Propos préliminaires : notions et périmètres de la vente en l'état futur d'achèvement

Propos préliminaires : notions et périmètres de la vente en l'état futur d'achèvement

Propos préliminaires : notions et périmètres de la vente en l'état futur d'achèvement

Propos préliminaires : notions et périmètres de la vente en l'état futur d'achèvement

Présenter l'ingénierie du notaire en matière de Vefa nécessite de rappeler certains fondamentaux applicables à ce contrat. Les notions et périmètres de la Vefa seront ainsi appréhendés en guise de préambule.
– Plan. – Nous rappellerons successivement la définition et les éléments caractéristiques de la vente en l'état futur d'achèvement (§ I) avant de revenir sur la distinction entre secteur libre et secteur protégé (§ II).

Définition et éléments caractéristiques de la Vefa

– Une définition à l'efficacité éprouvée. – L'article 1601-1 du Code civil définit en ces termes la vente d'immeuble à construire, dont relève la vente en l'état futur d'achèvement : « La vente d'immeubles à construire est celle par laquelle le vendeur s'oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé par le contrat. Elle peut être conclue à terme ou en l'état futur d'achèvement ». La situation est assez rare pour être relevée : la rédaction ainsi proposée date de la création même de la vente d'immeuble à construire à travers la loi du 3 janvier 1967. Cette remarquable stabilité du dispositif et sa résistance, autant que son adéquation à un marché immobilier tendu, justifient que cette loi du 3 janvier 1967 soit qualifiée de succès, voire même de « top-modèle ».
– Liste des éléments caractéristiques. – La lecture de l'article 1601-1 du Code civil permet d'identifier quatre éléments essentiels à la qualification d'une vente en l'état futur d'achèvement : l'existence d'une vente (A), contenant l'obligation d'édifier (B) une construction (C) dans un délai déterminé (D). Ces critères sont cumulatifs en ce qu'ils sont tous essentiels à cette qualification.
– Les difficultés inhérentes à la théorie du terrain procuré. – Au-delà des éléments caractéristiques ci-dessus listés, il convient de revenir sur des situations dans lesquelles les parties n'ont pas souhaité conclure une Vefa mais se trouvent néanmoins « rattrapées » par la réglementation applicable à ce contrat. Cette véritable requalification légale des conventions des parties avait pour but initial d'éviter le contournement des règles applicables à la Vefa, et donc des protections ainsi offertes à l'acquéreur. Il apparaît néanmoins que cette théorie est aujourd'hui source d'insécurité juridique pour les parties (E).

Premier critère : l'existence d'une vente

– Échelonnement du transfert de propriété. – La Vefa est, bien entendu, une vente. Ainsi que le permet l'article 1196 du Code civil, il est dérogé au principe de transfert immédiat de la propriété au moment de la conclusion du contrat pour retenir un principe de transfert de propriété échelonné. C'est ainsi que les dispositions dérogatoires de l'article 1601-3 du Code civil prévoient que ce transfert s'opère au profit de l'acquéreur immédiatement, dès la conclusion du contrat, à hauteur des droits du vendeur sur le sol et les constructions existantes. Pour le reste, ce transfert s'opère au fur et à mesure de l'exécution des travaux. Les rédacteurs de la loi du 3 janvier 1967 ont finalement tenu compte du particularisme de la vente de biens n'existant pas, pour tout ou partie des constructions, sans rejeter l'application du mécanisme de droit commun de l'accession.
– Distinction avec les contrats voisins. Le louage d'ouvrage. – L'existence d'une vente, et donc d'un transfert de propriété sur le terrain d'assiette des constructions et sur celles-ci, constitue le critère fondamental permettant de distinguer la Vefa et le contrat de louage d'ouvrage. Par essence, le vendeur en l'état futur d'achèvement n'est pas (simplement) l'entrepreneur chargé de réaliser (ou de faire réaliser) les travaux de construction, il est également le propriétaire du terrain devant supporter celles-ci. Ainsi, la distinction entre la Vefa et le louage d'ouvrage est attachée à un seul critère : la propriété du sol. Dans l'un et l'autre cas, les travaux sont réalisés au profit du maître de l'ouvrage, bénéficiaire ultime des constructions au terme du contrat conclu. La qualification est d'importance, en ce qu'elle impose ou non au constructeur le cadre et les responsabilités attachés au contrat de Vefa.
– Distinction avec les contrats voisins. Le CCMI et le CPI. – Le transfert de propriété inhérent au contrat de Vefa permet de le distinguer très nettement du contrat de construction de maison individuelle (CCMI), et du contrat de promotion immobilière (CPI). Dès lors que le maître de l'ouvrage est d'ores et déjà propriétaire du terrain d'assiette des constructions à venir, et en dehors des cas de requalification de l'opération lorsque le terrain est procuré directement ou indirectement par le promoteur, seul l'un ou l'autre de ces deux contrats pourra être retenu. Indépendamment de l'existence d'un mandat, critère essentiel pour la qualification du contrat de promotion immobilière, la fourniture des plans s'avère être le critère ultime permettant de qualifier le contrat en contrat de construction de maison individuelle.

