Le logement à l'épreuve de la retraite et du grand âge

Le logement à l'épreuve de la retraite et du grand âge

Les outils traditionnels
– Une crainte de plus en plus légitime. – Les revenus de la retraite sont généralement sensiblement inférieurs aux revenus du travail et la plupart des personnes propriétaires de leur logement n'ont pas, dans leur patrimoine, de liquidités suffisantes ou de biens autres leur permettant de se constituer une source de revenus complémentaires. Il en résulte, pour nombre de Français, une crainte légitime de manquer de ressources une fois venu l'âge de la retraite, ce qui pose notamment une question : pourront-ils tous, à cette date, conserver leur logement ?

Prendre sa retraite : antichambre du paradis ou préfiguration de l'enfer sur terre ?

1. Glorieuse conquête so... Lire
– Une crainte étayée par les chiffres. – Deux paramètres sont à prendre en compte pour apprécier les besoins en financement des retraités : l'augmentation de l'espérance de vie et l'arrivée aux âges de la perte d'autonomie de la génération du baby-boom. Actuellement, 57 % des soixante-cinq ans et plus seraient confrontés à une perte d'autonomie, définie comme le fait d'avoir au moins deux restrictions dans les activités essentielles de la vie quotidienne, pour une durée moyenne de 4,4 ans. En l'absence de toute couverture publique ou familiale, seules 6 % des personnes dépendantes sans conjoint pourraient couvrir les dépenses liées à leur dépendance avec leur seul revenu courant. Un quart des personnes dépendantes ne pourraient cependant financer que moins de 10 % de leurs besoins. Le risque de perte d'autonomie est en effet plus élevé chez les plus pauvres. La situation ne devrait pas s'améliorer puisque la Commission européenne prévoit une baisse du taux de remplacement des retraites publiques de douze points d'ici 2060.
– Le logement : un recours. – Avec la monétisation de leur logement, la proportion de personnes dépendantes sans conjoint capables de couvrir les dépenses liées à leur dépendance pourrait passer de 6 % à 49 %. Le rôle du patrimoine immobilier apparaît important en Europe du Sud, où les revenus et la richesse financière sont faibles, mais aussi en Belgique et en France, où le taux de propriétaires est élevé.
Le maintien à domicile : un besoin. Les Français ont une préférence très marquée pour le maintien à domicile qui est, pour eux, une priorité. Le propriétaire y a tous ses repères, ses habitudes et son histoire. Il connaît son environnement proche, voisinage et commerçants, avec lesquels il a construit des relations fortes. Il s'y sent en sécurité et en confiance. Il a peur du déracinement et craint de perdre sa liberté. Il est prouvé que l'état psychologique des résidents en établissement pour seniors est en moyenne moins bon et les états dépressifs plus répandus que s'agissant des personnes âgées de plus de soixante-quinze ans vivant à domicile.
Nous renvoyons ici à la lecture d'un article relatif à l'état psychologique des personnes âgées vivant en établissement :
En outre, rester à domicile s'avère moins onéreux que résider en Ehpad.
Pourtant, le taux d'hébergement en établissement est relativement élevé en France.

Se maintenir à domicile est souvent moins coûteux que résider en Ehpad

... Lire

Extrait du rapport de la concertation « Grand âge et autonomie », Dominique Libault, mars 2019

En France, un taux élevé d’hébergement en établissement
En France, 41 % des bénéficiaires de l’APA vivaient en établissement en 2016, un chiffre en hausse depuis 2009 où il atteignait 39,1 %.
Au total, 21 % des personnes âgées de plus de 85 ans vivaient en établissement en 2011 selon les données d’Eurostat. Cette proportion atteint 29 % en Pays-de-Loire et 25 % en Bretagne, contre 17 % en Ile de France, 11 % en Corse et 7 % en moyenne dans les départements d’Outre-Mer. Ce taux croît fortement avec l’âge et, à âge équivalent, il est sensiblement plus élevé pour les femmes que pour les hommes *.
Sur le plan européen, la France fait partie des pays où ce taux d’institutionnalisation est le plus élevé (cf. graphique) avec la Belgique (21 %), les Pays-Bas (20 %) et l’Allemagne (19 %). À l’inverse, il est sensiblement plus faible dans les pays du Nord de l’Europe (Suède 14 %, Danemark 11 %, Finlande 8 %, Royaume-Uni 16 %), du Sud (Italie 5 %, Espagne 8 %) ou de l’Est (Pologne 3 %, République Tchèque 12 %, Hongrie 11 %).
* Sources : France, portrait social, édition 2018 — Insee Références.
Que conseiller, alors, au propriétaire vieillissant pour lui permettre de conserver son cadre de vie sans s'endetter, y compris au détriment de la génération suivante, et sans que la totalité de ses revenus soit absorbée par les dépenses afférentes au logement ? Il existe, certes, des aides publiques au maintien à domicile malgré la dépendance, mais elles sont insuffisantes et le système est d'une grande complexité, comme en témoigne le rapport établi le 17 mars 2022 par Dominique Libault. Il souligne le manque de coordination des acteurs de l'accompagnement et la multiplication des démarches.
– Le contrat au secours du propriétaire du logement. – La technique contractuelle doit accompagner les interventions des pouvoirs publics. La mobilisation du logement et sa monétisation apparaissent comme une solution, si ce n'est l'unique, pour les ménages dont le logement constitue l'essentiel du patrimoine. Cette monétisation permet de compléter l'apport des aides publiques sans pour autant entraîner la perte du cadre de vie de son propriétaire. Elle répond en effet aux deux objectifs précités :
  • le premier : augmenter les revenus du propriétaire sur le long terme, idéalement jusqu'à la fin de ses jours, pour couvrir l'ensemble de ses dépenses, notamment liées à la dépendance, mais aussi les dépenses de loisir ;
  • le second : ne pas utiliser les revenus du propriétaire pour s'acquitter d'une dette, bancaire ou autre, indemnité de réduction ou soulte notamment. Le recours au crédit classique est, par conséquent, à exclure.
Notre droit connaît depuis des temps anciens des techniques de monétisation du logement qui répondent aux objectifs combinés d'accroissement des revenus du propriétaire et de conservation du cadre de vie à l'âge de la retraite. L'utilisation de ces outils reste, hélas, peu fréquente. L'attachement des Français à la propriété et à sa transmission aux générations suivantes constitue sans doute une des raisons pour lesquelles les techniques de monétisation du logement sont si peu usitées. Pourtant, les trois quarts des ménages de plus de soixante ans sont propriétaires d'un bien immobilier, et ils sont de plus en plus nombreux à ne pas avoir d'enfants. La conservation de leur logement en vue de sa transmission n'est donc pas une préoccupation pour eux. Nous envisagerons, tour à tour, la vente en viager (Section I) et la vente de la nue-propriété (Section II) pour tenter de comprendre les raisons pour lesquelles elles sont si peu usitées afin de préconiser des solutions pour encourager leur développement.
La vente en viager
– Un réel intérêt économique et social. – Le viager, parce qu'il assure à son bénéficiaire un revenu jusqu'à la fin de ses jours, présente un réel intérêt économique et social. L'objet du contrat de vente en viager peut être aussi bien un immeuble qu'une chose mobilière. Nos propos se limiteront volontairement à la vente du logement, objet des travaux de ce congrès. Ce sujet a déjà été abordé par nombre de précédents congrès, preuve de son intérêt et de son actualité.
La vente de la nue-propriété du logement