Un régime matrimonial légal supplétif de volonté

Un régime matrimonial légal supplétif de volonté

Il est difficile d'identifier historiquement avec certitude l'origine du régime supplétif de volonté en matière de régime matrimonial (§ I). Ce régime a toutefois été consacré par Napoléon (§ II).

Une origine difficilement identifiable

Il est difficile de déterminer l'origine du mécanisme consistant à appliquer une règle à une personne qui n'exprime pas de volonté particulière.
Des auteurs identifient les prémices du régime supplétif de volonté dès l'Ancien Régime (1500-1800), car les époux étaient libres de choisir leur régime matrimonial (sauf en Normandie) et qu'à défaut de choix, et même de contrat, ils étaient considérés avoir tacitement choisi le régime du lieu de leur premier domicile conjugal (lex rei sitae).
Finalement, le régime supplétif n'est-il pas inhérent au droit coutumier, qui est un droit territorial ? Le droit qui s'applique est celui de la tribu, celui des usages, le seul qui est connu des époux et de leur famille. L'expression d'un choix n'était pas nécessaire car il n'existait pas de solution alternative, pas de choix.
Le régime supplétif de volonté ne trouverait-il pas son explication dans cette conception territoriale du droit coutumier, majoritairement appliqué sur notre territoire ?
D'ailleurs, les pays de coutume prévoyaient la possibilité de choisir un régime matrimonial seulement quand les familles étaient issues de territoires différents, et donc de coutumes différentes.

Une consécration napoléonienne

Lors de la Révolution française, et conformément à l'idéologie de ce mouvement, le principal objectif fut la « Liberté ». Ainsi fut décidé le principe de liberté matrimoniale et de liberté des conventions matrimoniales, reprises dans le Code civil (après de longs débats). Certes cette liberté, pilier idéologique de la Révolution, était parfaitement conciliable avec la diversité des régimes (chacun opterait pour le régime local habituel, celui de son choix). Toutefois, cette liberté des conventions matrimoniales était une opposition majeure à l'unification du droit (souhait qui aurait dû conduire à imposer un régime unique pour tous).
Si un régime unique avait été mis en place, comme dans la coutume, il n'aurait sans doute pas été nécessaire d'édicter un principe supplétif de volonté. C'est parce que les rédacteurs du Code civil avaient permis un choix qu'il fallut organiser juridiquement l'absence de choix. En outre, l'enjeu était de ne surtout pas voir perdurer dans les régions des régimes anciens coutumiers par l'absence de choix exprimé par les époux. Il fallait donc organiser légalement le régime unique et commun à tous les époux qui n'avaient pas exprimé de choix.
Dans ce domaine encore, les rédacteurs du Code civil se sont inspirés de la Coutume de Paris, et c'est ainsi que la rédaction de l'article 1387 du projet de l'an VIII prévoyait : « La loi ne régit l'association conjugale, quant aux biens, qu'à défaut de conventions spéciales que les époux peuvent faire comme ils le jugent à propos… ». Le régime légal est avant tout un régime supplétif. La priorité est donnée aux conventions matrimoniales et à la liberté des époux.
De nos jours, l'enjeu de l'unification du droit et la crainte de voir réapparaître d'anciens droits coutumiers différents d'une région à l'autre ne sont plus d'actualité.

Les régimes matrimoniaux et le mariage au travers des âges

Le régime des biens entre époux fut, quant à lui, l'affaire des familles et des usages familiaux, et fortement marqué par l'histoire de notre pays. C'est ainsi que sont nés les régimes matrimoniaux, régime supplétif ou contrat de mariage.
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Schéma représentant les régimes matrimoniaux et le mariage au travers des âges
Cette découverte de l'évolution du régime de biens entre époux nous ramènera à l'Ancienne Rome (753 av. J.-C.) et nous conduira jusqu'aux dernières réformes de 1965 et 1985 en France. La présentation sera divisée en trois parties correspondant à trois grandes périodes : le droit romain, l'Ancien droit français (de l'époque franque à la Révolution), et le nouveau droit français (avec la naissance du Code civil).
Ce « Pour aller plus loin » historique fut réalisé principalement à l'aide de deux ouvrages de M. Gabriel Lepointe et de Mme Anne Lefebvre-Teillard, qui seront régulièrement cités dans les développements.
PARTIE 1 : LE DROIT ROMAIN
De 753 avant J.-C. à 476 après J.-C.
Entre 753 avant J.-C. et 476 après J.-C., Rome a connu plusieurs périodes historiques et son Droit fut marqué par chacune d'elles. Des usages anciens (mores maiorum) jusqu'à la législation de Justinien (en l'an 529), sans oublier le Code Théodosien (en l'an 438), le Droit romain a connu d'importantes modifications, tout comme l'institution du mariage. Dès la fondation de Rome, en 753 avant J.-C., la notion conventio in manum (accords en cours) est présente lors des unions.
Cette évolution peut être répartie en trois périodes historiques, à savoir :
  • l'ancienne Rome ;
  • l'époque classique, allant du II e siècle avant J.-C. (150 av. J.-C.) jusqu'au III e siècle après J.-C. ;
  • le Bas-Empire (période finale de l'Empire romain), du IV e siècle après J.-C. (entre 192 ou 287 apr. J.-C., selon les historiens) jusqu'au V e siècle apr. J.-C. (476 apr. J.-C. : la chute de l'Empire romain d'Occident).
