Le logement : l'application conforme du ZAN

Le logement : l'application conforme du ZAN

– Comment produire des logements sans consommer de foncier ? – La production de nouveaux logements est une préoccupation publique majeure qui a animé les travaux du 119e Congrès des notaires de France. La commission Rebsamen a souligné les besoins immenses en la matière.
Sur le logement, le législateur n'a ménagé aucun instrument de souplesse : ni mutualisation ni exclusion du décompte de l'artificialisation induite par exemple par la construction des logements sociaux imposés par la loi. La politique du ZAN s'applique au logement dans toute sa rigueur. Dans ces conditions, les constructeurs seront à l'horizon 2050 dans l'obligation d'édifier maisons individuelles et logements collectifs sans consommer de foncier nouveau, sauf à compenser. Les principaux moyens ont été exposés à Deauville :
  • le recyclage des friches ;
  • la requalification de l'habitat et de certains quartiers ainsi que le traitement des copropriétés dégradées ;
  • la lutte contre la vacance ;
  • la surélévation en zone urbaine dense ;
  • l'optimisation foncière en zone urbaine périphérique ;
  • la reconversion des locaux tertiaires en logement.
Des moyens certes intéressants mais insuffisants pour répondre aux besoins massifs des Français à un prix accessible. Aussi devine-t-on que le ZAN devra évoluer et trouver dans son application les instruments de souplesse spécifiques à la production de logements : prise en compte pondérée voire exclusion de la construction de logements sociaux, d'immeubles collectifs à haute performance énergétique, d'habitations à densité supérieure au reste du territoire… À l'heure de l'écriture, le chantier reste entier et le risque d'une crise de la construction apparaît majeur.
– La fin de la maison individuelle ? – Ceci rappelé, nous souhaitons profiter de notre étude pour dissiper un malentendu à l'exemple de Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, à l'occasion des travaux de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale le 14 juin 2023 : « J'entends dire que le ZAN, c'est la fin du pavillon ou de la maison individuelle : c'est faux . La moitié de l'artificialisation en France depuis dix ans est consacrée à des lotissements avec huit logements par hectare, c'est-à-dire des jardins de 1 200 m2 . Il suffirait que la moyenne passe à 600 m2 pour que l'on tienne la trajectoire de sobriété foncière ».
Ce sujet est désormais au cœur des propositions du Gouvernement Attal pour lutter contre la crise du logement.
Le périurbain est en voie de réhabilitation et sa densification à l'aune du ZAN devient un moyen de répondre à la fois à la crise du logement et aux aspirations des Français .
– La densification douce du pavillonnaire existant à cet égard est un enjeu considérable en termes de production de logements conformes aux aspirations des Français. – L'exemple de l'Île-de-France est édifiant. L'Atelier parisien d'urbanisme (APUR), dans son étude récente « La Ville pavillonnaire du Grand Paris », pose clairement le sujet : « Avec 416 500 pavillons, où vivent 1,16 million d'habitants, la Métropole du Grand Paris est la plus grande ville pavillonnaire de France. Cette forme urbaine archétypale, associant maisons et jardins, traverse toutes les géographies métropolitaines d'est en ouest, du nord au sud et fabrique le paysage. Elle occupe 18 % du territoire métropolitain, dont près d'une moitié est végétalisée. Mais au-delà des chiffres globaux et de l'engouement connu des Français pour cet habitat, les tissus pavillonnaires restent mal connus dans leurs spécificités. Comprendre de quoi est fait le pavillonnaire dont nous héritons devient une nécessité pour apprécier sa valeur urbaine. Si l'on estime que, face aux changements climatiques, le pavillonnaire peut jouer un rôle spécifique dans l'adaptation du territoire métropolitain aux épisodes caniculaires, aux pluies plus fortes et aux sécheresses plus longues, à la disparition de la biodiversité, il nous faut saisir la réalité de son état. S'il n'est pas assuré que ces tissus soient plus vertueux que d'autres, il est certain qu'ils ont un potentiel plus grand car leurs sols sont plus perméables et moins minéraux. En parallèle de ces enjeux formels, une évolution sociale et sociétale s'engage. D'une part, la population qui habite un pavillon dans la métropole change. Elle vieillit et se renouvelle. Le pavillonnaire largement habité par des retraités attire désormais plus de cadres et de nouvelles familles, y compris dans des quartiers conçus à l'origine pour les ouvriers et des populations modestes. Leur arrivée s'accompagne de rénovations, d'extension des bâtiments et de mutations des parcelles. D'autre part l'arrivée des lignes de métro du Grand Paris Express, parfois au cœur de quartiers pavillonnaires, ou très près, engendre des projets qui transforment certains secteurs. Elle exerce une forte pression sur ces terrains en offrant demain une alternative au modèle automobile ».
