La durée des crédits immobiliers

La durée des crédits immobiliers

– État des lieux. – En réplique à l'augmentation des prix, la durée des crédits immobiliers n'a cessé de s'étirer au cours des vingt-cinq dernières années.

L'allongement de la durée des crédits immobiliers, une pratique constante

1. Ainsi que le montrent les économistes, les prix de l'immobilier et les ressources des acquéreurs ne suivent pas la même courbe. La progression des premiers est bien plus importante que l'évolution des seconds. C'est l'allongement de la durée d'emprunt qui a servi de tampon pour amortir ce différentiel.
2. Il semble que la durée moyenne des prêts immobiliers n'ait jamais été aussi élevée qu'en 2021, année de tous les records par ailleurs en nombre de mutations et en rapidité de croissance des prix. En vingt ans, la durée moyenne d'un crédit immobilier a connu une forte progression, de l'ordre de six années supplémentaires sur toute la durée de l'emprunt. En effet, de 13,6 ans en moyenne observée au cours de l'année 2001, celle-ci s'est élevée à 19,7 années de durée de crédit en 2021 ; et ceci, à l'appui d'une hausse de neuf mois supplémentaires rien qu'entre 2019 et 2021.
3. Cet allongement de la durée d'emprunt a permis d'absorber les conséquences de la hausse des prix des logements, en évitant aux emprunteurs d'excéder les plafonds de surendettement, puisqu'une durée d'emprunt plus longue signifie mécaniquement une mensualité moins lourde, par dilution, quoique le coût total du crédit augmente, du fait du poids des intérêts, du remboursement moins rapide du capital, et de l'empilement des frais constants comme les cotisations d'assurance décès et invalidité.
4. La majorité des crédits immobiliers est désormais située dans la frange des durées les plus longues. Au dernier trimestre 2021, la proportion des prêts immobiliers d'une durée supérieure à vingt ans représentait plus de 60 % de la production totale des crédits, soit plus du double de la fraction observée dix ans auparavant, puisqu'elle formait en 2012 une part de marché de seulement 28,9 % du total des crédits immobiliers. Au cours de l'exercice 2012, les durées comprises entre quinze et vingt années de crédit étaient largement majoritaires et concernaient 35,5 % des crédits immobiliers. Par ailleurs, le nombre d'emprunts souscrits pour une période de dix à quinze ans était aussi plus élevé en 2012 qu'aujourd'hui, avec une proportion de 23,5 %, réduite de moitié en 2021 avec 11,7 % en 2021. Ces chiffres démontrent le déplacement significatif des durées de crédit sur une courbe d'accroissement des périodes, et marquent une profonde transformation des conditions de financement : les établissements bancaires adaptent leur offre, acceptant par là même d'étendre leur prise de risque (du fait de l'éloignement de l'horizon d'acquittement de la dette).
– Alourdissement de l'endettement. – Il en résulte une progression de l'endettement des ménages que les pouvoirs publics jugent préoccupante.

L'allongement de la durée des crédits immobiliers, un recours pour le logement des ménages

1. Une étude de l'Insee nous apprend que depuis 2005, l'endettement des ménages a fortement augmenté, essentiellement du fait de la hausse des crédits à l'habitat.
2. Certes, depuis lors, la proportion de ménages endettés est restée stable : un ménage sur deux détient un crédit à la consommation ou immobilier, soit environ 14 millions de ménages en 2011. Mais, en corrélation avec la hausse des prix de l'immobilier, le montant moyen restant à rembourser au titre des crédits à l'habitat a crû de 58 % entre 2005 et 2011.
3. Néanmoins, le poids des remboursements mensuels pour les ménages reste stable sur cette période. La hausse a donc été financée par un allongement de la durée des emprunts, en particulier ceux des primo-accédants.
L'étude Revenus et patrimoine des ménages, réalisée en 2021 par l'Insee, nous donne les principaux indicateurs ainsi que des analyses sur les inégalités monétaires, la pauvreté et le patrimoine des ménages :
www.insee.fr/fr/statistiques/5371257?sommaire=5371304">Lien.
– Croissance universelle de l'endettement. – Pourtant, la croissance de l'endettement ne concerne pas que la France. Au cours des quarante dernières années, l'économie de l'ensemble des pays développés a connu à la fois un faible niveau d'inflation et une hausse galopante de l'endettement, qu'il s'agisse de celui de l'État, des ménages ou des entreprises non financières.

