– Définition. – Créé par la loi no 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, dite « loi Besson », le bail à réhabilitation est défini comme « le contrat par lequel soit un organisme d’habitations à loyer modéré, soit une société d’économie mixte dont l’objet est de construire ou de donner à bail des logements, soit une collectivité territoriale, soit un organisme de foncier solidaire, soit un organisme bénéficiant de l’agrément relatif à la maîtrise d’ouvrage prévu à l’article L. 365-2 s’engage à réaliser dans un délai déterminé des travaux d’amélioration sur l’immeuble du bailleur et à le conserver en bon état d’entretien et de réparations de toute nature en vue de louer cet immeuble à usage d’habitation pendant la durée du bail ». Une circulaire précise que le but poursuivi par le législateur est de permettre aux propriétaires d’immeubles anciens et parfois délaissés du parc de logements privés de contribuer à la politique du logement social en confiant sa réhabilitation à des bailleurs sociaux. Néanmoins, la liste restreinte des bailleurs possibles et l’étroitesse de son objet ont fait obstacle à l’expansion de la formule, quoique plusieurs auteurs militent pour une meilleure connaissance et une meilleure utilisation de cet outil.
Le bail à réhabilitation
Le bail à réhabilitation
– Une évolution positive et innovante pour l’accession locative au logement. – Aucun doute n’existe quant à la possibilité de conclure un bail à réhabilitation sur un lot de copropriété, logement par logement. En effet, le problème de la maîtrise d’ouvrage est réglé puisqu’il n’est plus ici question de construire, mais simplement de réhabiliter. On est donc en présence d’un outil d’accession à la propriété d’un logement opérant une dissociation économique de sa valeur du logement de manière que nous avons qualifiée de « verticale », c’est-à-dire entre un porteur foncier, d’une part, et un accédant à la propriété du logement, d’autre part. L’objet du bail à réhabilitation est néanmoins clairement limité à l’accession locative. Nous envisagerons ses principales caractéristiques (Sous-section I) avant d’aborder son régime juridique (Sous-section II).
Caractéristiques
Un bail constitutif de droit réel
Le bail à réhabilitation entre dans la catégorie des baux constitutifs de droits réels, ainsi que l’énonce l’article L. 252-2 du Code de la construction et de l’habitation. Le droit conféré peut être cédé, hypothéqué et même saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière. Deux particularités doivent néanmoins être notées :
– La durée du droit. – Contrairement aux autres baux constitutifs de droit réel dont la durée minimale est de dix-huit ans, le bail à réhabilitation peut être conclu pour une durée comprise entre douze et quatre-vingt-dix-neuf ans. Lorsque le coût de la réhabilitation n’est pas trop important, il n’est pas nécessaire de faire durer le bail au-delà du temps nécessaire à l’amortissement financier de ces travaux. Ce n’est que lorsque le coût des travaux est important que la durée du bail doit être plus longue. Cette remarque pourrait, d’ailleurs, inciter le législateur à aligner la durée de tous les baux constitutifs de droit réel sur ce délai minimum de douze ans.
– La cession du droit. – Seul un organisme susceptible d’avoir la qualité de preneur d’un bail à réhabilitation peut être cessionnaire des droits résultant d’un tel bail. La cession nécessite l’accord du bailleur. Cette particularité déroge à la règle habituellement respectée pour les baux constitutifs de droit réel, qui est la liberté de cession de son droit par le preneur. On peut supposer que cette exception a été aménagée pour permettre un contrôle, par le bailleur, de la qualité du cessionnaire ; elle n’en trouble pas moins le paysage jusqu’alors cohérent des baux constitutifs de droits réels.
Une réhabilitation
– Objet indispensable du bail. – L’objet du contrat est obligatoirement la réhabilitation d’un immeuble en vue de sa location à usage d’habitation. Mais qu’est-ce qu’une réhabilitation ? La réhabilitation peut être définie comme le fait de mettre ou remettre un immeuble en état d’habitabilité, sans pour autant réaliser des constructions neuves. La notion est bien connue de la fiscalité, tant au titre de la TVA immobilière qu’au titre des droits d’enregistrement, et du droit privé pour distinguer la vente en état futur d’achèvement de la vente d’immeuble à rénover.
