Concevoir une partie du programme répondant aux besoins de logement sur le territoire donné

Concevoir une partie du programme répondant aux besoins de logement sur le territoire donné

La personne publique ou l’OLS/I qui lance un appel à projet doit parfois imposer aux candidats d’intégrer dans leurs offres la réalisation de logements, le cas échéant avec des caractéristiques définies, destinés à être acquis directement par l’OLS/I, le plus souvent pour un prix déterminé. La réalisation de logements imbriqués dans des programmes immobiliers plus vastes répond à une véritable nécessité, tant pour des raisons techniques impliquant que de telles opérations soient placées sous une maîtrise d’ouvrage unique, que pour des raisons de politiques publiques qui peuvent être relatives à la meilleur valorisation du foncier public, à la bonne gestion des deniers publics ou encore, plus généralement, aux enjeux de mixité des usages et de lutte contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols. Toute la difficulté est alors d’identifier les frontières qu’entretient cette pratique avec le droit de la commande publique, notamment du point de vue de l’OLS/I qui procéderait à une telle opération « aller-retour » ou serait fléché par la personne publique à l’origine de l’appel à projets pour acquérir les logements auprès du lauréat de l’appel à projet désigné. Certains pratiques sont et peuvent cependant continuer à rester en dehors du droit de la commande publique. Les conditions du marché public sans publicité ni mise en concurrence de l’article R. 2122-3 du Code de la commande publique ne semblant pas non plus réunies, seule la théorie des contrats à objet mixte serait de nature à permettre la réalisation, dans le cadre d’un appel à projets, d’une partie du programme pour le compte et pour les besoins d’un OLS/I.

La difficile justification de l’article R. 2122-3 dans le cadre d’un APUI

Le 2° de l’article R. 2122-3 du Code de la commande publique dispose que l’acheteur peut conclure un contrat de gré à gré pour des raisons techniques lors de l’acquisition ou de la location d’une partie minoritaire et indissociable d’un immeuble à construire assortie de travaux répondant aux besoins de l’acheteur qui ne peuvent être réalisés par un autre opérateur économique que celui en charge des travaux de réalisation de la partie principale de l’immeuble à construire. Cette option implique bien la conclusion d’un marché public mais s’inscrit dans un processus d’attribution dérogatoire car sans mise en concurrence préalable. Cette exception doit donc s’analyser strictement.
Lorsque le besoin de logements à réaliser pour le compte de la collectivité ou de son opérateur est minoritaire (en SDP) et imbriqué dans un programme immobilier plus large à développer sur le site de l’appel à projet, il peut sembler de prime abord envisageable de recourir à ce dispositif du Code de la commande publique. En pratique, cela consisterait donc à transférer des droits sur le foncier au promoteur et, dans le cadre d’une division en volume ou en copropriété, à racheter les volumes ou les lots de copropriété abritant les logements imbriqués qui seront construits selon ses prescriptions en vertu d’un marché public conclu en vertu du 2° de l’article R. 2122-3 du Code de la commande publique.
Toutefois, la condition posée au dernier alinéa de cet article du Code de la commande publique impose également qu’il n’existe « aucune solution de remplacement raisonnable et que l’absence de concurrence ne résulte pas d’une restriction artificielle des caractéristiques du marché [par l’acheteur] ». À ce titre, certains auteurs considèrent qu’il sera toujours difficile de soutenir qu’il n’existe aucune solution alternative lorsqu’une vente est assortie d’une demande de locaux à construire, en particulier quand ces travaux sont directement destinés à revenir à la personne publique propriétaire du terrain cédé.
Ces positions sont peut-être trop rigoristes car la directive présuppose, dans ses considérants, que l’exclusivité peut résulter d’un autre but poursuivi par le pouvoir adjudicateur ; autrement dit pas « en vue de la passation du marché » mais en vue d’une autre finalité étrangère à la commande publique. Dans ce cas, il serait légitime de contracter directement avec l’opérateur disposant de l’exclusivité quand bien même cette exclusivité serait le résultat d’une autre décision prise par le pouvoir adjudicateur (ici la valorisation de son patrimoine), pour autant que cette décision puisse effectivement se voir reconnaître une finalité et une cohérence propre.
