La fiscalité des revenus fonciers

La fiscalité des revenus fonciers

– L'incontournable fiscalité. – Comment traiter, enfin, de la pérennité du logement sans aborder la dimension fiscale des ressources qu'il procure : l'imposition des revenus fonciers (Sous-section I). Les règles qui gouvernent son assiette et son taux ne sont pas adaptées aux enjeux actuels du logement. Nous suggérons de les faire évoluer afin de voir dans le propriétaire non plus la « répugnante caricature d'un oiseau charognard », mais la silhouette d'un authentique entrepreneur, indispensable pourvoyeur de logements (Sous-section II).

L'obsolescence des règles actuelles

Pour se convaincre de l'obsolescence des règles actuelles sur l'assiette et le taux d'imposition des revenus locatifs, il suffit de comparer leur régime général d'imposition (§ I) avec les principes qui régissent les régimes dérogatoires qui se succèdent depuis plusieurs décennies (§ II). Nous terminerons par une approche critique du régime actuel d'imposition des revenus fonciers (§ III).

Aperçu du régime général d'imposition des revenus fonciers

La location nue d'un immeuble (c'est-à-dire sans fourniture du mobilier nécessaire à l'habitat du locataire) est une opération de nature civile, dont les revenus sont imposables dans la catégorie des revenus fonciers. Les articles 14 et suivants du Code général des impôts englobent sous cette qualification l'ensemble des revenus qui trouvent leur source dans la location d'un immeuble neuf ou ancien, perçus en espèces ou en nature par une personne physique ou une société soumise au régime des sociétés de personnes.

Le revenu foncier

– Revenu encaissé… ou censé l'avoir été. – Le revenu foncier est égal à la différence entre les produits encaissés par le bailleur, et les charges dont il a dû s'acquitter pour générer et conserver ce revenu. Il intègre en outre les abandons ou minorations, quels qu'en soient les motifs ainsi que les indemnités d'assurance perçues par le bailleur pour compenser une perte de revenus imposables, s'il a été souscrit une assurance contre les loyers impayés.

Les charges supportées

Les dépenses de travaux éligibles à la déduction
– Conditions. – Ce sont les articles 13, I et 31, I du Code général des impôts qui énoncent la règle. La déduction des charges est subordonnée à deux conditions. D'une part, les charges dont s'agit ne sont déductibles que de revenus fonciers imposables chez le même contribuable ; ainsi, les charges afférentes à la résidence principale, dont la jouissance est exonérée d'impôt par l'article 15, II du même code, ne peuvent être déduites. D'autre part, les dépenses à l'origine de ces charges doivent avoir été exposées dans le but d'acquérir ou conserver le revenu, soit ici, en vue de pouvoir louer un immeuble. Parmi ces charges figurent les dépenses exposées en vue de la réparation et de l'entretien des locaux, mais aussi de leur amélioration quand il s'agit de biens loués à usage de logement.
Les dépenses de réparation et d'entretien du logement
D'une manière générale, elles correspondent à des travaux ayant pour objet de maintenir ou de remettre un immeuble en bon état d'habitabilité, et d'en permettre un usage normal sans en modifier la consistance, l'agencement ou l'équipement initial. Cette définition n'est pas aussi précise qu'il y paraît. On peut y intégrer le coût de la mise aux normes de décence, ainsi que, selon les règles exposées dans les chapitres précédents du présent rapport, les dépenses d'adaptation au handicap, ou de transition énergétique du logement.
Les dépenses d'amélioration de l'immeuble
Les travaux de construction, de reconstruction, d'agrandissement ou d'amélioration de l'immeuble ne constituent pas, en principe, des charges déductibles ; pour le fiscaliste, elles concourent à l'acquisition ou à la conservation d'un capital et ne peuvent donc être déduites des revenus. Cependant, le coût des travaux d'amélioration portant sur des locaux d'habitation est admis en déduction des revenus fonciers. Cela recouvre les travaux ayant pour objet d'apporter à un immeuble un élément de confort nouveau ou mieux adapté aux conditions modernes de vie, sans modifier cependant la structure de cet immeuble. La jurisprudence administrative en fournit de nombreux exemples en admettant en déduction les travaux de remise en état du gros œuvre, de réfection du chauffage central ou de l'installation électrique, la réparation ou remplacement des huisseries, le changement de chaudière, ou la mise en conformité d'un ascenseur.
Cependant, leur déduction est subordonnée à une condition supplémentaire. Lorsque les travaux d'amélioration ne sont pas dissociables de travaux de construction ou d'agrandissement, ils ne peuvent ouvrir droit à déduction. Par exemple, ajouter un système de chauffage central ou de nouveaux sanitaires ne constitue pas une charge déductible du revenu foncier, si ces travaux d'installation s'intègrent au sein d'un chantier consistant par exemple à complètement réaménager d'anciennes dépendances, ou des combles, qui auparavant n'étaient pas habitables. On perçoit que, même pour un contribuable de bonne foi, il n'est pas toujours simple de s'y retrouver entre dépenses déductibles et non déductibles.
Les intérêts d'emprunt
– Pas de déduction de l'amortissement du crédit, seulement de ce qu'il rapporte au prêteur. – Entrent également dans la catégorie des dépenses déductibles du revenu foncier, non pas les sommes engagées en capital pour financer la conservation, l'acquisition, la construction, la réparation ou l'amélioration d'un immeuble, mais les intérêts des emprunts contractés pour mobiliser ces sommes, et les frais y afférents (CGI, art. 31, I, 1o, d). Bien entendu, seuls sont déductibles les intérêts des emprunts souscrits pour l'acquisition ou la construction d'immeubles destinés à procurer des revenus fonciers. Jurisprudence et doctrine administrative ont accepté d'étendre cette déductibilité aux intérêts et frais des prêts substitutifs en cas de « rachat de crédit » à condition toutefois que le produit du nouvel emprunt soit intégralement employé au remboursement de l'emprunt initial.
Autres frais
Frais de gestion
La déduction des frais exposés pour la gestion d'un immeuble loué est gravée au contraire dans le marbre pour un montant nominal de 20 € par an et par local. Mais sont déductibles en sus, pour leur montant réel (et justifié), les frais de rémunération des gardes et concierges, les frais de procédure, les honoraires et commissions versés à un tiers pour la gestion des immeubles, et les primes d'assurance.
Impositions
Le contribuable bailleur d'un logement peut déduire de ses revenus fonciers la taxe foncière dont il est redevable.
Charges de copropriété
Les provisions liées aux dépenses courantes de maintenance, de fonctionnement, d'administration des parties communes d'un immeuble en copropriété, et certaines dépenses pour travaux sur lesdites parties communes, sont admises en charges déductibles dès lors qu'elles ont été assumées au cours de l'année d'imposition.
Exclusion de l'amortissement
Est en revanche exclue toute déduction au titre de l'amortissement, c'est-à-dire toute constatation comptable de la dépréciation de l'immobilisation que constitue le logement loué.

