Les garanties les plus adaptées

Les garanties les plus adaptées

  • le droit de rétention, qui permet au créancier détenteur, même fictivement, du bien assiette de la garantie, de refuser de le restituer au débiteur tant qu'il n'a pas reçu son complet paiement (Sous-section I) ;
  • la garantie des obligations financières (Sous-section II) ;
  • la propriété utilisée à titre de sûreté, soit que le créancier retienne la propriété du bien jusqu'à son paiement, soit que la propriété du bien assiette de la sûreté soit cédée au créancier à titre de garantie (Sous-section III) .
De lege lata Rappelons que cette partie du rapport a été rédigée antérieurement à l'adoption de l'ordonnance portant réforme du droit des sûretés autorisée par la loi Pacte du 22 mai 2019. , le nantissement n'apparaissant pas comme la sûreté la plus adaptée aux actifs numériques, trois autres garanties réelles doivent retenir l'attention et seront successivement abordées :

Le droit de rétention appliqué aux actifs numériques

– Un pouvoir de blocage du créancier. – Le droit de rétention se définit comme le droit pour le détenteur d'une chose de ne pas la restituer à son débiteur tant que ce dernier n'a pas exécuté son obligation. Il échappe dans une large mesure aux conséquences de l'ouverture d'une procédure collective. Il a donné lieu à de nombreuses analyses juridiques V. not. N. Catala, De la nature juridique du droit de rétention : RTD civ. 1967, p. 9 et s. avant d'être reconnu par le législateur, à titre de principe, depuis l'ordonnance du 23 mars 2006. Il est codifié dans le Code civil à l'article 2286, outre les applications spéciales au contrat de vente (C. civ., art. 1612 et 1653), au contrat de location (C. civ., art. 1749), de dépôt (C. civ., art. 1948), au propriétaire d'une chose volée ou perdue vis-à-vis du possesseur (C. civ., art. 2277, al. 1).
C'est un pouvoir de fait sur une chose.
D'abord réservé aux biens corporels, seuls susceptibles d'une mainmise physique, le droit de rétention s'est vu reconnaître par le législateur ou la jurisprudence des assiettes incorporelles Par ex., le droit de rétention des créanciers nantis sur compte-titres (C. monét. fin., art. L. 211-20, IV) ; celui portant sur un fichier client inscrit sur une bande magnétique (Cass. com., 8 févr. 1994 : Bull. civ. 1994, IV, no 56) ; celui ayant pour assiette le solde du compte courant d'une société (Cass. com., 7 avr. 1998 : Bull. civ. 1998, IV, no 123) ; le droit de rétention des notaires sur les créances à l'encontre de leurs clients, tel le solde d'un compte d'indivision (Cass. 2e civ., 26 mars 2015, no 14-14.163). ; il obéit donc lui aussi au mouvement général de dématérialisation des sûretés Dont une illustration efficace réside dans le nantissement de compte examiné supra, nos à . .
– Application aux cryptoactifs : rôle primordial des clés multiples. – Le défi en matière de cryptoactifs relève de l'application pratique du droit de rétention bénéficiant au créancier garanti non mis en possession, droit expressément admis par l'article 2286, 4o du Code civil C. civ., art. 2286, 4o, issu de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008. Ce texte devrait être applicable à un nantissement de cryptoactifs non soumis à des dispositions spécifiques, et ce par le renvoi qu'opère l'art. 2355 du Code civil aux règles prévues pour le gage de meubles corporels. . En quelque sorte, le pouvoir de rétention est alors fictif M. Bourassin, Droit des sûretés, op. cit., no 830. , mais légalement conforté pour offrir au créancier un pouvoir de nuisance contre l'usage par le débiteur des utilités du bien mis en garantie.
Comment atteindre les droits du débiteur sur une cryptomonnaie ou un token dont il serait titulaire ? La doctrine suggère la communication au créancier des moyens d'avoir accès à la circulation des cryptoactifs sur blockchain, soit par transfert sur une adresse contrôlée par le créancier ou par un tiers convenu, soit par remise du support de stockage des clés V. M. Julienne, Les cryptomonnaies : régulation et usages : RD bancaire et fin. nov. 2018, no 6, étude 19, spéc. no 17. . La technologie blockchain permettrait de conforter le processus, car elle pourrait transférer les unités à une adresse « multisignature », dont le fonctionnement ne validerait la libération des actifs qu'à l'aide par exemple d'au moins deux clés privées : celle du tiers convenu et celle du constituant ou celle du créancier V. not. D. Legeais, La blockchain confrontée au droit des sûretés, préc., p. 137. . De surcroît, un smart contract pourrait automatiser entièrement la réalisation de la garantie.

