La qualification d'un fonds de commerce électronique

La qualification d'un fonds de commerce électronique

Le législateur a défini le commerce électronique comme l'activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens et de services L. no 2004-575, 21 juin 2004, art. 14. .
Malgré cette définition, il demeure des situations où il est difficile de savoir si nous sommes en présence d'un fonds de commerce électronique.

Le commerce électronique est l'activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens et de services.

– La recherche d'un critère. – Les travaux du 105e Congrès des notaires de France Rapport du 105e Congrès des notaires de France, Lille, 2009, Propriétés incorporelles, 4e commission. ont tenté de déterminer un critère pour caractériser un fonds de commerce électronique.
Le critère a été recherché autour de la nature dématérialisée de la livraison et l'exemple donné a été celui d'une librairie. Ainsi, le site marchand d'un libraire qui reçoit les commandes et paiements par internet mais qui livre les ouvrages par pli postal est un site accessoire inclus dans le fonds de commerce traditionnel. En revanche, si le libraire, par le biais du site marchand, réalise des livraisons dématérialisées d'ouvrages en temps réel, il s'agit alors d'un fonds de commerce électronique distinct. Ainsi le libraire qui cumule ces deux modes de livraison possède deux fonds différents.
Ce critère exclut de la qualification de fonds de commerce la vente de tous biens matériels uniquement par le biais d'un site par un commerçant qui ne distribue pas ses produits dans un magasin.
– Clientèle autonome. – Nous savons qu'un fonds de commerce doit présenter diverses caractéristiques : des éléments corporels (marchandises, matériels, ordinateurs, entrepôts, etc.), des éléments incorporels (brevets, logiciels, bases de données, licences d'exploitation, etc.) énumérés à l'article L. 142-2 du Code de commerce (C. com., art. L. 142-2">Lien).
Mais l'élément indispensable dans le e-commerce, comme dans un commerce traditionnel, est l'existence d'une clientèle propre.
Les juges, à plusieurs reprises, ont ainsi affirmé qu'un site de vente en ligne, afin de bénéficier du régime protecteur du statut du fonds de commerce prévu aux articles L. 141-1 et suivants du Code de commerce, doit :
  • avoir une clientèle qui doit être spécifique et donc se distinguer du reste de l'entreprise ;
  • être indépendant ; un site est indépendant lorsqu'il se positionne sur « un marché distinct ».
– Les sites de e-commerce créés par nos magasins de proximité. – Selon l'étude de la Fevad précitée, pour les acheteurs en ligne, les sites de e-commerce ayant également des magasins physiques présentent de nombreux avantages par rapport aux autres sites. C'est clairement la complémentarité des deux canaux, digital et physique, qui séduit les cyberacheteurs. Près de 50 % (46,4 %) de ces derniers mettent notamment en avant la possibilité de se rendre en magasin pour voir un produit avant un achat en ligne, faire appel au service après-vente ou aux conseils d'un vendeur (41,3 %), ou même finaliser un achat en magasin après l'avoir préparé en ligne (48,4 %).
Ainsi il sera difficile de distinguer une clientèle attachée à nos magasins de quartiers et celle de leurs sites de vente en ligne.
Pour établir cette distinction il conviendra, au cas par cas, de prendre des éléments de comparaison comme par exemple le chiffre d'affaires en ligne avec celui du magasin ou se poser la question du maintien de l'activité en ligne si le magasin venait à fermer.
À l'inverse si la clientèle en ligne n'est présente que par son attachement à un magasin existant, le site de e-commerce ne sera alors qu'un élément du fonds de commerce.
– Les commerces virtuels utilisant des marketplaces . – Les commerçants, pour vendre leurs produits, ont également la possibilité de passer par une place de marché (marketplace).
Une place de marché est une plateforme en ligne où les vendeurs présentent leurs articles pour les mettre à disposition des acheteurs sur ce méga site avec une commission prélevée sur les ventes.
Il existe de nombreuses places de marchés en France. Elles peuvent être généralistes (Cdiscount, Rueducommerce, Rakuten, eBay, Amazon, Le Bon Coin, Fnac…) ou spécialisées (Etsy, ManoMano, Vinted, Truffaut, Asos, Les nouveaux cavistes, 1001pharmacies…). Ce peut être aussi des marketplaces locales qui mettent en avant des commerçants et productions sur les territoires (Ma Ville Mon Shopping, Ollca, The Ring…).
Dans cette situation, la clientèle appartient-elle au commerçant ou à la plateforme ? Les commerçants qui utilisent ces marketplaces disposent-ils d'une clientèle propre, critère essentiel à la définition du fonds de commerce La condition d'une clientèle propre au fonds de commerce est exigée par une jurisprudence constante (Cass. com., 7 avr. 2009 : JurisData no 2009-047893. – V. égal. Cass. com., 28 mai 2013, no 12-14.049 : JurisData no 2013-010948 ; JCP E 2013, 1391). ?
Pour répondre à cette question, un parallèle peut être fait avec les commerces se trouvant dans un centre commercial.
Traditionnellement, le commerçant dont l'exploitation est localisée au sein d'une autre entreprise ne dispose pas, en principe, de son propre fonds de commerce.
Il a notamment été jugé que les fonds ne bénéficiant d'aucune autonomie de gestion, car dépendant totalement pour les horaires d'ouverture du centre commercial où il se trouve, n'ont pas de clientèle propre Cass. 3e civ., 1er oct. 2003, no 02-11.239 : JurisData no 2003-020380. . Il en est de même pour ceux bénéficiant uniquement de la renommée d'un site touristique Cass. com., 7 avr. 2009 : JurisData no 2009-047893. .
À l'inverse en matière de contrat de franchise, il a été admis que le franchisé, malgré les contraintes fortes qui pèsent sur lui, puisse se constituer sa propre clientèle, clientèle locale que l'on distingue alors de la clientèle nationale Cass. 3e civ., 27 mars 2002, no 00-20.732 : JurisData no 2002-013715 ; Bull. civ. 2002, III, no 77 ; D. 2002, p. 2400, note H. Kenfack. .
Un élément de réponse peut également être apporté par les règles de responsabilité.
Le e-commerçant est responsable des produits qu'il commercialise sur son site. Inversement, la marketplace est une plateforme qui héberge une transaction, mais la plateforme n'est considérée que comme un courtier. Seul le e-commerçant porte la responsabilité des produits qu'il propose sur la place de marché. Ainsi, en cas de litige, la plateforme est couverte.
En définitive, l'existence ou non d'une clientèle autonome va s'apprécier au cas par cas. Ce n'est qu'en présence d'une réelle clientèle attachée au fonds de commerce électronique que ce dernier pourra faire l'objet d'une cession dans son ensemble.