Encore faut-il déterminer en quoi consiste cette exclusivité. Elle peut résulter, par exemple, de la nécessité de situer un équipement sur une partie de l’emprise cédée, si bien que la cession ne serait pas possible sans la conclusion du marché avec le cessionnaire. En effet, la directive se réfère à la « quasi-impossibilité technique, pour un autre opérateur économique, de réaliser les prestations requises, ou la nécessité de recourir à un savoir-faire, des outils ou des moyens spécifiques dont ne dispose qu’un seul opérateur économique » (cons. no 50). Ce standard de quasi-impossibilité montre qu’il peut exister des alternatives, mais qu’elles doivent soulever des difficultés particulièrement lourdes pour le pouvoir adjudicateur. Cependant, compte tenu de l’absence de jurisprudence administrative se prononçant sur ce point et de la rigueur d’interprétation par le juge européen de l’exception ainsi transposée en droit interne, il est généralement conseillé de ne pas privilégier cette solution du marché public conclu de gré à gré avec le promoteur en vertu de l’article R. 2122-3 du Code de la commande publique. En effet, sur ce point, le droit de l’Union n’admet la passation d’un marché négocié sans publicité préalable que s’il y a « absence de concurrence ». Or les appels à projets consistent justement à organiser une mise en concurrence des projets privés. Ce qui implique donc que seul le troisième mécanisme, fondé sur la théorie des contrats à objet mixte, serait de nature à répondre à l’enjeu de réalisation de logements pour le compte de la collectivité sur les sites des appels à projets.
Le cas envisagé est celui dans lequel la cession ou la mise à disposition d’un bien par la personne publique a pour condition sine qua non l’obligation pour l’opérateur privé de réaliser des logements (ou un équipement public) destinés à revenir à la personne publique ou au bailleur social désigné par elle. Nous sommes alors en présence d’un contrat à objet mixte ayant à la fois un objet immobilier (la cession du terrain) et un objet de travaux (la réalisation des logements à céder au bailleur). Si la réalisation des logements demandée par la personne publique peut présenter en elle-même les caractéristiques d’un marché public de travaux, son inclusion nécessaire dans une opération immobilière plus vaste peut alors lui conférer le statut de travaux accessoires à la cession.
Ce contrat à objet mixte pourrait donc être conclu en dehors de toute règle de passation prévue au Code de la commande publique en vertu d’une lecture combinée des articles L. 1300-1 (contrats mixtes) et L. 1312-1 (contrats comportant des prestations indissociables) dudit code. En effet, lorsqu’un contrat comporte un objet qui ne relève pas de la commande publique et d’autres prestations qui constituent des travaux répondant aux besoins d’un pouvoir adjudicateur, le régime juridique applicable au contrat dépend de la combinaison de deux éléments : 1° l’objet principal du contrat ; 2° le caractère dissociable des besoins que les prestations convenues satisfont. Et, dans ce cadre, lorsqu’un acheteur conclut un contrat unique destiné à satisfaire des besoins objectivement indissociables qui, d’une part, relèvent du régime de la commande publique et, d’autre part, n’en relèvent pas, ce contrat est soumis aux dispositions applicables à son objet principal.
L’arrêt Loutraki déjà cité l’énonce clairement : « dans le cas d’un contrat mixte […] les différents volets sont liés d’une manière inséparable et forment ainsi un tout indivisible, l’opération en cause doit être examinée dans son ensemble de manière unitaire aux fins de sa qualification juridique et doit être appréciée sur la base des règles qui régissent le volet qui constitue l’objet principal ou l’élément prépondérant du contrat ». Dans notre hypothèse, si c’est la vente du terrain, contrat de droit privé exclu du champ de la commande publique qui constitue l’objet principal, la Vefa de la partie de logement, en tant qu’accessoire, sera elle-même un contrat exclu du champ de la commande publique (et non seulement des règles de passation à la différence du contrat prévu à l’article R. 2122-3 du CCP).
Une partie importante de la doctrine et de la pratique admet ainsi que lorsqu’un contrat porte sur la vente d’un immeuble, il peut comporter des travaux consistant à remettre un ouvrage imbriqué au vendeur tout en demeurant un contrat principalement immobilier. Autrement dit, de ce point de vue, le fait que le pouvoir adjudicateur ait exercé une influence déterminante sur les travaux et constructions à réaliser sur la partie rétrocédée n’empêche pas de considérer que ces travaux restent accessoires par rapport à l’objet principalement translatif de propriété. Pour y parvenir il faut donc vérifier deux conditions : le caractère inséparable des deux objets (I) et le caractère accessoire de la Vefa comportant des travaux répondant aux besoins propres du pouvoir adjudicateur (II).
