La maîtrise d’ouvrage des OLS/I pour la réalisation d’une opération mixte

La maîtrise d’ouvrage des OLS/I pour la réalisation d’une opération mixte

Il est fréquent que les opérateurs du logement s’inscrivent dans des projets immobiliers globaux, qui ne comprennent pas exclusivement les logements destinés à leur revenir. La part des logements sociaux ou intermédiaires destinée à ces opérateurs est d’ailleurs bien souvent minoritaire ; elle répond aux exigences des PLU qui, généralement, ne dépasse pas 30 % de la programmation. C’est la raison pour laquelle le foncier est, logiquement, toujours, à la main du promoteur immobilier en charge de la majorité de la programmation. C’est dans ce cadre que les opérateurs du logement recourent de manière fréquente à la vente en l’état futur d’achèvement pour se procurer des logements, sous maîtrise d’ouvrage privée.
Mais il arrive également que les OLS/I disposent de la maîtrise foncière initiale de terrains, friches, ou encore de bureaux à transformer, dans la perspective de réaliser un immeuble présentant une mixité sociale et fonctionnelle. Plus encore, à l’heure du ZAN que nous connaissons, nombre de bailleurs envisagent de requalifier leur propre patrimoine immobilier en vue de la réalisation d’une programmation mixte qualitative susceptible de répondre aux besoins de leurs locataires, notamment ceux en place. Pour concrétiser ce projet, il faut sortir du cadre classique de la maîtrise d’ouvrage publique. Plusieurs techniques juridiques permettent alors d’organiser cette maîtrise d’ouvrage, avec un degré d’implication plus ou moins fort des opérateurs privés, publics ou parapublics associés au projet : l’opérateur du logement pouvant assurer l’ensemble de la maîtrise d’ouvrage et céder en Vefa les ouvrages (Sous-section I), coordonner sa maîtrise d’ouvrage avec un tiers (Sous-section II) ou confier sa maîtrise d’ouvrage à un tiers (Sous-section III et IV).

L’extension de la maîtrise d’ouvrage : les bailleurs sociaux vendeurs en l’état futur d’achèvement

La hausse du coût du foncier et les obligations de mixité sociale, urbaine et de résilience imposent, même aux organismes HLM, de réaliser des opérations mixtes sur les fonciers qu’ils maîtrisent, soit pour les avoir déjà en patrimoine, soit pour les avoir acquis à l’amiable ou par voie de préemption par exemple. Ces derniers peuvent alors intégrer et concevoir, dès le départ, qu’une partie des constructions dont ils sont maîtres d’ouvrages soient destinées à être cédées en l’état futur d’achèvement à des opérateurs privés ou des opérateurs du logement. Cette cession génère des recettes permettant de réaliser l’opération de logement locatif social tout en restant compétitif sur le volet foncier. Les fonds apportés par le privé permettent de « viabiliser » l’opération de logement locatif social dans un contexte où les organismes HLM, comme beaucoup d’acteurs, peuvent difficilement absorber seul le coût d’accès au foncier.
Plusieurs techniques permettent aux organismes HLM d’être maître d’ouvrage de l’ensemble de l’immeuble dans la production neuve, et notamment la vente de la pleine propriété avec réserve d’usufruit (§ I) et la vente de logements à une personne privée dans le cadre du mécanisme dit de la « Vefa inversée » (§ II).

La vente de la pleine propriété avec réserve d’usufruit au profit de l’organisme HLM vendeur

