Le logement à l'épreuve de la retraite et du grand âge a30240
Prendre sa retraite : antichambre du paradis ou préfiguration de l'enfer sur terre ?
1. Glorieuse conquête sociale, la retraite a été longtemps présentée comme l'antichambre du paradis. Ainsi Marcel Pagnol, évoquant celle d'un instituteur de la République, écrivait : « Trois ans plus tard, il “prenait sa retraite”, c'est-à-dire que le règlement la lui imposait. Alors, souriant de plaisir, il disait : “Je vais enfin pouvoir planter mes choux !”. Sur quoi, il se couchait, et il mourait ». Cette appréciation remonte, cependant, à une époque où la durée de la vie humaine n'était pas encore ce qu'elle est devenue. À présent, en raison du vieillissement de la population, le nombre de cotisants décroît alors que celui des retraités augmente. Mathématiquement, une baisse du niveau des retraites paraît inéluctable.
2. Depuis une vingtaine d'années, la paupérisation des personnes âgées ne cesse de croître et le taux de pauvreté est plus élevé à partir de quatre-vingts ans. Les dépenses, quant à elles, ne diminuent pas et continuent même d'augmenter, en montant et en nombre. De nouvelles dépenses s'ajoutent, liées à l'allongement de la durée de vie et à la dépendance.
3. Le risque de manquer de ressources est d'autant plus élevé que le prêt contracté pour financer l'acquisition du logement, ou la réalisation de travaux, n'est pas encore totalement remboursé au moment du départ à la retraite. Cette hypothèse, de plus en plus fréquente, découle de la conjonction de plusieurs paramètres :
3.1. L'allongement de la durée des prêts. La durée de remboursement d'un crédit immobilier peut atteindre vingt-cinq, voire vingt-sept ans. La durée de vingt-cinq ans est un maximum fixé par le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), que les banques ne sauraient dépasser. En effet, les conditions d'octroi des crédits faisant l'objet, initialement, de simples recommandations, ont, depuis le 1er janvier 2022, un caractère contraignant pour les établissements financiers. En cas de non-respect, ils sont passibles de sanctions prononcées par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Par exception, lorsque la date d'entrée en jouissance du bien financé est postérieure à la date d'achat (vente en l'état futur d'achèvement, construction), une période de différé d'amortissement d'une durée de deux ans peut précéder la période de remboursement, soit une durée totale du crédit de vingt-sept ans.
3.2. L'acquisition parfois tardive du logement. Un événement familial tels la naissance d'un enfant ou son départ du nid familial, ou encore la séparation du couple, ou un événement professionnel (mutation, faillite), est souvent moteur d'un changement de logement. Avec l'allongement de la durée des crédits, le produit de la vente du logement ne sera pas toujours suffisant, une fois le crédit en cours soldé, pour financer l'acquisition du nouveau logement, surtout s'il est plus grand. Contracter un nouveau crédit sera alors nécessaire. Le niveau de revenu de l'emprunteur, ou sa volonté de conserver des revenus suffisants pour ses autres besoins, l'amèneront à contracter un crédit de longue durée.
3.3. Les refinancements. Ils sont fréquents. Les baisses successives des taux d'intérêt, jusqu'en 2022, ont amené les propriétaires de logement à solliciter une autre banque pour obtenir un nouveau crédit à un taux plus attractif. Le refinancement intervient également en cas de séparation du couple. L'attributaire du logement contracte un nouveau crédit, tant pour racheter le prêt initialement accordé au couple que pour financer le paiement de la soulte versée à son copartageant. Le nouveau prêt pourra être d'une durée aussi longue que le précédent (jusqu'à vingt-cinq ans), et donc toujours en cours lorsque l'emprunteur sera en âge de prendre sa retraite.
4. Résultat : de légitimes inquiétudes pour les propriétaires de logement. Si les revenus ne suffisent plus, comment le propriétaire du logement va-t-il pouvoir acquitter les échéances d'emprunt, entretenir son bien, payer les grosses réparations nécessaires à sa conservation, l'adapter aux nouvelles normes environnementales ou, tout simplement, régler la taxe foncière et les charges courantes ?
Comment va-t-il assumer les dépenses liées à la nécessaire adaptation de son logement à son grand âge pour pouvoir s'y maintenir afin de ne pas être une charge, financière notamment, pour ses enfants ?
Comment financer la perte d'autonomie et la dépendance qui en découle ?
Comment faire pour ne pas laisser de dettes à ses enfants à son décès, dettes qui peuvent notamment résulter d'un crédit consenti sans assurance décès compte tenu de l'âge de l'emprunteur, ou encore d'une aide sociale récupérable ?
Autant d'inquiétudes pour le propriétaire du logement qui n'a pas toujours préparé sa retraite. Ses préoccupations étaient autres, ou bien les événements de la vie ont bouleversé ses prévisions (séparation du couple par exemple). Peut-être, tout simplement, n'avait-il pas la capacité de se constituer une épargne.