– Condition d’inséparabilité. – Le caractère séparable des prestations est déterminé par le juge de manière casuistique, sur la base d’éléments objectifs, mais qui peuvent tenir à des « raisons tant techniques qu’économiques ». Pour le juge « il importe de souligner que les intentions exprimées ou présumées des parties contractantes de considérer les différents volets composant un contrat mixte comme inséparables ne sont pas suffisantes, mais doivent s’appuyer sur des éléments objectifs susceptibles de les justifier et de fonder la nécessité de conclure un contrat unique » (aff. C-215/09, point 39).
L’ensemble de cette jurisprudence a été résumé par le considérant 11 de la directive 2014/24 sur les marchés publics : « L’appréciation du caractère séparable ou non des différentes parties devrait être faite au cas par cas, les intentions exprimées ou présumées du pouvoir adjudicateur de considérer les différents aspects d’un marché mixte comme indivisibles ne devant pas suffire, mais devant être corroborées par des éléments de preuve objectifs de nature à les justifier et à établir la nécessité de conclure un marché unique. Ce besoin justifié de conclure un marché unique pourrait, par exemple, exister dans le cas de la construction d’un seul et même bâtiment dont l’une des parties serait destinée à être utilisée directement par le pouvoir adjudicateur concerné et l’autre à être exploitée sur la base d’une concession, par exemple pour offrir des emplacements de stationnement au public. Il convient de préciser que la nécessité de conclure un marché unique peut être due à des raisons tant techniques qu’économiques. » Le juge aura donc une démarche factuelle consistant à vérifier que les parties ont été objectivement amenées à lier les deux objets du contrat sans qu’on puisse y voir une volonté de contournement des règles de passation.

En pratique, les exposés des actes notariés devront alors faire état de ces éléments objectifs permettant de retenir l’application de la théorie des contrats mixtes en démontrant que l’on est en présence d’objets contractuels juridiquement indissociables, c’est-à-dire qui ne peuvent être exécutés l’un sans l’autre
CJUE, 29 oct. 2009, aff. C 536/07, <em>Commission c/ Allemagne</em>, § 28 : « il convient de constater que ces différents volets de ladite opération forment un tout indissociable. En effet, la construction des ouvrages, telle que conçue et exécutée, n’aurait pas eu de raison d’être en l’absence du contrat de location, et ce dernier n’aurait pu avoir d’existence autonome sans la future réalisation des ouvrages, telle que prévue dans ledit contrat. »

On expliquera notamment : (i) qu’il est nécessaire de localiser des logements dans l’ensemble immobilier à réaliser : études urbaine, règles du PLU, etc. (ii) qu’il n’est pas possible de concevoir des ouvrages non imbriqués et que cette imbrication nécessaire rend leur exécution techniquement impossible ou, tout au moins, dépourvue d’intérêt séparément, de telle sorte que la vente du terrain pour permettre la réalisation des développements privés doit avoir pour condition <em>sine qua non</em> la réalisation et la revente d’une partie de l’ouvrage correspondant au besoin en logement de la personne publique. Et il faudra toujours être en mesure de démontrer que l’on n’a pas choisi d’imbriquer pour échapper aux règles de la commande publique.

– La condition du caractère accessoire. – Une fois l’indissociabilité vérifiée, encore faut-il démontrer que la vente du terrain constitue bien l’objet principal du contrat mixte. Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne que l’objet principal doit être déterminé selon une « acception finaliste », centrée sur la « raison d’être » du contrat ou sur « la finalité de l’appel d’offres ». Même si cela n’est pas déterminant, il est aussi utile de prendre en considération le contexte et les volumes en cause, ainsi que la valeur des différents objets du contrat ou de l’ensemble contractuel. Comme le note la Direction des affaires juridiques du ministère des Finances (DAJ) la « détermination de l’objet principal du contrat s’opère dans son ensemble selon une analyse multicritères tant quantitative que finaliste, et non sur le seul montant respectif des prestations composant son objet. Son appréciation doit avoir lieu au regard des “obligations essentielles” qui prévalent et qui caractérisent le contrat, par opposition à celles qui ne revêtent qu’un caractère accessoire ou complémentaire ».