Les garanties financières appliquées aux actifs numériques

– Présentation des garanties financières. – La garantie financière, issue du droit européen et des marchés financiers, est un mécanisme de garantie original qui partage des similitudes avec le droit de rétention et la règle de compensation entre dettes et créances Le droit de rétention peut être rapproché de la compensation en ce que le rétenteur est certes créancier mais aussi débiteur d'une obligation de restitution du bien détenu, l'exercice du droit de rétention permettant alors, à l'instar de la compensation, une satisfaction indirecte qui évite un concours avec d'autres créanciers. Cependant, la compensation est bien distincte du droit de rétention sur le plan des classifications des garanties, puisqu'elle produit un effet extinctif définitif alors que le droit de rétention est purement « défensif et provisoire » : V. M. Bourassin, Droit des sûretés, préc., nos 797 et s. – D. Legeais, Droit des sûretés et garanties du crédit, LGDJ, 13e éd. 2019, no 707. .
Son intérêt pratique est redoutable pour le créancier, car très favorable de son point de vue, en ce que les garanties financières permettent des remises en pleine propriété, « opposables aux tiers sans formalités, d'instruments financiers, (…), effets, créances, contrats ou sommes d'argent, ou la constitution de sûretés sur de tels biens ou droits, réalisables » même après l'ouverture d'une procédure collective C. monét. fin., art. L. 211-38, I. . Ces garanties sont utilisées dans le cadre d'opérations de marché de gré à gré et les dettes et créances y afférentes bénéficient du régime de résiliation-compensation (ou close-out netting) prévu par le Code monétaire et financier C. monét. fin., art. L. 211-36-1, I : « Les conventions relatives aux obligations financières mentionnées à l'article L. 211-36 sont résiliables, et les dettes et les créances y afférentes sont compensables entre toutes les parties. Les parties peuvent prévoir l'établissement d'un solde unique, que ces obligations financières soient régies par une ou plusieurs conventions ou conventions-cadres ». .
Cette sûreté ne s'applique qu'aux instruments financiers, effets, créances, contrats ou sommes d'argent (C. monét. fin., art. L. 211-38). À ce titre il est douteux qu'elle s'applique aux cryptomonnaies dans la mesure, toujours, où l'on ne les assimile pas à des instruments financiers ou monnaies véritables M. Julienne, Les cryptomonnaies : régulation et usages, art. préc., spéc. no 16. Sur ces difficultés de qualification, V. supra, nos à . . En clair, une remise en pleine propriété de bitcoins pour garantir une obligation financière au sens de l'article L. 211-36, I du Code monétaire et financier n'est pas possible en droit français dans la mesure où les bitcoins ne sont ni des contrats, des créances, des effets, ni des instruments financiers.
Certains ont toutefois émis deux idées pour rechercher son emploi.
– Garanties financières et cryptomonnaies. – Deux moyens ont été proposés pour adosser indirectement ces garanties à des monnaies numériques M. Bali, La prise de sûreté sur cryptomonnaie, art. préc., spéc. no 11. Des extraits littéraux de cet art. sont reproduits dans les développements. .
Le premier consiste à « soumettre le contrat au droit allemand dans la mesure où l'autorité allemande des marchés financiers (BaFin) a qualifié le bitcoin d'instrument financier, sachant que le régime allemand des garanties financières ne s'éloigne pas vraiment du droit français, puisque comme lui il est issu de la transposition de la même directive européenne » PE et Cons. UE, dir. 2002/47/CE, 6 juin 2002, concernant les contrats de garantie financière. .
Le second pourrait « maintenir le droit français à la condition que l'instrument financier en jeu ait pour sous-jacent le bitcoin ; on parle alors de produit dérivé. Or, l'Autorité des marchés financiers admet cette qualification pour des contrats financiers avec paiement d'un différentiel ou tout autre contrat à terme concernant des actifs. On pourrait ainsi remettre en pleine propriété, à titre de garantie d'obligations financières, des contrats à terme sur des bitcoins, sous réserve d'une validation de l'AMF au stade de l'émission du contrat à terme » M. Bali, La prise de sûreté sur cryptomonnaie, art. préc., spéc. no 12. .
Cependant, reconnaissons que le déploiement pratique d'un tel produit suppose de franchir l'obstacle de la volatilité d'une cryptomonnaie utilisée comme sous-jacent. « Comment en effet traiter la valorisation quotidienne du contrat à terme sur bitcoin ? Peut-être par la technique dite de neutralisation des marges, inspirée de la pratique des comptes consolidés Technique utilisée pour traiter la consolidation des cessions intragroupe d'immobilisations entre deux sociétés, qui consiste à éliminer les impacts de cette opération sur le résultat, en trois temps : neutralisation du résultat intragroupe à l'aide de comptes de liaison, élimination des comptes de liaison, puis écritures de consolidation. En matière de stocks, les résultats internes compris dans les stocks doivent être éliminés, ce qui a pour conséquence de les ramener à leur valeur d'entrée dans le bilan consolidé (coût historique consolidé). Il s'agit en fait de refléter uniquement les résultats effectués à l'extérieur du groupe en neutralisant toutes les opérations internes, donc neutraliser l'intégralité des marges intragroupe des sociétés. ou celle du surdimensionnement (over-collateralisation) par laquelle le montant de l'assiette de la garantie est volontairement plus important que celui de la dette résultant de l'obligation financière garantie. D'âpres négociations de haute voltige financière entre contractants avertis se dessineraient alors ! ».