La croissance de l'endettement, une tendance commune à tous les pays développés

1. L'endettement croissant est souvent considéré comme une caractéristique du capitalisme financiarisé. On a peu à peu cessé de voir l'endettement comme un déshonneur, qui frappait celui dont l'effort de gain n'était pas préalable à l'envie d'acheter, signe à la fois d'intempérance et de pauvreté. Sentiment observé jusqu'à l'après-guerre, l'évolution des mentalités l'a peu à peu toléré, puis encouragé pour en faire au contraire un levier de relance de l'activité économique, propre à soutenir les ménages. Emprunter pour ne pas quitter la course à la consommation et consommer pour que la société soit plus riche devint peu à peu le nouveau credo général.
2. Néanmoins, en fonction des différents pays, l'endettement a pris une forme différente. En France, celui des ménages a crû à la même vitesse que la dette publique ou la dette des entreprises. Proportionnellement, il reste relativement peu important en pourcentage de produit intérieur brut, comparé aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Canada ou à l'Allemagne. En particulier, l'endettement lié au crédit à la consommation est plus faible : comme ailleurs, cette pratique s'est diffusée dans les années 1970 à 1990, mais l'endettement des ménages hors crédit immobilier reste en France moins important que dans d'autres économies similaires.
3. Certes, depuis les années 1980, son développement a permis de soutenir la demande, dans un contexte où la croissance du coût des biens s'est décorrélée de celle des salaires. Mais à l'heure où l'on prône la réduction de la dette publique, l'endettement présente des risques macroéconomiques, dans la mesure où, comme l'explique Laure Lacan, les crises financières entraînent souvent un transfert du poids de la dette de la sphère privée vers la sphère publique, freinant de ce fait la capacité à investir des États, et menaçant par conséquent la cohésion sociale. Il en fut notamment ainsi, on s'en souvient, à l'issue de la crise dite des subprimes en 2007-2009 (initialement dettes de particuliers aux États-Unis, ayant suremprunté pour acquérir leur logement à l'appui de taux d'intérêt nominalement faibles mais matériellement variables, puis commercialisées par l'industrie financière sous forme de produits hyperstructurés), lorsque les États ont absorbé les dettes des banques, pulvérisant leur propre niveau d'endettement afin d'éteindre une potentielle réaction en chaîne de faillites en série au sein du système de financement.
– Incitations à juguler l'endettement. – Néanmoins, au regard des risques politiques et sociaux de l'endettement des ménages, le législateur français a entendu le limiter. L'une des limites à respecter concerne la durée des crédits immobiliers (Sous-section I). On peut se demander s'il ne conviendrait pas, aujourd'hui, de repousser cette limite compte tenu, d'une part, de la finalité essentielle de tels crédits (le logement) et, d'autre part, des pratiques fort différentes en vigueur à l'étranger (Sous-section II).