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Schéma représentant les trois périodes historiques du droit
Mariage et citoyenneté
L'institution du mariage était étroitement liée à la Cité et plus particulièrement à la citoyenneté romaine. Le mariage (iustum matrimonial) n'était ouvert qu'aux seuls citoyens romains, car seul l'enfant né de ce mariage (entre deux citoyens) pouvait prétendre à la citoyenneté romaine. Ainsi, en régulant et limitant le « mariage romain », les autorités en place pouvaient maîtriser la citoyenneté.
Pour ceux qui étaient dépourvus de la citoyenneté romaine, ne restait qu'une union de fait (appelée contubernium). Il s'agissait des unions entre esclaves et des unions de Romains avec des non-Romains. Les enfants nés de ces unions ne pouvaient prétendre à la citoyenneté romaine.
La citoyenneté romaine est le statut du citoyen qui dispose de droits mais également de devoirs, à l'égard de la Cité, de la communauté et des autres individus. Ce statut permet de différencier le citoyen romain de l'étranger qui, lui, ne dispose d'aucun droit. Le citoyen peut participer à la vie juridique et politique de la Cité.
La citoyenneté romaine était un agglomérat de prérogatives.
Par une sorte de fiction juridique, il était admis que l'on puisse dissocier les différents éléments constitutifs de la citoyenneté romaine, à savoir :
  • le conubium (le droit de se marier) ;
  • le commercium (le droit de passer des actes juridiques relevant du droit civil, les testaments…) ;
  • les legis actiones (le droit d'ester en justice).
Ainsi, des étrangers pouvaient acquérir distinctement tel ou tel élément constitutif de la citoyenneté romaine, sans pour autant devenir citoyens romains. D'ailleurs, c'est souvent par traité avec les peuples conquis que certaines prérogatives de la citoyenneté romaine étaient octroyées aux étrangers, afin de faciliter leur intégration dans l'Empire.
Aussi, il était possible qu'un étranger bénéficiant du conubium puisse prétendre au mariage romain (iustum matrimonial) avec un citoyen romain, et il en résultait que les enfants nés de cette union auraient la citoyenneté romaine.
« C'est ce lien entre mariage et Cité que soulignait Cicéron dans son De officiis, en qualifiant le mariage de « séminaire » de la république. Donner naissance à des citoyens est un devoir qui incombe à tout bon romain qui doit en continuant la famille assurer la pérennité de la Cité ».
La formation et la dissolution du mariage romain
Le mariage romain n'imposait aucun formalisme pour sa formation, mais des conditions devaient être respectées (monogamie, interdiction des unions intrafamiliales…). Bien que des rituels puissent accompagner la formation du mariage, ils n'avaient rien d'obligatoire.
La conclusion du mariage supposait (i) le consentement des futurs époux et de leur famille (plus particulièrement du pater familias), et surtout (ii) la permanence du consentement.
Le mariage romain était consensuel. Il pouvait donc se dissoudre par la seule disparition du consentement en cours d'union. Ainsi, le mariage de celui qui était fait prisonnier était dissous de plein droit.
Ce mariage prenait également fin par la mort de l'un des époux, par le divorce, mais également par la perte de liberté ou la perte de la citoyenneté romaine.
Les formes de mariage et le régime des biens : les mariages cum manu et sine manu
Deux types de mariage s'offraient aux citoyens romains : le mariage cum manu et le mariage sine manu. Ce dernier étant devenu le plus répandu au fil du temps.
Au préalable, il est important d'expliquer trois notions qui seront régulièrement employées dans les développements ci-dessous :
  • sui juris ou sui iuris : personne autonome, celle qui peut prétendre au pater familias ;
  • alieni juris ou alieni iuris : personne qui est soumise au droit d'autrui, qui est sous sa puissance (potesta) ;
  • pater familias : l'homme de plus haut rang dans une maisonnée romaine, qui détenait la puissance paternelle (patria potestas) sur sa femme, ses enfants et ses esclaves.
On comprend donc que la femme était alieni juris tant que son père était vivant. Elle devenait sui juris à la mort de celui-ci.
Le mariage cum manu
La principale caractéristique du mariage cum manu était que la femme rompait totalement les liens avec sa famille par le sang et se trouvait placée sous l'autorité de la famille de son mari, dont elle devenait une fille, pouvant prétendre à une part d'héritage.
Il en était de même pour ses biens. Ainsi dans le mariage cum manu, le patrimoine de la femme se confondait avec celui de la famille de son époux (conséquence de la manus), qui pouvait librement en disposer.
Si la femme était sui juris (c'est-à-dire autonome), il se produisait une sorte d'adoption par la famille de l'époux (on parlait d'adrogation). Lorsqu'elle était alieni juris (placée sous l'autorité d'un homme, généralement, son père), la femme entrait, en théorie, dans la famille de son mari sans bien et sans patrimoine.
À cette époque, des conventions étaient tout de même passées par les pater familias des époux, aux termes desquelles la famille de la femme constituait une masse de biens qui était donnée à la famille du mari, et se confondait avec le patrimoine de cette dernière. Il s'agissait de la dot, qui devait permettre de subvenir aux charges du ménage. Elle était conçue à Rome comme la part d'héritage que le pater familias aurait laissée à sa fille si elle ne s'était pas mariée. On rappelle que dans le mariage cum manu, cette fille rompait totalement les liens avec sa famille, et elle n'héritait pas de sa famille à la mort de son père.