Le déficit foncier

– Les arcanes de l'imputation. – Il peut arriver que les charges excèdent le revenu. Le déficit qui en résulte peut être imputé par le contribuable sur son revenu global de l'année (c'est-à-dire la somme de tous ses revenus catégoriels : revenus fonciers, mais aussi traitements et salaires, BNC, BIC, RCM…). Mais ceci :
  • à l'exclusion des charges constituées par les intérêts attachés à l'emprunt souscrit pour le financement de l'acquisition ou la transformation du logement ;
  • et à concurrence de 10 700 €, uniquement si le déficit ne dépasse pas 10 700 € et que le revenu global est insuffisant pour l'absorber, au cours des six années suivantes maximum, et à condition de maintenir le bien en location pendant trois ans complets à compter de l'année d'imputation.
La loi de finances rectificative pour 2022 double le plafond de 10 700 €, le portant donc à 21 400 € en cas de travaux de rénovation énergétique dans un logement classé E, F ou G du diagnostic de performance énergétique. Ces travaux doivent être réalisés par un professionnel labellisé, commencés et réglés entre le 1er janvier 2023 et le 31 décembre 2025. Ils doivent avoir pour effet d'amener le logement concerné au minimum en classe D, sous peine de voir l'imputation remise en cause.

Le doublement du déficit foncier pour travaux de mise aux normes énergétiques :

Exposé de l'amendement adopté en séance publique des débats à l'Assemblée nationale en date du 9 novembre 2022
« La Loi Climat et Résilience programme l'indécence énergétique des logements dont le DPE est classé G en 2025 et F en 2028. Cela signifie que faute de rénovation, ces logements ne pourront plus être loués. 1,6 million de logements actuellement loués dans le parc privé sont classés F ou G. Il est donc urgent de prévoir un dispositif ambitieux, incitatif d'accompagnement des bailleurs dans l'effort de rénovation qu'ils auront à conduire, au service des locataires. Alors que le marché locatif est déjà en tension, l'objectif est d'éviter une attrition de l'offre locative, faute de travaux effectués dans les temps dans les logements classés “passoires”.
Le déficit foncier est constitué lorsque les charges, notamment les coûts de travaux, excèdent les revenus fonciers (loyers) pour les particuliers bailleurs. Ce déficit peut être imputé sur le revenu global du contribuable et réduire ainsi son imposition, dans la limite d'un plafond fixé à 10 700 €. C'est un dispositif vertueux et efficace pour encourager les bailleurs à réaliser des travaux de réparation et d'entretien.
Engager des travaux de rénovation énergétique représente un coût, bien au-delà des dépenses d'entretien usuelles.
Cet amendement propose de doubler le déficit foncier imputable sur le revenu global, pour les bailleurs engageant des travaux de rénovation énergétique permettant de sortir un bien loué du statut de “passoire énergétique”. Ces travaux seront précisés par décret.
Il s'agit de donner un “coup de boost”, perceptible par le bailleur dès l'année où il engage les travaux, pour tenir le calendrier voté dans la Loi Climat et Résilience, sans risquer d'accroître la pénurie de logements en 2028. Les travaux se feront au bénéfice des locataires, de leur confort et de leur pouvoir d'achat, autant qu'ils contribueront à la diminution de notre empreinte carbone.
La mesure s'appliquera entre 2023 et 2025, en cohérence avec le calendrier d'interdiction de mise en location des passoires thermiques prévu par la loi Climat et Résilience. »
La fraction des déficits qui excède le plafond de 10 700 € ou, s'il y a lieu, de 21 400 €, et celle provenant des intérêts d'emprunt, ne peut être imputée que sur d'autres revenus fonciers perçus au titre d'une autre location nue. En outre, elle n'est possible que pendant une durée limitée de dix ans.

Le calcul du revenu net imposable

Le revenu foncier net imposable est constitué de la différence entre revenus et déficits fonciers de tous les immeubles possédés par le foyer fiscal (déduction faite de l'imputation des déficits provenant d'années antérieures, s'il en existe). Deux régimes coexistent pour sa détermination : micro et réel.
Le régime micro-foncier
Le régime d'imposition simplifiée des revenus fonciers, prévu par l'article 32 du Code général des impôts, bénéficie seulement aux contribuables :
  • dont les revenus bruts n'excèdent pas 15 000 € par an ;
  • et qui sont imposables selon les modalités de droit commun (sont donc exclus tous les dispositifs spécifiques du type de ceux relatifs aux immeubles classés Monuments historiques, ou loi Malraux).
Le montant du revenu foncier imposable est alors constitué des recettes brutes indiquées par le contribuable sur sa déclaration annuelle de revenus, réduites d'un abattement forfaitaire de 30 %.
Le régime réel
Le régime réel est applicable soit sur option du contribuable, soit impérativement quand le montant des revenus fonciers dépasse un plafond de 15 000 €. Le contribuable doit alors être en mesure de présenter les justificatifs des recettes déclarées et des charges déduites.

