Un mariage sans conseil : une absence d'information contentieuse
Un mariage sans conseil : une absence d'information contentieuse
… par des conseils avisés et obligatoires
– Notaire et régime matrimonial, une histoire d'amour. – Il ne fait nul doute aujourd'hui que le notaire est le professionnel du droit qu'il faut rencontrer lorsque l'on envisage de choisir un régime matrimonial. Si ces deux notions – contrat de mariage et notaire – sont indissociables, ce n'est pas le fruit du hasard. Premièrement, le contrat de mariage, en tant qu'acte solennel, est l'apanage du notaire. Deuxièmement, le contrat de mariage qui, par essence, suppose un écrit pour en assurer tant l'efficacité que la preuve dans le temps, ne pouvait être confié à un autre que le notaire. Et parce qu'au fil des siècles l'histoire de notre profession s'est retrouvée liée à celle des conventions matrimoniales, bien plus que nous ne pouvons l'imaginer, le notaire reste le spécialiste incontournable des contrats de mariage et, par extension, des régimes matrimoniaux.
Son rôle en matière de régime matrimonial est polymorphe : écouter les futurs époux, et même entendre ce qu'ils ne disent pas, analyser, expliquer, conseiller, et parfois rédiger ; le tout en conservant la preuve de la bonne exécution de sa mission.
Aussi il appartient au notariat de s'interroger sur le futur de la matière, et sur l'évolution possible, attendue ou espérée, des régimes matrimoniaux. Il est également de notre responsabilité d'analyser la situation actuelle, d'identifier ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne plus. Évidemment, les nombreuses jurisprudences en la matière ou les chiffres du contentieux en fin d'union sont des alertes que nous devons prendre en considération afin de toujours apporter le meilleur conseil aux clients.
– Notaire et régime matrimonial, une histoire risquée. – Le devoir de conseil du notaire ne se limite pas à une information abstraite sur les différents régimes matrimoniaux. Le conseil doit être concret et donné au regard de la situation des époux.
Bien qu'il ne s'agisse pas de la matière dans laquelle la responsabilité des notaires est la plus engagée, il ne faut pas ignorer que celle-ci a tout de même pu être retenue, notamment sur le seul fondement de la perte d'une chance des futurs époux, alors même que le dommage qui aurait pu être la conséquence du mauvais choix de régime matrimonial n'était pas encore avéré.
Régimes matrimoniaux et responsabilité notariale en chiffres
Sur la période allant de 2011 à 2020, parmi 37 775 dossiers de responsabilité notariale (représentant un coût de 780 452 577 €), seuls 39 dossiers (représentant un coût de 922 604 €) concernaient les régimes matrimoniaux (à l'exclusion des changements de régime matrimonial qui, eux, sont plus importants : 80 dossiers pour un coût de 101 555 391 €).
Sur la dernière décennie (de 2011 à 2020), les contentieux relatifs aux régimes matrimoniaux (à l'exclusion des changements de régime) ont donc représenté 2,29 % des sinistres toutes causes confondues.
– Notaire et régime matrimonial, une histoire non exclusive. – Il peut paraître surprenant que le notariat, pourtant spécialiste de la matière, ait été écarté du fonctionnement du régime matrimonial légal. Aucun rôle ou aucune mission, même de simple conseil, ne lui a été reconnu légalement.
Cette situation résulte, sans aucun doute, du fait que le régime matrimonial légal a…
– Notaire et régime matrimonial, une histoire non exclusive. – Il peut paraître surprenant que le notariat, pourtant spécialiste de la matière, ait été écarté du fonctionnement du régime matrimonial légal. Aucun rôle ou aucune mission, même de simple conseil, ne lui a été reconnu légalement.
Cette situation résulte, sans aucun doute, du fait que le régime matrimonial légal a été organisé sur le principe d'un régime supplétif de volonté, qui ne nécessite pas de contrat. Le recours au notaire ne s'impose donc pas. Or, assimiler encore aujourd'hui la mission du notariat, en matière de régime matrimonial, aux seules fonctions d'authentificateur d'actes est assez réducteur. En effet, en la matière, sa mission première est de conseiller, en faisant preuve de pédagogie et en utilisant des techniques d'ingénierie matrimoniale. Ensuite seulement le notaire exercera sa mission de rédacteur.