Deuxième critère : l'obligation d'édification

– Vente avant achèvement. – L'obligation d'édification est le deuxième critère fondamental permettant la qualification du contrat en vente d'immeuble à construire. C'est ce qui rapproche la Vefa du contrat de louage d'ouvrage, et la distingue de la vente d'immeuble achevé. La mesure de cet engagement renvoie donc à la notion d'achèvement : pour être qualifiée de Vefa, la vente ne peut porter sur un bien achevé au sens de l'article R. 261-1 du Code de la construction et de l'habitation.
  • le contexte économique tout d'abord. L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a ainsi eu l'occasion de rappeler que l'accès à un logement abordable, « qui constitue un besoin fondamental pour tout être humain, et une dimension sociale du bien-être, devient de plus en plus difficile dans de nombreux pays ». En étendant à la Vefa du secteur protégé ce qui existe d'ores et déjà pour le contrat de construction de maison individuelle, cette évolution permettrait aux candidats à l'acquisition d'acheter « moins cher, tout en se réservant la possibilité d'achever leur logement par leurs propres moyens et dans des délais qui leur conviendront » ;
  • la volonté de certains acquéreurs de « garder la main » sur certaines prestations. Il en va ainsi notamment, mais non exclusivement, d'acquéreurs souhaitant confier l'aménagement intérieur à leur propre architecte et à des entreprises choisies par celui-ci ou par eux-mêmes.
– Vente avec achèvement. Quid de la vente en l'état futur d'inachèvement ? – L'obligation d'édification, en tant que critère essentiel à la qualification du contrat de Vefa, est directement liée à l'obligation d'achever. La question s'est rapidement posée de savoir s'il était néanmoins possible que l'acquéreur en Vefa conserve à sa charge la réalisation de travaux portant sur les biens objet de cette édification. Le secteur libre connaît depuis longtemps les ventes « brut de béton » ou « brut de décoffrage », dans lesquelles le vendeur est conventionnellement tenu à une obligation d'achèvement plus limitée en raison de travaux laissés à la charge de l'acquéreur.
Ainsi que cela a pu être relevé, deux situations semblent commander cette ouverture du secteur protégé aux travaux réservés par l'acquéreur :
La doctrine s'est opposée sur la possibilité de prévoir, dans une Vefa du secteur protégé, que la réalisation de partie des travaux concourant à l'achèvement soit confiée à l'acquéreur. En dehors des travaux de finition ou de parachèvement, qui par définition supposent un achèvement préalable et ne contreviennent donc pas à l'obligation d'achèvement du vendeur, seule la vente « en l'état » d'un bien immobilier inachevé semblait envisageable. La Cour de cassation a d'ailleurs eu à se prononcer sur cette difficulté, en sanctionnant le notaire ayant reçu une vente par laquelle l'acquéreur procédait à l'acquisition « en l'état » d'un appartement dans lequel d'importants travaux de rénovation devaient être réalisés (pour un montant trois fois supérieur au prix de vente) par des entreprises lui ayant été imposées par le vendeur… Pour les hauts magistrats, il ne pouvait s'agir d'une vente de droit commun mais bien au contraire d'une Vefa du secteur protégé. L'impératif de protection du consommateur immobilier, à l'origine du statut impératif du secteur protégé, justifie une lecture restrictive de ce qu'il est possible de laisser à la charge de l'acquéreur dans le cadre de ventes sur plans de biens rentrant dans cette qualification. Àdéfaut, il serait à craindre un dangereux contournement destiné, notamment, à éviter la délivrance d'une garantie portant justement sur l'achèvement des biens à édifier.
Le législateur, conscient des enjeux rappelés ci-dessus et pressé par la pratique, a tenté une première fois d'introduire la possibilité de signer, dans le secteur libre comme dans le secteur protégé, des ventes en l'état futur d'inachèvement. Il aura finalement fallu attendre la loi Elan du 23 novembre 2018 pour que cette possibilité soit consacrée.

