Fixation et évolutions du loyer

Fixation et évolutions du loyer

Fixation du loyer initial

– Notion de « zone tendue ». – Avant l’entrée en vigueur de la loi Alur du 24 mars 2014, régnait le principe de la libre fixation du loyer initial du bail, à l’exception des logements vacants situés dans une zone tendue. La loi Alur a souhaité encadrer la fixation initiale du loyer dans les zones où les tensions sur le marché locatif sont les plus fortes (« zones tendues »). Les zones tendues sont définies par l’article 17, I de la loi de 1989 et sont listées en annexe du décret no 2013-392 du 10 mai 2013, que l’on peut consulter ci-après :
https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000027399823">Lien
Au principe de liberté qui est de règle hors zone tendue, s’oppose donc l’encadrement des loyers dans les zones tendues, pouvant résulter d’un décret parfois doublé d’un arrêté préfectoral.

Hors zone tendue

Principe de liberté

L’article 17, II de la loi de 1989 énonce que la fixation du loyer des logements est libre. La loi « Climat et Résilience » du 22 août 2021 a complété ces dispositions relativement aux logements énergivores. Ainsi, les loyers des logements classés F et G ne peuvent plus être augmentés lors du renouvellement du bail ou de la remise en location, ni faire l’objet d’une révision en cours de bail. Ces dispositions sont entrées en vigueur depuis le 25 août 2022 en métropole et seront applicables à partir du 1er juillet 2024 en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte.

Incidence des travaux

La prise en charge de travaux par l’une des parties peut avoir une incidence sur la fixation du loyer, selon que ces travaux sont réalisés soit par le locataire, soit par le bailleur. L’article 6, a de la loi de 1989 autorise la prise en charge de travaux d’amélioration par le locataire en contrepartie d’une baisse temporaire du loyer. Le bail doit également prévoir l’indemnisation du locataire en cas de départ anticipé. L’article 17-1, II de la loi de 1989 permet une augmentation du loyer consécutive à des travaux d’amélioration réalisés d’un commun accord par le bailleur, sous réserve de permettre au logement d’atteindre au moins la classe E. Cette condition supplémentaire résulte de la loi « Climat et Résilience ».

En zone tendue

Depuis la loi Alur, la fixation du loyer en zone tendue peut être soumise à un double encadrement résultant d’un décret (I) et parfois, en sus, d’un arrêté préfectoral (II).

Encadrement par décret

Champ d’application de l’encadrement
L’article 18 de la loi de 1989 prévoit que dans les zones tendues, « un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de concertation, fixe annuellement le montant maximum des loyers des logements vacants et des contrats renouvelés ». Le dispositif actuel résulte du décret no 2017-1198 du 27 juillet 2017, dont les effets sont prorogés annuellement par décret. Le dernier en date est celui du 29 juin 2021, qui proroge le dispositif aux relocations et renouvellements de baux entre le 1er août 2021 et le 31 juillet 2022. Il concerne les contrats de location de logements (nus, meublés, bail de mobilité) à usage de résidence principale ou professionnel et d’habitation principale, relevant de la loi de 1989. A contrario, il ne s’applique pas aux logements appartenant à des organismes HLM, aux logements conventionnés APL, aux logements relevant de la loi de 1948 et aux locations saisonnières.
Sont hors champ d’application du dispositif d’encadrement :
  • les logements faisant l’objet d’une première location ;
  • la relocation d’un logement vacant depuis plus de dix-huit mois ;
  • la relocation d’un logement vacant ayant fait l’objet de travaux d’amélioration de moins de six mois d’un montant au moins égal à la dernière année de loyer.
Dispositif d’encadrement
– Un plafonnement… – Lors de la mise en location d’un logement vacant (« logement inoccupé proposé à la location »), l’article 3 du décret de 2017 plafonne le nouveau loyer au dernier loyer appliqué au précédent locataire. Celui-ci est toutefois révisé en fonction de la variation de l’indice de référence des loyers (IRL) dans le cas où aucune révision n’est intervenue au cours des douze mois précédant la conclusion du nouveau contrat de location.
– … susceptible de dérogations. – L’article 4 du décret de 2017 prévoit des dérogations à la limitation de l’évolution du loyer d’un logement vacant :
  • en cas de travaux d’amélioration ou de mise en conformité réalisés par le bailleur pour un montant au moins égal à la moitié de la dernière année de loyer, la hausse du loyer annuel ne pourra excéder 15 % du coût réel des travaux TTC ;
  • en cas de sous-évaluation manifeste du dernier loyer appliqué au précédent locataire, la hausse ne pourra excéder la moitié de la différence entre le loyer habituellement constaté dans le voisinage pour des logements comparables et le dernier loyer appliqué au précédent locataire.

