Le viager est une véritable solution de financement des retraites et de la dépendance pour l'État en quête de ressources complémentaires. Encourager le recours au viager nécessite d'en modifier le régime, identique, à une exception près, depuis 1804. S'il est inconcevable de supprimer l'aléa, condition de validité de la vente en viager, il est possible d'en atténuer les effets ou de le rendre acceptable pour les parties à l'acte.
Les pistes d'amélioration de la vente en viager
Les pistes d'amélioration de la vente en viager
Une méthode de calcul uniforme
– Une méthode légale supplétive. – Dans un souci de transparence, afin de rassurer les parties au contrat, une méthode légale pour le calcul de la rente viagère, mais également pour déterminer la valeur de la réserve de jouissance, devrait être prévue. Le législateur pourrait s'inspirer des diverses méthodes de calcul existantes. Cette méthode n'aurait qu'un caractère supplétif. Son utilisation serait donc laissée à l'appréciation des parties.
Des garanties plus efficaces
Les garanties traditionnelles que sont l'hypothèque légale du vendeur et la clause résolutoire s'avèrent malheureusement inefficaces si le débirentier fait l'objet d'une procédure collective. Il existe d'autres garanties, plus efficaces et mieux adaptées pour le crédirentier. Notamment, la clause de réserve de propriété, particulièrement efficace en cas de procédure collective.
- Le cautionnement. Le crédirentier peut demander à l'acquéreur de lui fournir un cautionnement, l'idéal étant le cautionnement bancaire. Mais le coût peut être rédhibitoire.
- Les assurances. Le crédirentier pourra souscrire une assurance pour rente impayée. Il pourra en outre exiger du débirentier le nantissement d'un contrat d'assurance-vie. De son côté, le débirentier pourra également souscrire une assurance décès pour ne pas laisser la charge des arrérages à ses héritiers et/ou une assurance « viager longévité exceptionnelle » qui prendra le relais des paiements en cas de dépassement de l'espérance de vie du crédirentier.
- La fiducie-sûreté. Le 107e Congrès des notaires a suggéré de recourir à la fiducie-sûreté, dont le fonctionnement est le suivant : le débirentier transfère la propriété du logement acquis à un fiduciaire garant chargé, en cas de défaillance du débirentier, de transférer la propriété au crédirentier, s'agissant d'un viager « occupé ». Au décès du crédirentier, si le débirentier n'a pas failli, la propriété du logement lui est transférée.
- La clause de réserve de propriété. La clause de réserve de propriété a pour effet de différer le transfert de propriété jusqu'au paiement intégral du prix. Le vendeur, resté propriétaire du logement, est préservé de l'aléa d'une procédure collective dont le débirentier pourrait faire l'objet, et ce même s'il omet de déclarer sa créance. En outre, bien que la réserve de propriété comme sûreté réelle ait été reconnue par la Cour de cassation, puis par la loi, elle n'a pas, pour autant, à être obligatoirement mentionnée dans la déclaration de créance. En effet, cette obligation de mention de la sûreté au sein de la déclaration de créance ne concerne que les sûretés ayant pour objet un bien figurant dans le patrimoine du débiteur. Or le bien vendu n'a pas été transféré dans le patrimoine du débiteur puisque le vendeur en a conservé la propriété. Le crédirentier n'est donc pas en concours avec les autres créanciers du débirentier. Malgré son avantage sur les sûretés traditionnelles, mis en avant par de précédents congrès, la clause de réserve de propriété, qualifiée par M. Iwanesko de « garantie parfaite », reste très peu usitée en matière immobilière alors qu'elle l'est couramment en droit des affaires.
Une ouverture au cercle familial
– Le besoin de confiance. – L'une des raisons de l'insuccès du viager est la crainte, pour le vendeur, de ne pas être payé par l'acquéreur. Si la vente est consentie à un héritier, le vendeur sera en confiance. En outre, il n'aura pas cette impression de déshériter ses enfants. Enfin, un ou plusieurs descendants seront plus facilement disposés à aider leurs parents financièrement s'ils ne le font pas en pure perte alors que leurs autres frères et sœurs sont peut-être absents. Or la vente en viager au profit d'un héritier n'est possible que si l'entente familiale est bonne. À défaut, elle sera irréfragablement présumée constituer une libéralité.