La crise du logement en quelques chiffres

La volonté d'introduire la possibilité de signer des Vefa avec travaux réservés par l'acquéreur répond notamment à la crise du logement constatée dans les pays membres de l'OCDE en général, et en France en particulier.
C'est ainsi que :
  • au cours de la décennie 2005-2015, la part des revenus des ménages absorbée par les coûts du logement (prix des logements ou loyers) a augmenté de cinq points de pourcentage en moyenne pour s'établir à 31 % chez les ménages à revenu intermédiaire dans la plupart des pays de l'OCDE ;
  • en France, plus de 4 millions de personnes ne disposeraient pas d'un logement ou seraient mal logées, tandis que la crise du logement affecterait près de 15 millions de Français, à des degrés divers.
– Loi Elan et consécration de la Vefa avec travaux réservés par l'acquéreur. – C'est dans la loi Elan du 23 novembre 2018 qu'a été intégrée la possibilité pour le vendeur et l'acquéreur, dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement (y compris du secteur protégé), de prévoir que certains travaux seront réalisés par l'acquéreur après la livraison du logement par le vendeur.
Cette réforme apparaît utile « par le haut » et « par le bas », permettant de répondre, d'une part, aux besoins d'acquéreurs exigeants et le cas échéant fortunés, désireux d'adapter leur logement en le personnalisant selon leurs envies et goûts personnels et, d'autre part, à ceux qui, à la recherche de solutions plus économiques, souhaitent réaliser eux-mêmes certains travaux sur leur logement.
– Périmètre des travaux réservés par l'acquéreur. – Si le principe de Vefa du secteur protégé avec travaux réservés par l'acquéreur a été fixé par la loi Elan du 23 novembre 2018, son périmètre exact a nécessité un décret pour définir la nature des travaux pouvant être laissés à la charge de l'acquéreur, puis un arrêté pour fixer la liste limitative des travaux concernés et leurs caractéristiques (cf. Figure 18 ci-dessous).
Il apparaît, à la lecture des dispositions de ces trois textes successifs, que le périmètre des travaux dont l'exécution peut être réservée par l'acquéreur d'un bien en Vefa est très restreint. Ces limitations et réserves (reproduites sous la Figure 19 ci-après) sont d'ailleurs de nature à faire douter de la qualification de la vente en l'état futur d'inachèvement. Les conséquences de ce nouveau dispositif en matière d'assurances construction et de responsabilité des constructeurs ont ainsi entraîné la mise en place d'importantes restrictions qui laissent peu de marge de manœuvre pour les parties à l'acte.
– L'ingénierie du notaire pour compléter le dispositif de la Vefa avec travaux réservés par l'acquéreur. – En dehors du périmètre restreint des travaux dont l'exécution peut être réservée par l'acquéreur en Vefa, la procédure elle-même est source de complexités. Elle peut parfois conduire à priver les parties de la possibilité de recourir à cette solution, pourtant souhaitée par certains acquéreurs désireux de réaliser des économies lors de leur acquisition en se réservant la réalisation de certains travaux. C'est ainsi que la décision de réserver certains travaux (dans la limite du périmètre des travaux réservés ci-dessus rappelé) doit intervenir lors de la signature du contrat préliminaire, prenant la forme d'un contrat de réservation dans le secteur protégé. Si celui-ci procède d'une véritable promesse de vente, le programme du promoteur étant à la fois abouti et sécurisé, cela ne posera pas de difficultés majeures. Il en ira autrement si le contrat de réservation se limite au strict minimum prévu par le Code de la construction et de l'habitation, le promoteur ne pouvant parfois s'engager qu'à réserver au profit de son bénéficiaire l'opération dont les contours ou les conditions ne sont pas encore précisément fixés ou sécurisés. Le choix entre ce maximum contractuel (la promesse de vente) et le minimum légal (le contrat de réservation) est d'importance, car la réservation de l'exécution de travaux par l'acquéreur nécessite que ceux-ci soient détaillés et évalués. L'intervention du notaire peut s'avérer ici décisive afin de permettre aux parties de bénéficier de ce dispositif alors même qu'aucune option n'avait été prise à cet égard dans le contrat de réservation initialement conclu. C'est ainsi qu'en proposant aux parties qui le souhaiteraient de modifier ce contrat de réservation à travers un avenant, lequel reprendrait le dispositif prévu sous l'article L. 261-15 du Code de la construction et de l'habitation, le notaire rendrait alors possible ce qui, de prime abord, ne l'était pas, et permettrait aux parties de réserver l'exécution de partie des travaux à l'acquéreur.

Troisième critère : une construction

– Édification d'un immeuble. – Àtravers la signature d'une vente d'immeuble à construire, le vendeur s'oblige à édifier ou à construire un immeuble . Il a été relevé que l'utilisation du terme « immeuble » en lieu et place de « bâtiment » permettait d'appliquer le régime de la vente d'immeuble à construire à la réalisation de constructions ne relevant pas nécessairement de la notion de bâtiment, comme des constructions en sous-sol ou des équipements.

Quatrième critère : un délai déterminé

– Obligation de prévoir un délai. – Directement rattaché aux obligations et caractéristiques précédentes, le délai devant être respecté par le vendeur d'immeuble à construire participe également de la qualification et de l'existence même de ce contrat. Les aléas pouvant être rencontrés par le vendeur dans le cadre de l'opération de construction justifient que, bien souvent, des extensions de ce délai soient prévues. L'existence de causes, alors considérées par les parties comme légitimes, de suspension du délai pour construire, ne contrevient pas à l'obligation s'imposant aux parties de prévoir un délai pour édifier l'immeuble. Le délai sera alors déterminable à défaut d'être précisément déterminé.