La propriété-sûreté appliquée aux actifs numériques

On désigne par « propriété-sûreté » une garantie fondée sur la propriété du bien assiette de la garantie, soit que ledit bien soit retenu par son propriétaire à titre de garantie (§ I) , soit qu'il soit transféré à titre de garantie à un créancier du propriétaire (§ II) . Les deux mécanismes seront successivement examinés.

La réserve de propriété

– Conservation de la propriété à titre de garantie. – Aux termes de l'article 2367 du Code civil, issu de l'ordonnance du 23 mars 2006 : « La propriété d'un bien peut être retenue en garantie par l'effet d'une clause de réserve de propriété qui suspend l'effet translatif d'un contrat jusqu'au complet paiement del'obligation qui en constitue la contrepartie. La propriété ainsi réservée est l'accessoire de la créance dont elle garantit le paiement » Disposition générale issue de l'ordonnance du 23 mars 2006. . Si le transfert de propriété se trouve ainsi retardé au jour de l'entier paiement du propriétaire créancier, la possession du bien en cause est le plus souvent immédiatement transmise à l'acquéreur débiteur.
Sur le plan formel, pour qu'une clause de réserve de propriété soit opposable aux tiers, il faut avoir établi un écrit C. civ., art. 2368. . Cette exigence s'applique aussi en matière commerciale lors d'un contrat conclu entre professionnels. Pour mémoire, on sait que l'écrit électronique, opportun dans un environnement dématérialisé, a force probante V. infra, Commission 3, nos et s. et que la clause de réserve de propriété peut être prévue dans « un écrit régissant un ensemble d'opérations commerciales convenues entre les parties » C. com., art. L. 624-16, al. 2. comme une convention-cadre.
Dans sa mise en œuvre, en cas de défaut de complet paiement à l'échéance, la clause de réserve de propriété confère un droit à restitution du bien fongible ou de même nature au profit du créancier, qui pourra en disposer (C. civ., art. 2371).
Qu'en est-il pour un contrat de vente dont le paiement est effectué en cryptomonnaies ? « Quand les bitcoins sont utilisés comme moyen de paiement pour acquérir un bien et que la propriété du bien transféré est retenue jusqu'à leur transfert, l'opération ne présente pas de problématique juridique nouvelle, puisque l'objet de la réserve de propriété n'est pas les bitcoins, mais le bien échangé en contrepartie des bitcoins. On retrouve là le caractère accessoire de la propriété réservée (en l'espèce X bitcoins) par rapport à la créance. »
Quid de la vente de bitcoins contre de la monnaie ayant cours légal, opération courante sur les plateformes de change ? L'opération peut faire intervenir le mécanisme de la réserve de propriété, à deux moments successifs qui nous intéressent M. Bali, La prise de sûreté sur cryptomonnaie, art. préc., spéc. nos 5 et 6. Des extraits littéraux de cet art. sont reproduits dans les développements. .
– Conclusion de la vente. – « Supposons Exemple donné par M. Bali, ibid. que A vende à B 0,01 bitcoins pour 100 €. A et B prévoient par écrit électronique une clause de réserve de propriété au bénéfice de A portant sur les bitcoins transférés à B pour garantir le paiement du prix. Techniquement, A va transférer les X bitcoins à B en signant la transaction avec sa clé privée. B est le seul titulaire des bitcoins, qu'il peut céder à son tour. Seule la clause de réserve de propriété pourrait venir neutraliser le transfert de propriété. Il sera recommandé de prévoir une fongibilité conventionnelle des bitcoins au cas où B détiendrait des bitcoins pour son propre compte afin de faciliter et sécuriser l'éventuelle restitution.
Quid toutefois si B n'est pas lui-même propriétaire de bitcoins ? Il faudrait envisager la fongibilité de manière plus générale, c'est-à-dire pas uniquement entre des biens de même nature, mais en admettant de faire porter les droits du créancier sur des biens de même valeur. Si cela est admis par la jurisprudence en matière de gage de choses fongibles, l'article 2369 du Code civil (ainsi que l'article L. 624-16, alinéa 3, du Code de commerce) limite à l'inverse la fongibilité aux seuls « biens de même nature et de même qualité ». Cette restriction tempère singulièrement l'adaptation de la propriété retenue à titre de garantie aux cryptomonnaies. »

