La maîtrise d’ouvrage des OLS/I pour la réalisation d’opérations de logements aidés

La maîtrise d’ouvrage des OLS/I pour la réalisation d’opérations de logements aidés

Pour pouvoir appréhender avec pertinence les outils permettant, dans le respect du cadre d’intervention des OLS/I, de réaliser une opération immobilière mixte, encore faut-il rappeler ledit cadre d’intervention des OLS/I en matière de maîtrise d’ouvrage directe. Il convient de présenter d’abord le champ d’application de l’obligation de maîtrise d’ouvrage publique (Sous-section I) puis celui du droit de la commande publique (Sous-section II).

La soumission à l’obligation de maîtrise d’ouvrage publique

– La maîtrise d’ouvrage des personnes publiques et parapubliques est organisée par les articles L. 2410-1 et suivants du Code de la commande publique. – Ces articles sont le résultat de la codification de la loi no 85-704 du 12 juillet 1985 dite loi « MOP » adoptée dans le but notamment de garantir la qualité des constructions publiques, y compris celles portées par les collectivités territoriales au lendemain de la décentralisation, et d’organiser les relations entre les maîtres d’ouvrage publics et les maîtres d’œuvre privés.
En effet, la loi MOP, à la différence des dispositions relatives à la maîtrise d’ouvrage privée, encadre strictement les possibilités de délégations ou mandats qui peuvent être accordés par le maître d’ouvrage public à des tiers. De plus, cette loi distingue clairement les interventions de trois types d’opérateurs de la construction : le maître de l’ouvrage qui dirige l’opération, le maître d’œuvre qui la conçoit et l’organise, et l’entrepreneur qui exécute. Cette répartition des rôles et des responsabilités entre les différents intervenants vise à garantir la qualité architecturale, technique et fonctionnelle du projet dans le cadre d’une enveloppe financière maîtrisée. Le fait qu’un même maître d’œuvre exécute par principe une mission complète sur un projet, intégrant à la fois la phase de conception de l’ouvrage et celle de l’exécution des travaux (CCP, art. L. 2431-1), participe de cette recherche de qualité des constructions publiques, même si les bailleurs sociaux bénéficient d’obligations assouplies à ce titre.
En application de ces dispositions, il est institué une obligation de maîtrise d’ouvrage publique pour les personnes visées à l’article L. 2411-1 du Code de la commande publique, savoir :
  • l’État et ses établissements publics ;
  • les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les offices publics de l’habitat mentionnés à l’article L. 411-2 du Code de la construction et de l’habitation pour les logements à usage locatif aidés par l’État et réalisés par ces organismes et leurs groupements ;
  • les organismes privés mentionnés à l’article L. 124-4 du Code de la sécurité sociale, ainsi que leurs unions ou fédérations ;
  • les organismes privés d’habitations à loyer modéré, mentionnés à l’article L. 411-2 du Code de la construction et de l’habitation, ainsi que les sociétés d’économie mixte, pour les logements à usage locatif aidés par l’État et réalisés par ces organismes et sociétés.
– La maîtrise d’ouvrage publique recouvre deux dimensions juridiques. – D’abord un régime, un contenu : il appartient au maître d’ouvrage, après s’être assuré de la faisabilité et de l’opportunité de l’opération envisagée, d’en déterminer la localisation, d’en définir le programme, d’en arrêter l’enveloppe prévisionnelle, d’en assurer le financement, de choisir le processus selon lequel l’ouvrage sera réalisé et de conclure les contrats ayant pour objet les études et l’exécution des travaux. Le maître d’ouvrage supporte la « responsabilité de l’ouvrage ». La mission de maîtrise d’œuvre doit par ailleurs être distinguée de celle confiée aux opérateurs économiques en charge des travaux. Ensuite, l’autre dimension de la maîtrise d’ouvrage publique est son caractère obligatoire : c’est-à-dire l’obligation de maîtrise d’ouvrage publique puisque le législateur considère que les maîtres d’ouvrage sont les responsables principaux de l’ouvrage et ils ne peuvent se décharger de cette obligation. Ceci étant rappelé, précisons l’étendue de l’obligation de maîtrise d’ouvrage publique pour les organismes de logement social et pour les organismes de logement intermédiaire (§ I) ainsi que les dérogations prévues à cette obligation pour les ouvrages imbriqués (§ II).