Finalement, le régime des biens des époux dans le mariage cum manu était assez simple : tous les biens qui pouvaient appartenir à la femme (patrimoine personnel) ou qui lui avaient été attribués en dot conventionnelle tombaient dans le patrimoine de la famille de son mari.
Le mariage cum manu s'est peu à peu raréfié à la période classique, pour disparaître sous l'Empire.
Le mariage sine manu
À la différence du mariage cum manu, les liens avec la famille de l'épouse perduraient. Elle avait vocation à hériter de son père à son décès, et disposait ainsi d'une capacité juridique et d'un patrimoine personnel durant son mariage.
La femme, si elle était sui juris (c'est-à-dire autonome), conservait son patrimoine. Si elle était alieni juris, elle restait liée à sa famille de sang, sans bien particulier.
Là encore, les usages des familles différaient de la théorie, puisqu'il n'était pas rare qu'elles concluent des conventions. La femme (si elle était sui juris) ou le pater familias (si la femme était alieni juris) constituait une masse de biens en guise de dot. Celle-ci était donnée au mari ou à son pater familias qui en était le propriétaire.
Quand des enfants naissaient de l'union, les biens composant la dot avaient vocation à aller à ses enfants. Lorsqu'il n'y avait pas d'enfants, les usages voulaient que le mari lègue les biens composant la dot à sa veuve, qui recouvrait ainsi les biens issus de son patrimoine familial en cas de décès de son époux.
Le régime des biens des époux dans le mariage sine manu était à l'opposé du précédent. Les patrimoines des époux restaient distincts (alors que dans le mariage cum manus, le patrimoine de la femme devenait celui de la famille de son mari).
La naissance d'un régime dotal
Ce sont bien les familles, par la conclusion de conventions matrimoniales, qui ont donné naissance au régime dotal romain. Ces usages (création de dot conventionnelle) sont peu à peu devenus la règle. D'ailleurs, plus tard (sous Justinien), le père récalcitrant à constituer la dot de sa fille pouvait être contraint par la Justice de remplir ses obligations de père.
Dans le régime dotal romain, chaque époux conserve son patrimoine personnel. Les charges du mariage (charges du ménage, et éducation des enfants) sont assurées exclusivement par le mari, et la femme y contribue en apportant sa dot.
Les modalités de constitution de la dot
Initialement, la dot pouvait être constituée par le père de la femme, par l'épouse elle-même ou encore par un tiers.
Elle était constituée soit par un transfert de propriété (la datio) au mari et à sa famille, soit par promesse solennelle (dictio dotis), c'est-à-dire un contrat verbal faisant naître une créance au profit de l'époux.
C'est au Bas-Empire (IV e-V e siècles apr. J.-C.) que la dot a connu d'importantes modifications, notamment par le remaniement complet du mariage par Justinien. Le mode de constitution normale de la dot était désormais la promesse non solennelle, le simple pacte (pactum dotis). Ce pacte pouvait être écrit ou verbal.
Les droits du mari sur les biens dotaux
Là encore, ces droits ou pouvoirs ont connu une importante évolution.
Dans l'ancienne Rome, les biens dotaux (mariages cum manum et sine manu) sont donnés au mari et à sa famille. Cette dot était alors assimilée à une libéralité faite à l'époux et sa famille.
Peu à peu, et notamment à la période classique, la dot prendra la forme d'un apport et non plus celle d'une libéralité faite à l'époux.
Le mari en était toujours propriétaire mais il voit ses droits sur les biens dotaux diminuer. Il en avait l'administration et la jouissance. Il pouvait également en disposer, mais seulement avec le consentement de son épouse.
En outre, le mari était désormais responsable de sa mauvaise gestion des biens dotaux.
Au Bas-Empire, les droits de l'époux sur les biens dotaux ont encore été modifiés et réduits. Il était théoriquement le propriétaire des biens dotaux, mais avec des prérogatives très limitées. En effet, en 530, il lui est interdit de vendre les immeubles (composant la dot). Seuls les meubles pouvaient être cédés librement.
Puis en 537, le mari peut, de nouveau, vendre les immeubles (composant la dot), mais avec le concours de son épouse (qui se faisait en deux temps, puisque deux ans après la vente, l'épouse devait réitérer son accord à la vente du bien).
Le sort de la dot en cas de divorce
Comme évoqué ci-avant, c'est par le consentement des époux et la permanence de celui-ci que le mariage romain existe. Lorsque l'un des époux était empêché d'exprimer ce consentement durant l'union (prison, par exemple), le mariage était dissous. Il est alors aisé d'imaginer les difficultés qui pouvaient naître pour la dot (généralisée à tous les mariages), lors de cette dissolution « automatique » du mariage.
Un tempérament a donc été apporté dans cette situation : la restitution de la dot. Les familles pouvaient prévoir les modalités de restitution de celle-ci par le mari dans la convention l'ayant créée. Lorsque la convention n'avait rien prévu à ce sujet, l'injustice de la dissolution du mariage a conduit à mettre en place une action en justice (rei uxoriae).
Cette obligation à restitution a conduit à créer une distinction entre les biens de la famille et les biens dotaux et, par voie de conséquence, une inaliénabilité des biens dotaux.
Cette obligation de restitution a également fortement évolué au fil des siècles, notamment au Bas-Empire, où les modalités de restitution de la dot ont été remaniées par Justinien.