L'imposition

Que le régime d'imposition soit réel ou simplifié, le revenu net est taxable au barème progressif de l'impôt sur le revenu après avoir été ajouté aux autres revenus du foyer fiscal. Il est également soumis aux prélèvements sociaux au taux prévu pour les revenus du patrimoine, soit 17,2 %. La ponction globale, pour un foyer atteignant une tranche moyenne de 30 %, approchera donc la moitié du revenu.

Comparatif rapide avec le régime applicable à la location meublée

– Le match est le plus souvent sans appel en faveur de la location meublée : – rentabilité en général plus compétitive (au prix certes d'un engagement plus contraignant, en tous cas jusqu'à présent) et contraintes juridiques moins fortes pour le bailleur (notamment une durée du bail beaucoup plus libre). Mais surtout, la location meublée est souvent synonyme d'une imposition nettement plus douce propre à optimiser fiscalement le rendement d'un investissement immobilier locatif, grâce à l'imposition dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, et non pas celle des revenus fonciers décrite précédemment. Ce qui en la matière sera porteur de nombreux avantages.

Une location fiscalement considérée comme une exploitation d'entreprise

– Particularisme fiscal. – À la différence du droit civil qui n'y voit le plus souvent qu'un acte patrimonial, la location de biens meublés est fiscalement considérée comme une activité commerciale, et ce même en l'absence de caractère habituel de l'activité. En effet, la loi de finances rectificative pour 2016 a intégré à la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) tous les revenus tirés de la location, directe ou indirecte, habituelle ou occasionnelle, portant sur des locaux d'habitation meublés. Au regard de l'impôt sur le revenu, les résultats relevant de la catégorie des BIC doivent être déterminés selon les principes des créances acquises et des dépenses engagées.

L'amortissement

– Différence essentielle avec la location nue. – Cette assimilation fiscale a pour effet d'autoriser la déduction des diverses charges supportées pour l'exercice de l'activité de loueur en meublé. Elle autorise aussi la constatation d'un amortissement annuel sur les moyens d'exploitation affectés à l'activité. Il suffit, pour l'exploitant, d'avoir inscrit l'immeuble à l'actif de son bilan : il peut déduire progressivement de son revenu brut une partie du capital investi pour acquérir ledit revenu. La valeur amortissable est celle des seules constructions, le sol n'étant jamais amortissable (étant considéré comme ne se dépréciant pas de manière irréversible). C'est en ce droit à amortissement que réside la différence la plus notable avec le régime des revenus fonciers, dans lequel la notion d'amortissement même forfaitaire n'existe plus depuis 2006. L'avantage est encore accentué par le fait que l'amortissement est ici calculé sur une base brute, qui ne tient pas compte des charges liées à l'activité de location (frais de comptabilité, de gestion...). Ce mode de calcul est favorable au contribuable.
– Limite à l'amortissement. – En application de l'article 39 C du Code général des impôts, lorsque les charges afférentes au bien loué sont supérieures aux loyers perçus, aucune déduction au titre de l'amortissement de l'immeuble ne peut être fiscalement opérée. Néanmoins, le bénéfice de celui-ci n'est aucunement perdu : il pourra être comptablement « stocké » aussi longtemps qu'il le faudra, sans limite de durée (à comparer avec les dix ans prévus par le régime des revenus fonciers), pour l'utiliser une fois le résultat devenu bénéficiaire (alors que, comme on l'a vu, dans les revenus fonciers l'ordre impératif d'imputation des déficits en commençant par les plus récents conduit souvent à ne pas avoir le temps d'imputer les déficits les plus reculés avant leur péremption). Cet ancien amortissement pourra donc être utilement déduit en sus d'une annuité normale, ou après l'extinction du cycle normal d'amortissement, sous la seule réserve de toujours respecter la limitation au maximum sur le montant des résultats nets.

Régime micro-BIC et régime réel

La possibilité d'appliquer cet amortissement en déduction du chiffre d'affaires incite bien des contribuables à opter pour le régime réel d'imposition, seul apte à lui ouvrir cette faculté, même lorsqu'ils n'y sont pas obligatoirement soumis. En effet, pour l'imposition des revenus de son activité, le loueur en meublé non professionnel a le choix entre les trois régimes d'imposition de droit commun des bénéfices commerciaux. Ainsi :
  • si le contribuable perçoit au maximum 72 600 € de recettes (plafond fixé à 176 200 € pour les meublés de tourisme et les chambres d'hôtes), ce qui est généralement le cas pour les loueurs non professionnels, il relève de plein droit du régime des micro-entreprises. Il profite alors automatiquement d'un abattement forfaitaire pour frais de 50 % (poussé à 71 % pour les meublés de tourisme et les chambres d'hôtes). Ses obligations en termes de tenue d'une comptabilité commerciale sont alors allégées, se limitant à la tenue d'un document enregistrant le détail journalier des recettes ;
  • au-delà de ces seuils pendant deux années consécutives, le contribuable relève de plein droit du régime réel d'imposition. Il sera simplifié, ou normal, selon s'il se situe de nouveau en deçà ou au-delà d'un autre seuil (247 000 € ou 818 000 € pour les meublés de tourisme et les chambres d'hôtes).

