La liberté d'expression inhérente à l'activité numérique

La liberté d'expression inhérente à l'activité numérique

  • 1948 – La Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée par cinquante-huit États membres, énonçant : « Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ».
  • 1950 – La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, énonçant : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites ».
  • 1966 – Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, lui aussi énonçant : « Toute personne a droit à la liberté d'expression ; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix ».
  • 2000 – La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne énonçant : « Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontières ».
  • 2009 – À la suite de l'adoption de la loi Hadopi, le Conseil constitutionnel a fait de l'accès à internet une composante de la liberté d'expression.
– La liberté d'expression consacrée liberté fondamentale Cons. const., 11 oct. 1984, no 84-181 DC (www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1984/84181DC.htm">Lien). . – La liberté d'opinion Notion décrite par le Conseil constitutionnel allemand comme étant la notion moderne de la liberté d'expression, présente dans la loi fondamentale pour la République fédérale d'Allemagne du 8 mai 1949, en son article 5 (www.bundestag.de/resource/blob/189762/f0568757877611b2e434039d29a1a822/loi_fondamentale-data.pdf">Lien). est une liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées La liberté d'expression se confond parfois avec d'autres libertés pouvant devenir des synonymes de la notion (www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/la-liberte-d-expression-dans-les-jurisprudences-constitutionnelles">Lien). . C'est à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité que le Conseil constitutionnel définit la liberté d'expression comme étant une liberté fondamentale d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés Cons. const., 18 mai 2018, no 2018-706 QPC (www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2018/2018706QPC.htm">Lien). . La protection constitutionnelle de la liberté d'expression est fondée sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen DDHC, 26 août 1789, art. 11 (www.conseil-constitutionnel.fr/le-bloc-de-constitutionnalite/declaration-des-droits-de-l-homme-et-du-citoyen-de-1789">Lien). . Depuis celle-ci, ce droit a été rappelé dans de nombreux textes reprenant souvent la même formulation. Parmi eux, il peut être cité chronologiquement :
Cette liberté fondamentale à valeur constitutionnelle concerne à la fois les déclarations factuelles et les jugements de valeur CEDH, 12 juill. 2016, no 50147/11, Reichman c/ France : JurisData no 2016-020711 (www.doctrine.fr/d/CEDH/HFJUD/CHAMBER/2016/CEDH001-165023">Lien ; www.droit-technologie.org/wp-content/uploads/2016/11/annexes/actuality/1804-1.pdf">Lien). . Leur distinction s'opère sur le terrain probatoire. Cependant, autant il est possible d'apporter la preuve d'une déclaration factuelle, autant il est quasi impossible de la rapporter lorsqu'il s'agit d'un jugement de valeur, par définition d'ordre intérieur à l'individu. La distinction est importante. Si le juge conclut à un jugement de valeur, alors toute ingérence dans l'exercice des droits doit dépendre de l'existence d'une base factuelle suffisante pour la déclaration en cause. Faute de pareille base, un jugement de valeur peut se révéler excessif. Il est donc nécessaire de tenir compte des circonstances de chaque espèce et de la tonalité générale des propos tenus CEDH, 9 janv. 2018, no 18597/13, GRA Stiftung Gegen Rassismus und Antisemitismus c/ Suisse (https://hudoc.echr.coe.int/app/conversion/pdf?library=ECHR&id=003-5966584-7628734&filename=CEDH.pdf">Lien). .