– Absence de définition certaine. – Mais définir la réhabilitation par opposition à ce qu’elle n’est pas (une construction neuve) n’embrasse pas tous les cas particuliers susceptibles de se présenter. Par ailleurs, compte tenu de l’objet particulier de ce bail à réhabilitation, est-il possible que la réalisation de constructions neuves soit incluse dans une opération qualifiée, en son ensemble, d’opération de réhabilitation ? Comble du manque de clarté, l’article L. 252-1 du Code de la construction et de l’habitation utilise le terme de « travaux d’amélioration » pour définir le bail à réhabilitation… Les rédacteurs du texte semblent s’être davantage attachés à l’existence de l’immeuble, qu’il ne s’agit pas de construire mais d’améliorer ou de réhabiliter pour le rendre habitable, et au fait que le contrat « indique la nature des travaux, leurs caractéristiques techniques et le délai de leur exécution ». Dès lors, on doit concevoir la réhabilitation comme une notion relativement souple, la limite à ne pas franchir étant la construction d’un immeuble neuf, auquel cas le contrat serait susceptible de requalification.
La qualité du preneur
– Liste limitative. – Le propriétaire de l’immeuble peut être toute personne physique ou morale de droit privé comme de droit public, mais le preneur doit être une des personnes morales contribuant à la réalisation de logements sociaux, listées par l’article L. 252-1 du Code de la construction et de l’habitation, savoir :
- soit un organisme d’habitations à loyer modéré ;
- soit une société d’économie mixte dont l’objet est de construire ou de donner à bail des logements ;
- soit une collectivité territoriale ;
- soit un organisme de foncier solidaire (depuis la loi 3DS) ;
- soit, enfin, un organisme bénéficiant de l’agrément relatif à la maîtrise d’ouvrage prévu à l’article L. 365-2 du même code.
Cette liste est limitative.
– Conventionnement APL. – En outre, le preneur doit avoir passé une convention APL prévue à l’article L. 831-1 du Code de la construction et de l’habitation dont la date d’expiration est identique à celle de ce bail, condition de la prise d’effet du bail à réhabilitation, ce qui permet de garantir que dès l’origine du contrat et pour la durée de celui-ci l’immeuble est éligible à l’aide personnalisée au logement (APL) instituée par l’article L. 351-1 du même code.
Régime juridique
– Une certaine simplicité. – Le régime juridique du bail à réhabilitation est relativement simple : nous ne commenterons pas les obligations du preneur relatives à l’entretien et aux réparations (le preneur est considéré comme le propriétaire, sauf la possibilité de récupérer les charges locatives et d’exiger des locataires d’habitation les réparations dites « locatives »), ni au paiement de son loyer. Nous insisterons, en revanche, sur les deux principaux apports de la loi Alur : la prise en compte du statut de la copropriété (§ I) et le sort des baux d’habitation conclus par le preneur (§ II).
Copropriété et bail à réhabilitation
– Premier bail constitutif de droit réel pouvant légalement porter sur un lot de copropriété. – Innovation importante apportée par la loi Alur : un bail à réhabilitation peut légalement s’appliquer aux immeubles soumis au statut de la copropriété, et porter sur un ou plusieurs lots. Ce principe étant posé par l’article L. 252-1 du Code de la construction et de l’habitation, l’article L. 252-1-1 en tire les conséquences en prévoyant très clairement et simplement que :
- le preneur est de droit le mandataire commun prévu par l’article 23 de la loi de 1965 relative au statut de la copropriété ;
- le preneur peut recevoir plus de trois délégations de vote des bailleurs par effet de cette disposition ;
- le preneur du bail à réhabilitation supporte seul, pendant la durée du bail, toutes les provisions de charges prévues ;
- mais le preneur mandataire commun doit « disposer d’un mandat exprès du bailleur avant de voter sur les décisions relatives à des travaux de toute nature qui ne sont pas mis à la charge du preneur par le contrat de bail à réhabilitation et dont la prise en charge n’est pas prévue dans le bail à réhabilitation ou dont le paiement n’incombera pas à titre définitif au preneur ».