Une limite à respecter

Les dispositifs employés pour limiter l'endettement ont été divers. Historiquement ils furent d'abord orientés vers l'information de l'emprunteur et l'obligation du prêteur professionnel de s'assurer de la solvabilité de son cocontractant. Ensuite vint l'ère de la contrainte sur les prêteurs.
– Les textes organisant des obligations précontractuelles. – Le premier texte régulateur fut la loi dite « Neiertz », votée pour imposer au prêteur de deniers professionnel de vérifier la solvabilité de tout emprunteur avant d'accorder un crédit (immobilier ou autre). Cette loi a été abrogée, mais les instruments de régulation qu'elle avait instaurés (tels que le Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers [FICP] ou encore les commissions départementales de surendettement) lui ont survécu. Puis vint la loi dite « Scrivener 1 », dont l'objectif était d'améliorer l'information préalable du consommateur et de le protéger tout au long du remboursement de ses crédits.
– L'institutionnalisation de la régulation des crédits. – Votée dans le contexte post-traumatique de la crise de 2007-2009, la loi de séparation et de régulation des activités bancaires du 26 juillet 2013 instaure un Haut Conseil de la stabilité financière (HCSF). Cet organisme a pour objet de réguler le marché, et ce d'autorité. Il exerce une surveillance du système financier dans son ensemble, dans le but d'en préserver la stabilité et la capacité à assurer une contribution soutenable à la croissance économique. Précisons que le HCSF français est l'antenne domestique du Comité européen du risque systémique (CERS). Ce dernier a été institué par le règlement (UE) no 1092/2010 du 24 novembre 2010. Il a été doté du pouvoir de régir l'octroi des crédits.
Initialement le HCSF formulait des avis ayant valeur de recommandations, sans être assortis de sanction. En matière de crédit à l'habitat, il définissait un taux d'endettement maximal conseillé. Ainsi, l'avis du HCSF publié le 20 décembre 2019, que l'on peut consulter ci-après, conseillait un maximum d'endettement de 33 % des revenus du ménage, doublé d'un plafond de durée d'endettement calé sur vingt-cinq ans maximum.
Le 27 janvier 2021, cette préconisation s'infléchit légèrement pour hausser à 35 % des revenus le maximum du taux d'endettement et limiter la durée de remboursement à vingt-cinq ans dans le cas général et à vingt-sept ans pour l'achat en vente en état futur d'achèvement (Vefa), intégrant en cela une période de différé d'amortissement de deux ans. Par ailleurs, le HCSF admet également une marge d'un certain volume de crédits pouvant déroger à ces règles, dans la limite de 20 % de la production trimestrielle de nouveaux crédits immobiliers. Sachant que 80 % minimum de cette poche dérogatoire devaient être réservés aux acquéreurs de résidence principale, dont 30 % aux primo-accédants. Le Haut Conseil a souhaité par ce moyen préserver les possibilités d'accès des ménages aux crédits immobiliers tout en s'assurant que les banques suivraient ses recommandations.
Il s'agissait d'éviter l'explosion, en nombre et en montant, des crédits immobiliers dont l'encours total, d'après la Banque de France, approchait les dix-neuf milliards d'euros pour les prêts à l'habitat en avril 2021. De fait, on a observé une quasi-disparition des prêts de plus de vingt-cinq ans. En 2012, une fraction égale d'environ 1,3 % de la production de crédit immobilier concernait les prêts d'une durée supérieure à vingt-cinq ans : elle n'était plus que de 0,1 % en fin d'année 2021. Mais ces lignes directrices demeuraient facultatives pour les banques, et certaines s'en dispensaient, notamment les banques mutualistes.
– L'apparition d'une mesure coercitive. – Le 15 juin 2021, le HCSF confirma ses précédentes recommandations, mais décida, après avoir pris connaissance de leur application, de conférer désormais à ses recommandations la valeur d'une norme juridiquement contraignante. La décision fut prise et publiée en date du 29 septembre suivant, avec effet au 1er janvier 2022. Depuis cette date, les établissements de crédit qui ne respectent pas ces recommandations risquent des sanctions, prononcées par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) qui « (...) veille à la préservation de la stabilité du système financier et à la protection des clients, assurés, adhérents et bénéficiaires des personnes soumises à son contrôle ». L'ACPR est membre du Mécanisme de supervision unique (MSU) confié à la Banque centrale européenne, laquelle contrôle directement cent quinze banques européennes, soit environ 82 % des actifs bancaires.
On peut consulter ici la décision du HCSF en date du 29 septembre 2021, applicable au 1er janvier 2022 :
– Critiques et inquiétudes. – Dès lors, un certain nombre de voix s'interrogèrent sur les conséquences pour les emprunteurs en termes d'accès au crédit, notamment en cas de remontée des taux. Comme on le sait, ce qui n'était alors qu'une probabilité est aujourd'hui devenu une certitude, sans que, pour l'instant, il n'en résulte une baisse des prix.
Les juristes, quant à eux, ne peuvent s'empêcher de faire remarquer que la décision du 29 septembre 2021 n'a ni la nature d'une loi ni, semble-t-il, celle d'une décision réglementaire. Il en résulte quelques doutes sur la constitutionnalité des normes édictées par le HCSF.
À l'international, on a également observé que cette tendance à la restriction de la durée des crédits immobiliers n'est pas de mise dans nombre de pays économiquement comparables à la France, loin s'en faut.