Régime des non-professionnels (LMNP) et des professionnels (LMP)

Très succinctement, deux régimes d'imposition sont encore à distinguer en fonction du caractère professionnel ou non de l'activité, lequel, aujourd'hui, ne relève plus du choix du contribuable, mais seulement des circonstances de la location.
Critères de la distinction
Être loueur en meublé professionnel (LMP) suppose que soient satisfaites deux conditions cumulatives :
  • atteindre un montant de recettes annuelles (TTC) supérieur à 23 000 € ;
  • atteindre des recettes supérieures au total des revenus professionnels du foyer fiscal.
Si l'une des deux conditions n'est pas observée, le loueur en meublé est non professionnel (LMNP).
Intérêt de la distinction
L'intérêt de la distinction entre ces deux régimes se manifeste sur l'imposition de la plus-value en cas de revente ; à ce titre, elle intéresse particulièrement le notariat. La plus-value réalisée par un loueur non professionnel est soumise au régime des plus-values des particuliers. Les amortissements pratiqués en cours d'exploitation n'interfèrent donc pas dans la détermination du prix de revient, lequel est diminué des abattements prévus pour durée de détention). À l'inverse, le loueur en meublé professionnel doit diminuer le prix de revient des amortissements qu'il a pratiqués.

Conclusion

– Net constat. – Le régime de la location meublée est plus avantageux que le régime ordinaire d'imposition des revenus fonciers en ce qu'il permet de déduire des loyers perçus, au régime micro-BIC, un abattement forfaitaire représentatif des charges à hauteur de 50 %, et même 71 % pour les gîtes ruraux et les meublés de tourisme, alors que l'abattement n'est que de 30 % au régime micro-foncier qui régit la location nue. De plus, le régime réel de la location meublée non professionnelle ouvre la possibilité de déduire, au réel, en plus des charges, un amortissement qui n'est ensuite pas réintégré dans le calcul de la plus-value imposable.

Approche critique du régime actuel d'imposition des revenus fonciers

– Le cas français pointé du doigt. – À quelques années d'intervalle, deux rapports institutionnels, l'un émanant du Conseil des prélèvements obligatoires, l'autre de l'OCDE, ont abouti à un constat d'échec sur l'efficacité de la fiscalité des revenus fonciers en matière de réponse aux besoins de logements. Et finalement, les pouvoirs publics eux-mêmes n'arrivent-ils pas au même constat, qui les amène à juxtaposer au régime de droit commun des dérogations qualifiées de temporaires, mais sans cesse renouvelées ? On a reproché à juste titre à ces régimes dérogatoires, qui se suivent et se ressemblent, de créer des tendances inflationnistes. De notre point de vue, on peut aussi discerner, dans cette succession ininterrompue de dérogations au régime normal d'imposition des revenus fonciers, à la fois un aveu d'inefficacité et le signe d'une prise de conscience croissante : celle de la nécessité d'une réforme.

