Caractéristiques

Caractéristiques

Le bail à construction emprunte au bail emphytéotique deux de ses principales caractéristiques : sa durée et la nature réelle du droit conféré au preneur. Il y ajoute deux obligations du preneur qui l’en distinguent nettement : l’obligation de construire (§ I) puis celle de conserver en bon état d’entretien (§ II) . Il se différencie aussi de son modèle par une plus grande souplesse quant à l’introduction de clauses restrictives du droit de propriété du preneur (§ III), et réserve un meilleur sort aux créanciers hypothécaires (§ IV).

L’obligation de construire du preneur

– Une obligation. – Le bail à construction n’existe que si le preneur contracte une obligation de construire. C’est là l’élément principal du contrat, ce qui suppose que son objet soit détaillé. Une jurisprudence constante indique que cette obligation ne peut se réduire à une simple modalité d’exécution du contrat. Elle doit, au contraire, constituer son objet principal.
– Une construction. – Il faut ensuite qu’il y ait bien construction. Cela semble évident, mais l’importante jurisprudence montre que le sujet n’est pas si simple, les parties pouvant avoir intérêt à faire requalifier un contrat nommé bail à construction en bail de longue durée si elles arrivent à établir l’absence d’un élément constitutif, généralement celui de l’obligation de construire. Une construction est évidemment l’édification d’un immeuble neuf. Ce peut être aussi une réhabilitation lourde, assimilable à la production d’un immeuble neuf. La jurisprudence confirme également la possibilité de conclure un bail à construction sur un volume immobilier dépendant d’un immeuble déjà bâti, dès lors que la réalisation de travaux de construction à l’intérieur de ce volume est possible.
Nature des constructions. Importance des travaux. La destination de l’immeuble et la nature des constructions sont indifférentes, mais l’importance des travaux reste un critère de qualification. La jurisprudence retient principalement leur caractère immobilier et substantiel pour caractériser un bail à construction, et exige en outre que les constructions soient clairement déterminées.

Point d’attention : rédaction d’un bail à construction ne concourant pas à l’édification d’un bâtiment neuf

Un bail à construction peut porter sur des travaux de construction qui ne se matérialisent pas par l’édification d’un bâtiment neuf. Dans un tel cas, son rédacteur veillera à stipuler clairement dans le contrat la nature des travaux à réaliser et à faire ressortir le fait qu’ils en constituent bien l’élément principal.

Bail à construction : de « l’importance… de l’importance » des travaux mis à la charge du preneur !

La notion de « travaux substantiels » a été retenue pour rejeter de simples travaux d’aménagement. À la lecture de ces arrêts, on perçoit l’intérêt de cette qualification qui conditionne elle-même la nature réelle du droit conféré et la licéité de clauses incompatibles avec cette nature réelle. Les résumés JurisData des deux décisions de cour d’appel visées indiquent notamment que :
« C’est en vain qu’est demandée la requalification du contrat de bail à construction en contrat de bail commercial. Le bail à construction suppose, aux termes de l’article L. 251-1 du Code de la construction et de l’habitation, la réalisation de travaux ayant un caractère à la fois immobilier et substantiel. En l’espèce, le bail initial porte sur un terrain de 3 470 mètres carrés et sur deux volumes sans précision de constructions existantes. La qualification de bail à construction donnée par les parties correspond à la définition légale. Par conséquent, suite à la cession du bail à construction, la demande de validation de la clause d’agrément doit être rejetée, puisque cette clause, contraire à l’article L. 251-3 du Code de la construction et de l’habitation, est incompatible avec le droit réel immobilier du preneur sur le bien donné à bail ».
« Le bail doit être qualifié de bail commercial et non de bail à construction. En effet, selon l’article L. 251-1 du Code de la construction, l’obligation principale du preneur dans un bail à construction est l’édification de constructions sur le terrain du bailleur. Or, il ressort de l’examen des stipulations contractuelles que le preneur s’est engagé à réaménager les bâtiments existants en locaux à usage commercial et de bureaux et le permis de construire porte uniquement sur l’aménagement des locaux. Il s’agit donc de travaux de transformations de bâtiments existants sans construction nouvelle, ce qui exclut la qualification de bail à construction. Au surplus, la qualification de bail à construction est contredite par le maintien du loyer à un niveau correspondant à la valeur locative, loyer qui constitue la contrepartie de la jouissance des locaux. Par conséquent, la demande du bailleur tendant à l’exécution de travaux de construction doit être rejetée ».
– Une restriction du champ d’application du bail à construction. – Il résulte de cette jurisprudence que, dans de nombreux cas, le bail à construction ne pourra pas être utilisé. Il est ainsi exclu en cas de travaux de simple réaménagement de bâtiments existants, lesquels relèvent d’un bail à réhabilitation régi par les articles L. 252-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation… à condition qu’un tel bail puisse être conclu, compte tenu de son champ d’application, lui aussi, assez restreint.

