec les autres créanciers du débirentier. Malgré son avantage sur les sûretés traditionnelles, mis en avant par de précédents congrès, la clause de réserve de propriété, qualifiée par M. Iwanesko de « garantie parfaite », reste très peu usitée en matière immobilière alors qu'elle l'est couramment en droit des affaires.
Une ouverture au cercle familial
– Le besoin de confiance. – L'une des raisons de l'insuccès du viager est la crainte, pour le vendeur, de ne pas être payé par l'acquéreur. Si la vente est consentie à un héritier, le vendeur sera en confiance. En outre, il n'aura pas cette impression de déshériter ses enfants. Enfin, un ou plusieurs descendants seront plus facilement disposés à aider leurs parents financièrement s'ils ne le font pas en pure perte alors que leurs autres frères et sœurs sont peut-être absents. Or la vente en viager au profit d'un héritier n'est possible que si l'entente familiale est bonne. À défaut, elle sera irréfragablement présumée constituer une libéralité.
– Pour une application rénovée de l'article 918. – Ne serait-il pas souhaitable de favoriser la vente en viager dans le cadre familial ? Deux modifications simples pourraient y contribuer : donner à la présomption de l'article 918 du Code civil le caractère d'une présomption simple et faire peser la charge de la preuve de l'intention libérale, ou de l'absence de paiement des arrérages, sur les cohéritiers de l'acquéreur qui s'en prévalent. Dans quatre arrêts rendus le 18 janvier 2012, la Cour de cassation a jugé que l'avantage indirect résultant de l'occupation gratuite, par un enfant, d'un logement appartenant à ses parents était rapportable à la succession de ces derniers seulement si la preuve d'une intention libérale était rapportée.
L'instauration d'un régime fiscal de faveur
– Un régime fiscal plus juste pour le crédirentier. – Le crédirentier vend sa résidence principale, exonérée de toute imposition sur la plus-value, mais est ensuite assujetti à l'impôt sur le revenu au titre de la rente au fur et à mesure de sa perception. Si l'on fait le parallèle avec une vente dont le versement du prix est échelonné, le vendeur n'est pas assujetti à l'impôt sur le revenu au titre des échéances de paiement, sauf pour les intérêts s'il en est stipulé. Pourquoi une telle différence ? Si les pouvoirs publics souhaitent favoriser la vente en viager, sans doute faudrait-il, dans un souci d'équilibre, revoir son traitement fiscal.
– Un régime fiscal attractif pour le débirentier. – Côté acquéreur, si l'État veut encourager les investisseurs, pourquoi ne pas instaurer un régime de faveur comme pour les logements neufs ? Le taux des droits de mutation lors de l'achat pourrait être réduit et/ou la rente versée déductible des revenus. Dans ce dernier cas, elle ne pourrait sans doute plus l'être pour le calcul de l'impôt sur la plus-value à la revente. Si une fiscalité favorable a pour corollaire la multiplication des ventes en viager, l'État sera déchargé d'une partie du financement des retraites et de la dépendance.
L'information de l'acquéreur
Le viager est certes une solution incontournable pour le financement des retraites et de la dépendance, mais il constitue également un placement très attractif pour l'acquéreur. Il lui permet en effet de se constituer un patrimoine immobilier à moindre coût, sans recours au crédit, et ainsi préparer sa retraite. Il peut acquérir le bien pour en faire, à terme, sa résidence principale ou secondaire. Dans le cadre d'un viager occupé, l'acquéreur achète un bien dont le prix est inférieur à sa valeur vénale réelle puisqu'une décote est appliquée à la valeur vénale du bien pour calculer la rente viagère. En outre, il se trouve dans une situation plus avantageuse qu'en présence d'un locataire, et ce pour plusieurs raisons :
- il ne peut pas y avoir de vacance locative ;
- il n'y a pas de risque d'impayés ;
- les « loyers » ne sont pas fiscalisés (décote sur la valeur du bien pour tenir compte du droit d'usage et d'habitation) ;
- il y a peu, ou pas, de risque de détérioration car le vendeur continuera généralement de prendre soin de son logement comme s'il était toujours propriétaire.
L'acquéreur réalise également un placement qui a du sens. Avec le viager, il contribue à la solidarité nationale en faveur des personnes âgées. Et en prenant part à la rénovation des bâtiments pour en limiter la consommation énergétique, il participe ainsi à la lutte contre le réchauffement climatique.