C’est depuis la loi no 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement que les organismes HLM peuvent, de manière explicite, « réaliser en vue de leur vente, dans les conditions prévues à l’article L. 261-3, pour le compte de personnes publiques ou privées, des immeubles à usage principal d’habitation dont elles peuvent provisoirement détenir l’usufruit selon les modalités définies aux articles L. 253-1 à L. 253-5 ». L’objectif de cette disposition, présentée comme complémentaire à celles de la même loi ayant introduites le dispositif de l’usufruit locatif, est d’élargir les compétences des organismes HLM en leur permettant de réaliser des immeubles à usage principal d’habitation qu’ils peuvent céder en Vefa à des personnes publiques ou privées, tout en se réservant l’usufruit des logements dans les conditions de l’usufruit locatif prévu par le Code de la construction et de l’habitation.
La loi no 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové vient modifier ces dispositions, sans remettre en cause la possibilité pour les organismes HLM qui sont maîtres d’ouvrage de céder en Vefa la nue-propriété des immeubles neufs qu’ils réalisent.
Le dispositif est étendu « aux cessions, par les bailleurs sociaux, de la nue-propriété de biens existants ou à réhabiliter, en limitant cette possibilité aux zones tendues, afin de favoriser le montage d’opérations d’habitations à loyer modéré en centres-villes tout en renforçant les fonds propres des organismes de logements sociaux. Cette mesure serait expérimentée pendant une période de cinq ans, conformément aux discussions intervenues à l’Assemblée nationale en deuxième lecture du présent projet de loi. Enfin, il est pertinent de permettre aux bailleurs sociaux de se constituer un patrimoine locatif futur en leur ouvrant la faculté de se porter acquéreurs de la seule nue-propriété de logements soumis au schéma d’usufruit locatif social. »
Depuis lors, aux termes des articles régissant leur objet social, les organismes HLM peuvent : « acquérir la nue-propriété ou l’usufruit temporaire des logements visés à l’article L. 253-1, ou réserver ce dernier à leur profit, [à la condition que ces logements soient destinés à des personnes qui remplissent les conditions de ressources définies par décret ] : … au sein d’immeubles à usage principal d’habitation qu’ils réalisent en vue de leur vente à des personnes physiques ou morales dans les conditions prévues à l’article L. 261-3 ; – À titre expérimental pendant une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la loi no 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, au sein d’immeubles bâtis occupés ou non, dans les communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants telle que définie à l’article 232 du Code général des impôts ainsi que dans les communes de plus de 15 000 habitants en forte croissance démographique définies par décret pris en application du dernier alinéa du II de l’article L. 302-5 du présent code ; – La sous-section 1 de la section 2 du chapitre III du titre IV du présent livre n’est pas applicable aux opérations relevant des trois alinéas précédents.».
L’expérimentation consistant à permettre aux organismes HLM de réserver l’usufruit à leur profit au sein d’immeubles bâtis occupés ou non, dans des zones tendues, n’ayant pas été prolongée, elle ne sera pas abordée. En l’état du droit positif, outre la faculté d’acquérir la nue-propriété ou l’usufruit temporaire de logements qui seraient réalisés ou détenus par un tiers, les organismes HLM ont ainsi la faculté de se réserver l’usufruit de logements au sein d’immeubles à usage principal d’habitation qu’ils réalisent en vue de leur vente en état futur d’achèvement à des personnes physiques ou morales.
S’agissant des opérateurs du logement intermédiaire, si un tel dispositif n’est pas expressément codifié, ils devraient pouvoir le mettre en place dans les conditions qu’ils entendent, pourvu toutefois que l’opération en cause s’inscrive dans leur objet social.

La Vefa dite « inversée »

