Durée de la convention

Durée de la convention

La réforme de 1976 a laissé subsister le principe fondamental de précarité de l’indivision : nul ne doit demeurer « prisonnier » de celle-ci. Le principe est donc qu’il est toujours possible de demander le partage. Le fait de déterminer ou non la durée de la convention a seulement un impact sur la recevabilité de la demande de partage :
  • si la durée de la convention d’indivision est déterminée, la volonté de maintien, bien que limitée dans le temps, apparaît ferme et l’action en partage n’est recevable que si elle est soutenue par de justes motifs ;
  • si sa durée est indéterminée, la volonté de maintien, certes réelle, est moins forte, et l’action en partage demeure recevable en son principe, sauf à ne pas être intentée de mauvaise foi ou à contretemps.
Cette question de la durée de la convention est donc un point clé, et nous distinguerons naturellement les conventions à durée déterminée (Sous-section I) et celles à durée indéterminée (Sous-section II).

Les conventions à durée déterminée

– Limitation à cinq ans. – Si la durée de la convention d’indivision est déterminée, elle ne peut pas être supérieure à cinq ans. Pendant cette durée, le partage ne peut pas être demandé, sauf justes motifs. Cette limitation est motivée par le caractère nécessairement précaire de l’indivision : vouloir une convention plus longue rapprocherait par trop l’indivision du contrat, plus engageant, de société, réglementé par le titre précédent du Code civil.
Lorsque la convention prend fin, le régime de l’indivision légale régi par les articles 815 et suivants du Code civil redevient applicable.
L’appréciation des « justes motifs » susceptibles de fonder une demande en partage malgré la durée déterminée de la convention relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond. Mais on peut penser qu’il sera difficile de trouver un juste motif pour un coïndivisaire investisseur aux côtés de l’accédant occupant qui respecterait l’ensemble de ses obligations.
– Renouvellement par décision expresse. – La convention peut être renouvelée par décision expresse des parties. La durée supplémentaire doit être décomptée dès la date de cette décision, et non à partir du jour où la durée initiale aurait dû expirer.
Les parties peuvent procéder à autant de renouvellements qu’elles le souhaitent, dès lors que la durée de leur engagement n’est jamais portée à plus de cinq ans à un moment quelconque de la vie de la convention.
En matière immobilière, la publicité foncière de la convention d’indivision est obligatoire.
– Renouvellement par tacite reconduction. – La convention peut également se renouveler par tacite reconduction pour une durée déterminée ou indéterminée.
Cette faculté est très intéressante : elle permet notamment de conclure la convention pour cinq ans renouvelables pour des durées successives de cinq ans.
L’intérêt d’un renouvellement par tacite reconduction pour une durée déterminée ou indéterminée est, bien entendu, de maintenir en activité les dispositions de la convention d’indivision. Cela permet aussi d’influer sur la recevabilité de l’action en partage, comme indiqué ci-dessus.
La règle de la tacite reconduction implique cependant qu’un indivisaire puisse manifester sa volonté de s’y opposer : il convient donc que la convention règle la forme et le délai de préavis de cette opposition.
– Transformation en convention à durée indéterminée. – Dans certains cas, considérés par le législateur comme étant de nature à compromettre l’intérêt ou la viabilité de la convention originaire, la durée déterminée est automatiquement transformée en durée indéterminée. La raison en est un changement d’un des éléments considérés comme fondamentaux de l’accord initial.
Ces cas sont les suivants :
  • la révocation d’un gérant indivisaire ; la transformation se produit alors dès la révocation ;
  • lorsque, pour quelque cause que ce soit, une part indivise est dévolue à une personne étrangère à l’indivision. Ce cas concerne également celui d’une convention à durée déterminée conclue exclusivement entre titulaires de droits de même nature, usufruit ou nue-propriété, qui se transforme en convention à durée indéterminée si une personne titulaire d’un droit d’une autre nature, usufruitier par exemple, se trouve investie de la quote-part de l’une des parties originaires, nu-propriétaire par exemple, quelle que soit la cause de la transmission : acquisition amiable, exercice du droit de préemption subsidiaire ;
  • lorsqu’il n’a pas été prévu de faculté d’acquisition ou d’attribution ou que celle-ci est caduque, en conséquence de quoi la quote-part du défunt échoit à ses héritiers ou légataires ; la transformation s’opère alors à compter de l’ouverture de la succession.
– Possibilité d’une stipulation de non-transformation. – Dans le silence du texte, il semble que ces causes de transformation en convention à durée indéterminée ne sont pas d’ordre public. Il paraît donc possible de les aménager conventionnellement, voire de les écarter. Les parties pourraient donc souhaiter l’absence de toute transformation dans ces cas légaux, ou au contraire adopter une solution plus radicale telle qu’une résiliation de plein droit de la convention.
– Sanction du dépassement de la durée légale. – Comment traiter le cas d’une convention conclue pour une durée supérieure au maximum légal de cinq ans ? Certains y voient une prorogation à durée indéterminée, dont le point de départ serait la fin de la cinquième année. D’autres interprètent la volonté des indivisaires comme étant de renouveler par tacite reconduction la convention pour des périodes successives de cinq ans à l’expiration des cinq premières années. D’autres enfin considèrent qu’il convient simplement de ramener la durée de la convention à ce maximum légal, comme cela était de règle avant la loi de 1976. Cette dernière opinion nous semble préférable, car une reconduction doit toujours être expressément convenue, ce qui, en l’espèce, n’est pas le cas.

Les conventions à durée indéterminée

– Volonté des parties. – Outre les cas ci-dessus évoqués de transformation automatique d’une convention à durée déterminée en durée indéterminée, il est bien sûr possible de convenir d’une durée indéterminée soit dès l’origine, soit dans le cadre d’une tacite reconduction.
– Demande en partage. – Pareille convention met en place une organisation de l’indivision plus stable que celle établie par le régime légal. Il n’y a alors pas de problème de renouvellement, et l’instabilité théorique de la convention, résultant de la faculté d’une partie de demander à tout moment le partage, est limitée par la recevabilité de cette action qui ne doit pas être introduite de mauvaise foi ou à contretemps.
L’appréciation des juges est sur ce point souveraine, en particulier lorsqu’il est argué que la demande intervient à contretemps. Une décision a rejeté une demande en partage comme étant à contretemps au motif qu’elle portait sur des droits sociaux conférant vocation à la jouissance de locaux et à leur attribution ultérieure en propriété et que cette demande avait été faite au cours de la période de jouissance, c’est-à-dire à une époque où la cession de ces mêmes droits ne pouvait avoir lieu pour un prix supérieur à leur valeur nominale.