Le logement détenu en propriété

Le logement détenu en propriété

– La propriété, c’est la sécurité... – Les résidences principales sont occupées à 57,6 % par leurs propriétaires, part stable depuis 2010. La part des propriétaires sans charge de remboursement s’est sensiblement accrue jusqu’en 2010 (38 %, contre 27 % en 1982), en partie sous l’effet du vieillissement de la population, avant de se stabiliser jusqu’en 2017 puis de légèrement diminuer (37,3 % en 2022).
4 % des ménages sont propriétaires quand la personne de référence a moins de 25 ans, 20 % lorsqu’elle a entre 25 et 29 ans et 46 % entre 30 et 39 ans. Cette part est maximale entre 70 et 79 ans, à 75 %.
Ces chiffres montrent bien une certaine appétence pour la propriété : même si le contraire a parfois été soutenu, le logement n’est pas un simple bien de consommation, réductible à sa seule valeur d’usage. Sa propriété apporte autre chose : la sécurité (réelle ou ressentie). Devenir propriétaire est un acte qui va au-delà du simple calcul financier. C’est bien sûr un investissement et l’espoir d’une plus-value, mais aussi la constitution d’un patrimoine à transmettre, et surtout une assurance en prévision de la retraite (sous diverses réserves néanmoins, notamment celle de pouvoir monétiser ce logement [ V. à ce sujet les développements de la 3e Commission de notre Congrès ]).
– … mais cette sécurité coûte de plus en plus cher. – Outre l’investissement qui permet « d’épargner son loyer », s’ajoutent les frais d’acquisition, les charges de fonctionnement et d’entretien et les travaux de rénovation, notamment énergétique. L’économiste Jacques Friggit démontre que le coût de l’acquisition par rapport au revenu disponible par ménage est devenu si élevé que le pouvoir d’achat immobilier des ménages primo-accédants a fortement baissé, une première fois au cours des années 1980, et surtout dans la première décennie du XXI e siècle où il a atteint un niveau historiquement bas.
La part des propriétaires dits accédants (ayant encore une charge de remboursement) stagne depuis une quinzaine d’années aux alentours de 20 %, possiblement en lien avec l’allongement des durées d’emprunt, selon l’Insee.
Est-ce à dire, dès lors, qu’être propriétaire est un rêve de moins en moins accessible, ce qui sous-entendrait que l’on ne reste locataire que par défaut de moyens suffisants pour accéder à la propriété ? Cette affirmation est en grande partie exacte, mais elle mérite cependant d’être relativisée.

Prix des logements et loyers – Indicateur de pouvoir d’achat immobilier des ménages – Indices de loyer

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Evolution comparée du prix des logements et des revenus des ménages : le « tunnel de Friggit »
Les commentaires de l’auteur de ce tableau sont les suivants :
« Depuis le milieu des années 1970, l’indice des loyers observés par l’Insee à structure constante, rapporté au revenu disponible par ménage, est resté presque constant : il a évolué dans un “tunnel” horizontal de largeur 20 %. Cf. la courbe bleue sur le graphique. Cf. également cette présentation sur l’évolution des loyers et des revenus sur le long terme. De 1965 à 2000, de même, l’indice du prix de vente des logements est resté très stable par rapport au revenu par ménage, évoluant approximativement dans le même “tunnel”. Depuis 2002, en revanche, il est sorti de ce “tunnel”, croissant fortement puis se stabilisant à partir de 2008 à un niveau environ 70 % plus élevé et enfin reprenant sa croissance à partir de 2021. Cf. la courbe noire sur le graphique ».
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Indicateur de pouvoir d'achat immobilier des ménages
Ce graphique représente l’indicateur de pouvoir d’achat immobilier, c’est-à-dire la quantité de logement ancien que le ménage peut acheter, pour un taux d’effort (mensualité rapportée au revenu) donné, en base T1 2000=1.
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Evolution comparée des loyers et des revenus des ménages
Source : www.cgedd.fr/prix-immobilier-friggit.docx">Lien
– Du rêve à la réalité. – « Faire de la France une France de propriétaires » ! Cet objectif de la politique publique du logement a été proclamé à trois reprises au moins à la fin du XX e siècle, et s’est traduit dans les faits par diverses aides allouées par l’État pour favoriser l’accession à la propriété. Comment pareille proposition n’emporterait-elle pas, d’ailleurs, l’adhésion la plus large, alors qu’encore au début du XXI e siècle, 89 % des ménages déclaraient vouloir accéder à la propriété de leur logement ? Louable objectif mais qui, l’on s’en aperçoit bien aujourd’hui, ne peut pas concerner la frange la plus modeste de la population française, et moins encore celle qui se trouve déjà en situation de précarité. C’est pourquoi, réfléchissant à une réorientation de la politique du logement, un auteur écrivait dès 2007 : « Une telle orientation [ vers l’accession à la propriété ] ne saurait remplacer les besoins d’une offre locative accessible beaucoup plus étendue que celle que nous connaissons aujourd’hui ». Ce que nous traduirions volontiers par cette proposition : il est d’intérêt général de préserver et d’enrichir la diversité des voies ouvertes pour accéder au logement.
– Diversité des parcours résidentiels. – Cette diversité des voies d’accès au logement se répercute sur ce qu’il est convenu d’appeler « les parcours résidentiels ». Le parcours le plus classique débute par la location d’un logement et se poursuit par l’acquisition de celui-ci. Mais ce modèle n’est pas unique. Il est souvent court-circuité par de jeunes accédants à la propriété qui, au fil de leur existence et de leurs besoins, revendront et rachèteront leur logement. À l’opposé, certains n’auront jamais les moyens de devenir propriétaires ; d’autres encore n’en auront simplement pas envie, considérant que leurs perspectives personnelles et professionnelles s’accommoderaient mal de la propriété d’un logement fixe auquel s’attachent de nécessaires contraintes (impôts fonciers, charges de copropriété, travaux d’entretien et de réparation, etc.). Entre ces deux tendances, et face au constat d’une accession à la propriété de plus en plus complexe financièrement, se développent des idées d’accession alternative. Par exemple en partageant le poids de l’accession avec d’autres investisseurs, ou encore en fragmentant le droit de propriété immobilière par diverses techniques juridiques permettant d’en faire reposer le coût sur plusieurs intervenants pendant une longue période.
– Tous ces choix sont respectables. – Tous, en effet, relèvent de l’exercice de la liberté individuelle. Tous méritent donc d’être accompagnés par le Droit. Par quels moyens le Droit prend-il en charge cet accompagnement ? Pourrait-il le faire mieux ? Ou le faire autrement ? Telles sont les questions auxquelles cette Commission tente de répondre.