La fiducie utilisée comme sûreté

La fiducie fait intervenir trois acteurs : constituant, fiduciaire, bénéficiaire, auxquels s'ajoute, le cas échéant, un tiers protecteur.
Le constituant ou le fiduciaire pouvant avoir la qualité de bénéficiaire (C. civ., art. 2016), la fiducie ne réunira souvent que deux acteurs. Elle a connu sa consécration légale par la loi no 2007-211 du 19 février 2007 introduisant la fiducie en droit français.
Aux termes de l'article 2011 du Code civil : « La fiducie est l'opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires ».
Outre ses fonctions de gestion largement inspirées du droit anglais (un tiers de confiance, le fiduciaire, se voit confier la gestion de divers biens, avec pouvoirs même extra-pécuniaires, à charge de les rétrocéder à une date convenue), la fiducie peut remplir un rôle de sûreté. Le débiteur est alors le constituant, pour transférer la propriété d'un bien lui appartenant à son créancier, en qualité de fiduciaire, lequel prend aussi la qualité de bénéficiaire du patrimoine fiduciaire.
Le sort des biens ainsi affectés en garantie dépend de l'exécution de ses obligations par le débiteur : restitution au débiteur constituant si la créance est éteinte ; acquisition définitive de leur propriété au créancier fiduciaire bénéficiaire dans le cas contraire (C. civ., art. 2372-3 et 2488-3).
L'assiette de la fiducie est large : tous types de biens et droits, et même sûretés, peuvent être concernés. À ce titre, les actifs numériques doivent être appréhendés.
– La fiducie-sûreté. – Le régime de la fiducie-sûreté a été précisé par l'ordonnance no 2009-112 du 30 janvier 2009, et sa loi de ratification du 12 mai 2009, couronnement d'une évolution jalonnée par de nombreuses applications particulières de la propriété utilisée comme garantie.
Aux termes de l'article 2372-1 du Code civil : « La propriété d'un bien mobilier ou d'un droit peut être cédée à titre de garantie d'une obligation en vertu d'un contrat de fiducie conclu en application des articles 2011 à 2030 ».
  • l'exclusivité sur les biens transférés grâce au droit de propriété, le situant hors concours par rapport aux autres créanciers du constituant ;
  • la souplesse de la réalisation, par rapport à certaines prohibitions affectant d'autres sûretés réelles.
Sur le plan de la technique juridique, la fiducie-sûreté offre deux avantages pour le bénéficiaire M. Bourassin, Droit des sûretés, préc., no 790. :
Cette sûreté jouit en pratique d'un attrait singulier, dont les acteurs de la gestion patrimoniale vantent à raison les qualités. Si elle est un outil éminemment solennel (C. civ., art. 2018, 2372-2 et 2488-2) dans sa constitution, la fiducie-sûreté n'est pas cantonnée à des situations limitativement énumérées. Elle permet de confier au fiduciaire des missions diverses et complexes, adaptées aux besoins des parties ou à la nature de l'actif transféré, pour autant que des garde-fous soient mis en place M. Waechter, La pratique de la fiducie-sûreté : Actes prat. ing. immobilière janv.-févr.-mars 2020, p. 35. . Des missions de gestion peuvent être confiées au créancier fiduciaire, et sur le plan de l'objet du contrat, des titres de société sont fréquemment transférés Par ex., un concours bancaire est consenti par un prêteur à une société qui détient les titres d'une filiale qui elle-même est propriétaire de biens ou droits immobiliers. L'intérêt social de la société filiale va souvent interdire d'affecter directement son patrimoine immobilier en garantie du prêt de la société mère. Un transfert fiduciaire des titres de la société filiale au profit du créancier de la société mère, bénéficiaire, peut en revanche être mis en place, les titres appartenant à la société mère débitrice. .
– Fiduciaire et plateformes numériques. – Alors que la fiducie peut être constituée désormais par toute personne, physique ou morale La loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 a abrogé l'article 2014 du Code civil, issu de la loi du 19 février 2007, qui avait cantonné la constitution d'une fiducie aux « personnes morales soumises de plein droit ou sur option à l'impôt sur les sociétés ». , le fiduciaire est nécessairement un organisme du secteur bancaire ou financier ou des assurances ou encore, depuis la loi du 4 août 2008, un avocat (personnes mentionnées à l'article 2015 du Code civil).