Le cas particulier du terrain procuré

– Origines de la théorie du terrain procuré. – La volonté de certains constructeurs d'échapper aux contraintes inhérentes à la Vefa, à une époque où la construction sur le terrain d'autrui ne générait pas les mêmes protections pour le maître de l'ouvrage, les conduisait à décomposer artificiellement et frauduleusement l'opération en deux temps : dans un premier temps, la vente du terrain devant supporter les constructions (en application d'un simple contrat de vente) et, dans un second temps, la réalisation des constructions (en application d'un contrat de louage d'ouvrage ou d'un mandat). Ce contournement des règles de protection issues de la loi du 3 janvier 1967 a justifié que soit étendu son champ d'application et créé la théorie de la procuration à travers la loi du 16 juillet 1971. En procurant directement ou indirectement le terrain devant servir d'assiette aux constructions, le promoteur se trouve tenu de signer une vente d'immeuble à construire avec le maître de l'ouvrage afin de lui faire bénéficier des protections attachées à ce contrat.
– Critiques formulées à l'encontre de la théorie du terrain procuré. – Des critiques particulièrement sévères n'ont pas manqué de pleuvoir sur ce dispositif. Car, ainsi que cela a été relevé, l'extension du champ d'application obligatoire de la Vefa organisée par la loi du 16 juillet 1971 a perdu tout son intérêt en raison même de la création des contrats de promotion immobilière (à travers cette même loi) et de construction de maison individuelle (à travers la loi du 11 juillet 1972). L'un et l'autre de ces contrats organisent la construction sur le terrain appartenant au maître de l'ouvrage en assurant à celui-ci une protection identique à la Vefa, de sorte que l'inutilité du dispositif issu de la loi du 16 juillet 1971 a rapidement été dénoncée.
– Présentation du principe et exceptions à la théorie du terrain procuré. – L'article L. 261-10 du Code de la construction et de l'habitation propose, dans son alinéa 2, une présentation complexe de la théorie du terrain procuré où se succèdent un principe et deux exceptions. Àce texte s'ajoutent les dispositions de l'article L. 231-5 du même code, qui renferme une troisième exception à la théorie du terrain procuré.
– Le mécanisme de l'alinéa 2 de l'article L. 261-10 du Code de la construction et de l'habitation. – Il est ainsi prévu que : « Celui qui s'oblige à édifier ou à faire édifier un immeuble ou une partie d'immeuble à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation, lorsqu'il procure directement ou indirectement le terrain ou le droit de construire sur le terrain à celui qui contracte l'obligation d'effectuer les versements ou les dépôts ci-dessus définis, doit conclure un contrat conforme aux dispositions de l'alinéa précédent (…) ». Nous relevons que cette théorie ne s'applique donc que dans le secteur dit protégé . Seul le consommateur immobilier a vocation à bénéficier du régime obligatoire de protection attaché à la Vefa. En dehors de celui-ci, il est renvoyé à un accord des parties pour appliquer ces dispositions, y compris en cas de fourniture directe ou indirecte du terrain par le promoteur. L'alinéa poursuit avec une première série d'exceptions : « (…) sauf si le terrain ou le droit est procuré à une société régie par les chapitres Ier, II (sections I et II) et III du titre Ier du présent livre, ou si celui qui les procure est un organisme d'habitations à loyer modéré agissant comme prestataire de service ». La qualité des parties est ainsi prise en compte pour écarter la théorie du terrain procuré. S'agissant du maître de l'ouvrage à qui le terrain est procuré, le dispositif protecteur est écarté lorsqu'il s'agit d'une société civile constituée en vue de la vente d'immeubles, d'une société constituée en vue de l'attribution d'immeubles aux associés par fractions divises ou d'une société coopérative de construction. La raison de cette exception est tirée du risque et de l'inutilité de devoir signer deux Vefa successives, l'une entre le promoteur qui procure le terrain à la société et celle-ci, et l'autre entre ladite société et le maître de l'ouvrage. S'agissant du promoteur-constructeur procurant le terrain, le dispositif est également écarté lorsqu'il s'agit d'un organisme HLM agissant comme prestataire de service. La qualité intrinsèque dudit organisme et la nature des contrats conclus par lui justifient cette mesure d'exception.
– L'exception des contrats de construction de maison individuelle. – La loi du 19 décembre 1990 a introduit une exception à l'obligation de conclure une Vefa alors même que le terrain d'assiette de la construction était procuré indirectement par le promoteur. C'est ainsi que l'article L. 231-5 du Code de la construction et de l'habitation prévoit que : « L'obligation, instituée par le deuxième alinéa de l'article L. 261-10, de conclure un contrat conforme aux dispositions de l'alinéa premier de cet article ne s'applique pas lorsque celui qui procure indirectement le terrain est le constructeur ». Il y a lieu de considérer que le constructeur visé dans ce texte est celui-là même chargé de procéder à la réalisation des travaux de construction en application du contrat de construction de maison individuelle.
– Les limites au dispositif. Insuffisance des exceptions. – Ce dispositif est fortement critiqué et apparaît comme une source de contentieux. C'est ainsi que d'importantes limites ont été dénoncées, tant dans le régime des exceptions au principe que dans l'application des critères fixés par l'article L. 261-10 du Code de la construction et de l'habitation. S'agissant des exceptions tout d'abord, le contrat de construction de maison individuelle, bien que tout autant protecteur que la Vefa, n'est pas écarté en toute circonstance. Il ressort ainsi des termes mêmes de l'article L. 231-5 du même code que la Vefa doit s'appliquer lorsque le terrain est procuré directement par le promoteur. De même, et peu importe que le terrain soit procuré directement ou indirectement par le promoteur, le contrat de promotion immobilière ne figure pas au rang des exceptions à la théorie du terrain procuré, peu importe ici aussi la qualité de la protection assurée au consommateur immobilier à travers ce contrat.
