L'évolution du régime juridique de la liberté d'expression sur internet

L'évolution du régime juridique de la liberté d'expression sur internet

– La liberté d'expression sujette aux fluctuations du temps. – La liberté d'expression est sujette aux fluctuations du temps J.-M. Sauvé, Allocution de clôture du colloque organisé par le comité franco-britannique et irlandais sur la « liberté d'expression », Les usages contemporains de la liberté d'expression, à l'ère du pluralisme et du numérique, Conseil d'État, 13 juin 2015 (www.conseil-etat.fr/actualites/discours-et-interventions/les-usages-contemporains-de-la-liberte-d-expression-a-l-ere-du-pluralisme-et-du-numerique">Lien). , c'est ainsi qu'internet a été soumis au droit de la presse. La notion de « service de communication audiovisuelle » s'applique aux sites web et plus généralement à toute fourniture publique d'informations sur internet Sénat, Droit civil. – Adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et à la signature électronique – Audition de Mme Isabelle Falque-Pierrotin, maître des requêtes au Conseil d'État, rapporteur général du groupe d'étude du Conseil d'État, auteur du rapport « Internet et les réseaux numériques » (www.senat.fr/commission/loi/Lois991220.html">Lien). . Le Conseil d'État a en effet considéré dans un rapport de 1998 Rapport du Conseil d'État, « Internet et les réseaux numériques », 2 juill. 1998, p. 169 (www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/984001519.pdf">Lien). qu'internet ainsi que les réseaux sociaux ne constituaient pas de nouveaux supports justifiant l'élaboration d'un nouveau corpus législatif, et estimé que le droit en vigueur s'appliquait au contenu des échanges et non au support.
En raison de la démultiplication des moyens d'expression sur la numérisphère, la conciliation entre maintien de la liberté d'expression et préservation de la sécurité cristallise toujours les débats. La discussion porte autour des éventuels inconvénients d'une diffusion de la pensée dans le cyberespace, en temps réel, sur toute la planète, avec des écrits électroniques parfois satiriques ou diffamatoires N. Mallet-Poujol, La liberté d'expression sur l'internet : aspect de droit interne : D. 2007, p. 591. . Leur contrôle semble chimérique. Pourtant, différentes réformes ont tenté d'apporter des solutions pour parfaire un équilibre précaire entre liberté et contrôle des abus Rapport public, « Du droit et des libertés sur internet », 27 mars 2000 (www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/004001056.pdf">Lien). .
  • la « communication au public par voie électronique est libre » ;
  • « L'exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise, d'une part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d'autrui, du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion et, d'autre part, par la protection de l'enfance et de l'adolescence, par la sauvegarde de l'ordre public, par les besoins de la défense nationale, par les exigences de service public, par les contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication, ainsi que par la nécessité, pour les services audiovisuels, de développer la production audiovisuelle » ;
  • en outre, s'agissant des fournisseurs d'accès, des moteurs de recherche, d'hébergement, des forums de discussion, ou des plateformes web 2.0 : leur responsabilité peut être engagée si leur qualité de fournisseurs d'accès au sens de la loi est préalablement reconnue. La preuve de la connaissance du caractère illicite du message (au sens large) diffusé doit être apportée. Soumis à une obligation de signalement des messages les plus attentatoires, ils sont tenus de répondre aux demandes de retrait. Lors de telles demandes, l'illicéité du contenu signalé doit présenter un caractère manifeste. Ce qui est le cas lorsque le contenu publié sur la toile présente une incitation à la haine et la violence, fait l'apologie de crimes contre l'humanité ou d'actes terroristes, et enfin porte atteinte à la dignité humaine ou constitue de la pornographie enfantine.
  • la liberté pour chaque citoyen d'accéder aux voies de communication en ligne ;
  • la liberté de s'exprimer sur les réseaux sociaux eu égard « au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu'à l'importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l'expression des idées et des opinions ».