L’étendue de l’obligation de maîtrise d’ouvrage publique

– Maîtrise d’ouvrage des opérateurs de logement social (OLS). – La soumission des OLS aux obligations de maîtrise d’ouvrage n’est pas intégrale, et ce à double titre. D’une part, eu égard à la lettre de l’article L. 2411-1 du Code de la commande publique, les offices publics de l’habitat, les organismes privés d’habitation à loyer modéré (comme les SA HLM) et les SEM agréées pour la construction et la gestion de logements sociaux, ne sont soumis aux dispositions des articles L. 2410-1 et suivants du Code de la commande publique que pour la réalisation de logements à usage locatifs aidés par l’État, à l’exclusion de tout autre type d’ouvrage. Cette notion n’est pas définie par le texte mais il convient d’y entendre l’ensemble des logements à usage locatifs pour la réalisation desquels ces acteurs perçoivent une aide spécifique, ce qui englobe notamment les logements locatifs sociaux. A contrario, ils ne sont donc pas soumis à ces dispositions lorsqu’ils réalisent tout autre type d’ouvrage, comme lors de la réalisation d’opérations d’accession sociale à la propriété, de commerce ou d’équipements publics. D’autre part, lorsqu’ils sont soumis à ces dispositions, c’est-à-dire lorsqu’ils réalisent des logements à usage locatif aidés par l’État, les organismes privés d’habitations à loyer modéré, les sociétés d’économie mixte et les offices publics de l’habitat ne sont pas soumis au titre III sur la maîtrise d’œuvre privée, qui impose notamment une distinction entre la mission de maîtrise d’œuvre et d’entreprise. Étant exclus du champ d’application des dispositions relatives à la maîtrise d’œuvre, les organismes HLM et SEM agréées sont donc libres de définir et confier les missions qu’ils souhaitent à la maîtrise d’œuvre, même s’ils peuvent évidemment se rapporter à ces dispositions. Par ailleurs, ils ne sont pas tenus d’organiser un concours pour conclure les marchés de maîtrise d’œuvre. Constatons ainsi que la soumission des OLS aux dispositions relatives à la maîtrise d’ouvrage publique est, d’une part, réduite à leur activité principale – la réalisation de logements locatifs aidés – alors même que leur objet social tend à s’étoffer au gré des modifications législatives, et, d’autre part, est restreinte dès lors que, même lorsqu’ils sont dans le champ d’application du texte, les dispositions qui leur sont applicables se réduisent progressivement.

Focus sur l’obligation de maîtrise d’ouvrage publique pour la réalisation d’opérations en BRS

D’un point de vue organique, seuls les organismes HLM agréés en tant qu’OFS et les OFS de collectivités territoriales constitués sous forme d’établissements publics sont susceptibles d’être soumis à cette réglementation lorsqu’ils assurent la maîtrise d’ouvrage des logements destinés à faire l’objet d’un BRS.
D’un point de vue matériel, puisque le champ d’application des textes relatifs à la maîtrise d’ouvrage publique ne concerne que les opérations relatives à des logements à usage locatif aidés par l’État, les organismes HLM (offices publics de l’habitats et organismes privés d’habitations à loyer modéré) agréés OFS n’y sont pas soumis lorsqu’ils réalisent des logements en accession en BRS.
Dans les faits, la soumission de l’OFS à la réglementation sur la maîtrise d’ouvrage publique apparaît anecdotique dans la mesure où la maîtrise d’ouvrage de l’opération est le plus fréquemment assuré par un opérateur dans le cadre d’un BRS dit Opérateur au sens de l’article L. 255-3 ou L. 255-4 du Code de la construction et de l’habitation dans lequel un opérateur s’engage, le cas échéant, à construire ou réhabiliter des constructions et soit (i) à céder les droits réels à des ménages sous conditions de ressources (schéma dit du « BRS Opérateur »), soit (ii) proposer la souscription de parts ou actions sociales permettant la jouissance des biens par des bénéficiaires répondant aux conditions de ressources (schéma dit du « BRS Opérateur-Porteur »), soit (iii) louer les logements à des ménages sous conditions de ressources (schéma dit du « BRS Locatif »). En tant qu’opérateur, l’organisme HLM ne serait soumis aux dispositions relatives à la maîtrise d’ouvrage publique que lorsqu’il réalise des logements locatifs aidés par l’État, ce qui, rappelons-le, n’est pas le cas des logements en accession réalisés dans le cadre d’un BRS Opérateur visé à l’article L. 255-3 du Code de la construction et de l’habitation ou BRS Locatif visé à l’article L. 255-4 du Code de la construction et de l’habitation.
– Maîtrise d’ouvrage des opérateurs du logement intermédiaire. – Aux côtés des organismes HLM, les opérateurs du logement intermédiaire regroupent les structures immobilières intervenant principalement dans le secteur du logement à destination des ménages aux revenus trop élevés pour être éligibles au logement social, mais qui ne peuvent toutefois accéder au secteur libre pour un taux d’effort raisonnable. Il s’agit par exemple de filiales d’Action Logement Immobilier (ex. in’li) ou de filiales du groupe Caisse des dépôts et consignations (ex. CDC Habitat). Ces acteurs ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la maîtrise d’ouvrage publique, même en cas de réalisation de logements à usage locatif aidés par l’État, dès lors que le critère organique fait défaut : il ne s’agit ni d’organisme HLM, ni de SEM agréées. Ils réalisent donc leurs opérations de construction sans entrer dans le champ d’application des dispositions du Code de la commande publique en matière de maîtrise d’ouvrage publique.

