Le risque d'évasion fiscale

Le risque d'évasion fiscale

Même si le législateur a déterminé précisément les modalités d'imposition, en pratique le risque d'évasion fiscale demeure présent.
En effet l'administration se heurte à de nombreuses difficultés dans le contrôle du respect des obligations déclaratives (A) . De plus, en l'état actuel des dispositions législatives et des commentaires de l'administration, le contribuable dispose d'outils juridiques permettant l'optimisation de ces transmissions (B) .

Difficultés dans le contrôle du respect des obligations déclaratives

La loi no 2018-1317 du 28 décembre 2018 a modifié l'article 1649 bis C du Code général des impôts (CGI, art. 1649 bis C">Lien) en créant l'obligation pour les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes d'actifs numériques mentionnés à l'article 150 VH bis du Code général des impôts ouverts, détenus, utilisés ou clos auprès d'entreprises, personnes morales, institutions ou organismes établis à l'étranger.
Le non-respect de cette obligation entraîne des sanctions financières (amende de 750 € par compte non déclaré ou de 125 € par omission ou inexactitude, dans la limite de 10 000 € par déclaration. Quand la valeur vénale dudit compte est supérieure à 50 000 € à un moment quelconque de l'année concernée, les montants des amendes sont portés à 1 500 € par compte non déclaré et 250 € par omission ou inexactitude).
L'administration entend donc exercer son pouvoir de contrôle sur la détention d'actifs numériques par le contribuable. Les mesures prises sont toutefois en pratique inefficaces en raison des difficultés liées à l'identification des détenteurs d'actifs numériques et à l'exercice du droit de communication par l'administration fiscale pour de tels actifs.
– Difficultés quant à l'identification. – Bien que les transactions de cryptomonnaies fassent l'objet d'un enregistrement sur une blockchain dont l'historique est librement consultable, celle-ci ne fait pas apparaître l'identité réelle des individus mais leur adresse, suite de chiffres et de lettres sans signification. Le fonctionnement même de la blockchain ne se prête donc pas à une identification directe des détenteurs d'actifs numériques.
De plus, il existe des cryptomonnaies issues de blockchains traçables et d'autres de blockchains intraçables.
Ces niveaux variables d'anonymat et de traçabilité vont compliquer la tâche de l'administration fiscale pour faire respecter et sanctionner, le cas échéant, cette obligation de déclaration des comptes détenus à l'étranger.
– Difficultés quant à l'exercice du droit de communication. – La loi relative à la lutte contre la fraude a aménagé, à compter du 1er janvier 2019, le droit de communication de l'administration fiscale auprès des opérateurs de communications électroniques, des fournisseurs d'accès à internet et des fournisseurs d'hébergement L. no 2018-898, 23 oct. 2018, art. 15 ; LPF, art. L. 96 G. .
Le droit de communication de l'administration fiscale auprès de ces opérateurs est désormais limité à la recherche et à la constatation des infractions les plus graves (exercice d'une activité occulte ou illicite, manquement aux obligations déclaratives relatives à des avoirs étrangers, infractions aux règles de facturation, etc.).
Cependant, la détention des actifs numériques s'effectue le plus souvent par l'intermédiaire de plateformes établies à l'étranger et à l'encontre desquelles l'administration fiscale n'est pas en mesure d'exercer son droit de communication.

Les optimisations en cas de plus-value

– La donation avant cession. – Comme mentionné ci-dessus V. supra, no . , le prix d'acquisition pour déterminer la plus-value brute est, en cas d'acquisition à titre gratuit, la valeur qui a servi de base au calcul des droits de mutation.
À l'instar de tout autre actif mobilier ou immobilier, la donation d'actifs numériques n'est pas un fait générateur de plus-value. Il est possible par conséquent d'effectuer une donation avant cession afin d'éviter une éventuelle taxation au titre des plus-values sur cession d'actifs numériques P.-H. Conil, Le notaire ou l'heureuse rencontre du notariat traditionnel et des nouvelles technologies : JCP N 2018, no 11, act. 302. .
Afin de ne pas encourir la sanction d'abus de droit, il est nécessaire que la donation préalable d'actifs numériques ne soit pas fictive et comporte des effets civils et patrimoniaux.
Il est utile de noter à ce sujet que le Comité consultatif pour la répression des abus de droit et la jurisprudence considèrent que lorsque la donation est réelle et antérieure à la cession, qu'elle participe d'une réelle intention libérale et que les opérations successives ne conduisent pas à une réappropriation du prix par le donateur, l'administration n'est pas fondée à mettre en œuvre la procédure de répression des abus de droit CE, 28 nov. 2014, no 359911. – CE, 9 avr. 2014, no 353822. – CAA Lyon, 7 nov. 2013, no 12LY02321. .
De plus, la brièveté du délai de revente semble indifférente Un avis favorable du Comité de l'abus de droit fiscal a été émis dans le cas d'une donation précédant la vente de seulement deux jours, sans que cette circonstance ne soit de nature à remettre en cause l'intention du donateur d'avoir voulu donner les titres et non pas les fonds représentatifs du prix de cession (avis no 2004-40, 2005-9, 2005-21). .
Ainsi, dans la mesure où ces précautions sont prises, il peut être opportun pour le détenteur d'actifs numériques de procéder à une donation préalablement à la cession afin d'optimiser la fiscalité globale de l'opération.
Toutefois, il conviendra également de rester vigilant au regard de la nouvelle procédure d'abus de droit fiscal instituée par la loi no 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 LPF, art. L. 64 A. .
Cette loi a introduit l'abus de droit pour motif principalement fiscal.
Mais la doctrine P. Fernoux, Revisitons le passé à l'aune du but principalement fiscal : Dr. fisc. 2019, no 22, 279. confirme que la réforme de l'abus de droit fiscal n'aurait pas d'incidence sur les donations avant cession. Seule la première branche de l'abus de droit, la fictivité est susceptible d'impacter les donations avant cession.
Cependant l'abus de droit pour motif principalement fiscal ne s'appliquera qu'aux rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2021 portant sur des actes passés ou réalisés à compter du 1er janvier 2020. Plusieurs années vont donc s'écouler avant que le Conseil constitutionnel n'ait l'occasion de se pencher sur l'abus de droit pour motif principalement fiscal à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité. D'ici là, les contribuables et leurs conseils devront composer avec « l'obscure clarté » des textes fiscaux et l'insécurité fiscale inhérente à l'abus de droit pour motif principalement fiscal.
L'optimisation fiscale recherchée sera cependant atténuée par les modalités de calcul des plus-values qui tiennent compte de la plus-value latente de l'ensemble du portefeuille V. supra, no . .
Dans la mesure où le contribuable détient plusieurs types de cryptomonnaies et qu'il n'en cède que certaines, le calcul de la plus-value sera influencé par la valeur globale du portefeuille.
En pratique, conserver des cryptomonnaies qui sont restées stables et donner celles qui ont pris de la valeur ne sera pas la meilleure marche à suivre.
L'idéal serait de donner l'ensemble de son portefeuille pour arriver au résultat espéré Pour un exemple chiffré, V. R. Vabres, La donation de cryptomonnaies : JCP N 2019, no 47, 1313. .