PARTIE 2 : L'ANCIEN DROIT FRANÇAIS
Du V e au XIX e
Cette période verra se succéder l'époque franque, le Moyen Âge, l'Ancien Régime, et se terminera par la Révolution française qui instaure un « Nouveau Droit ».
I/ L'époque franque
Du V e au XI e siècle après J.-C.
De la chute de l'Empire romain d'Occident 476 après J.-C. jusqu'à l'établissement en France du régime féodal au XI e siècle (avec l'avènement de Hugues Capet en 987).
Le Droit, à cette époque, provient d'un mélange de droits, d'usages et de coutumes hétéroclites, à l'image des peuples présents sur le territoire. Il résulte, en effet, d'une imbrication, plus ou moins forte selon les territoires, du droit romain et des coutumes familiales de Germanie.
Rome a été contrainte de conclure des traités à la fin du IV e siècle avec plusieurs peuples barbares, pour leur permettre d'occuper des territoires de l'Empire sous forme de fédérés (foedus). Il s'agit des Wisigoths, des Burgondes, des Francs Saliens, arrivés avec leurs usages et coutumes.
Ces peuples barbares vont s'établir durablement sur les terres occidentales de l'Empire romain.
Ainsi prendra fin l'Empire romain d'Occident, dont on date la chute à 476 après J.-C.
Ces peuples barbares et les Gallo-Romains ont continué à vivre ensemble, ou du moins à cohabiter sur ce territoire. La déliquescence du pouvoir romain s'est accompagnée de l'émergence de royaumes indépendants. La Gaule est alors divisée en plusieurs royaumes : les Francs au nord de la Gaule (Belgique comprise), les Wisigoths au sud-ouest de la Gaule (frontières marquées par la Loire au nord, le Rhône et la Durance), les Burgondes sont à l'est de Lyon (de Langres à la Durance) et les Bretons s'installent en Armorique.
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Carte représentant la Gaule 476 après J.-C.
Les Francs sont restés païens, quand les autres peuples barbares adoptent plus facilement les règles et religions de l'Empire romain. Chaque peuple, devenu Royaume, conserve à cette époque ses usages et ses règles en matière d'union.
Clovis puis ses fils vont considérablement agrandir le royaume des Francs.
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Carte représentant la Gaule avant et après Clovis
À cette époque, sur le territoire franc, trouveront à s'appliquer une multitude de droits : le droit romain (Bréviaire d'Alaric) et les nombreuses lois barbares des différents peuples barbares passés sous la domination des Francs, puisqu'à cette occasion le chef pouvait mettre par écrit ses coutumes qui continueraient ainsi à s'appliquer à son peuple. Il s'agit du régime de la personnalité des lois.
Puis les fils de Clovis se sont partagé ce territoire.
Préambule : Les anciennes coutumes familiales des Germains
Contrairement au droit romain, il existe peu de sources pour identifier et connaître le droit des peuples barbares avant les invasions germaniques du V e siècle.
Sont arrivés en Gaule des peuples germaniques disposant d'un niveau de civilisation assez primitif. Leurs règles de vie étaient constituées de coutumes propres à chaque tribu. Il existe essentiellement deux sources permettant aujourd'hui d'étudier ces usages germains antérieurs. Mais les interprétations de ces textes sont nombreuses et parfois incomplètes ou imparfaites.
La notion de Cité était étrangère aux Germains, qui ne connaissaient que la tribu, organisée autour d'un roi assisté de chefs de guerre et de chefs de famille.
À la différence de la famille romaine organisée autour du pater familias (puissance paternelle), la famille germanique était organisée de manière plus binaire : entre ceux qui pouvaient prendre les armes et ceux qui ne le pouvaient pas.
Les premiers dirigeaient donc le groupe. Cette organisation, militaire, de la tribu et de la famille impliquait une très grande solidarité entre les membres de la famille.
En ce qui concerne la formation du mariage, il semble exister plusieurs interprétations. Il a d'abord été soutenu que le mariage se formait par l'acquisition, puis le rapt, et enfin par des offrandes (cadeaux).
À la différence de la dot romaine (constituée par la famille de l'épouse, pour être donnée au mari), chez les Germains c'est le mari qui offrait des présents à sa femme (armes, animaux…).
Il n'en demeure pas moins que dans la tradition des peuples barbares, le mari offrait des présents à sa future épouse.
Le mariage et le régime des biens à l'époque franque
À cette époque, le régime des biens des époux se trouve être fortement marqué par les usages des peuples barbares venus de Germanie, et semble même fortement s'écarter, dans sa conception même du rapport homme/femme, du régime dotal romain. Principale différence : la dot due par la femme à l'homme à Rome se trouve, dans les usages germains, être due par l'homme à sa femme.
Il apparaît, dans certains ouvrages, que le régime dotal gallo-romain n'aurait pas, pour autant, totalement disparu. On comprend donc qu'une diversité de règles et d'usages coexistaient à cette époque.
Chaque époux disposait de ses biens.
Les biens de l'époux comprenaient ses biens personnels et ceux que la femme avait pu lui offrir. L'épouse quant à elle disposait de la dos ex marito (il s'agit de la dot donnée par l'homme à sa future femme), le morgengab (le présent fait par le mari à sa femme au lendemain de la célébration et de la consommation du mariage), et les éventuelles donations reçues.
L'épouse semblait conserver ses droits et prérogatives de propriétaire sur ses biens. Toutefois, elle ne pouvait pas effectuer des actes de disposition, en désaccord avec son mari.