La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne ne se penche pas directement sur le cas qui nous intéresse mais plusieurs arrêts de cours administratives d’appel admettent précisément qu’un contrat de vente immobilière puisse comporter la rétrocession d’un équipement public ou comporter des travaux sans que la réalisation de ces ouvrages ou travaux ne constitue l’objet principal. Dans la mesure où la réalisation des logements constituerait un simple accessoire du contrat immobilier, ledit contrat pourra être conclu de gré à gré (comme une simple cession) et non après mise en œuvre d’une procédure de publicité et de mise en concurrence. Mais, s’agissant d’une dérogation au champ d’application de la commande publique, le juge est très strict sur les conditions d’indissociabilité et d’objet principal, ce qui impose la plus forte vigilance lorsque l’on recourt à cette solution. Le risque est renforcé lorsque la collectivité venderesse désigne l’OLS/I car, contractuellement, cela suppose que ledit OLS/I se substitue partiellement à la collectivité dans ce contrat mixte pour créer un lien direct avec le promoteur sur la partie de l’ensemble contractuel qui, prise isolément, relèverait de la commande publique. Cette substitution donne alors une apparence de « séparabilité » des deux objets du contrat, même s’il n’est pas interdit de penser qu’ils peuvent rester indivisible pour des raisons factuelles et objectives, et certainement juridiquement par l’effet de clauses de sort lié. Cette solution constitue cependant une réalité pratique, déjà mise en œuvre dans plusieurs projets avec l’ingénierie et les précautions juridiques nécessaires.

Peut-on envisager un APUI en utilisant une procédure issue du droit de la commande publique ?

En raison, d’une part, des incertitudes inévitables qui peuvent dans certaines situations peser sur la qualification des contrats mixtes portant sur la cession d’un immeuble tout en comportant d’importantes prestations de travaux et, d’autre part, en vue de renforcer les demandes de travaux tout en assurant la légalité de leur opération au regard du droit de la commande publique, certaines collectivités publiques décident ou pourraient décider de s’inscrire clairement dans le droit de la commande publique et de lancer une consultation selon les principes de publicité et de mise en concurrence dudit droit.
Les intérêts de cette solution sont clairs : cela permet à la collectivité publique, ou à l’OLS/I « fléché » par elle pour acquérir les logements auprès du lauréat, de commander des prestations auprès de ce dernier sans restriction. Les logements commandés sont alors explicitement conçus selon les besoins de l’OLS/I qui obtiendra un ouvrage correspondant entièrement aux qualités et quantités souhaitées. Il ne fait pas de doute, dans ce cas, que le contrat, tout en étant un contrat mixte, est un marché public de travaux puisque la finalité première de l’opération est l’acquisition d’un ouvrage dont un pouvoir adjudicateur définira les fonctions, la structure et les aménagements intérieurs. Peu importe alors que les besoins en cause (cession et travaux) soient dissociables puisque le contrat sera de toute manière passée selon une procédure de marché public pertinente.
Un marché de travaux ainsi passé avec un promoteur qui acquiert le foncier et réalise un projet d’ensemble au sein duquel l’ouvrage revenant à l’OLS/I sera inséré, pour des raisons économiques ou de mixité fonctionnelle, n’a de sens que si c’est un marché public global. Le promoteur assumera alors la maîtrise d’ouvrage et sera chargé tant de la conception que de la réalisation. Le marché correspondra donc à un marché global de conception-réalisation (CCP, art. L. 2171-2).
Focus sur le marché public global de performance
Aux termes de l’article L. 2171-3 du Code de la commande publique, le marché global de performance « associe l’exploitation ou la maintenance à la réalisation ou à la conception-réalisation de prestations afin de remplir des objectifs chiffrés de performance. Ces objectifs sont définis notamment en termes de niveau d’activité, de qualité de service, d’efficacité énergétique ou d’incidence écologique.
Le marché global de performance comporte des engagements de performance mesurables.
Comme le marché de conception-réalisation, le marché public global de performance permet de déroger au principe de l’allotissement et, partant, de confier une mission globale à son titulaire. L’utilisation de ce contrat global dans notre hypothèse est toutefois délicate.
