Le commerce électronique est défini par l'article 14 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) du 21 juin 2004
L. no 2004-575, 21 juin 2004, pour la confiance dans l'économie numérique, dite « LCEN » : JO 22 juin 2004, no 0143.
comme « l'activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou de services. Entrent également dans le champ du commerce électronique les services tels que ceux consistant à fournir des informations en ligne, des communications commerciales et des outils de recherche, d'accès et de récupération de données, d'accès à un réseau de communication ou d'hébergement d'informations, y compris lorsqu'ils ne sont pas rémunérés par ceux qui les reçoivent ». Cette définition crée un large champ d'application, sans distinction des professionnels et des consommateurs, auxquels l'obligation précontractuelle d'information spécifique au commerce électronique s'applique donc. Cette obligation se distingue de celle du Code civil par son contenu, d'une part
(§ I)
, et par son régime, d'autre part
(§ II)
.
L'obligation d'information spéciale au contrat de commerce électronique
L'obligation d'information spéciale au contrat de commerce électronique
Le contenu de l'information précontractuelle dans le commerce électronique
La LCEN transpose pour partie la directive précitée du 8 juin 2000
V. supra, no .
notamment son article 5 créant une obligation d'information spéciale. Il est précisé que celle-ci s'ajoute aux autres informations dont la transmission est déjà imposée par le droit communautaire. L'article 19 de la LCEN intègre donc au droit français cette obligation d'information qui a vocation à s'appliquer « sans préjudice des autres obligations d'information prévues par les textes législatifs et réglementaires en vigueur ».
- l'un relatif au prestataire ;
- l'autre relatif à la prestation.
Les auteurs
Sur l'obligation d'information dans le commerce électronique, V. JCl. Commercial, fasc. 872, Vo Droit commun des plateformes numériques. Le déroulement de la relation entre la plateforme et les usagers, par S. Zinty.?N. Mathey, Commerce électronique. Le commerce électronique dans la loi no 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique : Contrats, conc. consom. oct. 2004, no 10, étude 13.?JCl. Commercial, fasc. 860, Vo Commerce électronique et protection du consommateur, par J.-M. Bruguière.?JCl. Contrats-Distribution, fasc. 2420, Vo Pratique des contrats électroniques, par J. Huet.?P. Stoffel-Munck, La réforme des contrats du commerce électronique : JCP E 16 sept. 2004, no 38, 1341.?O. Cachard, Le contrat électronique dans la loi pour la confiance dans l'économie numérique : Rev. Lamy dr. civ. 1er sept. 2004, no 8.
divisent traditionnellement cette nouvelle obligation d'information en deux contenus distincts :
L'information relative au prestataire
Loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), art. 19.
est destinée à permettre l'identification de la personne assurant ou proposant la fourniture d'un bien ou d'un service par la voie électronique. Les informations requises pour une personne physique sont ses prénom et nom, et pour une personne morale sa raison sociale, ainsi que pour tous, une adresse postale et électronique et un numéro de téléphone. Si le prestataire est inscrit au répertoire des métiers ou au registre du commerce et des sociétés, son numéro d'inscription doit également être fourni, avec son capital social et l'adresse du siège social. En cas d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, le numéro individuel d'identification est à fournir. Si le prestataire est soumis à un régime d'autorisation, l'autorité ayant délivré cette autorisation doit être rappelée. Enfin, s'il est membre d'une profession réglementée, les règles applicables à la profession exercée, le titre professionnel, l'État membre dans lequel il a été octroyé et l'ordre professionnel auquel il appartient doivent être indiqués. Il a ainsi été évoqué l'émergence d'un véritable « principe d'identification des parties »
O. Cachard, La régulation internationale du marché électronique, LGDJ, 2002, préf. Ph. Fouchard, no 239.
. Cette obligation s'explique par la dématérialisation du contrat conclu à distance entre des parties qui ne se rencontrent pas physiquement et n'échangent pas de vive voix. Il est donc important, pour assurer la confiance nécessaire à la conclusion de toute convention, que le destinataire de cette proposition de service puisse identifier son auteur. D'autant plus qu'il existe désormais de nombreux labels et certifications permettant ensuite de s'assurer de la qualité du prestataire et de ses produits
Par ex. en matière de restauration et d'hôtellerie, le système des notes attribuées à des établissements par le biais de sites internet comme TripAdvisor, ou encore les « Avis Vérifiés », voire les labels de qualité officiels comme les normes ISO.
.
L'article 19 de la LCEN ajoute que ces informations doivent être mises à disposition des utilisateurs via « un accès facile, direct et permanent utilisant un standard ouvert ». Cela tend à exclure les liens hypertextes et impose la communication des données de manière lisible par des logiciels classiquement présents sur des ordinateurs personnels, sans qu'il soit nécessaire d'installer des programmes particuliers.