Certains textes témoignent de la reconnaissance d'une collaboratio des époux. Certains écrits faisant clairement référence au fait que la veuve recueille un tiers des acquisitions faites durant l'union (la tertia des conquêts). Il s'agit plus d'un gain de survie que de la véritable reconnaissance d'une communauté.
II/ Le Moyen Âge féodal
De XII e au XVI e siècle après J.-C.
Nous sommes alors à la toute fin du XI e siècle (après Hugues Capet), et « (…) c'est bien durant cette période médiévale que les futurs “régimes matrimoniauxâ€Â prennent naissance, qu'apparaît notamment cette fameuse communauté de meubles et acquêts qui deviendra, dans le Code civil, le régime légal ».
La personnalité des lois et le morcellement du territoire en seigneurie ont laissé la place à un droit territorial, résultant de la pratique, des usages répétés, et dont l'expression sera orale : la coutume.
En réalité, coexistaient deux types de droit :
  • un droit coutumier qui s'appliquait au nord d'une ligne tracée de La Rochelle à l'ouest jusqu'à Genève à l'est, dont la principale caractéristique était d'être un droit oral, issu de pratiques et d'usages répétés, et par conséquent un droit très diversifié, chaque seigneurie, chaque bourg ayant sa propre coutume. Au nord, le régime normand se distinguait des autres pays de coutume ;
  • un droit écrit dans le Midi, fortement inspiré par le Droit romain.
Plus exactement, il y avait trois régimes de biens, puisqu'en Normandie trouvait à s'appliquer un régime dotal particulier, distinct du régime dotal romain.
Le mariage et le régime des biens connaissent à cette période une évolution majeure. Au XI e siècle, l'Église s'empare du mariage, qui devient un sacrement. L'institution du mariage est désormais placée sous l'autorité de l'Église et relève du droit canonique et des tribunaux ecclésiastiques.
Le régime des biens entre époux reste l'affaire du pouvoir séculier et relève des tribunaux civils.
Dès lors que le caractère sacramentel du mariage est institué, celui-ci devient indissoluble.
Le droit coutumier : « les communautés entre époux »
À cette époque, la règle de l'indissolubilité du lien matrimonial a donné au mariage une stabilité qui a permis aux conventions matrimoniales d'être de véritables vecteurs de transmission du patrimoine.
Bien qu'il soit difficile aujourd'hui, même pour les auteurs les plus autorisés dans ce domaine, d'identifier les coutumes, tant leur diversité était importante, il apparaît tout de même que celles-ci ne diffèrent pas seulement par lieu géographique, puisque dans un même bourg la coutume pouvait ne pas être la même selon les catégories sociales.
Il résulte également de cette période qu'à la diversité des coutumes s'ajoutent les nombreuses conventions matrimoniales que les futurs époux pouvaient passer, et qui ne nécessitaient pas un écrit. Ces conventions étaient généralement conclues avant l'union et pouvaient être modifiées après. Pourtant dès le XIII e siècle, dans un souci d'assurer la stabilité des conventions et du sort futur du patrimoine familial, plusieurs coutumes semblent avoir insufflé les prémices de l'immutabilité des régimes matrimoniaux.
La communauté entre époux trouve ses inspirations dans les coutumes familiales fortement développées sur le territoire. Au Moyen Âge, comme à l'époque franque, la famille s'entend du sens large, regroupant sous un même toit plusieurs générations. Ainsi les membres de la famille travaillent et vivent pour cette communauté familiale. Les décisions sont prises ensemble (et un acte de disposition du patrimoine familial devra réunir l'assentiment de tous les membres de la communauté familiale). La communauté des époux est une émanation de la communauté conjugale dont elle se rapproche par certains aspects, notamment quand les enfants des époux sont associés aux décisions de vendre un élément du patrimoine du couple.
La communauté conjugale prend plusieurs formes, tantôt universelle, tantôt d'acquêts, mais c'est bien la forme de communauté de meubles et acquêts qui est la plus répandue, notamment par la Coutume de Paris.
Plusieurs coutumes, dont celle de Paris, prévoyaient que le mariage faisait la communauté. En effet, le seul fait pour les époux de se marier les soumettait au régime de la communauté. Les époux ne pouvaient pas déroger à cette application et ne pouvaient passer de convention. Ce principe ne souffrait que d'une exception, celle des époux qui étaient soumis à des coutumes différentes et qui pouvaient dans ce cas passer des conventions entre eux.
Composition de la communauté « coutumière » de biens entre époux
La communauté de meubles et acquêts se composait de trois patrimoines et du douaire :
  • Les patrimoines propres à chaque époux comprenant :
  • Tous les autres biens se trouvaient être des biens communs. La masse commune se composait, donc :
  • Le « douaire » est un élément caractéristique du régime des biens. Il est né de l'association de la dos ex marito (il s'agit de la dot donnée par l'homme à sa future femme) et du morgengab (le présent fait par le mari à sa femme au lendemain de la célébration et de la consommation du mariage), évoqués ci-avant.
Il s'agit d'un droit personnel et viager accordé uniquement à la veuve survivante à une époque où les conquêts ne se partageaient pas à la dissolution de la communauté. Ce droit portait sur les biens propres du mari, mais rapidement il fut possible de le faire porter sur les conquêts. Le douaire est le gain de survie le plus répandu dans les pays de droit coutumier. Le douaire légal était de la moitié des biens propres du mari, dans la législation de Philippe Auguste, mais certaines provinces à l'ouest prévoyaient un douaire du tiers.