Tout d’abord, car la définition même du marché public global de performance induit, en sus de la réalisation ou de la conception-réalisation, « l’exploitation ou la maintenance », ce qui n’est pas adapté à notre cas de cession d’immeuble avec « en retour » la réalisation de logements répondant aux besoins du pouvoir adjudicateur. Justement, ce dernier acquiert les logements dans la perspective d’en assurer lui-même la gestion et, en corollaire, l’exploitation et la maintenance.
Ensuite, car il existe un débat doctrinal sur le point de savoir si un marché public global de performance peut être associé à une opération de cession immobilière. Il pourrait tout à fait être soutenu que rien n’empêche une telle façon de faire dans un contrat à objet mixte avec un objet principal commande publique. Pour autant, certains auteurs considèrent que le silence des textes sur cette possibilité, au contraire de ceux relatifs au marché public de partenariat, conduit à ne pas l’admettre pour le marché public global de performance . En revanche, François Tenailleau relève que « si, dans le cadre d’un marché de partenariat, la faculté d’obtenir des recettes annexes bénéficie d’un cadre juridique plus élaboré et ouvrant plus de possibilités dans le domaine immobilier, aucun principe ne s’oppose en réalité à la génération et à la prise en compte de telles recettes dans le cadre des marchés globaux de performance » .
Et enfin, car, même si cette possibilité était reconnue, il resterait à déterminer s’il est possible d’admettre un paiement en nature dans un marché public. Dit autrement, pourrait-on, au regard des règles de la commande publique, payer le prix du marché public par la remise de l’emprise foncière destinée à accueillir les biens à édifier ? Si rien ne semble s’y opposer dans le principe, on relèvera que l’absence d’adaptation du régime d’exécution des marchés publics à cette hypothèse spécifique est susceptible de poser des difficultés pratiques. À cet égard, la doctrine considère en effet que : « […] des améliorations peuvent toujours être apportées aux textes. Par exemple, certains marchés globaux sont aujourd’hui combinés à une valorisation foncière des propriétés de l’acheteur. Faute de dispositions spécifiques, le paiement (partiel ou total) du prix du marché en nature (par remise des biens à valoriser) demeure un exercice délicat » . Par ailleurs, il faudrait veiller à respecter les règles relatives à la décomposition du prix . En effet, les prix des prestations de réalisation, d’exploitation ou de maintenance du marché global de performance apparaissent de manière séparée dans le marché.
En outre, la rémunération des prestations d’exploitation ou de maintenance du marché global de performance est liée à l’atteinte des engagements de performances mesurables, fixées par le marché pour toute sa durée. Il faut donc, tout au moins, prévoir des clauses adéquates pour organiser cette variation en fonction des résultats, ce qu’une rémunération au moyen d’une cession immobilière ne permet pas, en tant que telle.
En vue de déterminer le régime applicable à un tel contrat, il faut distinguer selon que l’OLS/I qui a vocation à acquérir les logements réalisés est la personne qui vend l’immeuble sur lequel porte l’APUI (A) ou selon que c’est une collectivité publique qui vend et lance d’appel à projets (B).
A. Lorsque l’organisme de logement vend
Tout d’abord, lorsque l’organisme de logement vend, les contraintes juridiques ne sont pas les mêmes selon qu’il s’agit d’une OLI ou d’un OLS. Les OLI n’étant pas soumis à la loi MOP, ils peuvent librement recourir à un marché de conception-réalisation. Par ailleurs, s’agissant de personnes morales de droit privé, le marché sera un contrat de droit privé.