L'endettement immobilier en France : comparaison avec d'autres pays d'économie mature

1. Montant des crédits immobiliers
1.1 – La Banque centrale européenne diffuse des statistiques d'endettement des ménages au sein de l'UE, qui ne sont pas approfondies, notamment déciles par déciles, comme pouvaient l'être celles de l'Insee menées en France en 2013. Mais elles expriment un taux moyen général par pays de la zone euro. Ce taux moyen d'endettement des ménages s'élève à 96,12 % du PIB à fin 2020, pour l'ensemble de la zone. En France, il se situe à 102,18 % du PIB. Pour l'Allemagne, il est de 87,16 %. Il atteint 173,01 % au Luxembourg ; 184,27 % aux Pays-Bas ; 171,16 % en Suède ; 208,37 % en Norvège, ou bien encore 214,60 % pour les ménages danois.
Eurostat publie régulièrement les données relatives au taux d'endettement brut des ménages :
https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/tec00104/default/table?lang=fr">Lien.
1.2 – Dans les États de l'UE, les emprunts immobiliers représentent 87 % des crédits souscrits par les ménages (les 13 % restants étaient constitués de crédits à la consommation), et 42 000 € en moyenne par ménage propriétaire. Cependant, le niveau des encours varie fortement d'un pays à l'autre : la France arrive en huitième position, avec près de 52 000 € par ménage. Sachant que dans notre pays, 98 % des crédits immobiliers distribués le sont à taux fixe.
1.3 – C'est en Europe du Nord (Danemark, Finlande, Irlande, Royaume-Uni et Suède) que les ménages sont les plus endettés (représentant à eux seuls 33 % du total des crédits immobiliers en Europe). En effet, l'encours moyen par ménage propriétaire dans ce groupe de pays s'élève à 81 800 €, soit deux fois la moyenne européenne. Les causes en sont diverses, notamment l'importance des prix et le dynamisme des marchés, les durées de crédit globalement plus longues que dans les autres pays, une fiscalité et des traditions culturelles plus favorables au crédit immobilier. Les encours des crédits immobiliers, soit les montants encore dus (capital et intérêts), représentent en France 67 % du revenu disponible brut des ménages, là où ils s'élèvent à 202 % de ce revenu brut au Danemark, ou 139 % aux Pays-Bas.
1.4 – L'Europe du Centre-ouest (Allemagne, Autriche, Belgique, France, Luxembourg et Pays-Bas) représente 46 % des encours des crédits immobiliers de l'Union européenne. L'encours moyen par ménage propriétaire y est de 56 800 €, soit 37 % de plus que la moyenne européenne. Là où l'Europe de l'Est (Bulgarie, Hongrie…), est en comparaison très peu endettée, tant au niveau du montant que du nombre : 8 % des ménages supportent un emprunt en cours, pesant à peine 4 % des encours de crédits immobiliers, avec 6 600 € par ménage propriétaire. Dans le sud de l'Europe (Chypre, Espagne, Grèce, Italie, Malte et Portugal), les ménages sont globalement moins endettés. On y recense 17 % des encours des crédits immobiliers et l'encours moyen par ménage propriétaire s'élève à 26 900 €, soit 35 % de moins que la moyenne européenne.
2. Durée des crédits immobiliers
2.1 – En France, nous l'avons vu, la durée moyenne d'un crédit immobilier varie entre vingt et vingt-cinq ans, et les emprunts d'une durée supérieure ont pratiquement disparu. Au Royaume-Uni en revanche, des prêts étalés sur trente, trente-cinq, voire quarante et même cinquante ans sont courants. Les prêts à taux fixe sont en général accordés pour deux, trois, cinq et parfois dix ans. À la fin de cette période, ils basculent en standard variable rates, souvent plus élevés, marquant là le moment d'une fréquente renégociation de l'emprunt. Tout comme en Espagne, où les emprunteurs se risquent plus à s'endetter jusqu'à l'âge de départ à la retraite, encouragés par une réforme du crédit hypothécaire. Au Portugal, ce n'est qu'en 2018 que la loi, face à l'explosion de l'endettement immobilier depuis 2016, a plafonné les durées d'emprunt à quarante ans maximum, avec un taux maximum d'endettement de 50 % du revenu net, tous prêts confondus. À propos de la Suède, le journal La Tribune titrait, en 2013 : 140 ans, c'est la durée moyenne de remboursement d'un prêt immobilier en Suède . La raison d'une telle amplitude étant le type de produits utilisés, à savoir les prêts in fine. Il résultait de cet article qu'environ 60 % des emprunteurs avec hypothèque ne payaient à leur banque que le montant des intérêts. Ajoutons la fiscalité locale très favorable à l'immobilier, 30 % des intérêts payés étant déductibles de l'impôt sur le revenu même pour son propre logement, et aucun impôt sur la plus-value n'étant déclenché par une revente si elle est réalisée pour être immédiatement réinvestie dans un autre logement : il apparaît donc plus intéressant pour les Suédois d'acheter leur logement plutôt que de le louer.
2.2 – En Suisse, le prêt hypothécaire est une somme d'argent prêtée pour l'achat d'un bien immobilier. Le bien acquis sert de garantie au prêt, et l'établissement prête jusqu'à 80 % de la valeur du bien, les 20 % restant devant être financés sur fonds propres. Or les prix des biens immobiliers en Suisse sont nettement plus élevés que dans les pays voisins, en raison notamment de trois facteurs que sont la rareté des terrains constructibles, les normes et standards de construction élevés, et le coût de la main-d'œuvre. Le remboursement échelonné de la dette représenterait le plus souvent une charge intenable. Aussi, la plupart des emprunts sollicités en Suisse sont divisés en deux parties, dénommées premier et deuxième rang. Le premier rang correspond à deux tiers de la valeur du bien. Il n'est pas obligatoire de le rembourser en cours de détention du bien, seule la revente entraînant l'exigibilité de la dette. Or, les perspectives de plus-values sont depuis de nombreuses années très importantes dans l'ensemble du pays. En attendant, seuls les intérêts sont payés sur cette somme pendant toute la durée du prêt. Tant qu'il n'y a pas revente, le prêt est quasi perpétuel, et peut donc très bien s'étager de manière intergénérationnelle. La banque y gagne la rente que constitue le montant des intérêts, et ne prend guère de risque compte tenu des fondamentaux du marché en terme d'évolution du prix du bien hypothéqué. Le solde du prêt, formant le deuxième rang, doit, quant à lui, être amorti (remboursé) à l'horizon de l'un des deux maxima suivants : soit au bout de quinze ans, soit à l'âge de la retraite.
3. Dans le reste du monde
3.1 – L'exemple américain. Aux États-Unis, le modèle préféré de crédit, et le plus populaire, est le crédit immobilier à trente ans à taux fixe, dont le taux moyen s'est d'ailleurs envolé pour atteindre 6,02 % en septembre 2022.
3.2 – L'exemple nippon. Avec un taux de chômage qui ne cesse de baisser (2,6 %, à comparer avec les 5,3 % de la zone OCDE) et une relative stabilité des carrières, les banques japonaises ont pour coutume de traiter sur le long terme avec les emprunteurs. Voire même à très long terme, avec des durées de crédit pouvant aller aisément jusqu'à trente-cinq ans, et sans grande difficulté jusqu'à cinquante années.