Le douaire d'origine légale a pu, au fil des temps, être fixé par la convention des parties.
Gestion ? Le mari avait la gestion des biens communs, mais également la gestion des biens propres de son épouse et des siens, car la communauté était usufruitière de ces biens propres.
Le droit de disposer ? Le mari avait le pouvoir le plus absolu sur les meubles communs, dont il pouvait disposer librement.
En revanche, la vente des conquêts (immeuble) ne pouvait se faire sans l'accord de l'épouse, qui pouvait d'ailleurs demander l'annulation d'une vente, après la dissolution du mariage, si l'époux avait disposé seul d'un immeuble commun.
Droit sur les propres ? Le mari avait le pouvoir de gérer les biens propres (essentiellement des immeubles), comme évoqué ci-avant. Ce pouvoir de gestion des propres est une extension du pouvoir de gestion sur les biens communs dans la mesure où la communauté bénéficiait des fruits et revenus des biens propres, et d'un pouvoir de jouissance absolue sur ceux-ci. Toutefois, les droits de l'époux se limitaient à la gestion. Il ne pouvait pas disposer seul des biens propres de sa femme, ni des siens, qui étaient marqués depuis le mariage du douaire de son épouse (ce gain de survie qui portait initialement sur les propres du mari). Il s'agissait ici de conserver les biens dans la famille. Pour la vente des propres du mari ou de l'épouse, les deux époux devaient consentir à la vente.
Partage de la communauté à la dissolution ? La communauté était dissoute par le décès de l'un des époux, et plus rarement par le divorce.
C'est à cette période que l'idée d'un partage égalitaire de la communauté est apparue… initialement limité aux seuls conquêts, puis étendu à tous les biens de la masse commune vers le XVI e siècle.
Chacun des époux reprenait ses propres.
Certaines coutumes, en Bretagne notamment, prévoyaient également de rares cas de récompenses dans des situations bien particulières (lors de la vente d'un propre dans l'intérêt de la famille).
La notion de préciput (ce droit de prélèvement) était également déjà présente au Moyen Âge, mais quasiment uniquement à Paris s'agissant d'un droit réservé aux nobles. La veuve noble pouvait prélever tel ou tel bien meuble, en s'acquittant le cas échéant du passif le grevant.
La Coutume de Paris a joué un rôle primordial dans le développement du régime de la communauté.
Régime dotal
Dans le Midi, fortement inspiré par le droit romain, c'est un régime dotal qui trouvait à s'appliquer au XIII e siècle (la dot étant réapparue dans le Midi dès le XII e siècle).
Toutefois, ce régime dotal était assez éloigné du régime dotal romain dans la mesure où il était fortement influencé par les coutumes qui ont trouvé à s'appliquer ici et là.
La dot était constituée par la fille, ou ses parents. La fille dotée n'avait pas vocation à recevoir de part d'héritage au décès de son père.
La dot était administrée par le mari, qui en était propriétaire notamment pour les biens meubles dont il pouvait disposer librement. Les immeubles dotaux (pour ceux estimés dans le contrat), quant à eux, ne pouvaient être cédés qu'avec l'accord de l'épouse.
La restitution de la dot. À la dissolution du mariage, la dot est restituée à la femme ou à ses enfants. À cette époque (indissolubilité du mariage), la question de la restitution de la dot ne se pose qu'en cas de décès. En pratique, la veuve continue à vivre dans la maison de son mari et ne réclame pas la restitution de sa dot, sauf si elle se remarie. Quand la femme venait à décéder en premier, de nombreuses coutumes permettaient à l'époux de bénéficier d'un usufruit des biens dotaux, ou parfois même des droits en pleine propriété sur ceux-ci.
De manière plus anecdotique, c'est dans le Sud-Ouest, en raison de larges pratiques communautaires, qu'il a été adjoint au régime dotal une clause de communauté d'acquêts.
III/ Ancien Régime (entre 1500 et 1800)
Sous l'Ancien Régime, cette dualité entre droit coutumier et droit écrit a longtemps perduré.
Cette période est marquée principalement par le fait que l'institution du mariage va doucement passer du contrôle de l'Église à celui du pouvoir royal pour arriver, à la Révolution, à la laïcisation de l'institution.
Concernant le régime des biens, cette période reste dans la lignée de la précédente, avec trois principaux régimes :
  • la communauté dans les pays de droit coutumier ;
  • le régime normand ;
  • le régime dotal du Midi de la France, dans les pays de droit écrit.
Une évolution majeure est à noter en matière de conventions matrimoniales. Déjà bien présentes dans le Midi avec l'apparition et le développement du notariat dès le XIII e siècle, les conventions matrimoniales se développent de plus en plus en pays de coutumes, notamment sous l'impulsion du pouvoir royal. Ce dernier a d'ailleurs, en 1695, tenté de rendre l'écrit obligatoire en la matière.
Par l'ordonnance de Montils-lès-Tours de 1454, ce même pouvoir royal a initié un grand mouvement de rédaction des coutumes, ce qui a eu pour effet de lisser ces régimes en supprimant toutes leurs particularités et différences. Une certaine forme d'unification était engagée. La règle se fait de plus en plus précise. Il faudra réellement attendre le début du XVI e siècle pour que ce travail de rédaction soit effectif.