– L'avènement du concept générique de la communication au public par voie électronique. – La loi du 21 juin 2004 L. no 2004-575, 21 juin 2004, pour la confiance dans l'économie numérique (dite « LCEN »), art. 1er, IV : JO 22 juin 2004, p. 11168. , dite « LCEN », adopte un concept générique : celui de la communication au public par voie électronique. Elle reprend les dispositions de la loi relative à la communication audiovisuelle de 1986 L. no 86-1067, 30 sept. 1986, relative à la communication audiovisuelle, dite « loi Léotard » : JO 1er oct. 1986, p. 11749 (www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do ;jsessionid=3F2B7E8422E5EBB26602D7AAD304EB84.tplgfr38s_1?cidTexte=LEGITEXT000006068930&dateTexte=20210701">Lien). et affirme, compte tenu des avancées de l'accès aux technologies de l'information et de la communication (TIC) et de l'explosion du numérique :
Il faut attendre l'adoption de la loi Hadopi en 2009 V. supra, no . pour que le Conseil constitutionnel érige l'accès à internet en une composante de la liberté d'expression. En 2020, lors de la censure de la loi Avia visant à lutter contre les contenus haineux sur internet V. infra, no . , il a également réaffirmé :
L'internaute est devenu un véritable transmetteur libre d'expression, à l'instar des professionnels de l'information. Il bénéficie au nom de la liberté d'expression de la même protection Ch. Bigot, Régulation des contenus de haine sur internet : retour sur le désaveu infligé par le Conseil constitutionnel à l'encontre de la loi « Avia » : D. 2020, 1448. .
– L'assimilation de la liberté d'expression sur internet à la liberté de la presse. – Depuis 2004 donc, la communication au public par voie électronique est génériquement assimilée à la communication par voie de presse dont la liberté de communication est protégée depuis la loi sur la liberté de la presse de 1881 L. 29 juill. 1881, sur la liberté de la presse (www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006070722">Lien). . Internet est, au sens de cette loi, considéré comme un espace de communication où, par hypothèse, la publication d'un message à l'intention d'un public inconnu et imprévisible est volontaire, critère déterminant pour qualifier juridiquement le délit de presse au sens de la loi précitée.
De même, tout forum destiné à tout public ou à une catégorie de public et ne présentant aucun caractère de correspondance privée est analysé par le biais de la notion de service de communication audiovisuelle C. Latry-Bonnart, L'arsenal pénal juridique sur internet : Gaz. Pal. 1997, 2, doctr. p. 997. .
Ainsi donc les articles 29 et 32 et suivants de la loi sur la liberté de la presse sont applicables à tout message litigieux publié sur internet, qu'il s'agisse d'une diffamation ou d'une injure : « Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation Ord. 6 mai 1944, relative à la répression des délits de presse : JCl. Communication, Fasc. 114. – Cass. crim., 13 avr. 2010, no 09-82.389 : Bull. crim. 2010, no 70 ; « Pour constituer une diffamation, l'allégation ou l'imputation qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne doit se présenter sous la forme d'une articulation précise de faits de nature à être, sans difficulté, l'objet d'une preuve ou d'un débat contradictoire » (www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000022213115">Lien). . La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés ». L'injure quant à elle est constituée par toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferment l'imputation d'aucun fait.