Pour les sociétés, cette « obligation d'identification » ne présente pas une grande innovation dans la mesure où un certain nombre de ces informations sont déjà à communiquer sur les documents officiels
Par ex., l'art. L. 441-3 du Code de commerce prévoit les mentions obligatoires sur les factures et l'article L. 221-9 du Code de la consommation liste les informations à communiquer au consommateur relativement équivalentes.
. L'apport de la LCEN en la matière concerne surtout la chronologie dans la mesure où ces données sont à indiquer avant la conclusion de tout contrat, et même en dehors de toute offre de contracter.
L'article 19 de la LCEN constitue en revanche une avancée dans les relations C to C pour lesquelles aucune obligation d'identification n'existait. Elle apparaît d'autant plus importante dans ces rapports que les consommateurs n'ont pas les obligations renforcées que peuvent avoir les professionnels. Il est donc primordial que les utilisateurs puissent s'identifier avant de contracter, notamment pour vérifier le sérieux de l'auteur de la proposition. L'idée ici encore est de créer la confiance nécessaire préalablement à la signature d'un contrat.
L'information relative à la prestation est double : elle concerne le prix et, pour les professionnels uniquement, les conditions contractuelles.
S'agissant de l'information sur le prix, celle-ci doit être communiquée de manière « claire et non ambiguë »
LCEN, art. 19.
, et ce même si la proposition de service ou de bien n'emporte pas offre de contracter. Les éventuels frais et taxes de livraison doivent également être renseignés. L'article 19 de la LCEN précise que cette obligation d'information n'est pas exclusive des autres obligations tant législatives que réglementaires pouvant exister en matière de prix.
S'agissant de l'information sur les conditions contractuelles, l'article 1127-1 du Code civil (C. civ., art. 1127-1">Lien) impose au professionnel uniquement de mettre à disposition de ses clients les dispositions contractuelles « d'une manière qui permette leur conservation et leur reproduction ». L'objectif du législateur est de sécuriser et mettre le destinataire de l'offre en confiance préalablement à la prise de tout engagement par la communication des conditions du contrat à venir. L'emplacement de cette disposition dans le Code civil fait bénéficier de cette information tant le destinataire professionnel que consommateur. Toutefois, l'article 1127-3 (C. civ., art. 1127-3">Lien) du même code prévoit le caractère supplétif de cette obligation dans les relations entre professionnels et pour les contrats conclus exclusivement par voie de courriers électroniques. Il s'agit du résultat de la transposition de la directive précitée du 8 juin 2000 impérative dans les relations B to C
Lesquelles relations sont également régies par l'obligation spéciale d'information du consommateur de l'article L. 221-14 du Code de la consommation prévoyant dans le cadre d'un contrat conclu par voie électronique la transmission des « caractéristiques essentielles des biens ou des services qui font l'objet de la commande, à leur prix, à la durée du contrat et, s'il y a lieu, à la durée minimale des obligations de ce dernier au titre du contrat ».
, mais simplement supplétive dans les relations B to B et C to C.
Cette obligation d'information imposée aux professionnels dépasse les seules conditions contractuelles puisqu'il est ensuite prescrit de transmettre également les étapes de conclusion du contrat par voie électronique ; les moyens techniques offerts au destinataire de l'offre pour détecter et corriger les éventuelles erreurs avant la conclusion du contrat ; les langues proposées pour le contrat, en ce compris le français ; les modalités d'archivage du contrat et de sa consultation ; et éventuellement, les règles professionnelles et commerciales auxquelles le professionnel se soumet.
Le contenu de l'information devant être communiqué dans le cadre du commerce électronique étant déterminé, il y a lieu de définir son champ d'application et les sanctions de son non-respect.
Le champ d'application et les sanctions de l'information précontractuelle dans le commerce électronique
Le champ d'application de l'obligation précontractuelle d'information dans le commerce électronique dépasse tout d'abord le seul cadre de l'offre de contracter. Les articles 14 et 19 de la LCEN, reprenant l'article 5 de la directive du 8 juin 2000, visent « la proposition » de biens ou de services. Les auteurs
P. Stoffel-Munck, La réforme des contrats du commerce électronique : JCP E 16 sept. 2004, no 38, 1341.
distinguent cette proposition de la véritable offre au sens de l'article 1114 du Code civil (C. civ., art. 1114">Lien). Pourtant, l'obligation faite de fournir les informations relatives au prix et à la prestation ou le service proposé peuvent rapprocher cette proposition de l'offre. La différence se fait alors sur la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation, laquelle volonté ne se retrouve pas toujours avec les simples propositions. On peut d'ailleurs observer que l'article 1127-1 du Code civil (C. civ., art. 1127-1">Lien) crée le trouble sur ce point en évoquant tout d'abord la « proposition » puis « l'offre », tendant à la confusion des deux notions.