Grand Paris Aménagement indique également que le pavillonnaire représente 90 000 hectares en Île-de-France, soit un tiers de l'espace urbanisé, et représente à lui seul un potentiel de 140 millions de mètres carrés de logements supplémentaires en micro-densification (sans démolition de l'existant ni artificialisation). Il est occupé en grande majorité (88 %) par des propriétaires occupants. Il s'agit d'un tissu globalement à fort impact environnemental tant direct (performances énergétiques médiocres et faible sensibilité aux interdictions de louer des passoires énergétiques) qu'indirect (forte dépendance au véhicule individuel), sur lequel les politiques publiques de l'aménagement ont assez peu de prise. Dans le même temps, il dispose de caractéristiques (pleine terre, végétation) lui donnant également un fort potentiel de contribution à la lutte contre le réchauffement climatique.
Hétérogène en termes de peuplement, le tissu pavillonnaire subit également dans certains secteurs une dynamique de paupérisation allant jusqu'à l'implantation de marchands de sommeil et d'activités économiques génératrices de nuisances telle la mécanique sauvage.
– Un tissu sur lequel il est difficile d'intervenir. – Malgré ses nombreux enjeux, il s'agit d'un tissu globalement mal appréhendé et pour lequel peu de dispositifs d'intervention publics ont été jusqu'ici expérimentés. Faire de la densification du pavillonnaire s'avère à ce jour difficile.
Les motifs principaux de cette difficulté à agir tiennent à la fois à l'existence d'un tissu existant morcelé que le droit de l'urbanisme appréhende mal et au fait que les porteurs de projet sont pour l'essentiel constitués de particuliers. Ces deux aspects ne sont pas en adéquation avec les caractères du droit de l'urbanisme, qui est plus un droit de la construction que de la transformation, dont les règles ont été établies sur la base de projets portés par des professionnels desquels il fallait protéger les particuliers.
– L'enjeu de la qualification des jardins au regard du ZAN . – Le décret no 2023-1096 du 27 novembre 2023 relatif à l'évaluation et au suivi de l'artificialisation des sols a été pris pour préciser les conditions d'application de l'article L. 101-2-1 du Code de l'urbanisme et de l'article L. 2231-1 du Code général des collectivités territoriales. Pour l'essentiel, il comporte une nouvelle nomenclature, annexée à article R. 101-1 du Code de l'urbanisme, pour classer les surfaces selon qu'elles sont qualifiées d'artificialisées ou de non artificialisées.
À cet égard, les surfaces végétalisées herbacées et qui sont à usage résidentiel, de production secondaire ou tertiaire, ou d'infrastructures, sont considérées comme artificialisées.
La densification possible du pavillonnaire est ainsi actée.
Cette nomenclature ne s'applique pas pour les objectifs de la première tranche de dix ans prévue à l'article 194 de la loi no 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Pendant cette période transitoire de 2021 à 2031, les objectifs porteront uniquement sur la réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (entendue comme la création ou l'extension effective d'espace urbanisé).
Cette nomenclature n'a pas non plus vocation à s'appliquer au niveau d'un projet, pour lequel l'artificialisation induite est appréciée directement au regard de l'altération durable des fonctions écologiques ainsi que du potentiel agronomique du sol.
– Propositions. – Comme le propose Grand Paris Aménagement, il apparaît utile pour lancer une dynamique d'intervention sur le pavillonnaire de mettre en place un dispositif juridique permettant une régulation efficace, mais souple, des mutations. Ce mécanisme pourrait contrebalancer une « libéralisation maîtrisée » du PLU par un outil de contrôle capable de s'adapter à chaque projet. Ce mécanisme, nommé « secteur de renouvellement pavillonnaire » (SRP), vise particulièrement à :
  • permettre une adaptation des PLU dans ces secteurs ;
  • supprimer le contrôle des divisions foncières ;
  • mettre en place un régime de participation d'urbanisme ad hoc.
Ces secteurs pourraient être sous le contrôle d'un aménageur, ce qui pourrait rassurer les élus sur la manière dont ces secteurs vont pouvoir muter. L'aménageur aurait également en charge l'accompagnement des propriétaires.
Il est d'ores et déjà possible, en l'état du droit, de mettre en place de tels secteurs et d'adapter les PLU. Pour le reste, une modification législative serait nécessaire.