– Les limites au dispositif. Les termes de procuration « directe ou indirecte ». – S'agissant des critères, les termes de procuration « directe ou indirecte » ne permettent pas, loin s'en faut, d'écarter le risque d'interprétation et son lot d'incertitudes.
S'agissant du terrain procuré directement, tout d'abord, le doute n'est pas permis lorsque le promoteur, propriétaire du terrain (ou des droits de construire) servant d'assiette aux futures constructions, vend celui-ci (ou ceux-là) au consommateur immobilier. L'absence de signature d'une Vefa sera constitutive d'une fraude et sanctionnée en tant que telle (la sanction pouvant s'étendre bien évidemment à l'engagement de la responsabilité du notaire ayant reçu l'acte de vente sans s'inquiéter, alors qu'il en était informé, de la signature concomitante d'un contrat ne répondant pas aux conditions de la Vefa). La situation est tout autre lorsqu'un laps de temps, plus ou moins long, sépare la vente du terrain par le promoteur au consommateur immobilier et la signature du contrat organisant la réalisation des travaux de construction par ce même promoteur. C'est ainsi qu'il a pu être rappelé que l'acquéreur du terrain pouvait ne pas avoir décidé encore, lors de son acquisition, du projet en question, mais souhaitait après coup interroger et retenir le promoteur pour la réalisation de ces travaux.
S'agissant du terrain procuré indirectement, la perplexité est de mise lorsqu'il s'agit d'apprécier les hypothèses d'application. Faute de définition, il est renvoyé à l'appréciation des juges et aux éclairages de la doctrine qui, de manière unanime et parfois virulente, critiquent l'imprécision de la terminologie employée. L'existence d'un lien, notamment d'affaires ou capitalistique, entre le vendeur du terrain et le promoteur chargé de construire, semble ainsi de nature à caractériser la procuration indirecte du terrain. Au contraire, l'absence de rémunération attachée aux simples renseignements transmis par le promoteur au consommateur immobilier dans la sélection du terrain ne semble pas faire rentrer la situation dans la théorie du terrain procuré indirectement.
– Quelles solutions pour le notaire ? – Confronté à cette situation, que doit faire le notaire chargé de recevoir l'acte de vente portant sur le terrain (ou les droits de construire) devant supporter les futures constructions ? L'ingénierie du notaire, qui l'amène à rechercher des solutions de nature à permettre la réalisation des opérations dont il est saisi, se déploie dans le cadre strict des textes de loi qu'il est chargé d'appliquer et de faire respecter. Il a été rappelé que les sanctions attachées au non-respect des règles de la vente d'immeuble à construire sont lourdes, allant de la nullité des conventions passées en fraude de ces textes jusqu'à d'éventuelles sanctions pénales. Il est donc des situations où le notaire ne pourra qu'opposer à ses clients un refus d'instrumenter, à moins que la situation litigieuse ne soit régularisée et régularisable.
Des solutions ont été recherchées, et émanent tant de l'administration que de la doctrine. Dans le cas où le terrain est procuré indirectement par le promoteur, la question s'est posée de savoir comment devait être gérée la situation de parcelles loties vendues par un particulier, dont certaines par l'intermédiaire de constructeurs appelés à réaliser par la suite les travaux de construction pour le compte des acquéreurs. En réponse à la question posée, et après avoir confirmé qu'il convenait de considérer que le terrain avait bien été procuré indirectement, il a été précisé que les deux contrats envisagés (vente du terrain et contrat relatif à la construction) constituaient en fait « un ensemble d'opérations juridiques concourant au même but ». Dans ces conditions, il convient d'envisager la signature d'un contrat unique rassemblant le vendeur du terrain, l'acquéreur et le constructeur et constituant une véritable Vefa, les obligations du vendeur étant dans ce cas scindées entre le vendeur, simplement tenu de vendre, et le constructeur, chargé de réaliser et de livrer les constructions à venir. Cette présentation est complétée par l'application audit contrat des échelonnements de paiement résultant de l'application des règles en matière de Vefa. Cela ne convainc pas, tant le vendeur et le constructeur ne souhaiteront pas partager leurs obligations respectives de vendre et de construire (et les responsabilités y attachées).
Dans l'hypothèse où le terrain aurait déjà été procuré directement par le promoteur au consommateur immobilier, il a également été envisagé de dissocier la vente (déjà intervenue) du terrain de la réalisation (à venir) des constructions. Cette solution complexe n'aura pas été retenue par la pratique, en raison des réserves d'ailleurs légitimement énoncées par ses auteurs.
Une solution ultime a bien été proposée, consistant à convaincre le promoteur ayant procuré le terrain de décliner l'opération de construction qui lui serait par la suite proposée…
– Supprimer la théorie du terrain procuré. La seule solution ? – Au regard des inconvénients rappelés ci-dessus, notamment empreints d'incertitudes et d'insécurité juridique, il convient de s'interroger sur les raisons du maintien des dispositions de l'article L. 261-10, alinéa 2 du Code de la construction et de l'habitation. Deux solutions semblent pouvoir être retenues :
(i) dans une première approche, il s'agirait d'améliorer le dispositif, sans le supprimer. Il conviendrait dès lors d'étendre les exceptions aux opérations dans lesquelles sont conclus des contrats de promotion immobilière et, dans ces cas comme dans ceux appelant à la signature de contrat de construction de maison individuelle, d'étendre l'exception au terrain procuré directement. Au-delà d'une extension de ces exceptions, il serait également nécessaire de définir précisément ce qu'il faut entendre par terrain procuré directement ou indirectement ;
(ii) une seconde approche, plus radicale et souvent réclamée, consisterait à supprimer purement et simplement l'article L. 261-10, alinéa 2 du Code de la construction et de l'habitation. Cet article semblant désormais dénué d'intérêt, et présentant de sérieux risques juridiques pour les parties à ces opérations, il nous semble qu'il s'agirait de la solution la plus adaptée.