Sur internet, comme ailleurs, les propos litigieux prennent la forme de textes, de photos, de commentaires, et plus spécifiquement sur internet, de vidéos, dont la plateforme TikTok est le leader mondial et l'une des applications préférées de la jeune génération www.cnetfrance.fr/news/les-dangers-de-tik-tok-pour-vos-enfants-et-comment-s-en-premunir-39876613.htm">Lien . De la liberté d'expression découle le droit de poster des avis assortis de commentaires sur internet. Même s'ils sont publiés au sujet de professionnels, les avis jugés négatifs ne peuvent donner lieu à retrait ni à indemnisation, sauf intention de nuire. Autrefois principalement réservés à l'hôtellerie et la restauration, les professionnels du droit, notaires et avocats, sont aujourd'hui visés par ce type de commentaires. En 2019, le président de la commission « Prospective et innovation » du Conseil national des barreaux a d'ailleurs rendu un rapport sur la notation des avocats sur internet Rapport relatif aux notations, classements et avis sur internet concernant les avocats, 12 oct. 2019 (www.cnb.avocat.fr/fr/actualites/notation-et-avis-sur-internet-opportunite-ou-menace-pour-les-avocats">Lien). , dans lequel il met en avant la discrimination fondée sur la culture du like (« j'aime/j'aime pas »). Il s'en est ému en ces termes :
« La prestation juridique n'est pas un objet de consommation comme un autre (…) le service juridique (conseil ou défense) est à la fois une prestation de services mais aussi une garantie de sécurité juridique pour notre société et de liberté individuelle pour les citoyens (…). Les spécialistes de la notation et de l'e-réputation constatent qu'avec une note inférieure à 3,5/5, un professionnel reçoit moins d'appels que s'il n'était pas noté. Il n'y a pas de raison qu'il en soit différemment pour les avocats : l'internet crée un marché à la fois plus accessible mais aussi plus discriminant fondé sur la culture du “j'aime/j'aime pas” ».

Déclarations diffusées et impunité

La Cour de cassation n'a pas sanctionné les propos diffusés au public présentant une personne comme incompétente, incapable d'assumer les tâches et les responsabilités de sa fonction, la comparant à un commandant de navire en perdition fuyant ses responsabilités après avoir occasionné des brèches, tout en la qualifiant d'irresponsable.
Elle justifie sa décision en retenant l'absence de faits précis imputés à la personne visée par ces allégations. En outre les propos incriminés étant tenus dans le cadre d’un débat d'intérêt général sur le fonctionnement d'un service pénitentiaire, ils ne dépassaient pas l'outrance habituelle dans de tels débats et ne dépassaient pas les limites admissibles de la liberté d'expression.
Cette décision, portant sur des tracts, est susceptible d'être transposée au numérique.
Cass. crim., 13 nov. 2019, no 18-84.864, inédit (www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechExpJuriJudi&idTexte=JURITEXT000039418985&fastReqId=558556643&fastPos=1">Lien)

Extrait de la chronique rédigée par l'équipe de recherche « Créations immatérielles et droit » sous la responsabilité de Nathalie Mallet-Poujol

Site internet. Dénigrement. LCEN, art. 6, I, 8. – Loi 1881 (non). L'inscription de commentaires négatifs sur la fiche « Google My Business » d'un professionnel ne relève pas systématiquement de la diffamation ou de l'injure et du régime spécifique de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Lorsque ces commentaires publiés ne constituent pas un dénigrement, ils relèvent de la libre critique et de l'expression subjective d'une opinion. En cela, ils participent de l'enrichissement de la fiche professionnelle de l'intéressé et du débat qui peut s'instaurer entre les internautes et lui, notamment au moyen de réponse que le professionnel est en droit d'apporter à la suite des publications qu'il conteste. Il s'en déduit que l'existence d'un trouble manifestement illicite ou d'un dommage imminent permettant le retrait en référé des commentaires n'est pas caractérisé.
Oubli numérique. Site de notations. Droit d'opposition. En contrariété avec une ordonnance rendue un an auparavant, la demande de suppression d'une fiche « Google My Business », comportant des avis jugés dénigrants par la professionnelle concernée, est refusée au motif principal qu'elle contreviendrait à la liberté d'expression. L'argument est peu convaincant dès lors que l'existence même de cette fiche, donc de ce traitement, s'est heurtée à l'exercice du droit d'opposition à faire l'objet d'une prospection commerciale.
– L'absence de référence textuelle à une quelconque frontière. – L'absence de référence à une quelconque frontière dans les textes prend tout son sens quand il s'agit de traiter des communications sur internet où la notion de frontière est imperceptible I. Scherrer, Internet, un réseau sans frontière ? Le cas de la frontière franco-belge : Annales de géographie 2005/5, no 645, p. 471 à 495 (www.cairn.info/revue-annales-de-geographie-2005-5-page-471.htm">Lien). . En effet, la Déclaration universelle des droits de l'homme mentionne expressément dans son article 19 « sans considérations de frontières ». Le post sur internet est relayé et consultable à partir de n'importe quelle partie du globe. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 fait lui aussi référence à l'absence de frontières lorsqu'il énonce dans les mêmes termes à l'article 19 « sans considération de frontières ». La même formulation est encore utilisée dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne signée en l'an 2000 V. supra, no , La liberté d'expression, consacrée liberté fondamentale. .