Les dérogations pour les ouvrages imbriqués

– Exception jurisprudentielle et légale pour les acquisitions en Vefa. – Le champ de l’obligation maîtrise d’ouvrage publique a été précisé à l’occasion du développement du recours à la vente en l’état futur d’achèvement (Vefa) par les personnes publiques. Pour les maîtres d’ouvrage publics, le recours à un tel dispositif pose en effet question, compte tenu de la définition même de la Vefa selon laquelle c’est un « contrat par lequel le vendeur transfère immédiatement ses droits à l’acquéreur sur le sol ainsi que sur la propriété des constructions existantes. Les ouvrages à venir deviennent la propriété de l’acquéreur au fur et à mesure de leur exécution ; l’acquéreur est tenu de payer le prix à mesure de l’avancement des travaux. Le vendeur conserve les pouvoirs de maître d’ouvrage jusqu’à la réception des travaux ». Dans ce cadre, bien que l’ouvrage soit destiné à devenir la propriété de la personne publique à son achèvement, la maîtrise d’ouvrage est exercée par le vendeur. Or, les dispositions relatives à la maîtrise d’ouvrage publique obligent les personnes morales qui y sont soumises à remplir le rôle de maître d’ouvrage.
Le Conseil d’État a eu à se prononcer sur la légalité du recours à la Vefa par des personnes publiques et a donné une interprétation de l’article 2 de la loi MOP dans un avis du 31 janvier 1995 dans le cadre de la construction d’un commissariat de police au terme de laquelle il considère que les personnes publiques ont l’obligation d’être maître d’ouvrage des travaux de construction réalisés sur un terrain qui ne leur appartient pas seulement si quatre conditions sont cumulativement remplies :
  • l’objet de l’opération est la construction même d’un immeuble pour le compte de la personne publique ;
  • l’immeuble doit être destiné à devenir sa propriété ;
  • l’immeuble doit être entièrement destiné à devenir sa propriété ;
  • l’immeuble a été conçu en fonction de ses besoins propres.
Cette interprétation de la loi MOP était particulièrement réaliste dans la mesure où elle permettait :
  • l’acquisition en Vefa d’un immeuble sur le marché, c’est-à-dire d’un immeuble dont l’initiative et la conception relève du vendeur et non de la personne publique ;
  • de ne pas imposer une obligation de maîtrise d’ouvrage aux personnes publiques qui ne deviennent propriétaires, au sein d’un ouvrage complexe, que d’une partie de travaux ou des constructions en cause. Comme le notent les professeurs Étienne Fatôme et Philippe Terneyre dans leur commentaire de cet avis, l’objectif du Conseil d’État était de permettre aux personnes soumises à la loi MOP d’acquérir en l’état futur d’achèvement des locaux qui, bien que « répondant à des besoins architecturaux […] très spécifiques », font partie « d’ensembles immobiliers complexes où se poseraient de redoutables problèmes techniques s’ils devaient être réalisés sous une double maîtrise d’ouvrage » ;
  • de ne pas imposer non plus d’obligation de maîtrise d’ouvrage pour les immeubles dont les personnes publiques ne deviennent pas propriétaires.
Au vu de cette analyse de l’obligation de maîtrise d’ouvrage publique, il apparaît que pourront être réalisés sous la maîtrise d’ouvrage d’un opérateur privé des équipements publics dès lors qu’ils seront imbriqués techniquement aux parties privées du projet. Les maîtres d’ouvrage soumis aux dispositions relatives à la maîtrise d’ouvrage publique pourront dans ces conditions s’en porter acquéreur dans le cadre d’une Vefa, laquelle peut désormais prendre la forme d’un marché public conclu de gré à gré dans les termes de l’article R. 2122-3 du Code de la commande publique (sous réserve d’en satisfaire les conditions : V. infra).
S’agissant des organismes HLM, si l’article L. 2411-1 du Code de la commande publique indique qu’ils sont soumis aux dispositions sur la maîtrise d’ouvrage publique, l’article L. 2412-2 du Code de la commande publique précise que « les dispositions du présent livre ne sont pas applicables (…) aux ouvrages de bâtiment acquis par les organismes énumérées à l’article L. 411-2 du Code de la construction et de l’habitation et les sociétés d’économie mixte par un contrat de vente d’immeuble à construire prévu par les articles 1601-1, 1601-2 et 1601-3 du Code civil. » Pour autant, cette disposition ne doit pas être interprétée comme permettant à l’organisme HLM d’acquérir en Vefa en conformité avec les dispositions relatives à la maîtrise d’ouvrage publique en toute hypothèse. En effet, pour que le recours à la Vefa soit régulier, encore faut-il que les conditions jurisprudentielles susmentionnées soient remplies. C’est d’ailleurs ce que reflète le texte en utilisant les notions d’ouvrage de bâtiment et d’acquisition. La Vefa ne peut pas être utilisée pour faire construire pour son compte, elle ne peut l’être que pour acquérir un bâtiment dont la construction serait en cours. C’est dans cette hypothèse que les organismes HLM sont expressément dispensés de l’application des règles applicables en matière de maîtrise d’ouvrage publique.
– Exception légale : la dispense préfectorale. – L’article 1er de la loi MOP – rare disposition non codifiée dans le Code de la commande publique – dans sa version encore en vigueur prévoit également une dispense d’application de tout ou partie de ladite loi accordée, au cas par cas, par le préfet de département pour les ouvrages édifiés par les organismes HLM destinés à s’intégrer à des constructions relevant d’autres régimes juridiques. Une telle exemption pourrait donc leur permettre de confier leur maîtrise d’ouvrage à un tiers, en dehors des cas expressément prévus par les dispositions relatives à la maîtrise d’ouvrage publique (ex. en ayant recours au contrat de promotion immobilière, qui est incompatible avec les dispositions relatives à la maîtrise d’ouvrage publique dès lors que ce contrat implique de confier au promoteur des missions allant au-delà de ce qu’il est permis par les textes).