Distinction entre secteur libre et secteur protégé

Les critères de distinction

  • premier critère : un contrat ayant pour objet le transfert de propriété ;
  • deuxième critère : un immeuble à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation ;
  • troisième critère : l'obligation d'opérer des versements ou dépôts de fonds avant l'achèvement ;
  • quatrième critère : la nécessité d'une construction.
– Les critères de l'article L. 261-10, alinéa 1 du Code de la construction et de l'habitation. – Il ressort du premier alinéa de l'article L. 261-10 du Code de la construction et de l'habitation que le régime renforcé du secteur protégé s'applique dès lors que quatre critères cumulatifs sont réunis :
  • sont comprises dans le secteur protégé les ventes portant sur un immeuble :
  • ne sont pas comprises dans le secteur protégé les ventes portant sur un immeuble :
– Les difficultés d'appréciation du critère de l'usage, les différentes possibilités. – En dehors du deuxième critère ayant trait à l'usage des constructions, l'appréciation des autres critères cumulatifs entraînant l'application impérative du régime renforcé du secteur protégé ne présente pas de réelles difficultés. S'agissant de l'usage donc, l'article L. 261-10 du Code de la construction et de l'habitation dispose que le secteur protégé concerne les immeubles à usage d'habitation, bien évidemment, mais également les immeubles à usage mixte contenant à la fois l'usage d'habitation et l'usage professionnel. La situation peut donc être résumée de la manière suivante (en partant du postulat que les trois autres critères sont remplis) :
– Approches objective et subjective de l'usage d'habitation. – L'appréciation de l'usage d'habitation ou de l'usage mixte (professionnel et habitation) peut se faire selon deux approches distinctes. L'une, ne tenant pas compte de l'usage effectif, se réfère à « la configuration physique de l'immeuble vendu en recherchant si celui-ci est un bien à usage d'habitation ou à usage mixte (professionnel et habitation) ». Il s'agit dès lors d'une approche objective de l'usage d'habitation ou de l'usage mixte. Au contraire, l'approche subjective consisterait à rechercher l'intention de l'acquéreur à l'occasion de son investissement. Cette approche subjective conduirait à écarter l'application du secteur protégé dès lors que l'acquéreur s'inscrirait dans une logique d'investissement ou d'affectation commerciale, sans lien direct avec l'intention d'habiter l'immeuble en question. Cette distinction entre approche objective et approche subjective n'est pas sans rappeler celle devant être faite entre destination et usage, renvoyant alternativement et respectivement elles aussi à ce pour quoi la construction est réalisée (la destination, renvoyant à une appréciation objective) ou ce qui en est fait (l'usage, renvoyant à une appréciation subjective). L'une et l'autre de ces approches ont été retenues, la facilité de l'approche objective ayant parfois été supplantée par un renvoi aux intentions du législateur de 1967 qui recherchait, avant tout, à protéger l'acquéreur non sachant procédant à l'acquisition de son logement. Il est vrai néanmoins que dès l'origine, malgré les intentions pouvant lui être prêtées, le législateur de 1967 n'a pas envisagé la subtilité d'une approche subjective. Comme l'a si bien écrit Michel Dagot, « peu importe le mode d'occupation du logement, qu'il soit destiné à la résidence principale ou à la résidence secondaire ; peu importe qu'il doive constituer la résidence personnelle de l'acquéreur, doive être loué à un locataire, être occupé à titre gratuit, voire rester vide dans l'attente d'une occupation quelconque : le mode d'occupation du logement est sans incidence ici dès lors qu'il s'agit d'un logement : la nature de l'immeuble vendu importe seule pour que le contrat relève du secteur protégé ». En dernier lieu, c'est l'approche objective qui semble avoir été retenue par la Cour de cassation, notamment lorsqu'il s'est agi d'apprécier l'usage résultant de modes d'habitats récemment apparus, qu'il s'agisse de résidences hôtelières, de résidences avec services, de résidences étudiantes ou de résidences de tourisme.