– Pour une application rénovée de l'article 918. – Ne serait-il pas souhaitable de favoriser la vente en viager dans le cadre familial ? Deux modifications simples pourraient y contribuer : donner à la présomption de l'article 918 du Code civil le caractère d'une présomption simple et faire peser la charge de la preuve de l'intention libérale, ou de l'absence de paiement des arrérages, sur les cohéritiers de l'acquéreur qui s'en prévalent. Dans quatre arrêts rendus le 18 janvier 2012, la Cour de cassation a jugé que l'avantage indirect résultant de l'occupation gratuite, par un enfant, d'un logement appartenant à ses parents était rapportable à la succession de ces derniers seulement si la preuve d'une intention libérale était rapportée.
L'instauration d'un régime fiscal de faveur
– Un régime fiscal plus juste pour le crédirentier. – Le crédirentier vend sa résidence principale, exonérée de toute imposition sur la plus-value, mais est ensuite assujetti à l'impôt sur le revenu au titre de la rente au fur et à mesure de sa perception. Si l'on fait le parallèle avec une vente dont le versement du prix est échelonné, le vendeur n'est pas assujetti à l'impôt sur le revenu au titre des échéances de paiement, sauf pour les intérêts s'il en est stipulé. Pourquoi une telle différence ? Si les pouvoirs publics souhaitent favoriser la vente en viager, sans doute faudrait-il, dans un souci d'équilibre, revoir son traitement fiscal.
– Un régime fiscal attractif pour le débirentier. – Côté acquéreur, si l'État veut encourager les investisseurs, pourquoi ne pas instaurer un régime de faveur comme pour les logements neufs ? Le taux des droits de mutation lors de l'achat pourrait être réduit et/ou la rente versée déductible des revenus. Dans ce dernier cas, elle ne pourrait sans doute plus l'être pour le calcul de l'impôt sur la plus-value à la revente. Si une fiscalité favorable a pour corollaire la multiplication des ventes en viager, l'État sera déchargé d'une partie du financement des retraites et de la dépendance.
L'information de l'acquéreur
Le viager est certes une solution incontournable pour le financement des retraites et de la dépendance, mais il constitue également un placement très attractif pour l'acquéreur. Il lui permet en effet de se constituer un patrimoine immobilier à moindre coût, sans recours au crédit, et ainsi préparer sa retraite. Il peut acquérir le bien pour en faire, à terme, sa résidence principale ou secondaire. Dans le cadre d'un viager occupé, l'acquéreur achète un bien dont le prix est inférieur à sa valeur vénale réelle puisqu'une décote est appliquée à la valeur vénale du bien pour calculer la rente viagère. En outre, il se trouve dans une situation plus avantageuse qu'en présence d'un locataire, et ce pour plusieurs raisons :
- il ne peut pas y avoir de vacance locative ;
- il n'y a pas de risque d'impayés ;
- les « loyers » ne sont pas fiscalisés (décote sur la valeur du bien pour tenir compte du droit d'usage et d'habitation) ;
- il y a peu, ou pas, de risque de détérioration car le vendeur continuera généralement de prendre soin de son logement comme s'il était toujours propriétaire.
L'acquéreur réalise également un placement qui a du sens. Avec le viager, il contribue à la solidarité nationale en faveur des personnes âgées. Et en prenant part à la rénovation des bâtiments pour en limiter la consommation énergétique, il participe ainsi à la lutte contre le réchauffement climatique.
De l'intérêt du « viager occupé » – Cas pratique
M. et Mme Courmaurat, respectivement âgés de soixante-dix-sept et soixante-quinze ans, viennent consulter leur notaire. Les époux ont dû faire d'importants travaux d'adaptation de leur logement aux nouvelles normes énergétiques, pour le financement desquels ils ont contracté un prêt d'un montant de 50 000 €. Compte tenu de leur âge, le banquier leur a prêté sur une courte durée et les mensualités sont élevées (764 €). Or ils n'ont pas une très grosse retraite. En outre, ils aident leur fille unique qui est en plein divorce. Tout cela s'ajoute aux dépenses courantes qui ne cessent d'augmenter, comme le coût de l'énergie. Ils se privent de tout et ne peuvent plus aller à l'opéra à Vérone l'été comme ils aimaient tant le faire autrefois. Ils voudraient aussi continuer à gâter leurs petits-enfants.