Tableau de synthèse sur la loi MOP et les OLS/I

Offices publics de l’habitat Organismes privés d’habitation à loyer modéré SEM agréées Opérateurs du logement intermédiaire
Champ d’application organique et matériel des dispositions relatives à la maîtrise d’ouvrage publiqueSoumis uniquement pour la réalisation de logements à usage locatifs aidés par l’État, ce qui exclut toutes les autres opérations (accession sociale à la propriété, commerce, équipements, etc.).Non soumis
Étendue de la soumission aux dispositions relatives à la maîtrise d’ouvrage publique en cas de réalisation de logements locatifs aidésUniquement soumis au titre I et titre II, à l’exclusion du titre III relatif à la maîtrise d’œuvre privée.

La soumission au droit de la commande publique

Le droit de la commande publique est un ensemble de règles destinées à régir les achats en matière de travaux, fournitures ou services réalisés par des personnes publiques ou parapubliques dont on estime que les leviers de l’achat public auxquels elles contribuent (accès des petites et moyennes entreprises à la commande publique, réemploi des matériaux, développement durable, etc.) impliquent qu’elles se soumettent à certaines procédures, notamment pour la passation de leurs contrats, afin de garantir la transparence et l’égalité de traitement des opérateurs sur les marchés concurrentiels.