Encadrement par arrêté préfectoral

Zones tendues concernées
La loi du 23 novembre 2018, dite « loi Elan », en son article 140, I, a mis en place un dispositif d’encadrement des loyers par arrêté préfectoral, à titre expérimental et pour une durée de cinq années à compter du 24 novembre 2018. Dans les zones tendues, les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d’habitat, les établissements publics territoriaux de la Métropole du Grand Paris, la Métropole de Lyon et la Métropole d’Aix-Marseille-Provence pouvaient demander, avant le 24 novembre 2020, qu’un dispositif d’encadrement des loyers soit mis en place par arrêté préfectoral. Sur ce fondement, l’encadrement des loyers a été mis en place à Paris, à Lille, sur le territoire des établissements publics territoriaux de Plaine Commune et d’Est Ensemble, en Métropole de Lyon, à Montpellier et à Bordeaux.
Modalités d’encadrement
Dans chaque zone délimitée par décret, le préfet fixe chaque année un loyer de référence, un loyer de référence majoré (de 20 %) et un loyer de référence minoré (de 30 %). Ils sont exprimés au mètre carré de surface habitable, par catégorie de logements et par secteur géographique. Le loyer de base fixé librement entre les parties pour les nouvelles locations ou relocations ne peut excéder le loyer de référence majoré selon les caractéristiques du bien loué. Le dépassement du loyer de référence majoré est pénalement sanctionné par une amende de 5 000 € pour une personne physique ou de 15 000 € pour une personne morale. Elle est prononcée par le préfet à l’encontre du bailleur qui, malgré une mise en demeure, ne mettrait pas en conformité son bail et qui ne restituerait pas le trop-perçu de loyer (L. 23 nov. 2018, art. 140, VII). L’article 140, III B de la loi de 2018 permet toutefois d’appliquer un complément au loyer de base pour les logements présentant des « caractéristiques de location ou de confort par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique ».

Modifications du loyer

Le loyer peut être modifié en cours de bail par le jeu d’une clause d’indexation (A) ou lors de son renouvellement (B).

Révision annuelle du loyer

– Révision selon l’IRL. – Selon l’article 17-1 de la loi de 1989, lorsque le bail prévoit la révision du loyer, celle-ci intervient chaque année à la date convenue entre les parties ou, à défaut, au terme de chaque année du contrat. La révision annuelle ne peut excéder, à la hausse, la variation de l’indice de référence des loyers (IRL) publié par l’Insee chaque trimestre. La clause de révision ne joue que si le bailleur manifeste expressément son souhait de l’appliquer. À défaut, il est réputé avoir renoncé au bénéfice de la clause pour l’année concernée. Avant la loi Alur, la révision des loyers n’avait pas à être systématiquement réclamée par le bailleur, qui pouvait la revendiquer dans la limite de la prescription triennale. Depuis la loi Alur, le bailleur doit réclamer le bénéfice de la révision dans l’année suivant sa prise d’effet, faute de quoi il est censé y avoir renoncé (L. n° 89-462, art. 17-1). Il est désormais privé du bénéfice de la rétroactivité, car la révision ne prendra effet qu’à compter de sa demande.
– Révision pour travaux d’amélioration. – L’article 17-1, II de la loi de 1989 permet de réviser le loyer en cours de bail suite à des travaux d’amélioration réalisés par le bailleur sous réserve de respecter certaines conditions. D’une part, une clause expresse du bail doit avoir prévu cette possibilité et doit définir les travaux que le bailleur accepte de réaliser. D’autre part, la révision du loyer ne prendra effet qu’à la fin d’exécution des travaux d’amélioration.
– Révision interdite. – En outre, la loi « Climat et Résilience » du 22 août 2021 a complété l’article 17-1 en interdisant la révision (qu’il s’agisse de celle effectuée selon l’IRL ou de celle prévue pour travaux d’amélioration) dans les logements particulièrement énergivores, ceux relevant de la classe F ou de la classe G. Ces dispositions, relatives aux contrats de location conclus, renouvelés ou tacitement reconduits, sont entrées en vigueur depuis le 25 août 2022 en métropole, et seront applicables à partir du 1er juillet 2024 en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte.

Révision au renouvellement du bail

La loi Alur du 24 mars 2014 et la loi Elan du 23 novembre 2018 ont encadré la fixation du loyer renouvelé dans les zones tendues (II). En dehors des zones tendues, le principe reste la fixité du loyer du bail renouvelé sauf lorsque le loyer est manifestement sous-évalué (I).

Hors zone tendue : en cas de sous-évaluation manifeste

En principe, à son expiration, le bail se renouvelle par tacite reconduction aux conditions du loyer du bail antérieur, sauf revalorisation selon la variation de l’indice de référence des loyers. L’article 17-2 de la loi de 1989 permet toutefois au bailleur de proposer au locataire une réévaluation du loyer lorsque celui-ci est manifestement sous-évalué.