– Le cas des résidences services et hôtelières. – Nous constatons ces dernières années un développement important de l'offre de logements rendus accessibles au sein de résidences services, notamment à destination des seniors, ou de résidences hôtelières. Dès lors, et tout naturellement, il est apparu nécessaire que soit précisée leur appartenance ou non au secteur protégé de la vente d'immeuble à construire. Bien souvent, en effet, ces opérations sont réalisées dans le cadre de contrats de Vefa, qui se doublent de la signature de baux commerciaux consentis par les acquéreurs, agissant en tant que véritables investisseurs, au profit des exploitants de ces résidences. La Cour de cassation a tout d'abord reconnu que les logements compris dans une résidence pour personnes âgées correspondaient bien à des immeubles à usage d'habitation, au sens de l'article L. 261-10 du Code de la construction et de l'habitation, et que leur vente en l'état futur d'achèvement rentrait donc dans le champ d'application du secteur protégé. L'argumentation de la Cour de cassation a laissé penser qu'il convenait de distinguer l'usage d'habitation selon une approche subjective, puisque l'appartenance au secteur protégé était motivée au cas particulier par le fait qu'il était établi que les lots vendus étaient des appartements meublés à usage d'habitation principale (chaque appartement étant composé d'une salle de douches, toilettes, cuisine) et étaient destinés à être habités à l'année par des personnes âgées. Si cette situation avait vocation à se rencontrer également en présence de résidences étudiantes (peu importe que les logements soient alors mis à la disposition des étudiants, non pas par l'acquéreur, mais par l'intermédiaire de la société exploitante), il en irait alors autrement pour une résidence hôtelière. C'est d'ailleurs ce qu'est tout d'abord venu confirmer la Cour de cassation en indiquant, à propos d'un investissement contracté dans un but de défiscalisation au sein d'une résidence service de nature hôtelière, que la vente ne relevait pas du secteur protégé dans la mesure où la destination des lots était exclusivement commerciale compte tenu du bail commercial qui avait été conclu. C'est ainsi qu'à quelques mois d'intervalle, la Cour de cassation est venue dire que la location par bail commercial apparaît tantôt indifférente pour la qualification de l'usage d'habitation du lot acquis (pour une résidence service pour personnes âgées), tantôt qu'elle empêchait cette même qualification en présence d'une résidence hôtelière ! La cour est par la suite revenue sur cette jurisprudence pour retenir, à nouveau, l'approche objective, et considérer que la Vefa portant sur des biens situés dans une résidence hôtelière relève bien du secteur protégé. Au final, il suffit désormais que le bien vendu en Vefa soit à usage d'habitation pour entrer dans le champ d'application du secteur protégé. Peu importe son mode d'occupation (résidence principale ou secondaire) ou d'exploitation (résidence service, y compris de nature hôtelière, à travers notamment l'exploitation consentie par suite de la signature d'un bail commercial). L'objectif de défiscalisation pouvant être poursuivi par un investisseur n'est donc plus susceptible de faire sortir ces opérations du champ d'application du secteur protégé.

L'approche extensive du secteur protégé

Le régime renforcé du secteur protégé a vu son champ d'application étendu par les dernières décisions rendues par la Cour de cassation.
Désormais, peu importent :
  • les objectifs poursuivis par l'acquéreur (habitation directe ou investissement, notamment dans un but de défiscalisation) ;
  • le mode d'occupation du logement (résidence principale ou secondaire), sa durée (à l'année ou pour des périodes très courtes) ;
  • ou même son mode d'exploitation (notamment résidences services ou hôtelières à travers la signature d'un bail commercial au profit d'un exploitant).
Seul compte désormais l'usage effectif d'habitation.

L'influence croissante du droit de la consommation à l'origine d'une nouvelle définition du secteur protégé ?