Fiscalité des revenus fonciers : deux rapports pour un constat d'échec

1. Il y a cinq ans : alerte sur le régime fiscal français des revenus immobiliers. Dans son rapport daté de janvier 2018, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) s'intéressait aux prélèvements obligatoires sur le capital des ménages. Il y constatait une hausse du niveau de ces prélèvements au cours de la dernière décennie, parallèle à la hausse du patrimoine détenu, mais plus importante que chez nos voisins européens ; hausse qui pour autant peinait à freiner la dynamique de concentration des patrimoines.
On peut consulter ici la version intégrale du rapport du CPO de janvier 2018 :
www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/184000056.pdf">Lien.
Le CPO s'inquiétait, dès cette époque, de ce qu'il considérait comme un manque d'unité de la fiscalité française sur les revenus locatifs, celle-ci étant la seule à distinguer location nue et location meublée (du fait du caractère d'activité commerciale qu'elle assigne à cette dernière) et, avec celle du Luxembourg, la seule à permettre (dans le régime de location meublée) l'imposition de la plus-value sans réintégration des amortissements pratiqués en cours de détention.
Il en redoutait un risque de siphonnage progressif du marché de la location nue par celui de la location meublée, en raison du pouvoir d'attractivité majeur que présente le régime fiscal de la seconde par rapport à celui de la première, ainsi que nous avons voulu succinctement le souligner dans la rubrique précédente.
1.1 – Le rapport mentionnait en effet que « l'impact sera, à l'avenir, d'autant plus important qu'un nombre croissant de contribuables optent pour ce régime (+ 11 % par an en moyenne entre 2009 et 2013, soit 475 411 foyers fiscaux concernés à cette date), le passage d'un régime de location nue à un régime de location meublée ne posant pas de difficulté ». Il est un fait que la transformation d'une location nue en location meublée est une démarche libre administrativement : le changement de destination du logement étant seulement subordonné à des conditions de droit privé, à savoir l'acceptation du locataire, soit en cours, soit au moment du renouvellement du bail.
1.2 – Chacun assiste en effet à l'intensification de la lutte que mènent désormais de plus en plus de grandes agglomérations (et au regret qu'ont d'autres collectivités de ne pouvoir rejoindre le combat, faute de taille critique) contre le développement jugé viral de la location meublée de courte durée : laquelle est désignée comme coupable d'une concurrence déloyale à l'encontre des établissements professionnels d'hébergement, mais aussi et surtout comme responsable d'une diminution de l'offre de logements pérennes au cœur des centres-villes.
Or, n'est-ce pas la voix de Bossuet qui nous murmure alors que « Dieu se rit des hommes qui pleurent les conséquences dont ils chérissent les causes » ? Est-il étonnant qu'un paradis juridique et fiscal attire plus de candidats qu'un camp de prisonniers cerclé du barbelé des revenus fonciers ? Et vouloir borner le périmètre du déversoir ne sera qu'une réaction sans fin si le robinet d'alimentation est toujours grand ouvert.
1.3 – Sachant que pour autant, nous le verrons plus loin, nos conclusions seront sensiblement différentes sur ce point de celles du CPO, lesquelles consisteraient à plaider pour une suppression du régime dérogatoire de la location meublée, et son alignement intégral sur celui de la location nue. Si nous partageons le constat qu'évidemment, par simple loi physique, la différence de niveau crée nécessairement le mouvement de siphon, nous pensons que loin d'assécher le flux incitatif, il faut au contraire combler l'écart en le répartissant mieux, et s'en inspirer au contraire pour rapatrier massivement les investisseurs vers la création de surfaces de logement.
2. Analyse à l'échelle internationale. Ces domaines d'intervention sont si sensibles au regard de la crise sociale et environnementale du logement que nous partageons volontiers l'appel à la prudence du rapport émis par l'OCDE (pourtant peu suspect par ailleurs de « ménagement fiscal ») en juillet 2022, quand il avertit que « les réformes de la fiscalité immobilière peuvent avoir un impact important sur le prix des logements, entraînant des effets potentiellement significatifs en termes de répartition du patrimoine et des conséquences financières et économiques à plus grande échelle. Une mise en œuvre progressive des réformes peut aider à empêcher des chocs macroéconomiques négatifs tout en atténuant leurs effets délétères sur certaines catégories d'individus, du moins à court terme (...). Les pouvoirs publics qui envisagent d'engager des réformes de la fiscalité immobilière devraient aussi tenir compte de l'évolution de l'environnement macroéconomique, et notamment des variations des taux d'intérêt et de leur impact potentiel sur le marché du logement et sur les ménages ».
2.1 – Ce rapport constate que tous les pays membres de l'OCDE prélèvent des impôts périodiques sur la propriété immobilière. Les propriétaires de biens mis en location sont imposés sur leurs revenus locatifs. Il est par ailleurs fréquent que les achats de logements soient soumis à des impôts sur les transactions immobilières, et les ventes de logements à des impôts sur les plus-values, même si bon nombre de pays exonèrent les plus-values générées par la vente de la résidence principale.
2.2 – Cependant, ce rapport positionne sa réflexion sur l'efficience des recettes fiscales vers l'optimisation du marché du logement : il constate que cette efficacité est souvent limitée par la façon dont ces taxes sont conçues. Par exemple, il cible des prélèvements d'impôts fonciers sur des biens dont la valeur cadastrale est obsolète, incitant les propriétaires à rester dans des logements plus faiblement valorisés, même s'ils ne correspondent plus à leurs besoins. Et le recours aux impôts sur les transactions immobilières (droits de mutation, TVA) est massif, malgré le fait qu'ils risquent d'entraver la mobilité résidentielle et professionnelle.
2.3 – Ce rapport constate également que les politiques fiscales peuvent servir à traiter des problématiques spécifiques au marché du logement, par exemple en réduisant l'empreinte carbone des logements, en encourageant une utilisation plus efficace des terrains et des logements, et en stimulant l'offre de logements abordables. Toutefois, ces politiques peuvent parfois être mal ciblées, voire contre-productives dans certaines circonstances. Ainsi, selon les rédacteurs du rapport, lorsque l'allégement fiscal vise à promouvoir l'accession à la propriété il peut parfois nourrir un effet inflationniste et contribuer à augmenter les prix des logements.
2.4 – Ciblage sur le cas français. Sur ce sujet justement des réductions et crédits d'impôt en faveur de l'investissement locatif, l'OCDE ne se prononce pas de manière générale, mais les exemples de dispositifs inefficaces pointés dans son rapport sont surtout français. Les programmes successifs de réductions d'impôt en faveur de l'investissement locatif, dont les caractéristiques et conditions ont été modifiées par quasiment tous les ministres du Logement depuis quarante ans, chacun gravant son nom dans une postérité toute relative sans jamais trouver la bonne formule, devraient selon les rapporteurs ne mériter que la suppression, au regard d'un coût budgétaire estimé par exemple à deux milliards d'euros pour 2021.
– Un aveu. – Il semble clair que le régime de droit commun d'imposition de ces revenus constitue en réalité un repoussoir, inapte à appuyer la politique massive du logement dont aurait besoin notre pays depuis près d'un demi-siècle. Quant aux régimes dérogatoires successifs, ils présentent l'inconvénient de nourrir, chez le contribuable, un sentiment d'instabilité et d'imprévisibilité, là où l'intérêt général en termes de logement exigerait, au contraire, stabilité et prévisibilité.
– Un signe. – Ne doit-on pas y reconnaître encore la confession d'une prise de conscience ? On ne peut traiter de la même manière les revenus d'un rentier, censé profiter passivement des fruits d'un patrimoine, et ceux d'un investisseur, conduisant un programme dynamique d'investissements sans lequel le logement objet de son investissement sera disqualifié et exclu du marché. Voilà qui rapproche l'activité de location de logements d'une forme d'entrepreunariat. Tout amène à conclure qu'un tel rapprochement pérenne et économe des deniers publics serait favorable tant à la stabilité qu'à l'amélioration du parc de logements en France.
– Une conclusion. – Dès lors, en lien avec les recommandations du rapport de l'OCDE, n'y aurait-il pas un réel intérêt à simplifier la norme fiscale, en supprimant l'empilage incertain et successif de dispositifs précaires et coûteux ? Selon les conclusions du même rapport, cela libérerait des marges importantes de dépenses publiques (pour rappel, une somme de deux milliards d'efforts budgétaires rien que pour l'année 2021), qui pourraient utilement être affectées à une refonte globale et pérenne du régime de droit commun. C'est bien là que résident les enjeux d'une réforme encore à venir.

Enjeu et moyens d'une réforme

Une réforme de l'imposition des revenus fonciers appelle une réécriture des textes à la mesure de l'enjeu qu'elle recèle (§ I). Nous nous attacherons dans un second temps à étudier les moyens nécessaires pour mener à bien une telle réforme (§ II).