La demande de révision du loyer à l’échéance d’un bail consenti hors zone tendue

1. Lors du renouvellement du bail d’un logement, le bailleur peut demander la réévaluation du loyer si celui-ci est manifestement sous-évalué. Cette demande est encadrée par une procédure précise.
2. Six mois avant le terme du bail, le bailleur doit proposer au locataire « un nouveau loyer fixé par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables ». La notification intervient par lettre recommandée avec accusé de réception, par acte de commissaire de justice ou par remise en main propre. Elle doit reproduire l’intégralité de l’article 17-2 de la loi de 1989 et mentionner le montant du loyer ainsi que la liste des références ayant servi à le déterminer.
3. En cas de désaccord ou à défaut de réponse du locataire quatre mois avant le terme du bail, l’une ou l’autre des parties peut saisir la commission départementale de conciliation.
4. À défaut d’accord constaté par la commission, le juge doit être saisi avant le terme du contrat. À défaut de saisine du juge, le bail sera reconduit de plein droit aux conditions du bail antérieur.
La hausse convenue entre les parties ou judiciairement fixée s’applique par tiers ou par sixième selon que le bail est de trois ou six ans. Une hausse supérieure à 10 % s’appliquera par sixième annuel, quelle que soit la durée du bail renouvelé.
Comme précédemment, la loi « Climat et Résilience » du 22 août 2021 a complété l’article 17-2 de la loi de 1989 en excluant de la révision du loyer renouvelé les logements particulièrement énergivores.

En zone tendue

Comme pour la fixation initiale du loyer en zone tendue, la détermination du loyer renouvelé en zone tendue fait l’objet d’un encadrement par la loi (a) et par décret (b).
Encadrement par la loi du loyer renouvelé
Lorsqu’il existe un observatoire local des loyers agréé et que la commune a opté pour l’application de la procédure de fixation des loyers prévue par l’article 140 de la loi Elan, le loyer du bail renouvelé est limité par arrêté préfectoral et pourra être réajusté à la hausse ou à la baisse. L’article 140, VI de la loi du 23 novembre 2018 prévoit deux types d’actions, à la diligence du bailleur ou du locataire :
  • une demande de diminution du loyer par le locataire si le montant du loyer est supérieur au loyer de référence majoré ;
  • une demande de réévaluation du loyer par le bailleur si le montant du loyer est inférieur au loyer de référence minoré.
La révision a lieu selon une procédure analogue à celle décrite hors zone tendue.

La demande de révision du loyer à l’échéance d’un bail consenti en zone tendue : encadrement par la loi

1. La demande doit être faite par le locataire au moins cinq mois avant le terme du loyer. Si elle émane du bailleur, elle doit être faite six mois avant le terme. Elle doit reproduire, à peine de nullité, l’intégralité de l’article 140, VI de la loi de 2018 et mentionner le montant du loyer demandé, le loyer de référence minoré ou majoré selon que la demande est effectuée par le bailleur ou le locataire.
2. En cas de désaccord des parties ou à défaut de réponse quatre mois avant le terme, l’une des parties peut saisir la commission départementale de conciliation. Si la commission constate le désaccord des parties, le juge peut être saisi avant le terme du bail. Si le loyer renouvelé est fixé judiciairement, il sera applicable à compter de la date d’expiration du contrat, pour une durée de trois ou six ans selon que le bailleur est une personne physique ou une personne morale.
3. La hausse de loyer se fera selon les mêmes modalités qu’en cas de sous-évaluation manifeste hors zone tendue (V. supra, I). Cette action ne pourra être engagée pour les logements énergivores au sens de l’article L. 173-1-1 du Code de la construction et de l’habitation.
Encadrement par décret du loyer renouvelé
L’article 18 de la loi de 1989 permet au gouvernement de limiter chaque année par décret l’évolution des loyers renouvelés de logements situés en zone tendue. Le décret n° 2017-1198 du 27 juillet 2017 a fait l’objet de prorogations successives, la dernière étant celle du décret n° 2021-852 du 29 juin 2021. Le décret n’est pas applicable s’il a été pris un arrêté préfectoral sur le fondement de l’article 140, VI de la loi de 2018. Selon l’article 5 du décret du 27 juillet 2017, la hausse du loyer renouvelé en cas de sous-évaluation manifeste ne peut pas excéder la plus élevée des deux limites suivantes :
  • la moitié de la différence entre le loyer au prix du marché et le loyer appliqué avant renouvellement, révisé en tenant compte de la variation de l’IRL ;
  • une majoration du loyer annuel égale à 15 % du coût réel des travaux d’amélioration ou de mise en conformité du logement avec les normes de décence réalisés par le bailleur depuis la conclusion du bail initial avec le précédent locataire ou depuis le dernier renouvellement.