Le bail à réhabilitation doit préciser la répartition des charges en fin de bail et le sort des avances et provisions appelées pendant la durée du bail à réhabilitation ainsi que des régularisations de charges intervenant après la fin du bail, clauses qui sont inopposables au syndicat des copropriétaires.
Lien avec le statut des baux d’habitation
– Prise en compte du bail d’habitation à l’expiration du bail à réhabilitation. – À l’origine, le preneur était tenu de restituer l’immeuble au bailleur libre de toute location ou occupation, ce qui posait inévitablement quelques difficultés pour un dispositif à vocation sociale. Après deux modifications successives apportées par la loi ENL puis par la loi Alur, l’article L. 252-4 du Code de la construction et de l’habitation énonce désormais les règles applicables. Il revient à la loi Alur d’avoir envisagé un cas particulier : celui du bailleur occupant. L’idée est la suivante : le propriétaire d’un logement dans l’incapacité de faire face aux dépenses nécessaires à sa réhabilitation consent un bail à réhabilitation à un organisme apte à cette mission. Néanmoins, il reste occupant de son logement, l’organisme preneur lui consentant un bail conforme aux conditions prévues pour les logements sociaux.
On relèvera que si le bailleur n’a pas proposé un bail d’habitation au locataire occupant, le preneur du bail à réhabilitation doit reloger ce locataire. Le texte précise que le non-respect de cette obligation de la part du preneur est inopposable au bailleur qui ne peut donc se trouver dans l’obligation de conserver un locataire occupant sans l’avoir lui-même proposé.
L’article L. 252-5 du Code de la construction et de l’habitation dispose enfin que : « Le locataire qui n’a ni conclu le contrat de location proposé par le bailleur ni accepté l’offre de relogement faite par le preneur est déchu de tout titre d’occupation sur le logement à l’expiration du bail à réhabilitation ».
Le sort des baux consentis par le preneur d’un bail à réhabilitation : CCH, art. L. 252-4
« I. – Un an avant l’expiration du bail à réhabilitation, le preneur rappelle au bailleur et au locataire les dispositions des II et III du présent article.
II. – Six mois avant l’expiration du bail à réhabilitation, le bailleur peut, s’il est occupant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, informer le preneur de son intention de prolonger le bail à réhabilitation.
Dans le même délai, le bailleur qui n’est pas occupant peut proposer au locataire un nouveau bail prenant effet au terme du bail à réhabilitation.
La notification reproduit les dispositions du présent II et de l’article L. 252-5.
III. – Trois mois avant l’extinction du bail à réhabilitation, le preneur propose au locataire qui n’a pas conclu un nouveau bail avec le bailleur et qui remplit les conditions de ressources fixées par décret la location d’un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités.
Le non-respect de cette obligation par le preneur est inopposable au bailleur.
Au terme du bail à réhabilitation, le preneur est tenu de restituer au bailleur l’immeuble libre de location et d’occupation ».
– Rôle clé des bailleurs sociaux. – Tout l’équilibre de cette sortie du bail à réhabilitation réside donc dans le rôle des bailleurs sociaux pour protéger le locataire et préserver les droits du bailleur sans le forcer à conserver un locataire qu’il n’aurait voulu. Cette obligation subsidiaire de relogement peut être une contrainte lourde pour certains bailleurs sociaux ne disposant pas de suffisamment de souplesse dans leur parc locatif. Pour cette raison, la circulaire n° 91-23 du 28 janvier 1991 précise qu’il est préférable que dès la conclusion du bail à réhabilitation les parties, bailleur ou preneur du bail, examinent et mettent en place les solutions à proposer aux locataires à l’issue du bail à réhabilitation, le maintien dans les lieux par conclusion d’un nouveau bail avec le locataire apparaissant bien entendu comme la solution à privilégier.