Les familles aiment prévoir, anticiper et organiser la transmission de leur patrimoine, motivation présente dès la Rome antique. Les conventions – appelées contrats de mariage – sont désormais écrites. L'ordonnance de Moulins (1566) rend l'écrit obligatoire à titre de preuve, pour toute convention dont l'objet a une valeur supérieure à 100 livres.
Les familles ont recours au notaire assez naturellement, car l'acte notarié présente l'avantage de l'authenticité et la solennité du passage devant notaire s'accommode bien à cette étape importante de la vie des familles.
L'acte notarié n'est pour autant pas encore imposé, malgré une tentative du pouvoir royal de le rendre obligatoire, une première fois, en 1695, déclenchant alors d'importantes contestations.
La communauté
Dans le droit coutumier, où les conventions et accords familiaux (écrits ou oraux, d'ailleurs) n'étaient pas la règle à l'origine (ce n'était pas dans les habitudes de ses habitants de passer des conventions), un système de droit supplétif s'est mis en place dès lors que les époux ne passaient pas de conventions. En effet, les époux étaient considérés, comme au Moyen Âge, avoir implicitement choisi la coutume du territoire sur lequel ils se trouvaient.
Quand les familles décidaient de rédiger un contrat, celui-ci devait être établi avant la célébration du mariage et par acte notarié. Ce contrat était immuable après le mariage, même de la volonté des principaux intéressés.
La communauté coutumière s'appliquait dès le jour du mariage dans la majorité des territoires (dont les coutumes de Paris, et celle d'Orléans). Or certaines coutumes (Anjou, ou Chartres notamment) prévoyaient que la communauté coutumière ne commence à s'appliquer qu'un an et un jour après le mariage.
La communauté se composait, là encore, de trois patrimoines (bien que les frontières entre chaque masse aient évolué au fil des siècles) et du douaire :
La masse commune se composait :
  • des meubles ;
  • des revenus des propres perçus ou échus durant la communauté ;
  • des immeubles conquêts (acquis durant le mariage).
Désormais, les immeubles reçus par succession collatérale forment des propres (et non plus un conquêt commun, comme au Moyen Âge).
Le « douaire », quant à lui, ne connaît pas d'évolution majeure depuis le Moyen Âge.
En revanche, avec l'apparition et la reconnaissance des contrats, les familles obtiennent deux libertés :
1) soit opter pour telle ou telle coutume (et pas nécessairement celle du territoire où se trouvent les époux, ce qui est une évolution importante dans la conception territoriale du droit à cette époque) ;
2) soit aménager la communauté coutumière, et très rapidement des clauses bien connues aujourd'hui firent leur apparition, savoir :
  • les clauses d'apport en communauté,
  • les clauses de reprise d'un bien apporté,
  • les clauses de partage inégal,
  • les clauses de préciput,
  • les clauses d'ameublissement,
  • …
En termes de pouvoirs, la femme était soumise à l'autorité de son époux, qui était le seul à pouvoir disposer des biens communs (parfois même à titre gratuit) ou à les donner en garantie.
L'épouse pouvait éventuellement renoncer à sa part de communauté pour se désengager de contrats passés par son époux sur les biens communs (dettes, notamment).
Le régime dotal
Dans les pays de droit écrit, le régime dotal romain reste fortement présent et développé, bien qu'il ne soit pas le régime exclusif. En effet depuis le Moyen Âge, quelques communautés (issues de courants coutumiers) s'appliquaient sur cette partie du territoire, malgré l'hostilité des magistrats.
Ce régime dotal reprend les principales caractéristiques du régime dotal romain (dot versée au mari pour les charges du ménage, restitution de celle-ci, principe de séparation des intérêts des époux). Toutefois, ce régime dotal se différencie du régime romain, puisque pour les époux qui n'auraient pas établi de contrat de mariage, existe une présomption de dotalité de la femme.
PARTIE 3 : NOUVEAU DROIT
I/ La Révolution française
Le calendrier républicain ou révolutionnaire français est utilisé de 1792 à 1806 et débute le 1er vendémiaire an I (22 septembre 1792) après l'abolition de la monarchie.
À cette époque, l'État assoit son contrôle de l'institution du mariage, qui jusque-là était l'objet de batailles entre lui et l'Église. Désormais, « la Loi ne considère le mariage que comme contrat civil ».
« Le mariage est un contrat du droit des gens dont les catholiques romains ont fait un sacrement ».
Comme à Rome, il existe de forts liens entre le mariage et l'État, puisque le mariage reste le fondement de la famille « légale ».
Le divorce réapparaît également.
De nombreuses réformes vont venir modifier de manière considérable le droit des successions (notamment en supprimant les inégalités entre fille et fils en matière successorale). Les régimes matrimoniaux, en tant que conventions purement matrimoniales, ne connaissent pas de modifications majeures. La matière subit des adaptations, par ricochet des transformations substantielles du droit des successions. Les conventions matrimoniales ne pourront plus être le support de la transmission patrimoniale inégalitaire.
À partir de 1793, Cambacérès présentera successivement trois projets de Code civil qui ne seront pas approuvés par l'assemblée révolutionnaire : un premier projet en 1793, un deuxième projet en 1794 (an II), et un troisième projet en 1796 (an IV).
Le régime matrimonial choisi dès le premier projet, et qui sera également celui des deux suivants, était celui de la communauté de meubles et acquêts. Le second apport, très critiqué dès le premier projet, consistait en la suppression de la suprématie maritale et l'émergence d'un principe d'égalité des époux, en ce compris dans la gestion des biens. Cette règle disparaît dans le troisième projet de Cambacérès (an IV, 1796). Les biens communs seront administrés par le mari.