La notion de commande publique

Cette réglementation, directement issue des directives européennes, a vocation à s’appliquer lorsque l’acheteur est une personne morale de droit public, un organisme de droit public (V. infra, nos et ), un organisme constitué par des pouvoirs adjudicateurs, ou lorsque le marché de travaux ou de service en cause est subventionné à plus de cinquante pourcents par un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs. En revanche, pour que le droit de la commande publique s’impose, encore faut-il que l’opération constitue un marché public ou une concession, ce qui ne concerne que les cas dans lesquels le pouvoir adjudicateur commande une prestation répondant à un besoin individualisé.
La réponse au besoin du pouvoir adjudicateur est donc au cœur du droit de la commande publique, dont les règles sont aujourd’hui codifiées au sein du Code de la commande publique. Ainsi, l’article L. 1111-1 du Code de la commande publique défini le marché public comme : « un contrat conclu par un ou plusieurs acheteurs soumis au présent code avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, en contrepartie d’un prix ou de tout équivalent ».
Plus particulièrement, s’agissant des marchés de travaux, l’article L. 1111-2 du même code dispose que :
« Un marché de travaux a pour objet :
1° Soit l’exécution, soit la conception et l’exécution de travaux dont la liste figure dans un avis annexé au présent code ;
2° Soit la réalisation, soit la conception et la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant aux exigences fixées par l’acheteur qui exerce une influence déterminante sur sa nature ou sa conception.
Un ouvrage est le résultat d’un ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil destiné à remplir par lui-même une fonction économique ou technique ».
Par conséquent, toute la difficulté réside dans la question de savoir à partir de quand un contrat qui présente une nature immobilière pourrait être qualifié de commande publique répondant à un besoin d’un pouvoir adjudicateur.
Pour cerner la frontière entre commande publique et d’autres formes de partenariat, comme les appels à projets urbains, il est utile de se référer à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après, « CJUE »), interprétant la directive 2004/18, ainsi qu’aux clés d’interprétation contenues dans le préambule de la directive 2014/24, dans la mesure où les textes codifiés dans le Code de la commande publique transposent les directives européennes.
Il ressort des textes et de la jurisprudence communautaire que, pour qu’une opération soit qualifiée de marché public de travaux au sens du droit de l’Union européenne, il faut que les trois conditions cumulatives suivantes soient remplies :
  • que l’opération présente un caractère onéreux ;
  • que cette opération présente également un intérêt économique direct pour la personne publique. Cet intérêt économique direct est clairement établi lorsqu’il est prévu que le pouvoir adjudicateur deviendra propriétaire des travaux ou de l’ouvrage faisant l’objet du marché ;
  • que les prestations répondent à des besoins précisés par le pouvoir adjudicateur. S’agissant spécifiquement des marchés de travaux, le considérant no 9 du préambule de la directive 2014/24 précise que « La réalisation d’un ouvrage répondant aux besoins précisés par un pouvoir adjudicateur requiert que le pouvoir en question ait pris des mesures afin de définir les caractéristiques de l’ouvrage ou, à tout le moins, d’exercer une influence déterminante sur la conception de celui-ci ». Autrement dit, il est nécessaire de déterminer qu’ils soient réalisés pour le compte de la collectivité publique et à son initiative.
Cette réglementation, dont la version actuelle est directement issue des directives européennes de 2014, a vocation à s’appliquer lorsque l’acheteur est une personne morale de droit public, un organisme de droit public, un organisme constitué par des pouvoirs adjudicateurs, ou que son activité ou l’opération qu’il réalise est subventionnée à plus de cinquante pourcents par un ou plusieurs organismes de droit public. Tel peut être le cas des opérateurs du logement que sont les OLS et les OLI (§ I). En tant que pouvoirs adjudicateurs, ces derniers sont alors soumis à un ensemble de règles encadrant les conditions et la forme selon laquelle ils peuvent commander des prestations (§ II).