Introduit à titre expérimental par la loi no 2014-366 « Alur » du 24 mars 2014, pérennisé le 6 août 2015 par la loi no 2015-990 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, et codifié à l’article L. 433-2 du Code de la construction et de l’habitation, le dispositif dit de la « Vefa inversée » permet aux organismes HLM de vendre par le biais d’un contrat de vente d’immeuble à construire, à une personne privée, des logements, compris dans un programme de construction de logement, majoritairement social, situé en zone dite tendue ou sur un terrain acquis dans le cadre de la décote Duflot, dans une proportion maximale de 30 %.
En ne faisant pas référence à une typologie de logement (social, intermédiaire, etc.), le législateur a ouvert la possibilité pour un organisme HLM de céder en Vefa des logements relevant du secteur libre ou encore du secteur social ou intermédiaire puisque le texte ne pose pas de restrictions de ce point de vue. Bien que cette faculté soit ouverte, c’est la cession de logement du secteur libre qui présente le plus grand intérêt. En effet, cette liberté d’affectation de la partie de l’immeuble pouvant être cédée en Vefa permet la mise en place d’une véritable mixité sociale dans un immeuble sous la maîtrise d’ouvrage de l’organisme HLM et donc conçu en fonction de ses besoins réels et de son expérience de gestionnaire de parc locatif. Plus encore, le recours à la Vefa inversée pour réaliser du logement libre dans une programmation sous maîtrise d’ouvrage de l’organisme HLM leur permet, dans le contexte de ZAN que nous connaissons, de repenser et restructurer leur patrimoine existant, d’introduire de la mixité sociale et fonctionnelle, sans pour autant en perdre la maîtrise. Elle favorise le redéveloppement du patrimoine de l’organisme.
L’article L. 433-2 dispose qu’un « organisme HLM peut (…) vendre des logements à une personne privée ». Cette rédaction, semble, à notre sens, exclure la vente « à l’unité » des logements, et impose la vente « en bloc » de plusieurs logements à un même investisseur. Ce point de vue semble cohérent avec la volonté du législateur de permettre aux organismes HLM de retrouver une maitrise d’ouvrage, sans toutefois les faire basculer dans une activité de promotion immobilière destinée à l’accession libre en dehors des textes régissant cette faculté. Cette restriction n’exclut néanmoins pas la possibilité de procéder à la vente en plusieurs blocs de la partie de l’immeuble affectée à la Vefa.
En tant que vendeur, la conclusion du contrat de Vefa n’est soumise à aucune obligation de publicité et de mise en concurrence, au sens de la commande publique, dans la mesure où l’objet du contrat porte sur le transfert d’un droit immobilier. Il est donc possible de contracter avec la/les personne(s) privée(s) de son choix et de conclure un contrat de gré à gré, ou alors d’organiser une consultation pour désigner le ou les cocontractant(s) afin de valoriser au mieux le bien. Pour pouvoir être mis en œuvre, encore faut-il que certaines conditions soient respectées.
– La situation géographique du programme de construction. – La Vefa inversée ne concerne que les programmes de construction de logements réalisés : sur des terrains, bâtis ou non, ayant été acquis dans le cadre des articles L. 3211-7 ou L. 3211-13-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, c’est-à-dire les terrains acquis dans le cadre du dispositif de décote sur le prix de cession du foncier de l’État, de ses établissements publics, et des sociétés détenues par l’État ; ou sur un terrain situé sur le territoire d’une commune appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, autrement dit situé en « zone tendue » au sens de la taxe sur les logements vacants.
– La composition du programme de construction. – L’organisme HLM ne pourra avoir recours à la Vefa inversée que lorsque les logements qu’il envisage de céder font partie d’un programme de construction composé majoritairement de logements sociaux.
– Limite quantitative. – L’organisme HLM pourra céder dans ces formes au maximum 30 % des logements du programme de construction. Précision étant faite que ce ratio de 30 % s’apprécie au regard de l’ensemble des logements du programme de construction, et pas uniquement au regard des logements sociaux.
– Autres conditions. – L’article L. 433-2 du Code de la construction et de l’habitation mentionne également que la vente est subordonnée « au respect, par l’organisme HLM, de critères prenant notamment en compte la production et la rénovation de logements locatifs sociaux, définis à l’article L. 445-1 du présente code » ; autrement dit, l’organisme HLM doit respecter les critères établis dans le cadre de la Convention d’utilité sociale (CUS). L’organisme HLM doit par ailleurs mettre en place une comptabilité distincte de celle des opérations relevant du service d’intérêt général. Enfin, l’article L. 433-2 du Code de la construction et de l’habitation prévoit que « cette vente est soumise à l’autorisation du représentant de l’État dans le département du lieu de l’opération ». L’emploi du singulier « cette vente » permet de déduire que chacune des cessions opérées par l’organisme HLM sera soumise à autorisation du préfet. Autrement dit, l’autorisation du préfet ne vaut pas agrément pour le recours à la Vefa inversée de manière générale, mais uniquement pour la cession en question. Ainsi, si l’organisme HLM décide de conclure plusieurs Vefa pour un même programme, il devra recueillir autant d’autorisation que de cession.
Depuis l’adoption de la loi Alur, quelques opérations ont pu être développées en Vefa inversée. C’est par exemple le cas de l’opération visant à transformer l’ancienne caserne de Reuilly à Paris, et au sein de laquelle Paris Habitat a procédé à la cession de 30 % de logements à loyer libre.
Cette faculté reste cependant sous utilisée, alors même qu’elle permettrait aux organismes HLM de repenser et restructurer leur patrimoine existant et d’introduire de la mixité sociale et fonctionnelle, sans pour autant être obligé de céder leurs biens dans la perspective d’en acquérir une partie minoritaire ultérieurement. Une ouverture des conditions posées pour recourir à la Vefa inversée, sur le patrimoine existant notamment, nous paraîtrait de nature à encourager l’utilisation de cette mécanique juridique.
Là encore, les opérateurs du logement intermédiaire devraient pouvoir mettre en place ce dispositif dans les conditions qu’ils entendent puisqu’ils ne sont soumis aux mêmes contraintes que les OLS, pourvu toutefois que l’opération en cause s’inscrive dans leur objet social.

