Les pactes Dutreil, terrain de jeu pour l'ingénierie notariale

Les pactes Dutreil, terrain de jeu pour l'ingénierie notariale

Les risques qui pourraient faire vaciller l'entreprise ont-ils été bien identifiés ?
– Les origines. – Depuis plus d'une vingtaine d'années, le législateur se soucie de la transmission à titre gratuit des entreprises en France, considérant qu'il s'agit d'un enjeu majeur pour la vitalité économique du pays.
Après une première tentative au milieu des années 1990 d'introduire un dispositif d'exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit dérogatoire pour les transmissions d'entreprise, censuré par le Conseil constitutionnel, c'est la loi de finances pour 2000, dans son article 11, qui institue un tel dispositif d'exonération réservé aux transmissions d'entreprise par succession.
– Le développement du dispositif. – Peu appliquée en pratique compte tenu de ses contraintes, cette mesure prendra véritablement son envol par une refonte totale au travers de la loi pour l'initiative économique du 1er août 2003. Ce dispositif, transféré de l'article 789 A du Code général des impôts au nouvel article 787 B, prendra le nom du ministre qui en a été à l'origine, Renaud Dutreil, pour devenir le dispositif Dutreil.
– Les réformes successives. – Depuis cette date, le dispositif Dutreil a fait l'objet de nombreuses modifications au fil des lois de finances successives pour devenir un dispositif très complet, mais aussi parfois difficile à appliquer et présentant des rigidités peu compatibles avec les nécessaires adaptations capitalistiques auxquelles doit faire face l'entreprise.
– Le devenir du dispositif Dutreil. – Néanmoins, à un moment ou des rapports semblent remettre en cause l'utilité de ce dispositif, il n'est pas inutile de rappeler que l'enjeu va bien au-delà de la simple transmission d'une entreprise. En effet, tout un écosystème gravite autour de l'entreprise et une transmission qui échoue en raison des contraintes fiscales engendre une déperdition de valeur bien supérieure à la potentielle perte de recette fiscale que représente le dispositif Dutreil, comme l'avaient mis en avant les rapports qui avaient servi de base à la mise en place de ce régime.
– Un dispositif à sanctuariser. – Ces enjeux n'ont aujourd'hui pas disparu, bien au contraire, quand on voit la pyramide des âges des chefs d'entreprise. Il semble donc curieux de considérer que la transmission d'une entreprise devrait être taxée au même titre que n'importe quel actif, alors que de nombreux dispositifs encouragent la création, le développement et la transmission. Cela serait un bien mauvais signal envoyé au monde économique !
– Le dispositif Dutreil. – Il comprend deux volets : le premier consacré à la transmission de l'entreprise individuelle, le second dédié à la transmission des titres de l'entreprise.
Il consiste en un abattement de 75 % sur la valeur des biens ou titres de sociétés pour la détermination de l'assiette des droits de mutation à titre gratuit. Il concerne toute transmission à titre gratuit d'une société ou d'une entreprise ayant une activité opérationnelle, par donation ou succession, et s'applique à l'ensemble des entreprises, quelles qu'en soient la forme, la taille ou la localisation.
Ce régime de faveur est subordonné à deux grands engagements, sur lesquels nous reviendrons : un engagement de conservation et un engagement de direction, tous deux limités dans le temps.
– Plan. – Loin de nous l'idée de faire ici une étude exhaustive de ces dispositifs, nous nous attacherons à étudier, dans ses grandes lignes, le dispositif de la transmission de l'entreprise sous forme sociale (Chapitre I) et à voir les améliorations et assouplissements que nous pourrions proposer (Chapitre II).
Les conditions générales du dispositif Dutreil
Les améliorations et assouplissements
– Un dispositif devenu complexe. – Au fil du temps, le dispositif s'est considérablement densifié. De nouvelles possibilités de structuration ont été ouvertes, mais descontraintes supplémentaires ont aussi vu le jour. En outre, les nombreux commentaires de l'administration fiscale ont parfois rendu difficile l'application de certains schémas de transmission.