Une limite à repousser ?

Il nous paraît admissible de concevoir une différence de traitement entre la durée des crédits bancaires finançant le logement, et celle des autres crédits. Voici pourquoi (§ I), et comment faire (§ II).

Pourquoi singulariser le crédit au logement ?

– Forces du marché français du crédit à l'habitat. – Sans que rien ne soit idyllique, on constate qu'en France la sinistralité des crédits immobiliers douteux aux particuliers est extrêmement faible, et en baisse à 1,06 % en 2020. Laurent Denis, précité (V. supra, no ), en tire même la conclusion que « la belle croissance du crédit immobilier aux ménages français est donc parfaitement équilibrée et n'appelle aucune restriction d'ampleur, fût-elle d'ordre “macroprudentiel” », regrettant que le durcissement des conditions d'accès au crédit crée ainsi un risque de perte de croissance dans un marché qui était en sortie de crise lors de la prise de décision du HCSF.
Dans leur grande généralité, les banques ont ménagé, dans leur politique de distribution, une différence notable entre leurs conditions de prêts à la consommation, dans lesquels les fonds prêtés sont consommés, et celles de prêts immobiliers, notamment à l'habitat, dans lesquels ils sont investis dans un bien pérenne et utile, susceptible de constituer une garantie en cas de défaillance de l'emprunteur. Aussi les banques ont-elles toujours accepté de prêter des montants plus élevés sur des durées plus longues en matière immobilière. Il y a donc bien, déjà, deux champs distincts de l'intervention bancaire : le crédit pour le logement d'un côté, et les crédits à la consommation de l'autre. Comme le montrent de nombreux exemples étrangers, le crédit au logement peut se concevoir sur plusieurs décennies, voire plusieurs générations, sans que le prêteur soit économiquement lésé, bien au contraire.
– Le HCSF est-il trop prudent ? – Dès lors, n'y a-t-il pas de la part du HCSF une excessive retenue, défavorable au marché du crédit immobilier en France ? Alors que, nous l'avons entrevu, notre pays semble jouir de fondamentaux qui restent plus favorables que de nombreuses moyennes : taux qui remontent moins vite qu'ailleurs, extrême prédominance des taux fixes, règles précontractuelles d'information très fortes et protection marquée du consommateur, caractère solide et transparent des garanties hypothécaires (totalement étrangères aux dévoiements à but lucratif qui furent à l'origine des subprimes), du fait notamment de l'intervention des notaires et de la fiabilité du fichier immobilier.