Les dispositions de ces textes, alors même que le numérique n'existait pas encore ou n'en était qu'à ses balbutiements, s'ajustent au monde virtuel. Une autre formulation permet de s'en convaincre lorsque le Pacte international relatif aux droits civils et politiques vise la liberté de répandre des idées « par tout (…) moyen de son choix ».
– La problématique du message litigieux à l'attention d'un public. – La publication fait le délit G. Barbier, Code expliqué de la presse : traité général de la police de la presse et des délits de publication, 2eéd. 1911, t. 1, no 243. et constitue la caractéristique essentielle des infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881 permettant l'incrimination pour délit de presse. Pour être sanctionné, le message litigieux doit être adressé au public en général ou à certaines catégories de public composé d'ensembles d'individus indifférenciés, sans considérations fondées sur la personne.
Reste à savoir si la notion de public sur la toile peut être considérée comme un public au sens de la législation. Le partage de contenus par les moyens d'expression tels que les forums, YouTube et les réseaux sociaux est sans conteste destiné à un ensemble d'individus. Ces individus sont-ils pour autant indifférenciés ? Un espace de publication électronique destiné au public se définit par opposition à la correspondance privée dont la définition est absente des lois et notamment celle de 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle L. no 2004-575, 21 juin 2004, dite « LCEN », préc. ; L. no 2004-669, 9 juill. 2004, relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle : JO 10 juill. 2004, no 159, p. 12483 (www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000439399&dateTexte=20200816">Lien). . La diffusion d'un écrit est une distribution publique uniquement si les destinataires de cet écrit sont étrangers à un groupement de personnes liées par une communauté d'intérêts Cass. 2e civ., 24 janv. 2002, no 00-16.985 : Bull. civ. 2002, II, no 2, p. 1 (www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007045947">Lien). P. Auvret, L'application du droit de la presse au réseau internet : JCP G 1999, no 5, doctr. 108. . Cette notion de communauté d'intérêts a également fait débat. L'appréhension de cette notion évolue sous l'influence des comportements observés sur le net où la diffusion massive d'informations, leur rapidité et leur permanence constituent des risques nouveaux CEDH, 16 juin 2015, no 64569/09, Delfi AS c/ Estonie (https://hudoc.echr.coe.int/fre#{%22itemid%22 :[%22001-155627%22]}">Lien). . Ainsi il a été jugé qu'une « diffusion litigieuse sur le réseau internet, à destination d'un nombre illimité de personnes nullement liées par une communauté d'intérêts constitue un acte de publicité commis dès lors que l'information a été mise à la disposition des utilisateurs éventuels du site » CA Paris, 2e sect., 23 juin 2000 : Légipresse nov. 2000, no 176, III, 182, note Rojinsk. .
Cette imprécision latente rend difficile la répression d'une liberté d'expression abusive.
– La répression des abus de la liberté d'expression commis sur la numérisphère. – Les abus de la liberté d'expression sont pénalement répréhensibles. Toutefois la compétence nationale des juridictions peut parfois poser problème. L'un des critères de compétence territoriale retenus par le droit pénal français est celui de l'accessibilité des contenus numériques depuis le territoire national TGI Paris, ord. juge réf., 22 mai 2000, Assoc. « Union des étudiants juifs de France » et Ligue contre le racisme et l'antisémitisme c/ Yahoo et Inc. et Yahoo France. . Toutefois, ce critère fait l'objet de tempérance de nature à laisser dubitatif. Il ne caractérise pas à lui seul un acte de publication rendant le juge français universellement compétent pour en connaître, et ce même si le principe selon lequel le délit de diffamation ou d'injure perpétré par voie de presse est réputé commis partout où l'écrit a été publié Cass. crim., 3 févr. 2009, no 08-82.375 : Bull. crim. 2009, no 26 (www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000020289760&fastReqId=58612505&fastPos=1">Lien). . L'accessibilité depuis la France doit être en lien avec la République française. Tel ne fut pas le cas d'une personne étrangère ayant diffusé en anglais des propos diffamatoires envers des particuliers de nationalité étrangère domiciliés au Japon depuis un site hébergé à l'étranger et accessible depuis le territoire français Cass. crim., 12 juill. 2016, no 15-86.645 : Bull. crim. 2016, no 218 (www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000032900131">Lien). .
