Le lien contractuel unissant les plateformes et leurs différents utilisateurs

Le lien contractuel unissant les plateformes et leurs différents utilisateurs

À titre liminaire, il y a lieu d'analyser l'existence d'un contrat entre les plateformes et leurs utilisateurs.
Le contrat est défini par l'article 1101 du Code civil (C. civ., art. 1101">Lien) comme « un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations » Pour une étude de l'article 1101 du Code civil appliqué au smart contract et sa qualification juridique, V. infra, no . . La question peut se poser de l'existence ou non d'un lien contractuel entre la plateforme et l'offreur, d'une part (§ I) , et la plateforme et l'utilisateur, d'autre part (§ II) .

La relation entre la plateforme et l'offreur

Concernant en premier lieu la relation entre la plateforme et l'offreur, l'existence d'un contrat est évidente. L'offreur a recours à un intermédiaire en vue de positionner son offre sur le marché recherché. La plateforme offre donc une prestation d'intermédiation en ligne contre une rémunération prenant généralement la forme d'une commission ou d'un abonnement périodique Par ex., la plateforme Uber met en relation des chauffeurs (qu'elle ne salarie pas et qui exercent généralement sous le statut de micro-entrepreneur) avec les utilisateurs de son application, contre une commission prise sur le prix de la course. Toutefois un arrêt récent de la Cour de cassation (Cass. soc., 4 mars 2020, no 19-13.316, Uber France c/ M. A… X…) a remis en cause le lien unissant la plateforme Uber et ses chauffeurs en rejetant le pourvoi de la société Uber contre un arrêt de cour d'appel reconnaissant l'existence d'un contrat de travail. . Si la relation contractuelle est incontestée entre ces deux parties, la qualification juridique de ce contrat dit de marketplace a fait couler beaucoup d'encre V. not. sur cette qualification : E. Netter, Numérique et grandes notions du droit privé, Ceprisca, coll. « Essais », 2019, p. 444 et s.?JCl. Commercial, fasc. 826, Vo Places de marché en ligne. Contrat de marketplace, par A. Robin. . Deux types de contrats sont généralement retenus pour cette relation : le contrat d'entremise, ou encore de courtage, et le contrat de mandat. Les obligations de la plateforme dépendent de la qualification retenue.
Le contrat d'entremise ou de courtage est le plus répandu dans le secteur des plateformes numériques. Celles-ci jouent le rôle d'un courtier, en charge de mettre en relation les parties à un futur contrat, qui peut être de toute sorte (vente, prestation de services…). L'entremetteur n'a donc aucune mission de représentation et ne peut engager l'offreur ou l'utilisateur de la plateforme. Ceux-ci concluront ensuite directement un contrat différent et n'engageant qu'eux. Comme cela a pu être souligné V., sur ce point, JCl. Commercial, fasc. 826, Vo Places de marché en ligne. Contrat de marketplace, no 17, par A. Robin. , la plateforme ne joue certes pas un rôle actif de recherche d'un cocontractant, mais met à disposition de ses utilisateurs les moyens nécessaires à une rencontre des parties. En revanche, l'opérateur agit activement sur la détermination des conditions du contrat auquel il aide à la conclusion. En effet, les conditions générales acceptées par tous les utilisateurs, tant offrant qu'acceptant, sont établies par la plateforme.
Le mandat, plus rare en pratique, peut également permettre de qualifier la relation contractuelle entre la plateforme et l'offreur. Ce contrat génère une représentation de l'offreur par l'opérateur Pour un exemple de contrat de mandat proposé par une plateforme en ligne, V. not. CapCar (www.capcar.fr/conditions-generales-de-vente">Lien). . Il se retrouve essentiellement dans le cadre des ventes en ligne de meubles aux enchères publiques Sur le caractère obligatoire du contrat de mandat en la matière, V. JCl. Commercial, fasc. 826, Vo Places de marché en ligne. Contrat de marketplace, no 10, par A. Robin. ou encore dans celui des sites de réservation hôtelière L'article L. 311-5-1 du Code du tourisme impose le contrat de mandat dans les relations entre les hôteliers et les plateformes de réservation en ligne portant sur la location de chambres d'hôtel. .

La relation entre la plateforme et l'utilisateur

Concernant la relation entre la plateforme et l'utilisateur, l'existence d'un contrat est moins évidente. Pourtant, l'opérateur et son utilisateur entretiennent bien des relations contractuelles. Le second adhère aux conditions générales établies par le premier et il en résulte pour chacun des obligations assorties de sanctions. Pour l'utilisateur, des engagements nombreux et variés se retrouvent dans les conditions générales, allant de l'interdiction par Uber d'utiliser les chauffeurs aux fins de transporter des matières illicites ou dangereuses, jusqu'à ne pas utiliser des virus sur le site eBay. Ces obligations sont aussi variées que les prestations, services et marchandises proposés par les plateformes. La qualification du contrat unissant la plateforme et ses utilisateurs dépend du rôle de cette dernière. Il peut s'agir d'un simple contrat de courtage ou d'entremise si la plateforme joue l'intermédiaire permettant la mise en relation des parties E. Netter, Numérique et grandes notions du droit privé, préc., p. 444 et s. (https://enetter.fr/le-contrat/section-2-droits-speciaux-des-contrats/i-les-contrats-dintermediaire/">Lien). . Lorsque la plateforme propose à la vente ses propres produits, comme cela peut être le cas sur le site Amazon, alors le contrat l'unissant à l'utilisateur est tout simplement un contrat de vente.
L'existence d'une relation contractuelle étant établie, il y a lieu d'analyser les obligations spéciales mises à la charge des plateformes numériques.