Les opérateurs du logement : des acteurs soumis au droit de la commande publique

La non-soumission ou la soumission partielle aux dispositions relatives à la maîtrise d’ouvrage publique n’exonère pas les opérateurs du logement du total respect des règles issues du droit de la commande publique, notamment celles de la publicité et de la mise en concurrence préalable à la conclusion d’un contrat relevant du droit de la commande publique, dès lors que ces derniers sont des pouvoirs adjudicateurs.
Selon l’article L. 1211-1 du Code de la commande publique : « Les pouvoirs adjudicateurs sont : 1° Les personnes morales de droit public ; 2° Les personnes morales de droit privé qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, dont : a) Soit l’activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur ; b) Soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur ; c) Soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur ; 3° Les organismes de droit privé dotés de la personnalité juridique constitués par des pouvoirs adjudicateurs en vue de réaliser certaines activités en commun ».
– Opérateurs du logement social. – Les Offices publics de l’habitat, en raison de leur qualité d’établissements publics locaux à caractère industriel et commercial, sont nécessairement des pouvoirs adjudicateurs au sens du 1° de l’article L. 1211-1 du Code de la commande publique, ce que rappellent les articles L. 421-6 et R. 433-1 du Code de la construction et de l’habitation en énonçant que « Les marchés publics des offices publics de l’habitat sont régis par les dispositions du Code de la commande publique ».
Les organismes privés HLM et les SEM agréées sont également soumis au Code de la commande publique, ce que rappelle l’article R. 433-5 du Code de la construction et de l’habitation en énonçant que « les marchés publics définis aux articles L. 433-1 et L. 481-4 passés par les organismes privés d’habitations à loyer modéré et par les sociétés d’économie mixte exerçant une activité de construction ou de gestion de logements sociaux sont soumis aux dispositions du Code de la commande publique, sous réserve des dispositions prévues aux articles R. 433-6, R. 433-10, R. 433-18 et R. 433-20 à R. 433-23 ». Aussi, les organismes privés HLM et les SEM agréées sont soumis aux dispositions du Code de la commande publique sous réserve de certaines dispositions issues du Code de la construction et de l’habitation qui viennent également réglementer ce domaine : condition de constitution de la commission d’appels d’offres, obligation de faire apparaître de manière séparée les prix respectifs de la construction et de l’exploitation ou de la maintenance en cas de marché global, règles spécifiques d’exécution financière s’agissant d’avances, acomptes ou solde, ou encore règles spécifiques aux marchés de maîtrise d’œuvre.
– Opérateurs du logement intermédiaire. – Le simple fait que la structure soit une personne morale de droit privé, au surplus non HLM, ne doit pas conduire à considérer qu’elle est nécessairement exclue de la qualification de pouvoir adjudicateur. L’entité de droit privé agissant dans le domaine du logement intermédiaire pourrait en effet être qualifiée de pouvoir adjudicateur dans deux cas.
Premier cas : quand elle est composée exclusivement d’entités elles-mêmes qualifiées de pouvoirs adjudicateurs, de sorte à être considérée comme une association de pouvoirs adjudicateurs.
Second cas : quand elle constitue un organisme de droit public au sens du 2° de l’article L. 1211-1 du Code de la commande publique (qui peut notamment être une personne morale de droit privé remplissant les conditions de l’article L. 1211-1, 2° du CCP), dès lors qu’elle remplit les conditions juridiques posées par cette disposition, liées à l’objet de l’activité et à la dépendance organique, fonctionnelle ou financière. Pour être qualifiée comme telle, cette entité doit, premièrement, avoir été « créée pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial ». Or, dans la mesure où la jurisprudence européenne considère que le logement social relève des activités d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel et commercial, il apparaît difficilement contestable, au regard du régime juridique du logement intermédiaire, et des conditions favorables dont il bénéficie, de considérer que l’activité de logement intermédiaire ne répond pas à des besoins d’intérêt général autre qu’industriel et commercial. Deuxièmement, la qualification de personne privée dépendante suppose d’établir cette dépendance au regard du financement, du contrôle ou des organes d’administration ou de direction de l’entité. Il faut identifier une influence déterminante des pouvoirs adjudicateurs de nature à permettre de considérer que l’entité n’est pas libre dans ses choix en tant qu’acheteur. Ce critère devra faire l’objet d’une appréciation au cas par cas en fonction de la structuration de l’entité.
Chaque opérateur du logement intermédiaire pourra ainsi être considéré comme une personne privée dépendante d’un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs lorsque la structuration de l’entité permettra de caractériser une dépendance vis-à-vis du pouvoir adjudicateur ; la condition relative au caractère autre qu’industriel ou commercial de l’activité semblant, en toute hypothèse, remplie. Dans ces conditions, il apparaît clairement, au vu du champ d’intervention et de la composition des opérateurs du logement intermédiaire, que ces critères seront quasi systématiquement remplis de sorte que les opérateurs du logement intermédiaire seront quasi systématiquement des pouvoirs adjudicateurs, supposant ainsi le respect des règles issues du droit de la commande publique en cas de commande de prestations.

Les modalités d’application du droit de la commande publique aux opérateurs du logement

Pour que le droit de la commande publique s’applique à un pouvoir adjudicateur, encore faut-il que les relations contractuelles envisagées par les opérateurs entrent dans le champ du droit de la commande publique (marchés publics ou concessions).