Enjeu de la réforme

« Face à des défis sans précédent sur le marché du logement, il est plus important que jamais de faire en sorte que les taxes sur l'immobilier soient plus justes et efficientes » : c'est ainsi que s'exprime Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE, à l'occasion du rapport dont nous avons parlé. Il ajoute que pour ce faire, « les pays de l'OCDE disposent d'une marge de manœuvre considérable pour améliorer la conception et le fonctionnement des taxes sur l'immobilier ». Le rapport de l'OCDE souligne d'abord que « le logement constitue le principal actif pour la plupart des ménages et joue un rôle encore plus important pour la classe moyenne car les résidences principales représentent en moyenne 60 % du patrimoine détenu par celle-ci. Néanmoins, les ménages à haut revenu, à haut patrimoine et plus âgés détiennent une part disproportionnée du patrimoine immobilier global. L'augmentation sans précédent des prix de l'immobilier au cours des trois dernières décennies a rendu de plus en plus difficile l'accès des jeunes ménages à la propriété immobilière ». Traduction en termes financiers : orienter l'épargne, surabondante dans notre pays, vers l'investissement locatif produira des effets massifs en termes de logement. Le traitement fiscal des revenus fonciers est l'un des leviers de cette orientation. Nous suggérons, à ce titre, de doter le bailleur d'un statut pérenne en reconnaissant qu'il est un entrepreneur. Nous rejoignons à cet égard les réflexions de Philippe Pelletier, président du Plan Bâtiment Durable, et président du directoire de la fédération Habitat et Humanisme.

Moyens de la réforme

– Deux voies. – Une telle refonte pourrait, selon nous, découler principalement d'une révision générale du statut du bailleur en location nue, et subsidiairement d'une réécriture élargie et simplificatrice des conditions d'éligibilité des dépenses de travaux sur les revenus fonciers de ce bailleur, tant il est vrai qu'il va être appelé à s'y consacrer pleinement. Dans son ensemble, le nouveau statut du bailleur a déjà été évoqué par la deuxième commission, à laquelle nous renvoyons donc le lecteur. Nous nous concentrerons ici sur l'hypothèse, accessoire, d'une refonte des critères de déductibilité des dépenses de travaux.
– Pour un meilleur accueil des programmes de travaux parmi les dépenses déductibles. – Nous avons vu plus haut quelles subtiles distinctions la loi introduit, parmi les charges déductibles, entre les dépenses de réparation et d'entretien des locaux, mais aussi de leur amélioration quand il s'agit de biens loués à usage de logement.

Un double besoin de clarification

Les dépenses de réparation et d'entretien sont pleinement admises en déduction ; il faut s'en féliciter, car leur périmètre s'est fortement densifié avec l'apparition de nouvelles normes de décence, d'adaptation au handicap ou de transition énergétique du logement. Mais, d'une manière générale, elles correspondent à des travaux ayant pour objet de maintenir ou de remettre un immeuble en bon état d'habitabilité, et d'en permettre un usage normal sans en modifier la consistance, l'agencement ou l'équipement initial. Or, la notion de dépense d'entretien et de réparation déductible est l'objet d'une vision par trop étriquée (I), qui engendre une excessive complexité (II).
Une vision étriquée des dépenses d'entretien et de réparation
– Une notion en partie inadaptée. – Nous avons vu que pour être admises en déduction, les dépenses d'entretien doivent correspondre à des travaux ayant pour objet de maintenir un immeuble en bon état d'habitabilité, et d'en permettre un usage normal sans en modifier la consistance, l'agencement ou l'équipement initial. Or, en pratique, il peut être nécessaire, ou plus commode, de modifier tel ou tel agencement au moment d'effectuer pareille réparation. C'est le cas, par exemple, lorsque les techniques ou les appareillages ont évolué à tel point que réparer à l'identique n'aurait pas de sens. Et c'est particulièrement le cas pour les travaux d'adaptation à de nouvelles normes. Qu'on se souvienne, par exemple, en matière de travaux d'adaptation du logement au handicap, des mises à jour constantes des procédés techniques éligibles prévus à l'article 200 quater A du Code général des impôts. Le législateur incite donc lui-même – et c'est d'ailleurs bien logique et opportun – à s'emparer des nouvelles pratiques et technologies pour réaliser ces aménagements, ce qui signifie sortir, autant que nécessaire, du cadre d'agencement initial qui a pu devenir obsolète.
– Une « sanction » contre-productive. – Pourquoi dès lors, dans les définitions du droit commun des dépenses éligibles, vouloir maintenir enfermé le bailleur entrepreneur de travaux dans un cadre contraint, et le sanctionner par un défaut de déductibilité s'il a voulu profiter de ces travaux pour améliorer la qualité du logement ? Nous ne percevons pas en quoi cette attitude serait fiscalement condamnable. Que ce bailleur améliore son capital propre est une chose, mais même en faisant abstraction d'une incitation qui nous apparaît (nous y reviendrons) indispensable, c'est la jouissance de ce capital (le revenu) qui va se trouver améliorée par ces travaux. Il y va, en outre, de la qualité de vie des occupants du logement, qu'il s'agisse du propriétaire et de sa famille ou du locataire et de la sienne. N'est-ce pas là ce qui est ou devrait être l'objectif évident du législateur, sur le plan social et économique ? Au lieu de cela, il a fallu tout un travail de construction prétorienne pour mieux cerner la notion de dépenses d'amélioration déductibles, au prix de longs contentieux.
Une complexité byzantine de la notion de dépense d'amélioration éligible
Nous avons regroupé plus haut les dépenses que nous avons désignées sous le terme de « dépenses d'accroissement de l'immeuble » : dépenses de travaux qui ne se limitent pas à réparer, mais consistent bien à construire, reconstruire, agrandir ou d'améliorer l'immeuble. Ce dernier point est sans doute le plus flou.
– Un bailleur de logement non considéré comme un investisseur. – Animé par la volonté de ne retenir comme charges que les dépenses nécessaires à la conservation d'un revenu, et non celles engagées pour acquérir ou conserver un capital, le législateur ignore, par principe, les dépenses qu'un bailleur foncier engage pour accroître la valeur de son immeuble. Au contraire, il les admet sans difficulté pour un entrepreneur ; pour ce dernier, l'impératif de compétitivité et de rentabilité commande de recevoir les dépenses d'amortissement du capital parmi les charges de l'exploitation. En raison de ce parti pris, les dépenses relevant des trois premières catégories de travaux d'accroissement (construction, reconstruction et agrandissement) sont exclues du dispositif de déduction. Définies par la jurisprudence, elles regroupent les travaux comportant la création de nouveaux locaux d'habitation, ou ayant pour effet d'apporter une modification importante au gros œuvre de locaux d'habitation existants, ou ceux qui, par leur importance, équivalent à une reconstruction, ou encore ceux qui ont pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable de locaux existants.
– Une fenêtre vite refermée. – Seule faille dans la doxa : dans le seul cas où ils portent sur des locaux d'habitation, les travaux d'amélioration peuvent, par exception, être déduits, mais uniquement s'ils sont relatifs à l'installation d'un élément de confort nouveau ou mieux adapté aux conditions modernes de vie (par ex. l'installation d'un système de chauffage ou de nouveaux sanitaires), et uniquement si ces travaux d'amélioration sont dissociables de travaux de construction ou d'agrandissement. Or, procéder en pratique au départ objectif entre les « bonnes » et les « mauvaises » dépenses, celles qui seront immédiatement déductibles des revenus fonciers, et celles qui, présentant le caractère de dépenses en capital, ne seront retranchables qu'ultérieurement en cas de revente (par déduction lors du calcul de l'impôt sur les plus-values), présente une difficulté d'analyse et de qualification qui constitue une inopportune source d'incertitude. Mais, en outre, il faut encore démontrer que les locaux considérés se trouvaient, avant les travaux, déjà à usage d'habitation. À cet égard, la complexité de la jurisprudence administrative oblige le contribuable à déployer des trésors d'ingéniosité et de rigueur.

