L'absence d'information transversale

L'absence d'information transversale

– L'effet pervers de l'indépendance des législations. – La structure précédente, certificat d'urbanisme d'un côté, certificat de projet de l'autre, est la conséquence de l'indépendance des législations sur le volet informatif. Le problème est que le changement climatique vient bousculer les lignes, et il n'est pas raisonnable que chaque administration vienne l'observer depuis sa tour d'ivoire. Prenons un exemple concret. L'été dernier, plusieurs centaines de communes ont manqué d'eau potable à un moment de l'année. Et, au moment d'écrire ces lignes, Mayotte fait face à une situation dramatique depuis plusieurs mois, avec un accès à l'eau seulement un jour sur trois, pour quelques heures à peine.
Cela pose des questions concrètes nouvelles, lors de l'achat d'une maison. La source sur laquelle je suis raccordé ne va-t-elle pas se tarir ? Le réseau d'eau communal auquel je suis raccordé sera-t-il efficace toute l'année ? Quelles solutions de repli sont-elles envisageables à défaut ? Sur tous ces sujets, l'information d'anticipation est à peu près inexistante. Et sur ce type de sujet, comme nous avons pu le voir précédemment à propos des éoliennes, le droit de l'urbanisme se révèle plus apte à proposer des solutions, même bricolées dans l'urgence, que le droit de l'environnement.
– L'exemple de l'adaptation de l'urbanisme à la sécheresse. – Suite aux récentes sécheresses, plusieurs communes ont annoncé ne plus délivrer de permis de construire pour des maisons nouvelles, afin de ne pas saturer encore plus leur réseau d'eau, qui ne l'est déjà que trop. évidemment, le droit de l'urbanisme n'envisage pas explicitement une telle possibilité. Il y a dès lors une part de « bidouille », à partir de textes généraux que l'on interprète de manière très compréhensive pour l'occasion . à ce titre, on peut mentionner les textes suivants :
  • l'article R. 111-9 du Code de l'urbanisme, qui s'applique dans les communes non couvertes par un PLU, aux termes duquel : « Lorsque le projet prévoit des bâtiments à usage d'habitation, ceux-ci doivent être desservis par un réseau de distribution d'eau potable sous pression raccordé aux réseaux publics ». L'absence d'un tel réseau ou l'insuffisance de capacité du réseau est de nature à justifier le refus de délivrance de l'autorisation . Mais ce texte a un champ d'application restreint ;
  • l'article R. 111-2 du Code de l'urbanisme, aux termes duquel le projet peut être refusé, ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publiques du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. Ce texte est toutefois plus naturellement invoqué en cas d'éloignement par rapport à un point d'eau normalisé pour des risques incendie ;
  • l'article L. 111-11 du Code de l'urbanisme, qui interdit de délivrer une autorisation d'urbanisme si la desserte du terrain par certains équipements publics n'est pas assurée. Ce refus doit néanmoins être motivé par la nécessité de réaliser des travaux et l'impossibilité d'indiquer le délai de réalisation de ceux-ci. En pratique, cela semble le texte plus adapté. Ainsi, sur ce fondement, la jurisprudence a pu valider un refus de permis de construire pour une commune qui, « confrontée à une insuffisance de la ressource en eau, s'est trouvée contrainte de prendre des mesures pour remédier à cette situation de pénurie » et qui a dû, à ce titre, « en attendant que son réseau d'eau soit interconnecté avec celui de la communauté urbaine, refuser les nouveaux permis de construire, n'étant pas en mesure d'indiquer dans quel délai une solution serait trouvée pour restaurer la capacité de son réseau d'eau potable » ;
  • l'article L. 111-12 du Code de l'urbanisme, qui interdit le raccordement aux réseaux existants des constructions non autorisées. Mais il s'agit d'une mesure de police de l'urbanisme destinée à assurer le respect des règles d'utilisation du sol, dont l'application est fort discutable au cas d'espèce.
– Anticiper la question de l'eau. – Si l'on veut parler d'urbanisme durable, il est évidemment nécessaire de se préoccuper de l'état des réseaux et des questions d'eau, au regard non seulement des projets de constructions nouvelles, mais aussi des constructions existantes. L'assainissement des eaux usées comme la fourniture d'eau potable sont des services publics industriels et commerciaux. Les communes établissent ainsi le schéma de distribution d'eau potable décrivant les zones desservies. Il en est de même pour le zonage assainissement collectif ou non collectif. Ces compétences peuvent naturellement être déléguées.
Il existe un contrôle de la commune au stade de l'instruction d'une autorisation d'urbanisme. Le dossier de demande d'autorisation doit comprendre des éléments techniques sur l'existence ou non d'un réseau au droit du terrain. L'article R. 431-9 du Code de l'urbanisme prévoit notamment que le projet indique les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement.
Nous devons aussi, en tant que notaires, lorsque nous sommes amenés à vendre des biens situés en zone non desservie en eau potable, nous préoccuper de l'alimentation du bien, le cas échéant. Il n'existe aucune obligation de raccordement à l'eau potable. à l'occasion d'une vente, il faut donc vérifier qu'il existe une source d'alimentation en eau potable, dans le respect du Code de la santé publique et du Code de l'environnement.
Une habitation peut ainsi disposer d'une alimentation propre, assurée par exemple par un forage. Toutefois, il convient de vérifier que le propriétaire a bien effectué en mairie la déclaration prescrite en application de l'article L. 1321-7 du Code de la santé publique. Les forages domestiques doivent en effet être déclarés pour deux raisons :
  • ces ouvrages de prélèvement peuvent avoir un impact sur la qualité et la quantité des nappes phréatiques. Or, l'eau est un bien commun à protéger. Mal réalisés, les ouvrages peuvent être source de pollution de la nappe ;
  • l'usage d'une eau non potable peut contaminer le réseau public en cas d'erreur de branchement.
Le recensement des puits et forages privés doit aussi permettre aux services compétents, en cas de pollution, d'améliorer l'information des utilisateurs et de leur communiquer les consignes à respecter le cas échéant. L'alimentation en eau potable d'une maison individuelle par une source nécessite a minima une déclaration en mairie . Et, à l'occasion de la vente, un contrôle de la potabilité de l'eau. Si l'eau doit alimenter plus d'une famille, une autorisation préfectorale est nécessaire .
– Conclusion. – Nous reviendrons, dans la deuxième partie, sur cette question de la raréfaction de la ressource en eau, afin d'examiner les outils de droit privé qu'il est possible de mobiliser à ce propos (V. infra, nos et s.).