La phase locative

La phase locative

La phase locative met en évidence trois caractéristiques du contrat de location-accession. En premier lieu, le particularisme du droit de jouissance conféré à l’occupant (Sous-section I) ; en deuxième lieu, sa contrepartie, à savoir la redevance qu’il doit verser au propriétaire (Sous-section II) ; en dernier lieu, la garantie de relogement dont il bénéficie dans certains cas (Sous-section III).

Le droit de jouissance conféré à l’accédant

– Nature juridique. – Bien que le terme « location » ait été retenu dans l’appellation du contrat, et que le législateur se soit inspiré du droit commun du bail pour rédiger les articles dédiés au droit de jouissance, il semble que ce dernier ne puisse s’apparenter à un véritable bail. La question ne manque pas d’intérêt : certains s’interrogent notamment sur le fait de savoir si l’article 1751 du Code civil sur la cotitularité du droit au bail est applicable ou pas à ce droit de jouissance, ou si le vendeur bénéficie, pendant la période de jouissance préalable, du privilège du bailleur. Dans l’attente de précisions jurisprudentielles, l’opinion dominante considère ce droit de jouissance comme sui generis, uniquement régi par la loi de 1984. Cette thèse s’appuie sur l’absence de droit au maintien dans les lieux du locataire-accédant, puisqu’à la fin de la période de jouissance, ou en cas de résiliation anticipée du contrat, le locataire-accédant est réputé occupant sans titre et doit quitter les lieux, ce qui n’est pas le cas pour un locataire de logement dont le bail vient à expiration. Il faut également avoir à l’esprit que le contrat de location-accession étant indivisible, on ne pourrait appliquer le droit du bail lorsqu’il entre en contradiction avec cette indivisibilité.
– Durée de la jouissance. – La loi ne prévoit ni minimum ni maximum pour la durée de la jouissance. Toutefois, il est en pratique judicieux de prévoir une durée qui permette à l’accédant d’épargner suffisamment, quoique « l’accédant ne connaîtra pas toujours au moment de la conclusion du contrat de location-accession, le montant de l’apport personnel dont il aura effectivement besoin lors du transfert de propriété ». La totale liberté d’option de l’accédant incitera le vendeur à ne pas accepter une durée trop longue. La phase locative est donc généralement de courte durée (de l’ordre de six mois à quatre ans), le but étant que l’accédant puisse rapidement lever l’option. D’autant plus qu’il s’agit souvent de faire coïncider la durée du contrat avec les délais qui s’imposent pour pouvoir bénéficier de certains avantages fiscaux, par exemple lorsqu’il s’agit d’appliquer une TVA à taux réduit.
– Obligations de l’occupant. – L’occupant doit en particulier :
  • entretenir le logement et y faire les travaux de réparations courantes nécessaires ;
  • régler les charges d’entretien et de réparation de l’immeuble (s’il s’agit d’un appartement) à proportion de sa quote-part, étant considéré comme un propriétaire vis-à-vis de la copropriété dès la signature du contrat de location-accession (il peut, à ce titre, participer aux assemblées générales de l’immeuble et voter) ;
  • régler la taxe foncière à compter de la date d’occupation.
– Obligations du propriétaire. – Le propriétaire, quant à lui, est tenu de :
  • réserver le bien au locataire-accédant jusqu’à la date prévue pour la levée d’option ;
  • se tenir garant du paiement des charges vis-à-vis de la copropriété ;
  • effectuer les gros travaux de réparation nécessaires dans le logement, ce qui peut être intéressant dans le cadre des copropriétés dégradées avec des travaux à effectuer lors de la phase transitoire, avant levée d’option.

La redevance, contrepartie du droit à la jouissance

En contrepartie de son droit à la jouissance du logement, l’occupant doit verser au propriétaire une redevance, qui comporte une fraction locative et une fraction acquisitive. Cette redevance est en principe librement fixée entre les parties, mais fait l’objet d’un encadrement si l’accédant a recours à un prêt social location-accession (PSLA), ce qui est l’hypothèse la plus fréquente.
– Fraction locative. – La redevance est d’abord « la contrepartie du droit de l’accédant à la jouissance du logement ». Il ne s’agit pas à proprement parler d’un loyer, étant donné que le contrat de location-accession ne comporte pas un bail de droit commun, mais plutôt d’une rémunération du droit à la jouissance du logement, qualifiée de fraction « locative », pour plus de commodité.
– Fraction acquisitive. – La redevance est ensuite la contrepartie du droit de l’accédant au transfert de propriété. Si l’acquisition se concrétise, cette quote-part de la redevance s’imputera sur le prix, comme le fait toute somme versée par un bénéficiaire d’une promesse unilatérale de vente. Elle diffère cependant de l’indemnité d’immobilisation puisqu’elle n’est pas acquise au vendeur si l’accédant ne lève pas l’option. Le contrat de location-accession doit notamment préciser :
  • le montant de la redevance mise à la charge de l’accédant, sa périodicité et, le cas échéant, les modalités de sa révision ;
  • les modalités d’imputation de la redevance sur le prix.

La garantie de relogement

– Absence de droit au maintien dans les lieux. – Sauf stipulations particulières du contrat de location-accession, lorsque le transfert de propriété n’est pas intervenu au terme convenu, ou lorsque le contrat a été résilié, l’occupant ne bénéficie d’aucun droit au maintien dans les lieux.
– Garantie de relogement. – Toutefois, lorsque le contrat porte sur un logement qui a bénéficié d’une décision d’agrément, prise par le représentant de l’État dans le département, et à la condition que les revenus de l’occupant soient inférieurs aux plafonds de ressources fixés par la loi, celui-ci bénéficie d’une garantie de relogement. Même si, en théorie, un promoteur privé pourrait demander et obtenir cet agrément, dans la pratique, seuls les organismes de logement social sont en capacité d’assumer la garantie de relogement.
– Mise en œuvre. – Le vendeur doit proposer au locataire-accédant trois offres de relogement correspondant à ses besoins et ses possibilités, dans un délai de six mois à compter de la demande de mise en jeu de ladite garantie. Le bénéficiaire dispose d’un délai d’un mois à compter de la dernière offre pour l’accepter. À l’expiration de ce délai, si l’une des trois offres n’a pas été acceptée, la garantie cesse de s’appliquer. À compter de la date limite fixée pour la levée d’option et jusqu’au départ des lieux, l’occupant verse une indemnité d’occupation qui ne peut être supérieure au montant de la redevance diminué de la fraction imputable sur le prix de l’immeuble. Si le propriétaire est un organisme HLM, les offres de relogement ne font pourtant pas l’objet de la procédure d’attribution ordinaire des logements sociaux.