De l'intérêt du « viager occupé » – Cas pratique
M. et Mme Courmaurat, respectivement âgés de soixante-dix-sept et soixante-quinze ans, viennent consulter leur notaire. Les époux ont dû faire d'importants travaux d'adaptation de leur logement aux nouvelles normes énergétiques, pour le financement desquels ils ont contracté un prêt d'un montant de 50 000 €. Compte tenu de leur âge, le banquier leur a prêté sur une courte durée et les mensualités sont élevées (764 €). Or ils n'ont pas une très grosse retraite. En outre, ils aident leur fille unique qui est en plein divorce. Tout cela s'ajoute aux dépenses courantes qui ne cessent d'augmenter, comme le coût de l'énergie. Ils se privent de tout et ne peuvent plus aller à l'opéra à Vérone l'été comme ils aimaient tant le faire autrefois. Ils voudraient aussi continuer à gâter leurs petits-enfants.
Leur patrimoine est constitué exclusivement de leur logement, évalué à 300 000 €. Ils l'ont acheté il y a quarante-cinq ans, juste avant la naissance de leur fille. Ils n'ont plus de liquidités, ayant tout donné à leur fille pour lui permettre de se reloger convenablement. Ils ne veulent pas quitter leur confortable maison. Ils y ont trop de souvenirs. Le quartier est vivant. Ils y trouvent tous les commerces de proximité nécessaires. Les commerçants les connaissent bien et leur livrent les courses régulièrement. Et, surtout, leur fille habite la rue voisine. Elle peut ainsi passer les voir presque tous les jours et leurs petits-enfants viennent déjeuner le mercredi. C'est une joie pour eux. Le fils de leur voisin gagne très bien sa vie et a proposé de les aider. Il se sent redevable, car il venait très souvent chez eux pendant sa jeunesse, ayant perdu sa maman très jeune. Mais ils ont refusé, par fierté.
Que peut leur conseiller leur notaire ? La vente en viager « occupé » est la solution qui répond à tous leurs objectifs : rester chez eux, diminuer leurs dépenses et augmenter leurs ressources, le tout sans solliciter une aide sans contrepartie. Ils ont, en outre, déjà trouvé un candidat acquéreur en lequel ils ont confiance. L'acquéreur leur versera un bouquet d'un montant de 50 000 € grâce auquel ils solderont l'emprunt. Ils n'auront plus la taxe foncière à payer, ni les grosses réparations. Leurs dépenses mensuelles vont diminuer de 764 € (crédit) et 100 € (taxe foncière).
Les époux Courmaurat ont pris le temps de la réflexion et discuté avec leur fille car ils ont bien conscience qu'elle n'héritera pas de leur maison. Il était important, pour eux, d'avoir son aval. Leur fille a tout de suite consenti à l'opération : elle a déjà sa propre maison et n'éprouve pas le besoin d'en posséder une deuxième. En outre, elle préfère pouvoir compter sur l'aide de ses parents aujourd'hui, car elle a du mal à joindre les deux bouts.
Dans le cadre de cet exemple, le taux de la rente et celui de la réserve d'usage et d'habitation seront déterminés d'après le barème Daubry.
Le taux de la rente, déterminé à partir de l'espérance de vie du couple Courmaurat qui est de 18,1 années, est de 6,37 % et celui du droit d'usage et d'habitation de 49,5 %.
La valeur du droit d'usage et d'habitation est de 300 000 × 49,5 % = 148 500 €.
La valeur économique est donc de 300 000 – 148 500 = 151 500 € dont il faut déduire le montant du bouquet, soit 50 000 €. Le capital sur lequel sera calculée la rente est de 151 500 – 50 000 = 101 500 €.
La rente annuelle sera donc de 101 500 × 6,37 % = 6 465,55 €, soit une rente mensuelle de 538,80 €.
Cette rente sera stipulée non réductible au décès du premier des époux Courmaurat afin que le survivant conserve un niveau de vie convenable.
Grâce à la vente en viager, tout en restant chez eux, les époux Courmaurat verront leur pouvoir d'achat augmenter de 1 402,80 € (538,80 + 764 + 100) par mois qu'ils pourront répartir entre leurs loisirs tant qu'ils peuvent encore en profiter, et le plaisir de gâter leurs petits-enfants. Plus tard, cette somme contribuera, le cas échéant, à financer leur dépendance.
Si nombre de propriétaires, conscients de la nécessité de faire de leur logement une ressource financière, sont prêts à le monétiser, la crainte de se retrouver face à un acquéreur insolvable les incite à recourir de plus en plus fréquemment à la vente de la nue-propriété, moyennant un prix payé comptant. Cette pratique mérite donc aussi l'attention.