Des éléments de solution se présentent en droit positif (§ I) tandis que des suggestions ont été formulées en droit prospectif (§ II).
Éléments de solution
Éléments de solution
Les solutions du droit positif
Elles peuvent résider en la stipulation d’usufruits successifs (A), ou en la constitution d’une société (B).
Constitution d’usufruits successifs
– Une parade possible. – À cet inconvénient est la constitution ab initio d’usufruits successifs. Si le premier usufruitier veut éviter que l’usufruit acquis s’éteigne avec lui dans l’hypothèse où il décéderait avant l’écoulement de la période « acquise », il lui faudra faire acquérir simultanément un ou plusieurs usufruits successifs sur la tête de tiers tels que son conjoint, ses enfants ou des proches. Cela suppose cependant l’identification immédiate de tous les acquéreurs.
Constitution d’une société
– Une solution aux effets limités. – Faire constituer aux accédants une société pour acquérir l’usufruit permet de s’affranchir du caractère viager de ce droit, qui est propre aux personnes physiques. L’accédant serait alors titulaire de parts sociales librement cessibles et transmissibles. Mais, outre une complexité accrue, cette solution se heurte à deux autres limites : d’une part, la limite temporelle des trente ans, fixée à l’article 619 du Code civil ; d’autre part, la restriction au seul usufruit, le droit d’usage et d’habitation ne pouvant avoir pour titulaire qu’une personne physique, seule apte à utiliser et habiter le bien qui en fait l’objet. Elle implique enfin l’intervention de deux associés au moins lors la constitution de la société.
Les suggestions du droit prospectif
Une brève réflexion prospective fait entrevoir deux possibilités d’évolution, l’une sur un fondement jurisprudentiel (A), l’autre pouvant résulter d’une adaptation de la législation (B).
Évolution possible en direction du droit réel de jouissance spéciale
– Fondement jurisprudentiel. – Dans un arrêt du 28 janvier 2015, la Cour de cassation indique : « Lorsque le propriétaire consent un droit réel, conférant le bénéfice d’une jouissance spéciale de son bien, ce droit, s’il n’est pas limité dans le temps par la volonté des parties, ne peut être perpétuel et s’éteint dans les conditions prévues par les articles 619 et 625 du Code civil ». Cet arrêt a été suivi du fameux arrêt dit Maison de Poésie II
qui pose quant à lui qu’un droit réel de jouissance spéciale consenti à une fondation est doté d’une durée déterminée et donc valable dès lors qu’il est prévu précisément pour la durée de la fondation. Il en résulte que, par le biais des droits réels de jouissance spéciale, il serait possible de déroger, par une clause claire, aux principes posés par les articles 619 (usufruit) et 625 (droit d’usage et d’habitation) du Code civil, mais à condition toutefois, si ce droit réel de jouissance spéciale octroie des utilités proches de celles d’un usufruit (et non d’une servitude), que ce droit reste limité dans le temps.
– Un usufruit à durée fixe mais non viagère. – Il convient d’être prudent quant à la portée de cette jurisprudence. Elle signifie clairement que lorsque le titulaire du droit de jouissance spéciale est une personne morale, la durée de ce droit n’est pas enfermée dans la limite de trente ans imposée par l’article 619 du Code civil dans le cas d’un usufruit. La question se pose alors en doctrine de savoir s’il serait possible d’aller au-delà, et d’imaginer, par exemple, un droit réel de jouissance stipulé au profit d’une personne physique, pour une durée fixe (dans notre exemple, de vingt ans) et non viagère. L’avantage résiderait évidemment dans la transmissibilité du droit de jouissance spéciale ainsi créé aux héritiers, pour la durée restant à courir, en cas de décès prématuré de son titulaire. Certains auteurs ouvrent la porte à la validation de telles conventions. Pour autant, la doctrine majoritaire reconnaît que la question présente encore d’importantes incertitudes dont la pratique ne peut guère se satisfaire, puisque c’est là le point clé du dispositif envisagé… et de son financement !
Création, par la loi, d’un usufruit sans caractère viager
– Institution d’un usufruit non viager. – Reste une possibilité, peu étudiée à ce jour. Il s’agirait, au prix d’une réforme du Code civil, de permettre la constitution d’un usufruit à durée fixe, mais dépourvu de caractère viager. Les parties devraient, par une clause claire et précise, écarter conventionnellement cette caractéristique de l’usufruit, qui deviendrait alors transmissible à titre gratuit ou onéreux, pour la durée restant à courir au jour de la transmission.