L'usage de logement, condition (complexe) de la déductibilité des dépenses d'amélioration

  • Une jurisprudence constante mais sibylline. Qu'on en juge sur la base de l'arrêt rendu par le Conseil d'État le 28 septembre 2021 dans un litige ayant opposé l'administration fiscale et un couple de contribuables qui, ayant aménagé en logements les combles de locaux d'habitation qu'ils détenaient, pratiquèrent sur leurs revenus locatifs fonciers une déduction du coût des travaux nécessaires à cet aménagement. Pour sauver ces contribuables, la cour administrative d'appel de Bordeaux les avait considérés comme étant en règle avec les dispositions de l'article 31, I du Code général des impôts du fait que selon elle, ils n'avaient pas créé de nouvelles surfaces habitables : celles-ci l'étant déjà auparavant, avant même ces travaux d'aménagement, en raison d'une hauteur sous combles supérieure à 1,80 mètre.
  • Le Conseil d'État repoussa cette analyse et invalida cette décision, au motif que selon lui un tel critère est insuffisant à lui seul pour démontrer le caractère habitable, déjà acquis antérieurement aux travaux d'aménagement, des locaux concernés. La Haute Cour considérant en effet que sauf à commettre une erreur de droit, il appartient à une cour administrative d'appel de rechercher si, au-delà de cette question de hauteur, les requérants établissent que les combles étaient antérieurement pourvus d'aménagements les rendant habitables.
  • Pourtant, observons les conclusions du rapporteur public Cytermann, lequel, même s'il plaida pour l'annulation de l'arrêt d'appel, souligna la flagrante difficulté qui existe pour un contribuable de déterminer si ses travaux relèvent des inclusions ou des exclusions de l'article 31, I : « Abondante mais casuistique, votre jurisprudence sur l'article 31 est avare en énoncés généraux sur ce qui caractérise un local habitable au sens de ces dispositions. Un immeuble est destiné originellement à l'habitation “par sa conception, son aménagement et ses équipements” et dans cette hypothèse, une occupation temporaire pour un autre usage n'est pas de nature à elle seule à lui ôter cette destination, en l'absence de travaux modifiant cette conception, cet aménagement ou ces équipements (CE, 9e et 8e ss-sect., 20 juin 1997, no 137749, Flor-Florentin : JurisData no 1997-045718 ; Dr. fisc. 1997, no 46-47, comm. 1192, concl. F. Loloum ; RJF 1997, no 794). En dehors de cette décision, la création de nouveaux locaux d'habitation est souvent affirmée comme une forme d'évidence, par exemple dans le cas de la conversion de pièces à usage de réserve et de débarras (CE, 7e et 9e ss-sect., 19 nov. 1984, no 43326, Jourdain : Dr. fisc. 1985, no 49, comm. 2114 ; RJF 1/1985, no 75) ou de la transformation d'un grenier en appartement “doté du confort moderne” (CE, 7e et 9e ss-sect., 19 nov. 1984, no 43724, Bernard : Dr. fisc. 1985, no 7, comm. 278 ; RJF 1/1985, no 77). Nous n'avons pas identifié de décision pertinente faisant intervenir la hauteur sous plafond pour déterminer le caractère habitable ».
  • Plus efficacement que nous ne saurions le faire, il fait indirectement ressortir par son propos le caractère exagérément complexe lorsqu'il indique que la cour d'appel semble s'être inspirée d'une décision Harang , en ce que cette décision semblait comporter un considérant de principe, qu'elle a repris dans ses motivations pour donner raison aux contribuables. En effet, selon cette décision antérieure du Conseil d'État, « ne constituent pas des travaux de création de nouveaux locaux d'habitation ou d'accroissement du volume ou de la surface habitable de locaux existants, les travaux qui n'ont pas pour effet de rendre habitables des espaces qui ne l'étaient pas auparavant mais qui se limitent à les aménager, quand bien même ces espaces n'auraient pas été effectivement affectés à l'habitation ». Ce qui semble vouloir dire qu'il ne suffit pas que des travaux portent sur des locaux non affectés à l'habitation pour qu'ils créent des nouveaux locaux d'habitation ou accroissent la surface habitable au sens de l'article 31 du Code général des impôts. Tout en précisant alors que, si le fait que les combles n'aient pas été habités avant les travaux ne suffisait pas à écarter leur caractère antérieur de locaux d'habitation, encore fallait-il néanmoins apporter la preuve de ce caractère antérieurement habitable, preuve à la charge du redevable.
  • Si au contraire il est démontré que le bailleur a procédé à ces investissements dans un local transformé en logement par le fait de ces travaux, local auparavant insusceptible de remplir cette fonction, alors il sera sanctionné, puisque le coût de ces travaux ne pourra aucunement être déduit (en tous cas sous le régime de droit commun). Celui qui crée de nouveaux logements grâce à son épargne ou ses revenus devrait donc être traité de manière plus rigoureuse encore que celui qui ne fait qu'entretenir son parc. N'y a-t-il pas là une incohérence, dans un pays qui se plaint à la fois d'un manque récurrent de logements et de la thésaurisation parfois stérile de son épargne ?