Ouvrir le bail à construction aux opérations de réhabilitation ne produisant pas d’immeuble neuf

Compte tenu du champ d’application restreint du bail à réhabilitation, de l’absence de souplesse du bail emphytéotique inadapté à la stipulation de clauses contraignantes pour le preneur, et de l’impossibilité d’utiliser le bail à construction pour de simples réhabilitations, il nous semble utile d’ouvrir le champ du bail à construction à de telles opérations. Le bail à construction serait alors un bail à « obligation de travaux » qui ne produiraient pas un immeuble neuf, mais seraient bien entendu précisément décrits.

L’obligation d’entretenir

– Une obligation indiscutable… et non discutée. – Seconde obligation figurant dans la définition même du bail à construction, l’obligation d’entretien est moins sujette à discussion quant à son influence sur la qualification du contrat. Elle est essentielle, car le principe est le retour des ouvrages édifiés au bailleur en fin de bail. Il faut donc que le preneur conserve ces constructions « en bon état » d’entretien. Toutefois, elle ne se répercute pas sur la qualification du contrat. Sa méconnaissance est seulement susceptible d’entraîner soit la résiliation du bail (lorsque le constat du défaut d’entretien est possible pendant sa durée), soit des dommages et intérêts (notamment lorsque le défaut d’entretien n’est mis en évidence qu’en fin de bail).

Souplesse quant à l’introduction de certaines clauses restrictives

– Principe d’interdiction des clauses restrictives à la libre disposition du droit réel. – S’agissant d’un bail constitutif de droit réel, le principe reste que les clauses restrictives au libre exercice du droit de propriété du preneur ne sont pas autorisées. Néanmoins, l’utilisation du bail à construction permet plus de liberté de ce point de vue que le bail emphytéotique. Elle permet, en particulier, au bailleur de contrôler la nature et la destination des constructions. Il n’y a rien là que de très logique, si l’on se souvient que leur édification forme l’objet principal du contrat. Ainsi, il a notamment été jugé que le bailleur peut limiter l’usage de la construction édifiée par le preneur et dont il est propriétaire, dès lors qu’une clause précisant l’usage auquel l’immeuble à édifier est destiné est insérée dans le contrat. C’est l’une des raisons qui explique l’usage du bail à construction dans les appels à projets innovants visant à la transformation d’immeubles existants.
– Des solutions jurisprudentielles opposées à celles retenues pour le bail emphytéotique. – De manière surprenante, car non cohérentes avec celles retenues en matière de baux emphytéotiques, les positions jurisprudentielles sur les clauses restrictives au droit de céder du preneur (clauses d’agrément principalement) sont inverses : pareilles clauses ne remettent pas en cause la nature réelle du droit du preneur, mais sont annulées car incompatibles avec celle-ci. La rigueur de la Cour étonne néanmoins de nombreux commentateurs et praticiens, notamment au regard des restrictions admises en matière de bail réel solidaire, voire même dans la vente dès lors que la clause restrictive est limitée dans le temps et motivée par un intérêt légitime. La mise en cohérence de ces solutions divergentes est réclamée par de nombreuses voix.

Une formule plus protectrice des droits des créanciers hypothécaires

Ainsi qu’il a été mentionné dans l’étude du bail emphytéotique, les créanciers hypothécaires du preneur à bail à construction voient par principe leur droit disparaître à l’expiration du bail.
Une importante exception est toutefois prévue : si le bail prend fin par résiliation judiciaire ou amiable, les privilèges et hypothèques inscrits avant la publication de la demande en justice tendant à obtenir cette résiliation ou avant la publication de l’acte ou de la convention la constatant ne s’éteignent qu’à la date primitivement convenue pour l’expiration du bail.
Par ailleurs, dans l’intéressante hypothèse du bail à construction à l’envers, évoquée infra, no , c’est-à-dire « lorsque le bail prévoit une possibilité d’achat du terrain par le preneur dans le cadre d’une opération d’accession sociale à la propriété et que le preneur lève l’option conformément au quatrième alinéa de l’article L. 251-1">Lien », l’hypothèque conserve son effet jusqu’à sa date d’extinction et s’étend de plein droit au terrain.