Puis le Premier Consul (Napoléon Bonaparte) nomme une commission de quatre grands juristes, sous la direction de M. Cambacérès, le 14 août 1800. Symbole de l'importance des deux droits (écrit et coutumier) sur le territoire, cette commission est composée de juristes du nord et du sud : Bigot de Préameneu et Tronchet pour les pays de coutumes, Portalis et Maleville pour les pays du droit écrit.
En quatre mois, ces juristes ont proposé un Code, imprimé le 21 janvier 1801 (an IX), désigné sous le terme de « projet de l'an VIII ».
Celui-ci souleva également d'importantes contestations, notamment celles du Tribunal d'appel de Montpellier qui voyait dans la communauté le « fruit que la barbarie des Francs avait cueilli sans doute dans les forêts de la Germanie ».
II/ Le Code civil de 1804
En 1804, animé par cette volonté d'unification du droit, il est apparu nécessaire d'unifier les règles applicables aux relations matrimoniales.
Aussi, « Les discussions, passionnées, qui eurent lieu à propos du contrat de mariage manifestèrent l'opposition de deux systèmes juridiques, celui du droit écrit au sud de la France, héritier du régime dotal romain, et celui des pays de coutumes au nord, qui connaissent le régime de la communauté de meubles et acquêts »
Les régimes matrimoniaux que nous connaissons aujourd'hui, ceux issus du Code civil, sont le fruit d'un compromis puisqu'il fut entendu que les deux régimes seraient consacrés par le Code civil.
Pour autant, la communauté de meubles et acquêts devient le droit commun.
Les arguments qui ont conduit à préférer un régime communautaire plutôt qu'un régime séparatiste sont les suivants :
  • une raison pratique : l'absence d'écrit. Le régime dotal exigeait nécessairement un écrit pour constituer la dot ; exigence de formalisme qui n'est pas compatible avec un régime légal ;
  • une raison pédagogique. Les règles du régime de la communauté de meubles et acquêts étaient simples, claires et justes ; l'union des couples conduit à celle des biens ;
  • une raison morale/psychologique : le mariage est une communauté de corps et d'esprit, qui engendre nécessairement une communauté d'intérêts pécuniaires et financiers. En outre, à une époque où seul le travail des hommes était rémunéré (le rôle des femmes se limitant à des tâches ménagères), la mise en communauté des revenus du mari semblait nécessaire et sans grand risque puisque les femmes étaient placées sous l'autorité de leur époux.
Mais plus encore, c'est la première fois qu'il fut décidé d'un régime légal matrimonial unique pour tous, sur tout le territoire, qu'il soit de droit coutumier ou de droit écrit, matérialisant l'œuvre d'unification du droit.
Toutefois pour ménager les susceptibilités et surtout faire accepter cette nouvelle règle à une population qui n'en était pas forcément demandeuse, le Code civil édicta le principe de la liberté des conventions matrimoniales et de l'autonomie de la volonté.
Ainsi, le Code prévoyait quatre régimes matrimoniaux :
  • la communauté ;
  • la séparation de biens ;
  • le régime sans communauté ;
  • le régime dotal.
L'un des principaux points de discussion et de contestation était la question de savoir s'il fallait ou non laisser la possibilité aux futurs époux de se référer expressément à telle ou telle coutume. Le contrat de mariage, dans cette idée, n'aurait eu vocation qu'à faire référence à la coutume à laquelle les époux souhaitaient se soumettre. Cette possibilité serait-elle le signe que l'unification du droit n'était qu'apparente et que finalement, les futurs époux auraient continué à se référer aux règles de l'Ancien droit ? Fallait-il que cette unification s'impose de manière brutale ou au contraire qu'elle se fasse en douceur, quitte à laisser les anciens usages perdurer ?
III/ Réforme de 1965
Ce 6 mai 1965, « le Gouvernement vous convie à la discussion d'une œuvre d'importance portant sur un sujet qui, depuis des temps immémoriaux, fait le plus noble souci du législateur et la gloire d'un certain nombre d'hommes d'État » : la réforme des régimes matrimoniaux.
Cette réforme s'est inscrite dans un mouvement plus général de réforme du Code civil. Le doyen Carbonnier a d'ailleurs mis en œuvre un certain nombre de ces grandes réformes en 1964 et 1965.
Cette réforme était devenue nécessaire à deux titres :
  • le droit des femmes, et notamment le pouvoir de celles-ci sur le patrimoine du couple ;
  • le régime des biens.
D'une part, le droit des régimes matrimoniaux devait être en adéquation avec l'évolution des droits des femmes dans la société et leur émancipation, fruits de plusieurs réformes.
D'autre part, les régimes matrimoniaux devaient s'adapter à l'évolution de la nature des biens composant le patrimoine des couples au cours des décennies ayant précédé la réforme.
En effet, alors que les richesses étaient principalement immobilières, les valeurs mobilières se sont fortement développées. Ainsi, celui des époux qui héritait d'un immeuble se trouvait être avantagé par rapport à celui qui hériterait d'un fonds de commerce qui tomberait dans la communauté, alors que l'immeuble reçu par son époux lui resterait propre.
Il s'agit des deux principaux arguments ayant conduit le législateur à adopter le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts.