Les autres baux d’habitation

Les autres baux d’habitation

Les autres locations nues

Les baux de la loi de 1948

Les baux relevant du champ d’application de la loi no 48-368 du 1er septembre 1948 dérogent aux règles applicables en matière de durée et de congés. Le locataire se voit reconnaître un droit au maintien dans les lieux (A) et les hypothèses de congédiement du locataire sont restreintes (B).

Le droit au maintien dans les lieux

Le bénéfice du droit au maintien dans les lieux
L’article 4 de la loi de 1948 permet à l’occupant de bonne foi de se maintenir dans les lieux après l’expiration du bail aux clauses et conditions du bail initial. Ce droit au maintien dans les lieux naît du « congé de pure forme » délivré par le bailleur au locataire lui notifiant son intention de mettre fin au bail (al. 3). Ce n’est qu’à l’expiration du bail que le locataire pourrait renoncer au droit au maintien dans les lieux (L. 1948, art. 16). Toute renonciation anticipée ou contenue dans le bail serait nulle car elle contournerait les dispositions de l’article 16.
La perte du droit au maintien dans les lieux
L’article 10 de la loi de 1948 énonce les motifs entraînant la perte du droit au maintien dans les lieux pour les locataires ou occupants de bonne foi du logement :
  • une décision judiciaire définitive ayant prononcé l’expulsion (1°) ;
  • une inoccupation effective du logement (2°) ou insuffisante (7°) ;
  • une pluralité d’habitations, sauf celle constituant l’habitation principale (3°) ;
  • les locaux déclarés insalubres ou frappés d’un arrêté de péril (4°) ou visés par une expropriation d’utilité publique (5°) ;
  • les locaux de plaisance (6°) tels que la résidence secondaire ou les locaux de vacances ;
  • le logement accessoire au contrat de travail (8°) ;
  • la disposition d’un autre local répondant à leurs besoins et à ceux des personnes membres de leur famille ou à leur charge (9°) ;
  • l’occupant auteur de violences familiales (12°).

La reprise du logement par le bailleur

Le bailleur se voit reconnaître le droit de reprendre le logement dans certaines hypothèses qui s’accompagnent d’un relogement du locataire (L. 1948, art. 18) (I) ou non (L. 1948, art. 19 et 20) (II).
La reprise avec relogement
L’article 18 de la loi de 1948 autorise le bailleur à exercer la reprise du logement pour l’habiter lui-même ou le faire habiter par son conjoint, ses ascendants ou ses descendants ou par ceux de son conjoint. Ce droit de reprise est subordonné par la mise à disposition du locataire ou de l’occupant d’un local en bon état d’habitation, équivalent à celui repris. Le propriétaire qui veut exercer la reprise doit prévenir son locataire par exploit de commissaire de justice avec un préavis qui ne peut être inférieur à trois mois.
La reprise sans relogement
L’article 19 de la loi de 1948 permet au bailleur d’exercer la reprise du logement sans obligation de reloger le locataire évincé s’il justifie que « le bénéficiaire de la reprise ne dispose pas d’une habitation correspondant à ses besoins normaux et à ceux des membres de sa famille vivant habituellement ou domiciliés avec lui ».
L’article 20 de la loi de 1948 prévoit des situations particulières qui autorisent le bailleur à exercer la reprise sans relogement du locataire. Le bailleur peut exercer la reprise s’il est lui-même locataire et qu’il est évincé par l’exercice d’un droit de reprise des articles 19 et 20. Il en est de même s’il est locataire ou occupant de locaux frappés d’un arrêté de péril, d’une interdiction d’habiter ou d’une procédure d’expulsion. Il pourrait également exercer la reprise s’il a acquis le bien objet de la reprise depuis plus de cinq ans et qu’il est fonctionnaire, agent, ouvrier ou employé et contraint de quitter un logement de fonction occupé depuis plus de deux ans.
Les locataires ou occupants de bonne foi sont protégés en vertu de dispositions spécifiques si l’intention de nuire ou fraude à la loi peut être rapportée (L. 1948, art. 21), si le locataire exerce sa profession dans le local « au vu et au su du propriétaire et avec son accord au moins tacite » (L. 1948, art. 22). Sont également protégées les personnes âgées aux ressources modestes (L. 1948, art. 22 bis). Tout comme les baux relevant de la loi de 1948, la location de logements du secteur HLM déroge à la loi de 1989 tant en termes de durée qu’en matière de congés.

La location de logements HLM

La durée des baux

Les articles 10 à 12 de la loi de 1989 sont inapplicables aux logements loués par des organismes HLM, qu’ils soient conventionnés ou pas (L. 1989, art. 40, I et III). La durée des baux est donc régie par le droit commun du Code civil (art. 1736 et s.).

Les congés

Émanant du locataire
La forme du congé
L’article 40 de la loi de 1989 précise que l’article 15 (13e à 23e al.) est applicable en HLM quand le congé émane du locataire. Le congé devra être donné par lettre recommandée avec accusé de réception, signifié par exploit de commissaire de justice ou remis en main propre contre récépissé ou émargement.
Les délais de préavis
Le préavis normal d’une durée de trois mois est réduit à un mois dans un certain nombre de cas limitativement énumérés à l’article 15, I de la loi de 1989. Les articles L. 353-15 du Code de la construction et de l’habitation pour les logements conventionnés et L. 442-6-3 du même code pour les logements non conventionnés autorisent le locataire à donner un préavis réduit à un mois :
  • lorsqu’il quitte un logement HLM ayant bénéficié d’une aide de l’État ou conventionné à l’APL ;
  • ou s’il quitte un logement aidé ou conventionné géré par un organisme HLM ;
  • et qu’il entre dans un logement répondant aux mêmes conditions et situé dans le parc du même bailleur.
Émanant du bailleur
En HLM, l’article 40, I et III de la loi de 1989 exclut l’application de l’article 15 qui prévoit le congé pour reprise, pour vente et pour motif légitime et sérieux. Par contre, il existe un certain nombre de motifs pouvant justifier un congé de la part d’un bailleur HLM. D’une part, le bailleur peut s’opposer au droit au maintien dans les lieux du locataire, le chapitre I de la loi du 1er septembre 1948 étant rendu applicable en HLM par les articles L. 353-15 et L. 442-6 du Code de la construction et de l’habitation. D’autre part, depuis la loi du 13 décembre 2000, le bailleur social peut délivrer un congé pour démolition avec obligation de reloger le locataire dans un autre logement correspondant à ses besoins et ses capacités. Enfin, en cas de troubles de jouissance, la loi du 29 juillet 1998 a créé une procédure spéciale permettant au bailleur soit de proposer au locataire un relogement correspondant à ses besoins et ses possibilités (CCH, art. L. 442-4-1), soit d’engager une action en résiliation de bail devant le tribunal compétent (CCH, art. L. 442-4-2).

Les locations meublées

Les locations meublées obéissent à des règles spécifiques dérogeant aux dispositions applicables à la location nue soumise à la loi de 1989 tant en matière de durée qu’en matière de congés. Nous distinguerons le droit commun applicable à la location meublée (§ I) du régime du bail mobilité créé par l’article 107 de la loi no 2018-1021 du 23 novembre 2018, dite « loi Elan » (§ II).

Le droit commun

La durée

La durée initiale du bail meublé est d’au moins un an (L. 1989, art. 25-7, al. 2). Si aucune des deux parties ne délivre un congé, le bail arrivé à son terme sera tacitement reconduit pour une durée d’un an. La durée du bail peut être réduite dans certaines situations. Lorsque la location est consentie à un étudiant, la durée de la location peut être ramenée à neuf mois et la clause de tacite reconduction est inapplicable (L. 1989, art. 25-7, al. 4). Lorsque le bailleur est titulaire d’un bail commercial venant à expiration ou lorsque la cessation d’activité est prévue, la durée du contrat peut être inférieure à un an (CCH, art. L. 632-1, I).

Les congés

Le préavis
Le locataire peut donner congé à tout moment, sous réserve de respecter un préavis d’un mois, y compris lorsque la durée du bail est réduite à neuf mois (L. 1989, art. 25-8). Le bailleur ne peut donner congé que pour le terme du bail, moyennant un préavis de trois mois. Pendant le préavis, le locataire n’est redevable du loyer et des charges que pour le temps pendant lequel il a réellement occupé le logement si le congé émane du bailleur. S’il est à l’origine du congé, le locataire est redevable de l’intégralité du loyer et des charges de la période de préavis, sauf si le logement se trouve occupé avant la fin du bail en accord avec le bailleur. À l’expiration du préavis, le locataire est déchu de tout titre d’occupation du logement.
Les motifs du congé
Contrairement au locataire qui n’a pas à motiver son congé, le bailleur doit justifier son refus de renouvellement par sa décision de reprendre le logement pour l’occuper lui-même ou un membre de sa famille ; par sa décision de vendre le logement ou par un motif sérieux et légitime (L. 1989, art. 25-8). Le locataire âgé de plus de soixante-cinq ans et dont les ressources annuelles sont inférieures au plafond déterminé doit bénéficier d’une offre de relogement (L. 1989, art. 25-8, II). Il existe quelques différences par rapport à la location nue. D’une part, le congé pour vente ne déclenche pas l’ouverture d’un droit de préemption au profit du locataire, d’autre part, le congé pour reprise n’est ouvert qu’au bailleur personne physique et ne peut profiter à l’associé d’une société civile familiale.

Le bail mobilité

Les règles applicables au bail mobilité s’écartent du droit commun applicable à la location meublée tant concernant sa durée (A) que son terme (B). Un tableau nous permettra de mettre en évidence les caractéristiques propres et communes du bail mobilité, de la location meublée ordinaire et de la location saisonnière (C).

La durée du bail mobilité

Il s’agit de la disposition de la loi Elan « censée incarner le bail mobilité ». Une fois fixée, elle ne peut faire l’objet que d’une modification strictement encadrée, avant que le relais ne soit éventuellement pris par le régime de la location meublée en résidence principale.
La durée initiale
Le bail mobilité est conclu pour une durée comprise entre un et dix mois. Les parties peuvent ainsi prévoir une durée inférieure à un an et, sous réserve de la limite instaurée par le législateur, décider également du nombre de mois. La durée était déjà ramenée à neuf mois pour les locataires étudiants, mais la loi Elan va plus loin et est venue introduire une souplesse indéniable dans le périmètre de la location meublée, nécessitée par la mobilité professionnelle du locataire. Cette durée pourrait-elle être exprimée en semaines ? Un auteur remarque que : « Le sujet peut sembler dérisoire mais, en pratique, il n’est pas rare de trouver des stages ou des missions courtes exprimées en semaine ». Il serait étonnant que la jurisprudence fasse une application stricte du texte et s’en tienne à une durée de mois à mois, alors même que l’idée est de soutenir la mobilité. Cette durée n’est ni renouvelable ni reconductible, mais peut être modifiée une fois.
Une seule prorogation possible
La durée du contrat de location « peut être modifiée une fois par avenant sans que la durée totale du contrat ne dépasse dix mois ». Cet ajout a été apporté sur avis du Conseil d’État, qui a mis en avant « l’objectif de souplesse qui justifie la mesure, pour répondre aux hypothèses dans lesquelles le besoin de logement du locataire a légèrement évolué et où le propriétaire est disposé à maintenir son bien en location en conséquence ».

Point d’attention

Un seul renouvellement, une seule prorogation (il sera peut-être prudent de retenir cette dernière formulation étant donné la fermeté qui ressort du premier alinéa de l’article L. 25-14 de la loi de 1989) est permis(e) à l’intérieur de la durée comprise entre un et dix mois.
Exemple : il peut être conclu un bail de deux mois, qui sera à son terme renouvelé pour une durée de huit mois.
Il ne peut donc être conclu deux avenants pour proroger un bail mobilité, quand bien même la durée totale des baux successifs n’excéderait pas dix mois, puisqu’un seul avenant peut être conclu. La règle n’a pas été calquée sur celle que nous connaissons s’agissant des baux dérogatoires au statut des baux commerciaux.
Le relais pris par la location meublée en résidence principale
Le bail n’étant ni renouvelable ni reconductible, « si, au terme du contrat, les parties concluent un nouveau bail portant sur le même logement meublé, ce nouveau bail est soumis aux dispositions du titre Ier bis ». On comprend que le législateur n’entend pas faire perdurer une situation qui est vue comme une exception à la location meublée en résidence principale, régie par les dispositions prévues sous le titre Ier bis de la loi du 6 juillet 1989. Celle-ci prend donc le relais au terme du bail mobilité, qui aura été éventuellement prorogé une fois.

La fin du bail mobilité

Le bail prend fin par l’arrivée du terme prévu au contrat (I), par le congé du locataire (II), ou par la résiliation pour inexécution des conditions du bail (III).
L’arrivée du terme
La survenance du terme prévu au contrat initial, ou dans un avenant, met fin au bail mobilité. Le locataire devient alors occupant sans titre et doit quitter le logement, sauf à ce qu’un bail meublé en résidence principale, relevant du titre I bis de la loi du 6 juillet 1989, soit conclu. La règle de la non-reconduction / non-renouvellement du bail invite le locataire à anticiper le terme et à se rapprocher du bailleur en amont, dans l’éventualité où il souhaiterait conclure un avenant ou un bail d’une autre forme.
Le congé donné par le locataire
Le locataire peut résilier le bail mobilité à tout moment, mais il doit respecter un délai de préavis d’un mois et les trois formes prévues pour tout congé de logement d’habitation. Le délai de préavis court à partir du jour de la réception de la lettre recommandée par le propriétaire, ou de la signification de l’acte du commissaire de justice, ou de la remise en main propre. Le dispositif de l’article 25-15 (L. 6 juill. 1989) est spécifique au bail mobilité, même s’il est calqué sur les règles de la loi du 6 juillet 1989. En cas de difficultés d’application de cet article, il sera donc utile de se reporter à ces règles.
La résiliation pour inexécution des conditions du bail
On imagine assez bien que le bail mobilité prévoira le plus souvent, sinon toujours, une clause résolutoire pour inexécution des conditions du bail. Elle conserve un intérêt limité en raison de la courte durée du bail, mais certain dans la mesure où :
  • stipulée dans l’intérêt du bailleur, elle peut ambitionner de régler avec clarté les problèmes de défaillance d’un locataire ;
  • elle n’est pas réglementée comme l’est la clause résolutoire insérée dans un bail meublé en résidence principale. Le droit commun des contrats régit la clause résolutoire d’un bail mobilité, sous les réserves de l’article 4 et 7 de la loi du 6 juillet 1989 qui, elles, s’appliquent par renvoi de l’article 25-12.
Si, par contre, le contrat reste muet sur la question de l’inexécution de l’une ou plusieurs des conditions du bail, la partie lésée peut invoquer le droit commun de la responsabilité contractuelle, et par exemple le jeu de la résolution prévue à l’article 1217 du Code civil.