Comment accompagner l'extension du crédit au logement ?

Ouvrir les garanties

On formulera sur les garanties trois considérations.
– Droit positif. – L'attribution judiciaire d'un bien hypothéqué au créancier ne peut pas être prononcée lorsqu'il constitue le logement principal du débiteur. Seule la voie de la saisie pour vente aux enchères est alors ouverte. Ainsi le débiteur conserve, au moins en théorie, la possibilité d'enchérir pour sauver son bien.
– Droit prospectif. – Il serait possible de conforter la position du créancier par un développement de la fiducie-sûreté. Cela supposerait seulement quelques ajustements légaux, tels que l'ouverture du corps des fiduciaires à d'autres professions soumises à réglementation (notaires, géomètres, syndics, mandataires liquidateurs, administrateurs de biens, commissaires aux comptes, etc.). On pourrait également songer à adapter au crédit au logement les sûretés rechargeables (hypothèque légale spéciale du prêteur de deniers, hypothèque conventionnelle et fiducie-sûreté rechargeables). Le rechargement est de nature à faciliter l'accès au crédit des professionnels et devrait contribuer à dynamiser l'activité économique. Si tel est le cas, pourquoi ne pas en dire autant pour les crédits aux particuliers, en rétablissant également pour eux cette faculté, du moins lorsqu'il s'agit de financer leur logement ?

Pour un crédit au logement de très longue durée

Forts de ce type de sûreté, un allongement de la durée de remboursement des crédits au logement deviendrait plus acceptable. De la dilution dans le temps du poids de l'emprunt résulterait une réduction de la charge des remboursements à un montant supportable pour l'emprunteur (souvent analogue à des échéances de loyers). Autant l'on peut trouver justifiée la rigidité actuelle de la politique bancaire dans le domaine du crédit à la consommation (qui a peut-être été excessivement encouragé), autant cette politique manque de justification lorsqu'il s'agit de financer des biens qui dureront plus longtemps que l'investisseur lui-même.
Dans ce dernier domaine, pourquoi ne pas réfléchir à une nouvelle temporalité des crédits, inspirée des cédules hypothécaires à double rang de nos voisins suisses, ou du prêt viager hypothécaire, dont nous avons déjà relevé l'intérêt ? Un crédit bancaire de longue durée pourrait ainsi être consenti, au moins en partie, pour une durée fixe de quatre-vingt-dix-neuf ans, voire même pour une durée indéterminée prenant fin à la revente du logement, seuls les intérêts étant assumés sur cette partie. En cas de décès de l'emprunteur avant la survenance de l'un ou l'autre de ces termes, ses héritiers pourraient se voir conférer une option à trois branches : poursuivre le remboursement échelonné du prêt, le rembourser par anticipation, ou encore faire abandon du bien financé au créancier, à concurrence des sommes dues. La loi viendrait fixer les règles de majorité selon lesquelles les héritiers devraient se déterminer, et pourrait instituer un droit de préférence au profit de certains d'entre eux. Elle devrait encore traiter la question de l'éventuel excédent de valeur du bien par rapport à la dette, dans le cas de l'abandon à la banque. Moyennant ces quelques détails d'organisation, l'allongement de la durée des prêts peut constituer, pour le logement, une voie d'avenir.