Les risques climatiques a10223

– L'anticipation du GIEC : + 1 mètre d'élévation de la mer sur les soixante-quinze ans qui viennent. – Il est particulièrement délicat d'anticiper l'avenir du littoral, tant les paramètres en jeu sont complexes et nombreux. Le plus facilement observable est la hausse du niveau eustatique, c'est-à-dire le niveau moyen de la mer sur l'ensemble de la Terre. Pour le GIEC, cette hausse en cours du niveau eustatique s'explique principalement par deux facteurs – tous deux corrélés au réchauffement climatique.
Le premier, déjà évoqué, est la fonte des glaciers. Encore faut-il préciser. La fonte des glaces flottantes et autres banquises est indifférente, selon le principe d'Archimède ; de la même manière que le glaçon dans le verre ne le fait pas déborder en fondant. Les glaces dont la fonte contribue à l'élévation de la mer sont les inlandsis en Antarctique et au Groenland, les calottes glaciaires en Scandinavie, en Islande, en Alaska, en Patagonie, en Sibérie et, enfin, tous les glaciers de montagne. Le second facteur de hausse du niveau des mers est la dilation thermique : l'élévation de la température de l'eau des océans accro ît son volume (1 kelvin d'augmentation de la température augmente un mètre cube d'eau d'un centimètre cube).
Par ailleurs, marginalement, le niveau de la mer varie en fonction de la plus ou moins grande retenue d'eau dans les terres continentales, et de quelques autres paramètres. Mais il faut préciser que la hausse du niveau moyen de la mer n'a pas les mêmes conséquences partout. En effet, le niveau eustatique global diffère, en fonction des régions, du niveau moyen local de la mer (NMLM). Ainsi, le niveau de la mer baisse à certains endroits, notamment dans la Baltique. Et quand il s'agit de comprendre la variation en un endroit donné du littoral, les paramètres sont nombreux : érosion côtière, sédimentation, tassement de la surface terrestre (Bangkok, par exemple, s'enfonce de 1 à 2 centimètres par an sous son propre poids). Ceci sans compter les phénomènes de court terme qui déterminent le niveau de la mer à un instant donné : marées, pression atmosphérique, vents, taux de salinité, température,etc.
Comme la hausse du niveau des mers a, en ce moment, une cause essentiellement anthropique, les estimations du GIEC dépendent de l'évolution des émissions de gaz à effet de serre. Nous avons vu, en introduction, à quoi correspond le scénario du RCP 8.5, du business as usual. Selon ce scénario, en considérant la formidable inertie de la fonte des glaciers et en supposant une instabilité de l'inlandsis de l'Antarctique, le GIEC estime la hausse à 16 mètres à l'horizon 2300. Plus près de nous, pour 2100, toujours selon le scénario du RCP 8.5, l'estimation d'élévation de la mer est de 1 mètre environ (calcul avec marge d'erreur entre 0,61 et 1,10 m) par rapport au niveau moyen de la mer sur la période 1986-2005.

Recul du trait de côte et submersion marine

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Le GIEC procède à des analyses à l'échelle du globe et n'édite pas de cartes à l'échelle locale. La
carte ci-dessus émane du BRGM et est centrée sur le secteur de La Rochelle. Elle représente (en sombre)
les zones exposées à l'élévation du niveau de la mer à marée haute, en suivant l'hypothèse du GIEC d'une
élévation du niveau de la mer de 1 mètre. Il ne faut toutefois pas se méprendre : les zones en sombre ne
vont pas être « sous la mer ».

La carte repose sur le raisonnement suivant : on part de la marée à son maximum (en langage de marin,
la plus haute mer astronomique, coef. 120), on ajoute l'hypothèse du GIEC d'élévation du niveau de la
mer à 1 mètre, et l'on ajoute encore une surcote pour tenir compte des phénomènes météorologiques, afin
de déterminer les zones susceptibles d'être recouvertes, même exceptionnellement, par la mer. Le calcul
n'est toutefois qu'une projection de l'altitude obtenue sur la topographie – sans avoir la précision
d'un modèle dynamique. Sous cette réserve, un mètre d'élévation de la mer place en zone à risque le
secteur de La Rochelle à Rochefort, une part significative de l' île d'Oléron et de l' île de Ré, ainsi
que l'ensemble du marais poitevin.

Aussi, pour la compréhension de tout ce qui suit, il est capital de bien distinguer dès à présent deux
situations

:

Une faible montée du niveau de la mer peut en tout cas avoir des conséquences significatives.
Aujourd'hui, par exemple, la ville de Bruges (en Belgique) est à 15 kilomètres à l'intérieur des terres.
Mais, au temps de l'optimum climatique médiéval, il s'agissait d'un port de mer

. Ces variations, pour infimes qu'elles soient à l'échelle d'un pays, ne sont toutefois pas sans
conséquences. En effet, l'essentiel du littoral français est urbanisé et les prix de l'immobilier y
sont, en général, particulièrement élevés. Ainsi, pour la seule communauté d'agglomération du Pays
Basque – Anglet, Biarritz, Saint-Jean-de-Luz, Hendaye, notamment – les actifs immobiliers dans la zone à
risque ont une valeur estimée de 6 milliards d'euros

.

Les chiffres ne sont pas moins impressionnants si l'on se restreint à l'érosion côtière. Selon les
estimations du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et
l'aménagement (CEREMA), près de 20 % des côtes françaises sont actuellement soumises au recul

. Le nombre de bâtiments affectés par le recul <em>stricto sensu</em>, à l'horizon 2100, est dans une
fourchette entre 3 800 et 31 800, pour une valeur patrimoniale entre 1 et 8 milliards d'euros

.