En outre, les sanctions sont adaptées en fonction des auteurs des publications. Ainsi le particulier, auteur d'un blog, est puni moins sévèrement que ne le serait un professionnel, la justice répressive accordant plus de clémence.

Délai de prescription en matière d'injure

Le point de départ étant la date de la première publication des propos.
– L'apport de la loi Avia adoptée en 2020 en matière de contenus haineux. – Compte tenu de la multiplication des dérives commises sur les plateformes virtuelles, aux conséquences parfois irréparables, la loi Avia a été adoptée en 2020 L. 24 juin 2020, no 2020-766, visant à lutter contre les contenus haineux sur internet : JO 25 juin 2020, no 156, texte no 1 (www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2020/6/24/JUSX1913052L/jo/texte">Lien). , contre l'avis de la Commission européenne. Indicateur des préoccupations actuelles sur les posts laissés sur les sites virtuels dans l'intérêt général, la mission de l'observatoire qu'elle a créé est de suivre et d'analyser l'évolution des contenus à caractère haineux. Elle impose également aux hébergeurs le retrait de tout contenu manifestement illicite dans un délai de vingt-quatre heures de son signalement par toute personne. Le refus de suppression, ou son retard, fait l'objet d'une sanction portée à 250 000 € d'amende infligée au responsable du site et un an d'emprisonnement comme auparavant. À l'inverse, tout signalement abusif est punissable d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende. Elle opère une simplification du formalisme de notification de demande de retrait pouvant être effectuée auprès d'un hébergeur pour contenus manifestement illicites.
L'objection principale faite à cette loi est non seulement le retrait laissé aux mains des sites internet privés sans aucun contrôle du juge judiciaire garant des libertés fondamentales, mais également son atteinte à la liberté d'expression Dr. pén. 2020, alerte 76 ; JCP G 2020, no 29, 882. .
Bien qu'imparfaite et grandement censurée par le Conseil constitutionnel Censure de la loi Avia par le Conseil constitutionnel : un fil rouge pour les législateurs français et européens : Dalloz actualités, 29 juin 2020. – Cons. const., 18 juin 2020, no 2020-801 DC : JO 25 juin 2020 (www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2020/2020801DC.htm">Lien). , elle a cependant le mérite d'ouvrir le champ des possibles vers plus de mesure dans les propos tenus sur la toile. La volonté de modérer l'expression agressive dans ce monde moderne existe dans d'autres pays voisins, à l'instar des Pays-Bas. En effet, pour la Cour constitutionnelle néerlandaise, la liberté d'expression est loin d'être absolue mais est soumise aux exigences d'attention et de correction à l'égard d'autrui dans les relations sociales Cour suprême des Pays-Bas, 1re division / 13061997 / 16345 / f) Rechtspraak van de Week, 1997, 142. .
Devant la multiplication des méfaits de la liberté d'expression restés impunis sur internet, l'Académie internationale des droits de l'homme a conçu une charte dont l'objectif est le changement des mentalités en s'inspirant de la valeur morale de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen Charte d'éthique et de civilité commune aux usagers de l'internet élaborée en 2003 par l'Académie internationale des droits de l'homme (https://cdn.website-editor.net/b676f726306243a1bd64b73557c72d2a/files/uploaded/charte_cnil.pdf">Lien). . Elle affirme que le numérique ne doit pas être un vecteur de discrimination, d'incitation à la haine, ou d'actes attentatoires à l'intégrité et à la dignité de la personne humaine.