On conçoit aisément que l'application d'un régime inadapté puisse avoir des conséquences dommageables pour les futurs époux. Et pourtant, depuis des décennies, une majorité de couples s'unissent sans recevoir de conseils préalables, sans être aiguillés quant au choix d'un régime matrimonial adapté. Ils se soumettent volontairement, ou peut-être même sans en avoir conscience, à un socle de règles légales qui va régir leurs rapports pécuniaires durant toute leur union.
Faut-il alors comprendre que le régime matrimonial légal serait une sorte de régime « universel », adapté à tous ?
Bien sûr que non ! Si c'était le cas, les régimes conventionnels n'existeraient pas et le contentieux en fin d'union serait inexistant.
C'est bien la reconnaissance d'une pluralité de situations qui a conduit à admettre une pluralité de régimes matrimoniaux et une liberté des conventions matrimoniales.
Dès lors, il se peut que ce socle de règles légales appliqué automatiquement aux époux s'avère inadapté à leur situation. À cette première problématique (un régime inadapté) vient se rajouter celle de l'ignorance. Ce ne sont pas les quelques recherches que les époux pourront faire sur internet ou le feuillet explicatif reçu de la mairie qui leur permettront de connaître les règles applicables à leurs régimes matrimoniaux.
Ainsi le régime légal, s'il n'est pas le régime le mieux adapté à la situation des futurs époux, aura des conséquences tout aussi dommageables qu'un régime conventionnel mal choisi.
Et, c'est d'ailleurs bien souvent le notaire qui aura à connaître de ces situations, lors de la liquidation des régimes communautaires (divorce ou décès). C'est alors bien tardivement, et en période de crise, que nous sommes amenés à expliquer aux clients le contenu de leurs régimes matrimoniaux.
– Régime matrimonial et liquidation, une histoire contentieuse. – Un certain nombre de dossiers de divorce (ou simplement de partage post-communautaire) n'aboutissent pas en raison d'un désaccord des époux sur les règles liquidatives de leur régime. Le plus souvent, il s'agit d'une difficulté de qualification d'un bien, de reconnaissance d'une créance entre époux, ou de récompenses.
En tant que professionnels du droit, nous sommes alors tous animés d'un fort sentiment d'échec, assez partagé entre soupçon de malhonnêteté intellectuelle des époux et surprise d'une telle ignorance de leur part.
En tant qu'acteur privilégié, comment le notaire peut-il anticiper, afin d'éteindre en amont le contentieux du régime légal en fin d'union ?
Dans le régime matrimonial légal actuel, le notariat ne peut intervenir que par des mesures « curatives », quand la problématique sous-jacente au futur contentieux est déjà présente. Le notaire est l'oublié du régime matrimonial légal (Chapitre I), le privant de ses fonctions premières : le conseil et l'anticipation. La solution serait d'éviter, en amont, que le contentieux naisse. Le notariat doit à l'avenir, en matière de régime matrimonial légal, être préventif, et le notaire doit être reconnu (Chapitre II). Pour ce faire, il devra avoir un rôle central dans le régime matrimonial légal de demain.
Régime matrimonial légal d'aujourd'hui : le notaire oublié
Après avoir dressé le bilan de deux cent dix-huit années d'un régime légal de communauté supplétif de volonté, sans notaire (Section I), seront évoquées les raisons historiques des choix réalisés en 1804 (Section II), conduisant aujourd'hui à un régime matrimonial légal réfléchi et conçu sans notaire.
Régime matrimonial légal de demain : le notaire reconnu (un notariat préventif et ingénieur)
– Le regard tourné vers demain. – La complexité actuelle du régime matrimonial légal et la méconnaissance avérée de ses règles par les époux qui y sont soumis ne peuvent se résoudre que par l'intervention en amont du spécialiste de la matière, le notaire.