Suggestion de clarification

Les considérations qui précèdent nous incitent à conclure en faveur d'une profonde correction du régime de la déductibilité des charges en matière de revenus fonciers, sauf à revoir leur prise en compte dans le calcul de l'impôt sur les plus-values. Cette reconsidération satisferait, à notre avis, deux objectifs constants du législateur :
  • d'une part, apporter clarté, lisibilité et prévisibilité à la norme fiscale, dont les obscurités et les complications inutiles sont source d'évasion et de réduction de la rentabilité de l'impôt ;
  • d'autre part, inciter les épargnants et investisseurs privés à orienter leurs fonds vers la création de nouveaux logements, conformes aux besoins actuels, mais aussi adaptés au nouveau contexte de création de logements sans consommation de foncier supplémentaire, à l'horizon du « Zéro Artificialisation Nette » (ZAN) et de ses étapes d'entrée en application intermédiaire. Favoriser par cet élan fiscal la transformation lourde et/ou le changement d'affectation de surfaces déjà existantes correspond en tous points à cet objectif général.
– Déplacer l'avantage fiscal résultant de la réalisation de travaux. – Nous pensons à ce titre qu'il conviendrait de favoriser le créateur de logements plutôt que le revendeur. Cela suppose de déplacer l'avantage fiscal actuellement accordé à la taxation des plus-values de cession (déduction de travaux opérés sur le bien, y compris de manière purement forfaitaire), vers la taxation des revenus récurrents, ces derniers étant le plus souvent nécessaires à l'investisseur pour faire face au remboursement des charges d'emprunt qu'il aura dû souscrire pour mener à bien les travaux. On relèvera la justice et la logique de cette proposition : tous les investisseurs dans l'industrie financière bénéficient aujourd'hui de mécanismes leur permettant de décaler l'impôt jusqu'au moment où ils percevront de la trésorerie (régimes de sursis d'imposition, de reports d'imposition, etc.). Pourquoi n'en serait-il pas de même pour celui qui investirait dans l'industrie du logement, et du nouveau logement tel que voulu par les inflexions législatives actuelles ?
– Une voie subsidiaire. – A minima, si le législateur n'entendait pas immédiatement réformer en profondeur le statut du bailleur et lui conférer un statut pérenne d'entrepreneur (comme l'a suggéré la deuxième commission), il y aurait lieu, à notre sens, de simplifier la rédaction de l'article 31, I du Code général des impôts pour y supprimer la discrimination opérée entre travaux d'entretien et travaux d'amélioration, afin que ceux-ci accèdent au rang de charges déductibles. Cette redéfinition pourrait se limiter aux seuls baux d'habitation, et même être conditionnée à des critères de qualité des travaux, tant sur le plan environnemental que sur celui des données relatives à la responsabilité sociétale des entreprises chargées de les mener.
– Simplification mais équilibre. – En contrepartie bien sûr, plus aucun coût de travaux, quelle que soit leur nature, ne serait admis en majoration du prix de revient pour la détermination de la plus-value imposable, lors de la cession d'un bien locatif. Celle-ci correspondrait uniquement au différentiel entre prix obtenu et prix d'achat augmenté des frais d'acquisition, réduit seulement par les abattements de durée de détention. Pareille simplification profiterait non seulement aux contribuables et aux préposés de l'administration fiscale, mais aussi aux notaires, responsables du calcul de l'impôt sur les plus-values et qui, à ce titre, doivent régulièrement se livrer à un travail d'examen sur des piles de factures de travaux, pour vérifier (si faire se peut) si leur montant est bien admis en déduction pour la détermination de la plus-value imposable, ou si au contraire il s'agit de travaux qui ont été déduits (ou auraient dû l'être) des revenus locatifs. Les marges d'erreur sont, en la matière, importantes. Elles constituent autant de sources de responsabilité pour un professionnel qui n'a pas fait carrière de maître d'œuvre, et de potentielles pertes de rendement pour le Trésor, ou de légitimes déductions pour le contribuable.