La co-maîtrise d’ouvrage

Lorsque l’organisme HLM n’est pas en charge de la réalisation de l’intégralité du programme de construction et que la réalisation des ouvrages, imbriqués, nécessite une maîtrise d’ouvrage unique, il appartiendra de définir les conditions dans lesquelles peut être assurée une maîtrise d’ouvrage conjointe de l’opération définie, le cas échéant, par le biais d’un permis de construire déposé en cotitularité par les différents intervenants. Compte-tenu de la qualité de pouvoir adjudicateur de l’opérateur de logement, il s’agira alors de veiller au respect du droit de la commande publique, qui pourra mener à privilégier le recours à un groupement de commandes sur le fondement des articles L. 2113-6 à L. 2113-8 du Code de la commande publique.
Le groupement de commandes est une modalité d’organisation de l’achat public qui permet une coordination et le regroupement des commandes entre plusieurs pouvoirs adjudicateurs, voire des tiers, afin de passer conjointement un ou plusieurs marchés publics. L’intérêt principal pour les acheteurs repose sur le lancement d’une consultation unique pour répondre aux besoins de plusieurs acheteurs en matière de travaux, services, ou fourniture. Le groupement de commandes n’a pas pour effet de dessaisir ses membres de leur maîtrise d’ouvrage. Les obligations de chaque maître d’ouvrage, même coordonnées, restent séparées et chaque maître d’ouvrage reste notamment tenu de définir son besoin. C’est ici la différence principale avec le transfert de maîtrise d’ouvrage (voir ci-après). Sans opérer une « fusion » des maîtrises d’ouvrage, le groupement de commandes permet néanmoins une véritable coordination des différentes maîtrises d’ouvrage et une consultation unique pour répondre aux besoins de tous. Le groupement de commandes permet de regrouper différents maîtres d’ouvrages qui vont chacun garder leurs prérogatives de maître d’ouvrage sans qu’il n’y ait de maître d’ouvrage unique ; le coordonnateur du groupement agissant seulement au nom et pour le compte de chacun des membres du groupement et non pas en son nom propre comme dans le transfert de maîtrise d’ouvrage.
Le coordonnateur du groupement mène tout ou partie de la procédure de passation ou de l’exécution du marché public au nom et pour le compte des autres membres. Aussi, la convention constitutive du groupement de commandes peut prévoir que le coordonnateur sera chargé :
  • soit, uniquement de la passation du marché, chaque membre du groupement signant le marché et s’assurant de sa bonne exécution ;
  • soit, en plus de la passation du marché, de sa signature et de son exécution au nom de l’ensemble des membres du groupement.
Dans cette dernière hypothèse et lorsque le marché porte sur la réalisation de travaux, le coordonnateur doit être investi d’un mandat de maîtrise d’ouvrage au sens du Code de la commande publique. La convention constitutive du groupement vaut alors convention de mandat et devra ainsi comporter les clauses obligatoires du mandat. Aussi, les contrats que le coordonnateur du groupement conclut doivent être approuvés par chacun de ses membres, en leur qualité de maître d’ouvrage. Par ailleurs, dans le cadre de l’exécution du contrat, le coordonnateur devra recueillir l’accord préalable des membres du groupement chaque fois que les dispositions relatives à la maîtrise d’ouvrage publique l’exigent (sur les avant-projets, la réception de l’ouvrage, etc.). Il peut être constitué des acheteurs soumis au Code de la commande publique et toute personne privée qui accepterait de s’y soumettre. Il convient de préciser que lorsque le groupement est composé de membres qui ne sont pas soumis aux mêmes règles de passation, le groupement de commandes est tenu de mettre en œuvre les règles les plus strictes applicables à l’un des membres du groupement.
L’association d’un ou plusieurs opérateur(s) privé(s) à un tel groupement implique alors que ce(s) dernier(s) accepte(nt) de se soumettre aux procédures applicables à l’organisme HLM, et donc qu’il(s) accepte(nt) notamment de se soumettre à une obligation de publicité et de mise en concurrence. Cette situation souvent inédite pour les opérateurs privés devra s’accompagner de beaucoup de pédagogie, surtout lorsqu’elle constitue la seule solution envisageable eu égard aux caractéristiques de l’opération. Dans les faits, une telle solution ne semble pouvoir être imposée que lorsque l’organisme HLM dispose de la maîtrise foncière, à défaut de quoi il est difficilement possible de pouvoir imposer un tel montage au promoteur immobilier propriétaire et maître d’ouvrage de la plus grande partie de l’opération. Et ce, même pour la réalisation des ouvrages et équipements minoritaires mais qui seraient communs à deux programmes immobiliers réalisés chacun sous une maîtrise d’ouvrage distincte et autonome.
On relèvera par ailleurs que la réalisation d’un projet avec un permis de construire en cotitularité et un groupement de commandes n’est pas des plus évidente. Il s’agit d’une organisation chronophage, et pour laquelle certains sujets pratiques sont complexes à résoudre comme, par exemple, la garantie financière d’achèvement (GFA), obligatoire pour la partie des logements destinés à être cédés en Vefa, et dont une partie de la réalisation relève de la maîtrise d’ouvrage d’un tiers.