Le BRS et le droit de la commande publique

Le bail réel solidaire (BRS) est un bail qui ne peut être consenti que par un organisme de foncier solidaire (OFS) en vue, principalement, de favoriser l’accession à la propriété de personnes à revenus modestes pour un prix plafonné. Se pose alors la question de la qualification de contrat au regard du droit de la commande publique lorsque celui-ci est consenti par un Organisme de foncier solidaire (OFS) pouvoir adjudicateur.
Il est évident que le BRS consenti à un preneur qui occupe le logement, en vertu de l’article L. 255-2 du Code de la construction et de l’habitation, ne saurait constituer un marché public puisque le preneur n’est alors pas un opérateur économique et parce que le preneur ne répond en aucune façon aux besoins du bailleur.
La qualification du bail mérite plus d’attention lorsqu’il est consenti à un opérateur qui construit ou réhabilite des logements et qui s’engage à vendre les logements et les droits réels immobiliers attachés à ces logements, conformément à l’article L. 255-3 du Code de la construction et de l’habitation. Sur cette question, il ressort des analyses les plus récentes que le contrat ne devrait pas, par principe, être qualifié de marché public de travaux dans la mesure où il ne répond pas nécessairement aux besoins de l’OFS et ne comporte pas de prix ou d’équivalent.
De son côté, la qualification de concession dépend principalement de la conception des droits réels conférés par le bail, puis cédés par le promoteur. Si l’on peut penser qu’un tel bail peut être de nature à conférer un droit d’exploitation, il n’est pas impossible non plus de considérer qu’il n’est ici que le support juridique d’un régime de propriété temporaire et finalisée, pour lequel l’OFS joue un rôle de régulateur et non de propriétaire, que l’on pourrait qualifier de réglementation personnifiée du foncier.
En somme, le BRS constitue avant tout un contrat immobilier.
En tant que pouvoirs adjudicateurs, les OLS et les OLI doivent passer les marchés publics ou concessions selon les règles qui leur sont applicables, soit, en principe, après mise en œuvre d’une procédure de publicité et de mise en concurrence. Le bon usage de la commande publique passe, comme le note le rapport du groupe de travail sur la qualité des logements sociaux, « par l’accès de chaque maitre d’ouvrage à l’appréhension de l’ensemble des outils mis à leur disposition en termes de commande publique. ». Et la palette des outils mis à la disposition des OLS semble correspondre à leurs besoins. Le droit de la commande publique n’est pas identifié spécifiquement comme un frein au développement de l’activité des organismes HLM lorsqu’ils interviennent en tant que maître d’ouvrage. Les règles qui leur sont applicables se sont allégées au gré des modifications législatives ; à tel point qu’elles ne nous apparaissent pas de nature à contraindre significativement la maîtrise d’ouvrage des organismes HLM et, par conséquent, à nuire, en elle-même, à la production de logements sociaux ou intermédiaires. Les règles de passation et l’ouverture de la possibilité de confier des prestations globales en sont des parfaites illustrations.
– Les règles de passation. – La commande de prestations de services ou de travaux pour ce qui nous intéresse devra dans la très grande majorité des cas être précédée d’une procédure de publicité et de mise en concurrence dans le respect des principes suivants, formulés de façon synthétique. Outre la problématique des supports de publicité, le pouvoir adjudicateur devra déterminer la procédure de mise en concurrence applicable en fonction du montant estimatif des prestations dans les conditions mentionnées ci-après :
  • une procédure dite « adaptée » est requise par le Code de la commande publique dès 40 000 euros hors taxes et jusqu’au seuil de procédure formalisée. L’acheteur définit alors librement les modalités de passation du marché, dans le respect des principes de la commande publique, étant précisé que chaque acheteur est libre d’élaborer ses règles internes, possiblement dès le premier euro, et/ou au regard de seuils intermédiaires impliquant un degré de formalisation croissant des procédures (support de publicité, délais de consultation, niveau de détail des pièces du marché, etc.) ;
  • une procédure dite « formalisée » à partir d’un certain seuil variant en fonction de la nature des prestations. À titre d’exemple, le seuil de procédure formalisée applicable du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2023 aux marchés publics de travaux est de 5 382 000 hors taxes. Aux termes de l’article L. 2124-1 du Code de la commande publique, sont des procédures formalisées :
  • l’appel d’offres qui est la procédure ouverte ou restreinte par laquelle l’acheteur choisit l’offre économiquement la plus avantageuse, sans négociation, sur la base de critères objectifs préalablement portés à la connaissance des candidats,
  • la procédure avec négociation qui est la procédure par laquelle l’acheteur négocie les conditions du marché avec un ou plusieurs opérateurs économiques,
  • le dialogue compétitif qui est la procédure par laquelle l’acheteur dialogue avec les candidats admis à y participer en vue de définir ou développer les solutions de nature à répondre à ses besoins et sur la base desquelles ces candidats sont invités à remettre une offre.
Étant ici précisé que ces deux dernières procédures ne peuvent être utilisées que sous conditions :
  • lorsque le besoin consiste en une solution innovante. Sont innovants les travaux, fournitures ou services nouveaux ou sensiblement améliorés ;
