La mise en œuvre des externalités positives : exemple du PLU bioclimatique de la Ville de Paris

La mise en œuvre des externalités positives : exemple du PLU bioclimatique de la Ville de Paris

– Un PLU bioclimatique. – Après deux années de concertation citoyenne, le Conseil de Paris a adopté le 6 juin 2023 son nouveau plan local d'urbanisme qui se présente comme étant un PLU bioclimatique. Actuellement en phase d'enquête publique, il devrait être voté fin 2024 et entrer en application début 2025.
Le bioclimatisme est une discipline de l'architecture dont l'objectif est de tirer parti des conditions d'un site et de son environnement, afin que le projet architectural s'adapte aux caractéristiques et aux particularités propres à son lieu d'implantation : son climat, sa géographie et sa géomorphologie.
Adapté à l'urbanisme et à la fabrique de la ville, le bioclimatisme véhicule l'idée de faire mieux avec moins, l'idée d'utiliser le « déjà là » pour l'adapter, le transformer, et faire en sorte que les projets de construction ou de réhabilitation tiennent compte davantage de ses alentours. Le rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) d'avril 2022 souligne d'ailleurs qu'il faut faire la ville de demain avec la ville d'aujourd'hui.
« Nous sommes dans un urbanisme d'aménagement de dentelle, où les opportunités sont beaucoup moins nombreuses qu'avant. Ce sera un PLU de transformation plus qu'un PLU de production » (…) « Le Paris de 2050 est déjà là à 90 % », indique à son sujet Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la mairie de Paris chargé de l'urbanisme. Outre l'urgence sociale et la nécessité de loger le plus grand nombre, la ville du quart d'heure et de la préservation de la mixité sociale et fonctionnelle, et enfin la lutte contre les risques de dérive monofonctionnelle tertiaire ou touristique dans certains quartiers, le PLU bioclimatique vise à faire face à l'urgence environnementale et à accélérer l'adaptation de la capitale au dérèglement climatique.
Présenté comme « un PLU avant-gardiste », ce document prévoit un outil effectivement innovant avec un mécanisme de promotion des externalités positives à l'égard des pétitionnaires de permis.
Pour un accès au règlement complet (modalités d'application, dispositions générales et règlements par zone) :

Extrait du règlement du projet de PLU bioclimatique de Paris

« UG.8 VALORISATION DES EXTERNALITÉS POSITIVES DES PROJETS
L'apport des externalités positives des projets est pris en compte par référence à une série de critères de performance énoncés ci-après, regroupés suivant les thématiques de la biodiversité et de l'environnement, de la programmation, de l'efficacité énergétique et de la sobriété.
Tout projet de construction neuve ou de restructuration lourde* comportant une surface de plancher* supérieure à 150 mètres carrés doit remplir au moins trois critères de performance, relevant au moins de deux thématiques différentes.
Les caractéristiques des projets résultant de l'application des chapitres UG.1 à UG.7 ci-avant sont prises en compte pour l'application du présent chapitre.
En cas de restructuration lourde*, l'atteinte des critères s'apprécie au regard de l'état de la construction résultant de la mise en œuvre du projet. »
– Prise en compte des externalités positives des projets. – Ainsi, pour obtenir un permis de construire pour une nouvelle construction ou une restructuration lourde supérieure à 150 m², le pétitionnaire devra non seulement atteindre les seuils réglementaires sur un ensemble de neuf critères répartis en trois thématiques mais aussi surperformer, c'est-à-dire dépasser le seuil de référence pour au moins trois d'entre eux choisis dans deux thématiques. Il devra démontrer que son projet « contribue à rendre Paris plus viable et plus résiliente » à travers une grille d'évaluation élaborée par la Ville.
Les thématiques et critères sont les suivants :
L'idée sous-jacente de ce mécanisme est d'inscrire dans le PLU ce qui, jusqu'ici, était discuté, voire « imposé » pendant la phase officieuse de pré-instruction du permis pour favoriser l'innovation de tel ou tel projet ou dans le cadre d'appels à projets pour des opérations d'une certaine ampleur. « Ce mécanisme est un gage de transparence puisque la règle sera la même pour tous et s'appliquera tous les jours de la même manière ». En effet, l'intégration de ces innovations et externalités positives dans le règlement du PLU permettra de gagner en lisibilité tant pour les services instructeurs que pour les pétitionnaires, tant au stade de l'instruction et de la délivrance du permis qu'au stade du contrôle de la conformité des travaux. L'efficacité de ce contrôle supposera néanmoins que les surperformances soient mesurables sur la base de critères techniques objectifs et éprouvés, ce qui ne sera pas sans poser difficulté pour les innovations.
La liberté de choix du pétitionnaire parmi les neuf critères apporte une certaine souplesse pour lui permettre de s'adapter aux caractéristiques du projet et de son foncier et le pousser à innover pour favoriser l'inclusion sociale et la résilience climatique. Surtout, ce mécanisme de valorisation des externalités positives permet d'autoriser, voire de récompenser les projets de construction ou de réhabilitation en fonction de ce qu'ils vont apporter au territoire, « en considération de leur contribution au-delà de l'assiette forcément limitante de leur parcelle ».
– Outil de mesure des externalités positives. – Ce mécanisme sera complété par l'Urbascore, système de notation des projets qui permettra de valoriser leurs externalités positives. Les professionnels de l'immobilier attendent avec inquiétude le contenu de ce label, certains objectant déjà qu'il comportera l'inverse de ce qui en est attendu par les services de l'urbanisme de la Ville de Paris, à savoir des critères trop subjectifs d'attribution de points, et donc des risques accrus de recours.
Ce nouveau mécanisme repose donc sur deux outils : une règle d'urbanisme intitulée « Valorisation des externalités positives des projets » et qui figure dans le projet du PLU bioclimatique de la Ville de Paris, et un label qui devrait figurer sous forme d'annexe au PLU, mais qui pour l'instant n'est pas encore disponible.
Le défi pour la Ville de Paris est de faire accepter ce changement de paradigme de l'urbanisme auprès des professionnels pour ne pas se trouver confrontée à un blocage du marché de la construction et de la réhabilitation.