Le transfert de maîtrise d’ouvrage

L’article L. 2422-12 du Code de la commande publique prévoit le mécanisme du transfert de la maîtrise d’ouvrage. Cet article dispose que : « Lorsque la réalisation ou la réhabilitation d’un ouvrage ou d’un ensemble d’ouvrages relèvent simultanément de la compétence de plusieurs maîtres d’ouvrage mentionnés à l’article L. 2411-1 ou de l’un ou plusieurs de ces maîtres d’ouvrage et de la société SNCF Réseau mentionnée à l’article L. 2111-9 du Code des transports ou de sa filiale mentionnée au 5° de cet article, ceux-ci peuvent désigner, par convention, celui d’entre eux qui assurera la maîtrise d’ouvrage de l’opération ». La loi permet donc à plusieurs maîtres d’ouvrage publics dès lors qu’ils sont soumis aux dispositions relatives à la maîtrise d’ouvrage publique pour la partie concernée, ayant une « compétence » sur une partie de l’ouvrage, de se coordonner pour réaliser un projet commun en leur offrant la possibilité de décider que l’un d’eux exercera les attributions de la maîtrise d’ouvrage pour l’ensemble de l’opération.
Le recours au transfert n’est admis que pour les opérations dans le cadre desquelles les ouvrages, dont la réalisation relève de différentes maîtrises d’ouvrage, sont imbriqués ou s’inscrivent dans un ensemble d’ouvrages. À titre d’exemple, l’unicité du projet architectural, la complémentarité des ouvrages, l’existence de parties communes et la répartition de la jouissance des biens sont des indices permettant de mettre en lumière l’existence d’une véritable imbrication des projets. À l’inverse, la réalisation d’ouvrages distincts ne concourant que fonctionnellement, voir simplement architecturalement, à une opération d’ensemble ne devrait pas permettre de recourir au transfert de maîtrise d’ouvrage. Les maîtres d’ouvrage concernés doivent désigner, par le biais d’une convention, celui d’entre eux qui assurera les prérogatives de la maîtrise d’ouvrage. La convention a pour objet de préciser, a minima, le périmètre des compétences transférées, les conditions de l’organisation et le terme du transfert. Il est recommandé qu’elle fixe également très précisément les conditions de financement de l’ouvrage, les conditions de validation, le partage des frais et dépenses, etc.
Contrairement à la délégation de maîtrise d’ouvrage, le maître d’ouvrage désigné assume la fonction de maître d’ouvrage pour l’ensemble de l’opération en son propre nom et pour son propre compte. Il est donc maître d’ouvrage unique et ses compétences se trouvent simplement étendues à l’ensemble de l’ouvrage. Le maître d’ouvrage unique sera seul compétent pour mener l’ensemble des procédures nécessaires à la réalisation de l’opération, sous réserve des éventuelles limitations prévues à la convention. Ainsi, ses organes seront exclusivement compétents pour la passation des marchés de travaux et pour l’exécution de ceux-ci. Le transfert de maîtrise d’ouvrage a l’avantage de mettre en place, une fois le transfert réalisé, une maîtrise d’ouvrage unique pour l’ensemble de l’opération, gage d’une certaine efficacité dans la mesure où elle permet de pallier les difficultés de coordination et de cohérence d’ensemble pour l’opération en cause.
Toutefois, il convient de noter que ce dispositif ne s’applique qu’entre maîtres d’ouvrage soumis aux obligations de maîtrise d’ouvrage publique. Aussi, si le transfert de maîtrise d’ouvrage est parfaitement possible entre une collectivité territoriale et un organisme HLM, le transfert avec une personne privée non soumise aux dispositions relatives à la maîtrise d’ouvrage publique, tel un promoteur privé, n’est pas envisageable. Le recours à un autre montage juridique, comme le mandat de maîtrise d’ouvrage, pourrait donc s’avérer nécessaire pour permettre une coordination effective de l’ensemble.