Les OLS pourront aussi librement recourir à un marché de conception-réalisation sur le fondement de l’article L. 2171-2 du Code de la commande publique, qui écarte les conditions imposées aux personnes soumises aux règles relatives à la maîtrise d’ouvrage publique pour la réalisation de logements locatifs aidés par l’État financés avec le concours des aides publiques mentionnées au 1° de l’article L. 301-2 du Code de la construction et de l’habitation, lorsqu’ils sont conclus par les organismes d’habitations à loyer modéré mentionnés à l’article L. 411-2 du même code et les sociétés d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux. Dans ce cas, le contrat ne sera un contrat administratif que si l’OLS est une personne publique (OPH) ou si, tout en étant une personne privée, il agit en vertu d’un mandat d’une personne publique. Dans les deux cas, le marché de conception-réalisation doit être passé selon l’une des trois procédures formalisées : appel d’offres (CCP, art. L. 2124-2), procédure avec négociation (CCP, art. L. 2124-3), dialogue compétitif (CCP, art. L. 2124-4). Les OLS/I ne peuvent toutefois légalement recourir à la procédure avec négociation (ou au dialogue compétitif) que dans certains cas, et spécialement lorsque le marché public comporte des prestations de conception ou lorsque le marché public « ne peut être attribué sans négociation préalable du fait de circonstances particulières liées à sa nature, à sa complexité ou au montage juridique et financier ou en raison des risques qui s’y rattachent » (CCP, art. R. 2124- 3 et R. 2124- 5). Or le marché public global combinant une cession d’immeuble et une commande d’ouvrage doit porter sur des prestations de conception lorsque l’ouvrage commandé doit s’insérer dans un ensemble réalisé par le promoteur. En tant qu’acquéreur et maître d’ouvrage d’un projet qu’il entend lui-même porter, le promoteur devra intégrer la conception de l’ouvrage commandé dans son propre projet et devra donc se voir confier des prestations de conception. Par ailleurs, en raison de sa nature (ouvrage imbriqué), une négociation paraît inévitable. Enfin, si l’acheteur souhaite élaborer un montage financier incitatif qui fait peser un certain risque sur le promoteur (par exemple en fonction de la commercialisation des parties privées de l’ouvrage), le recours à la procédure avec négociation sera envisageable.
Par ailleurs, les OLS, bien que soumis aux règles relatives à la maîtrise d’ouvrage publique, peuvent recourir à la procédure de conception-réalisation sans obligation de désigner un jury (CCP, art. R. 2171-16).
Les OLS/I devront alors choisir l’offre économiquement la plus avantageuse, sur la base de critères justifiés par l’objet du marché ou ses conditions d’exécution (CCP, art. L. 2152-7), ce qui offre à l’OLS/I un choix étendu de définition de ses critères.
S’agissant du régime d’exécution du contrat, les règles relatives aux marchés publics et celles relatives aux ventes immobilières ne présentent pas d’incompatibilité de principe. Par exemple, le titulaire d’un marché public est tenu de supporter certaines garanties au profit de l’OLS/I (CCP, art. R. 2191-32 et s.), mais rien n’empêche d’y ajouter des garanties supportées en tant qu’acquéreur, notamment si le prix de cession du terrain est payé de façon indépendante. Certes, lorsque l’OLS est un OPH, le contrat constituera un contrat administratif en vertu de l’article L. 6 du Code de la commande publique. Cela emportera diverses conséquences sur le régime applicable. Ainsi, la personne publique dispose en principe de pouvoirs de modification ou de résiliation unilatérales du contrat, pour motif d’intérêt général, qui sont inhabituels dans le cadre d’un contrat de vente. Mais ces évolutions du contrat doivent alors, en principe, donner lieu à une indemnisation de l’intégralité du préjudice subi. Par ailleurs, les règles relatives à l’imprévision ne sont alors pas celles du Code civil et, surtout, le régime contentieux sera celui des contrats administratifs, qui a pour caractéristique notable de permettre plus largement à un tiers d’agir contre le contrat que cela n’est possible s’agissant d’un contrat civil.
Les règles d’exécution financière du marché, tout en étant fixées par le Code de la commande publique et en étant inévitablement plus rigides qu’un échéancier contractuel entièrement négocié, devraient néanmoins permettre aux parties de trouver un cadre satisfaisant leurs besoins respectifs en matière d’avance, d’acompte ou de paiement du solde. Reste le sort des sous-traitants, qui ont en principe droit au paiement direct sur le fondement de la loi du 31 décembre 1975. Dès lors que le pouvoir adjudicateur est le maître d’ouvrage, cette règle a vocation à s’appliquer.
Enfin, le régime de modification du contrat en cours d’exécution est aussi affecté par la qualification de marché public puisqu’une modification substantielle serait illicite (CCP, art. L. 2194-1).