Ensuite, l'obligation relative à l'identité du prestataire et aux prix s'impose tant aux professionnels qu'aux particuliers, conformément à la directive transposée. Cette dernière fait la différence entre les « prestataires » et les « prestataires établis ». Les « prestataires » sont définis par la directive comme « toute personne physique ou morale qui fournit un service de la société de l'information », tandis que le prestataire établi est défini comme « le prestataire qui exerce d'une manière effective une activité économique au moyen d'une installation stable pour une durée indéterminée ». Contrairement à l'obligation d'information de l'article 1127-1 du Code civil réservée aux professionnels, comme rappelé dans les développements qui précèdent
V. supra, no .
, cette obligation relative à l'identité du prestataire et aux prix s'impose dans toutes les relations, y compris dans les relations B to B et C to C.
Enfin, l'obligation d'information de l'article 19 de la LCEN s'impose également aux « services tels que ceux consistant à fournir des informations en ligne, des communications commerciales et des outils de recherche, d'accès et de récupération de données, d'accès à un réseau de communication ou d'hébergement d'informations, y compris lorsqu'ils ne sont pas rémunérés par ceux qui les reçoivent »
LCEN, art. 14 ci-dessus rappelé définissant le prestataire concerné par l'obligation d'information.
. Ce qui signifie que les plateformes numériques, bien que ne jouant qu'un rôle d'intermédiaire, sont également concernées, tout comme les comparateurs et autres moteurs de recherche. Cela s'explique par le fait que l'utilisateur doit avoir un accès simple et direct à l'information.
Les sanctions de l'obligation précontractuelle d'information dans le commerce électronique ne sont pas évoquées par la directive du 8 juin 2000, ni par la LCEN et le Code civil. Il y a lieu de distinguer les sanctions en fonction de la nature des informations non transmises
En ce sens : JCl. Commercial, fasc. 860, Vo Commerce électronique et protection du consommateur, par J.-M. Bruguière.
.
Si le défaut de transmission porte sur les conditions contractuelles, l'article 1119 du Code civil (C. civ., art. 1119">Lien) dispose en son premier alinéa que « les conditions générales invoquées par une partie n'ont effet à l'égard de l'autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées ». La sanction est donc l'inopposabilité.
Si le défaut de transmission porte sur les informations relatives au prix, à la prestation ou au service, à la langue, ou encore à l'identification du prestataire, tout dépend des conséquences de ce manquement. Dans la mesure où ces informations peuvent être essentielles au consentement, notamment le détail de la prestation, le défaut de communication peut être sanctionné sur le terrain du droit commun des contrats par la nullité. Celle-ci résulte alors d'un vice du consentement : erreur ou dol. S'agissant de l'erreur sur la valeur, elle n'est pas en elle-même cause de nullité (C. civ., art. 1136">Lien), sauf en cas d'erreur sur une qualité essentielle se répercutant sur la valeur ou en cas de dol portant sur la valeur de la prestation contractuelle (C. civ., art. 1139">Lien). Si le défaut de communication empêche la rencontre des volontés sur les éléments essentiels du contrat, comme le prix, alors le contrat n'a même pas pu se former. Dans l'hypothèse où le défaut d'information n'entraînerait pas un vice du consentement, la responsabilité du prestataire pourrait être engagée avec l'octroi de dommages-intérêts. L'intérêt d'une convention régissant les négociations se retrouve ici aussi avec l'encadrement de cette responsabilité basculant dans le domaine contractuel. Toutefois, les contrats de commerce électronique ne sont pas majoritairement ceux pour lesquels de tels accords se retrouvent. La responsabilité du prestataire relève donc a priori du domaine délictuel. La doctrine reste dans l'attente de jurisprudence en la matière.
Responsabilité délictuelle et contractuelle, enjeux de la qualification
La responsabilité délictuelle est plus intéressante pour la victime pour deux raisons :
- �la première concerne l'étendue du dommage réparé : lorsque la responsabilité est de nature délictuelle, la totalité du préjudice est indemnisée, alors que la responsabilité contractuelle se limite à la réparation du seul dommage prévisible ;
- �la seconde concerne la prohibition des clauses limitatives ou élusives de responsabilité en matière délictuelle, alors qu'elles peuvent être autorisées en matière contractuelle.
En dehors du secteur des plateformes numériques, où le contrat d'adhésion est roi, le monde numérique connaît également des contrats négociés par les parties. La tenue des pourparlers devant ou non mener à des accords contractuels doit se faire dans le respect du principe de confidentialité (C. civ., art. 1112-2">Lien). Lequel principe est en pratique mis à l'épreuve dans l'environnement digital.