Le mandat de maîtrise d’ouvrage : confier l’exercice de la maîtrise d’ouvrage à un tiers

Prévu à l’article L. 2422-5 du Code de la commande publique, le mandat de maîtrise d’ouvrage permet de confier par contrat de mandat de maîtrise d’ouvrage à un mandataire l’exercice, en son nom et pour son compte, de tout ou partie des attributions mentionnées à l’article L. 2422-6 du Code de la commande publique. À la différence du transfert de maîtrise d’ouvrage, ce mandat peut être consenti à toute personne, même non soumise aux dispositions relatives à la maîtrise d’ouvrage publique et le mandataire agit non pas en son nom en tant que maître d’ouvrage unique mais au nom et pour le compte du mandant.
Un tel contrat de mandat devra, en tant que marché public de services, être précédé d’une procédure de publicité et de mise en concurrence lorsqu’il est conclu à titre onéreux.
Le droit de la commande publique, en ce compris les dispositions relatives à la maîtrise d’ouvrage publique, ne constitue pas un frein significatif au développement de l’activité des OLS/I. L’allégement des règles applicables, notamment pour la passation des marchés publics, et les modalités de coordination de la maîtrise offertes par les textes, devraient permettre de répondre aux besoins et enjeux des OLS/I. En tout cas, c’est tout l’objectif du législateur. Il n’y a donc pas, selon nous, d’enjeu spécifique à adapter le droit de la commande publique lorsque les OLS/I sont maîtres d’ouvrage. Le véritable enjeu pour les organismes HLM réside dans la mobilisation du foncier – sous toutes ses formes (foncier, friches, immeubles existants et à transformer) – à un coût supportable. Si les OLS/I disposent d’un important patrimoine bâti, susceptible de recyclage, leur accès au foncier est plus difficile. Plus globalement, compte tenu de la mixité fonctionnelle et sociale des opérations, même lorsqu’il s’agit de requalifier leur propre patrimoine, la part de développement immobilier destiné à leur revenir ne leur permet pas toujours d’assumer toute la maîtrise d’ouvrage et le portage financier de l’opération. Le recours à la VIC comme cela a déjà été indiqué en propos introductif est une réalité. En la matière, les frottements avec les règles de la commande publique sont nombreux et peuvent causer de véritables insécurités juridiques. Cela implique sans doute de penser plus globalement et plus efficacement les modes de partenariat avec le privé pour satisfaire au mieux le besoin de production de logements sociaux et intermédiaires.