Le Pacte international des droits civils et politiques de l'ONU

Source : www.sciencespo.fr/enjeumondial/sites/sciencespo.fr.enjeumondial/files/fig30.png">Lien
  • soit pour des raisons de sécurité nationale ou bien encore de sécurité des personnes lorsqu'il s'agit de protection de la santé, de la morale ;
  • soit pour protéger la réputation des individus ou les droits d'autrui.
– Les limites de la liberté d'expression. – Ce droit hors du commun F. Sudre, Droit européen et international des droits de l'homme, PUF, coll. « Droit fondamental », 7e éd. 2005, p. 451. exprime l'identité et l'autonomie intellectuelle des individus et conditionne leurs relations aux autres individus et à la société M. Verpeaux, La liberté d'expression dans les jurisprudences constitutionnelles : Nouveaux Cah. Cons. const. 2012, no 36. . À ce titre, la liberté d'expression comporte des limites. Elles prennent naissance en cas d'abus :
Elles puisent leurs sanctions tant dans le droit civil que dans le droit pénal. Tenues de respecter et de faire respecter la Convention européenne des droits de l'homme, les juridictions doivent apprécier s'il existe un intérêt supérieur justifiant une limitation de la liberté d'expression. Dans l'affirmative, elles sont autorisées à prendre une mesure attentatoire à la liberté d'expression pour autant qu'elle soit proportionnée au but poursuivi A. Lacabarats, colloque Cour de cassation, « Vie privée et média », 2012 (www.courdecassation.fr/venements_23/colloques_4/2002_2036/vie_privee_medias_8379.html">Lien). . Le juge, notamment pénal, procède à un contrôle de proportionnalité in concreto. Par exemple, en matière d'injures publiques supposées envers un particulier sur une antenne de télévision, la Cour de cassation a considéré que l'image satirique ou la bouffonnerie outrancière destinée à se moquer de l'individu prétendu victime (personnage politique au demeurant) ne délivrait pas pour autant un message de vindicte et de mépris et ne dépassait pas les limites de la liberté d'expression Cass. crim., 20 sept. 2016, no 15-82.941, inédit, non publié au bulletin (www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000033143954">Lien). . Cette position laisse planer un vent d'impunité au-dessus d'internautes coutumiers de publications de nature à porter atteinte à l'intégrité ou à la réputation des personnes, sauf si leur but est de nuire à la personne visée par la publication.
Le législateur omet de prendre position sur la conciliation entre le droit au respect de la vie privée V. supra, Chapitre I, « La vie privée digitale ». et la liberté d'expression. Il laisse au juge le soin de trancher la suprématie de l'un ou l'autre droit, au cas par cas. Pour asseoir sa décision, la juridiction nationale est tenue de se référer aux articles 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi qu'à la jurisprudence de la Cour européenne JCl. Communication, Synthèse – Liberté d'expression, par A. Lepage. . En effet, l'appréciation de la restriction de la liberté d'expression ou de la sanction s'effectue sous contrôle européen CEDH, 16 juill. 1971, série A, no 13, p. 42, § 104, Ringeisen c/ Autriche (www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1974_num_20_1_2275">Lien). . En tout état de cause, les limites de la liberté d'expression doivent correspondre à un besoin social impérieux CEDH, 7 déc. 1976, série A, no 24, Handyside c/ Royaume-Uni (https://hudoc.echr.coe.int/fre#{%22itemid%22 :[%22001-62057%22]}">Lien). – CEDH, 21 janv. 1999, Fressoz et Roire c/ France (http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-63456">Lien). susceptible de justifier cette restriction.
– Les fake news . – Les fake news sont souvent traduites par « fausses nouvelles ». Le sens qui leur est attribué ne fait pas consensus http://cahiersdujournalisme.org/V2N2/CaJ-2.2-D031.pdf">Lien . L'Académie française se risque à effectuer une tentative de définition quand elle publie sur son site dans la rubrique « Dire ou ne pas dire » : « Depuis plusieurs mois l'expression fake news s'est largement répandue en France. Celle-ci nous vient des États-Unis et nombre de commentateurs et de journalistes semblent avoir des difficultés pour lui trouver un équivalent français. Pourtant, ne serait-il pas possible d'user de termes comme bobard, boniments, contre-vérité, mensonge, ragot, tromperie, trucage ? » www.academie-francaise.fr/fake-news">Lien . Si les fausses nouvelles existent dans la presse depuis fort longtemps, le phénomène des « infox » Combinaison de : info et intox. ou hoax Traduite de l'anglais « canular », en informatique signifie : information erronée ou inévitable profitant de la puissance internet pour se propager à grande échelle. Certains sites, à l'instar de HoaxBuster et HoaxKiller, recensent les plus répandus (www.vienne.gouv.fr/content/download/16030/103769/file/HOAX.pdf">Lien). inquiète par son ampleur virale Comm. UE, 26 avr. 2018, Lutter contre la désinformation en ligne : une approche européenne (https://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/1/2018/FR/COM-2018-236-F1-FR-MAIN-PART-1.PDF">Lien). . Armes de désinformation massive, elles se propagent sur la toile comme une gangrène grâce notamment aux réseaux sociaux.
En l'état actuel de notre législation, elles sont poursuivies et punissables. En effet, elles sont traitées par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Son article 27 dispose que : « La publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler, sera punie d'une amende de 45 000 euros ». Cette disposition s'applique quel que soit le support utilisé, donc aux fake news publiées sur internet. Cependant, la difficulté de les sanctionner réside dans ses modalités d'application. Pour être répréhensible, il est nécessaire que le fait qui en est l'objet soit précis et circonstancié CA Paris, ch. 11, sect. A, 18 mai 1988 : JurisData no 1988-025000. , mensonger, erroné ou inexact dans sa matérialité ainsi que dans ses circonstances CA Paris, ch. 11, sect. 1, 7 janv. 1998, Ministère public c/ M. Arnal et S. Charpentier. . Il doit en outre être susceptible de troubler la paix publique et l'auteur de la publication doit être de mauvaise foi. De surcroît, le texte parle de l'auteur de la fausse publication mais ne vise pas les personnes, donc les internautes, propageant les fake news en les relayant. Les plateformes quant à elles répondent au même principe de responsabilité limitée que les hébergeurs Selon l'article 6, I, 2o de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), sont hébergeurs : « Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ». . Cela signifie qu'elles ne sont pas responsables de la diffusion des contenus par leurs utilisateurs, sauf lorsqu'elles ont eu connaissance du caractère manifestement illicite de ce contenu et refusent de procéder à son retrait.
Certes, une loi organique de 2018 L. no 2018-1202, 22 déc. 2018, relative à la lutte contre la manipulation de l'information : JO 23 déc. 2018, no 0297, texte no 2 (www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000037847559&dateTexte=20200822">Lien). – M. Verpeaux et A. Macaya, Jurisprudence constitutionnelle : JCP G 2020, no 13, doctr. 397. – E. Derieux, Lutte contre la manipulation de l'information : JCP G 2019, no 3, 38. s'est penchée sur ce fléau. Cependant, les dispositions qu'elle contient concernent essentiellement le monde politique et ne sont pas adaptées à la vie citoyenne en dehors des périodes électorales.

La lutte contre les forces occultes malveillantes

Source : www.ipu.org/fr/la-lutte-contre-la-desinformation-et-les-fake-news">Lien

Guide des actions anti-désinformation dans le monde

Source : www.poynter.org/ifcn/anti-misinformation-actions/">Lien