Une plateforme d'échange de cryptomonnaies pourrait jouer ce rôle pour autant qu'elle soit un établissement de crédit, un établissement autorisé à effectuer des opérations de banque, une entreprise d'investissement, une société de gestion de portefeuille ou encore une entreprise d'assurance.
– La constitution de la fiducie-sûreté. – Comment appliquer les mentions obligatoires (C. civ., art. 2018 et 2372-2) et obligations d'enregistrement du contrat de fiducie-sûreté au service des impôts du siège du fiduciaire ou au service des impôts des non-résidents si le fiduciaire est domicilié hors de France (C. civ., art. 2019), chacune de ces conditions de forme étant requise à peine de nullité du contrat de fiducie ?
Cette question est essentielle, car la validité même de la fiducie est en jeu. Elle ne paraît toutefois pas difficile à résoudre dans la mesure où, si les actifs numériques constituent une assiette singulière, le contrat constitutif de la fiducie-sûreté ne présente pas d'originalité en présence de tels actifs. L'estimation de la valeur du ou des meubles fiduciés, imposée par l'article 2372-2 du Code civil, se trouve d'ailleurs facilitée par les sites internet permettant de suivre le cours des cryptomonnaies en temps réel.
Par exemple, un débiteur A qui souhaite constituer une fiducie-sûreté ayant pour objet des bitcoins au bénéfice de son créancier B, également fiduciaire. A va transférer les bitcoins à une adresse de B que ce dernier aura spécialement créée pour les besoins de l'opération, l'adresse XZ. Ainsi, cette adresse créée pour cette transaction identifie virtuellement le patrimoine d'affectation dans lequel les bitcoins sont détenus Illustration donnée par M. Bali, La prise de sûreté sur cryptomonnaie, art. préc. . Si l'obligation garantie est exécutée, B devra restituer les bitcoins à A. À défaut de paiement ou d'exécution de l'obligation garantie, B pourra transférer les bitcoins de l'adresse XZ à l'adresse qui fait partie de son patrimoine (par un recouvrement de la libre disponibilité des bitcoins) et, le cas échéant, supprimer l'adresse XZ.
– Signatures multiples. – Si le créancier et le fiduciaire sont des personnes distinctes, la technique des signatures multiples permettra la constitution et la réalisation de la sûreté M. Bali, La prise de sûreté sur cryptomonnaie, art. préc., spéc. no 9. . En effet, « A va transférer les bitcoins à C en sa qualité de fiduciaire, au bénéfice de B, le créancier. Si A n'exécute pas son obligation, soit les signatures de B et C seront nécessaires, soit celle de C suffira si les parties consentent à nommer C comme arbitre indépendant lors de la conclusion du contrat. C pourrait également signer un transfert à destination de B en exécution d'une décision de justice attribuant la propriété des bitcoins à ce dernier. À l'inverse, si A se libère de son obligation valablement, les parties peuvent accepter que les signatures de A et C sont requises pour la restitution des bitcoins à A et que, en cas de désaccord entre A et B ou de décision de justice en faveur de A, la seule signature de C suffira à restituer les Bitcoins à A ».
– Rechargement de la fiducie-sûreté. – Les articles 2372-5 et 2488-5 du Code civil sont consacrés à la fiducie dite « rechargeable ». Tel est le cas lorsque la fiducie peut être affectée à la garantie d'autres créances que celles mentionnées dans l'acte constitutif M. Bourassin, Droit des sûretés, préc., nos 785 et s. . Son fonctionnement est étroitement inspiré de celui de l'hypothèque rechargeable.
Dans le cadre de la présente étude, on peut surtout s'attarder sur une caractéristique : un montant maximal de rechargement. Si le constituant est une personne physique, le rechargement est limité à la valeur du patrimoine fiduciaire, estimée au jour de sa recharge Il s'agit là de la différence essentielle avec l'hypothèque rechargeable dans laquelle le montant du rechargement doit être déterminé dans le contrat constitutif (C. civ., art. 2422). . Si le constituant est une personne morale, aucune limite n'est en revanche prévue. En présence d'un patrimoine fiduciaire constitué de cryptoactifs, il serait peut-être opportun de prévoir dans le contrat de fiducie-sûreté un encadrement de son rechargement, compte tenu de la volatilité fréquente de leur valeur.