B. Lorsqu’une autre personne publique vend
Lorsqu’une autre personne publique vend le terrain, le montage en marché public est plus complexe du fait de l’intervention d’une autre personne, de la dissociation des qualités de vendeur et de pouvoir adjudicateur et de la soumission plus stricte aux règles relatives à la maîtrise d’ouvrage publique.
Dans un tel cas, une personne publique, compétente en matière de politique du logement, fait sienne les prescriptions de l’OLS/I et prend en charge la passation de sa vente selon les règles applicables à un marché de travaux en vue de commander l’ouvrage qui sera acquis par l’OLS/I. La personne publique ne paiera pas le prix de cet ouvrage et il faut que le contrat répartisse soigneusement les rôles et les responsabilités de chacun, notamment dans le suivi de l’exécution, en distinguant ce qui relève de la réalisation des innovations propres à l’APUI et ce qui relève de l’exécution des travaux commandés. Cette solution est toutefois plus difficile à envisager puisque la personne publique pourra moins facilement recourir à un marché de conception-réalisation (CCP, art. L. 2171-2), à moins que les caractéristiques de l’ouvrage commandé, notamment en raison de l’imbrication dans un ensemble plus vaste porté par le promoteur lauréat, permettent de ne pas avoir à respecter les règles relatives à la maîtrise d’ouvrage publique. Dans ce dernier cas, la procédure avec négociation pourra aussi être utilisée (V. supra), mais le contrat sera nécessairement un contrat administratif.
Une autre solution consiste, pour la personne publique, à laisser l’OLS/I lancer la procédure de passation du contrat selon les règles qui lui sont applicables tout en s’engageant à céder le terrain au lauréat de l’APUI. Mais la personne publique perd alors le contrôle sur le choix du lauréat, à moins de constituer un groupement de commande avec l’OLS/I. Cela pourrait être intéressant si elle entend elle-même réaliser une commande dans le cadre de l’APUI, soit pour la réalisation d’un autre ouvrage devant lui revenir, soit parce que les innovations apportées par le lauréat sont considérées comme une réponse à un besoin individualisé de la personne publique. Dans ce cas, ce sont les règles les plus contraignantes qui doivent s’appliquer pour la passation du marché, c’est-à-dire celles qui s’appliquent à la personne publique qui vend l’immeuble.
Focus sur l’évolution des contrats dans le cadre des appels à projets
Dans le cadre d’une procédure de commande publique avec négociation, l’évolution en cours de consultation des offres est possible dès lors qu’elle n’affecte pas substantiellement la mise en concurrence . Cette possibilité devrait être permise avec plus de souplesse dans le cadre d’un appel à projets , sous réserve naturellement de transparence et d’égalité de traitement.
Une fois les offres finales remises, les évolutions en droit de la commande publique ne sauraient être substantielles. Cette référence n’est peut-être pas opportune en matière d’appels à projets puisqu’une évolution favorable à la personne publique, sans avantage pour le lauréat, devrait pouvoir être admise.
Plus généralement, même après la signature, la référence au critère de la modification substantielle, issue du droit de la commande publique, n’est peut-être pas opportune. S’agissant des cessions, on relève notamment deux objections. D’abord, leur mise en concurrence est facultative et on sait qu’en cas d’abandon, de l’une ou l’autre partie, une cession de gré à gré est possible . Ensuite, en droit de la commande publique, la modification substantielle doit entraîner la réattribution du contrat : comment faire alors que le bien objet de l’appel à projet a été vendu ? On voit les limites à la transposition des règles de la commande publique aux appels à projets. La voie serait alors de trouver un équilibre entre l’effet utile de la procédure de mise en concurrence et la nécessaire évolution des projets dans le temps, pour des raisons objectives, et surtout pour que ces projets qui sont retenus pour leur exemplarité ne soient pas privés de progression et de mutabilité. Le même raisonnement devrait être appliqué aux titres d’occupation dès lors qu’ils ne constitueraient pas des « autorisations » d’exercer une activité économique au sens de la jurisprudence de la CJUE déjà citée . L’objet de ces titres est la meilleure valorisation des patrimoines publics, et n’est qu’une alternative à la cession. Partant, les possibilités d’évolutions doivent pouvoir s’inscrire dans cette finalité et il s’agira de permettre leur évolution avec comme limite, comme garde-fou, le maintien de l’équilibre économique du contrat tel qu’il résulte de la mise en concurrence initiale .