Comparaison du bail mobilité avec ses principaux concurrents

Le bail mobilité est souvent comparé avec ses deux principaux concurrents que sont la location meublée ordinaire et la location saisonnière. Le présent tableau est destiné à mettre en évidence leurs caractéristiques propres et communes :
Le site de l’Anil propose un dossier complet sur le bail mobilité, que l’on peut consulter ici :
https://www.anil.org/bail-mobilite">Lien
– Conclusion : le bail mobilité, un dispositif à améliorer pour accroître son attractivité. – Il ne semble pas exister pour le moment de statistiques permettant de constater si le bail mobilité a rencontré son public ou non. Il faudra sûrement attendre quelques années encore pour l’apprécier, en sachant que les effets bénéfiques d’une loi peuvent prendre du temps. La réussite de ce nouveau dispositif est fortement espérée, car il s’agit d’une mesure emblématique de la loi Elan. Il lui faut trouver une place à la hauteur de l’enjeu bien identifié de la mobilité, entre les deux autres types de location meublée. La location touristique est souple car non lourdement réglementée par une loi spéciale, lucrative étant donné la forte demande constatée, et connaît ainsi un attrait certain. La location meublée « classique » s’est également bien installée. Mais le bail mobilité dispose-t-il d’atouts suffisants pour être pleinement concurrentiel ?
Sur la méthode, comme le souligne un auteur, « on peut se demander s’il n’aurait pas été plus pertinent d’établir un nouveau statut locatif ex nihilo détaché de la loi de 1989, ou alors, inversement, de se contenter de modifier quelques dispositions clefs sur l’exemple de la location étudiante, plutôt que d’adjoindre un nouveau titre I à un texte qui prend de plus en plus les allures d’un code. Des retouches du titre Ier bis auraient, par exemple, été envisageables, le bail mobilité étant proche de la location meublée avec certaines spécificités ». D’autant plus que les multiples renvois à la loi du 6 juillet 1989, pas toujours habiles, venant parfois contredire d’autres dispositions d’ordre public spécialement prévues par le statut du bail mobilité, peuvent créer de la confusion. Le risque est de créer des difficultés d’interprétation dommageables à ce type de bail. Ces difficultés risquent également d’être remarquées s’agissant, on l’a vu, des cas de mobilité. Leur interprétation restrictive risquerait de restreindre le champ d’application du bail mobilité, et donc son intérêt.
Sur le fond, la possibilité de prévoir un bail d’une durée de moins d’un an, et flexible eu égard à la liberté de prévoir n’importe quelle durée entre un et dix mois, apporte une souplesse bienvenue :
  • pour le locataire en mobilité, d’autant que les avantages découlant de ce statut semblent dans son camp (absence de dépôt de garantie, pas de solidarité entre les colocataires, possibilité de résilier le bail avec un préavis d’un mois, etc.). Une nuance doit être apportée : passé dix mois, ce statut ne peut plus être utilisé ;
  • pour les propriétaires, notamment pour ceux qui n’occupent un logement qu’une partie de l’année. Mais les conditions du statut du bail mobilité, qui profitent plutôt au locataire, paraissent déséquilibrées et risquent d’amoindrir l’intérêt pour un bailleur de recourir à un statut qui lui est finalement plus contraignant que bénéfique. Rappelons que c’est lui qui décidera de la mise en location et du type de locataire recherché.
En témoignent les conditions financières du bail, et notamment les mécanismes d’encadrement des loyers à la relocation et de l’évolution des loyers, alors même que conclure des baux de courte durée nécessite une gestion importante et coûteuse, comparé à une location meublée ordinaire qui peut durer plusieurs années. Une nouvelle rédaction des articles de la loi du 6 juillet 1989 relatifs au bail mobilité, qui apporterait de la clarté et serait l’occasion de rééquilibrer les rapports entre bailleur et locataire d’un tel bail, nous semble à préconiser.