Leur patrimoine est constitué exclusivement de leur logement, évalué à 300 000 €. Ils l'ont acheté il y a quarante-cinq ans, juste avant la naissance de leur fille. Ils n'ont plus de liquidités, ayant tout donné à leur fille pour lui permettre de se reloger convenablement. Ils ne veulent pas quitter leur confortable maison. Ils y ont trop de souvenirs. Le quartier est vivant. Ils y trouvent tous les commerces de proximité nécessaires. Les commerçants les connaissent bien et leur livrent les courses régulièrement. Et, surtout, leur fille habite la rue voisine. Elle peut ainsi passer les voir presque tous les jours et leurs petits-enfants viennent déjeuner le mercredi. C'est une joie pour eux. Le fils de leur voisin gagne très bien sa vie et a proposé de les aider. Il se sent redevable, car il venait très souvent chez eux pendant sa jeunesse, ayant perdu sa maman très jeune. Mais ils ont refusé, par fierté.
Que peut leur conseiller leur notaire ? La vente en viager « occupé » est la solution qui répond à tous leurs objectifs : rester chez eux, diminuer leurs dépenses et augmenter leurs ressources, le tout sans solliciter une aide sans contrepartie. Ils ont, en outre, déjà trouvé un candidat acquéreur en lequel ils ont confiance. L'acquéreur leur versera un bouquet d'un montant de 50 000 € grâce auquel ils solderont l'emprunt. Ils n'auront plus la taxe foncière à payer, ni les grosses réparations. Leurs dépenses mensuelles vont diminuer de 764 € (crédit) et 100 € (taxe foncière).
Les époux Courmaurat ont pris le temps de la réflexion et discuté avec leur fille car ils ont bien conscience qu'elle n'héritera pas de leur maison. Il était important, pour eux, d'avoir son aval. Leur fille a tout de suite consenti à l'opération : elle a déjà sa propre maison et n'éprouve pas le besoin d'en posséder une deuxième. En outre, elle préfère pouvoir compter sur l'aide de ses parents aujourd'hui, car elle a du mal à joindre les deux bouts.
Dans le cadre de cet exemple, le taux de la rente et celui de la réserve d'usage et d'habitation seront déterminés d'après le barème Daubry.
Le taux de la rente, déterminé à partir de l'espérance de vie du couple Courmaurat qui est de 18,1 années, est de 6,37 % et celui du droit d'usage et d'habitation de 49,5 %.
La valeur du droit d'usage et d'habitation est de 300 000 × 49,5 % = 148 500 €.
La valeur économique est donc de 300 000 – 148 500 = 151 500 € dont il faut déduire le montant du bouquet, soit 50 000 €. Le capital sur lequel sera calculée la rente est de 151 500 – 50 000 = 101 500 €.
La rente annuelle sera donc de 101 500 × 6,37 % = 6 465,55 €, soit une rente mensuelle de 538,80 €.
Cette rente sera stipulée non réductible au décès du premier des époux Courmaurat afin que le survivant conserve un niveau de vie convenable.
Grâce à la vente en viager, tout en restant chez eux, les époux Courmaurat verront leur pouvoir d'achat augmenter de 1 402,80 € (538,80 + 764 + 100) par mois qu'ils pourront répartir entre leurs loisirs tant qu'ils peuvent encore en profiter, et le plaisir de gâter leurs petits-enfants. Plus tard, cette somme contribuera, le cas échéant, à financer leur dépendance.
Si nombre de propriétaires, conscients de la nécessité de faire de leur logement une ressource financière, sont prêts à le monétiser, la crainte de se retrouver face à un acquéreur insolvable les incite à recourir de plus en plus fréquemment à la vente de la nue-propriété, moyennant un prix payé comptant. Cette pratique mérite donc aussi l'attention.