  • lorsque le marché comporte des prestations de conception ;
  • lorsque le pouvoir adjudicateur n’est pas en mesure de définir les spécifications techniques avec une précision suffisante en se référant à une norme, une évaluation technique européenne, une spécification technique commune ou un référentiel technique.
L’acheteur peut recourir à certaines « techniques d’achat » selon le vocable du Code de la commande publique, et notamment le concours ou l’accord-cadre. En ce qui concerne l’organisation d’un concours préalablement à la passation d’un marché public de maîtrise d’œuvre, son principe, initialement issu de l’article 5-1 de la loi no 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture, est désormais codifié à l’article L. 2172-1 du Code de la commande publique. Ce texte organise les conditions de sa mise en œuvre, ainsi que les exceptions, détaillées par voie réglementaire, au regard de la nature du projet et/ou de la qualité de l’acheteur.
À ce titre, les organismes HLM ne sont pas tenu d’organiser un concours pour l’attribution d’un marché de maîtrise d’œuvre en vertu de l’article R. 2172-2 du Code de la commande publique.
– Les règles relatives aux marchés globaux. – Les marchés publics sont soumis au principe de l’allotissement. En effet, en vertu de l’article L. 2113-10 du Code, les « marchés sont passés en lots séparés, sauf si leur objet ne permet pas l’identification de prestations distinctes ». À titre d’exemple, un marché public de travaux devra en principe être décomposé en autant de lots que de corps d’état intervenant sur le chantier. Des exceptions existent cependant.
Le marché de conception-réalisation, par exemple, est un marché de travaux permettant à l’acheteur de confier à un opérateur économique une mission portant à la fois sur l’établissement des études et l’exécution des travaux. Un tel marché est confié à un groupement d’opérateurs économiques. Il peut toutefois être confié à un seul opérateur économique pour les ouvrages d’infrastructures. Compte tenu de l’exception qu’il constitue au principe d’allotissement des marchés publics et aux dispositions sur les marchés publics liés à la maîtrise d’ouvrage, le recours à ce type de contrat est strictement encadré : les acheteurs soumis aux dispositions relatives à la maîtrise d’ouvrage publique ne peuvent conclure un marché de conception-réalisation, quel qu’en soit le montant, que si des motifs d’ordre technique ou un engagement contractuel portant sur l’amélioration de l’efficacité énergétique ou la construction d’un bâtiment neuf dépassant la réglementation thermique en vigueur rendent nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de conception de l’ouvrage. Pour les acheteurs et les opérations non soumis aux dispositions relatives à la maîtrise d’ouvrage publique, soit notamment les opérateurs du logement intermédiaire et les opérations visant à la réalisation d’ouvrages autres que des logements locatifs aidés par l’État s’agissant des organismes HLM et SEM agréées, les conditions y relatives ne sont pas opposables. Mais, en réalité, même lorsque les opérations entrent dans le champ des dispositions relatives à la maîtrise d’ouvrage publique, ces restrictions ne sont pas applicables aux marchés de conception-réalisation relatifs à la réalisation de logements locatifs aidés par l’État financés avec le concours des aides publiques mentionnées au 1° de l’article L. 301-2 du Code de la construction et de l’habitation, lorsqu’ils sont conclus par les organismes d’habitations à loyer modéré mentionnés à l’article L. 411-2 du même code, soit OPH et ESH, et les sociétés d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux.
En somme, les OLS et OLI peuvent avoir recours librement aux marchés de conception-réalisation de façon à pouvoir confier une mission globale à un opérateur ou un groupement d’opérateur économique, gage, en théorie, d’un gain de temps et d’une économie d’échelle.
– Le marché global de performance. – Permet également à l’acheteur d’associer l’exploitation ou la maintenance à la réalisation ou à la conception-réalisation de prestations (de travaux, de fournitures ou de services), afin de remplir des objectifs chiffrés de performance. Ces objectifs sont définis notamment en termes de niveau d’activité, de qualité de service, d’efficacité énergétique ou d’incidence écologique. Le marché global de performance comporte des engagements de performance mesurables. Ces contrats permettent de déroger à l’obligation de dissociation de la mission de conception de la maîtrise d’œuvre à celle de réalisation de l’entrepreneur, même en l’absence de motifs d’ordre techniques ou d’amélioration de l’efficacité énergétique. Ainsi, les acheteurs n’ont pas à justifier de la nécessité d’associer l’entrepreneur aux études de l’ouvrage, dès lors qu’ils intègrent au contrat des engagements de performances mesurables.

OLS/I et recours à la commande publique

Offices publics de l’habitat Organismes privés d’habitation à loyer modéré SEM agréées Opérateurs du logement intermédiaire
Pouvoir adjudicateurOui, et cela est expressément rappelé par le Code de la construction et de l’habitation.Oui, dès lors que la structure est une association de pouvoirs adjudicateurs, ou lorsqu’il est possible de caractériser une dépendance de la structure vis-à-vis d’un pouvoir adjudicateur.
Recours aux marchés publics globauxOui sans conditions autres que celles relatives à la définition même du contrat, que l’opération soit soumise aux dispositions relatives à la maîtrise d’ouvrage publique ou non.Oui sans conditions autres que celles relatives à la définition du contrat.