– Une influence croissance du droit de la consommation. – Le droit de la construction ou de la promotion immobilière remonte à 1967 et à l'adoption de la loi du 3 janvier sur la vente d'immeuble à construire. Àune époque donc où les impératifs de construction de logements et de protection de leurs acquéreurs ont conduit notamment la pratique notariale à œuvrer pour la création de ce contrat spécial qui servira ensuite de modèle aux autres contrats de construction. Le droit de la consommation, bien que lui étant largement postérieur, imprègne désormais de nombreuses dispositions de droit de la construction. Le contrat de Vefa, matrice des contrats de construction, n'y fait bien entendu pas exception. Les modifications encore récemment opérées à la Vefa (dont la suppression des garanties intrinsèques d'achèvement) étaient notamment destinées à améliorer la protection de celui que l'on nomme désormais le « consommateur immobilier ». Malgré ces liens évidents entre contrats de construction et droit de la consommation, ces derniers semblent davantage se rejeter que se concilier, ce que le critère fondamental d'application du secteur protégé illustre parfaitement.
– Opposition des critères issus du Code de la construction et de l'habitation et du droit de la consommation. – Nous l'avons rappelé, le critère de l'usage d'habitation ou d'usage mixte (habitation et professionnel) s'apprécie de manière objective en considération des caractéristiques propres à l'immeuble. Bien au contraire, ce sont les qualités de l'acquéreur qui, en droit de la consommation, justifient les faveurs d'une protection particulière accordée au « consommateur immobilier ». Ce dernier correspond ainsi à « toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ». Des conséquences paradoxales peuvent résulter de cette dichotomie, un professionnel procédant à une acquisition en Vefa de locaux d'habitation pouvant se trouver protégé par l'application des règles du secteur protégé là où des particuliers, procédant à l'acquisition sur plans de biens n'étant pas à usage d'habitation ou à usage mixte, ne le seront pas. Le retour en grâce du secteur du logement pour les investisseurs institutionnels, particulièrement marqué au cours de l'année 2021, conduit à ce que cette situation se soit multipliée ces derniers mois. La pertinence de l'application du régime protecteur en considération de la seule destination de l'immeuble à construire est donc remise en question.
– Complémentarité des critères du Code de la construction et de l'habitation et du droit de la consommation ? – Bien plus qu'à une opposition, c'est à une complémentarité des critères d'application des contrats du droit de la construction et du droit de la consommation qu'il nous semble nécessaire de devoir aboutir. Le lien entre ces deux réglementations paraît évident, de même que semble incohérente la protection accordée aux uns et refusée à d'autres en considération de la seule destination de l'immeuble acquis en Vefa. L'amélioration pourrait se faire en doublant le critère de l'usage d'habitation (ou de l'usage mixte habitation et professionnel) d'une exigence tenant à la qualité de l'acquéreur, devant être un « consommateur » pour pouvoir bénéficier du régime protecteur du secteur protégé. Cette solution a été préconisée, et a même été proposée par le législateur dans le cadre des discussions sur la loi Elan, avant d'être opportunément retirée. Il semble en effet inconcevable de modifier la « matrice » que constitue le contrat de vente d'immeuble à construire, qui plus est sur l'un de ses éléments fondateurs, sans procéder à une modification identique sur l'ensemble des contrats dérivés en droit de la construction. S'il est vrai qu' « une bonne évolution législative est celle qui améliore le texte et sait l'adapter aux nouvelles réalités qu'il doit affronter », tel semble être le sort pouvant être réservé à une évolution d'ensemble du critère d'application le plus sensible du secteur protégé, au regard des évolutions constatées depuis l'adoption de la loi du 3 janvier 1967.

La prise en compte de la qualité de l'acquéreur. L'exemple belge

La loi Breyne du 9 juillet 1971 réglementant en Belgique la construction d'habitations et la vente d'habitations à construire s'est directement inspirée de la loi française du 3 janvier 1967. Cette dernière pourrait désormais s'inspirer de l'exemple belge, la Belgique tenant compte de la nature des biens à construire mais également de la qualité de l'acquéreur dans la détermination du champ d'application des règles protectrices.
En effet, son article 1er vise les logements, en précisant que ladite loi s'applique à toute convention ayant pour objet le transfert de la propriété d'une maison ou d'un appartement à construire ou en voie de construction ainsi qu'à toute convention portant engagement de construire, de faire construire ou de procurer un tel immeuble, lorsque la maison ou l'appartement est destiné à un usage d'habitation ou à un usage professionnel et d'habitation et que, en vertu de la convention, l'acheteur ou le maître de l'ouvrage est tenu d'effectuer un ou des versements avant l'achèvement de la construction (champ d'application ensuite élargi par une loi du 3 mai 1993).
L'article 2 quant à lui apporte des restrictions en prenant en compte la qualité de l'acquéreur. Il est ainsi indiqué que ne bénéficie pas des règles protectrices l'acquéreur ou le maître de l'ouvrage dont l'activité habituelle consiste à construire ou à faire construire des maisons ou appartements en vue de les céder à titre onéreux ; toute convention conclue par cet acquéreur ou maître de l'ouvrage est censée l'être dans le cadre de son activité habituelle.

Les incidences de cette distinction

– Une protection en demi-teinte pour le secteur protégé. – La distinction ainsi rappelée entre le secteur protégé et le secteur libre, il convient désormais d'en comprendre les fondements et les incidences. Nous le ferons en rappelant tout d'abord l'objectif de protection attaché au secteur protégé (I). Une incohérence sera ensuite exposée, en ce qu'il est bien souvent constaté en pratique que la protection bénéficiant à l'acquéreur en Vefa paraît supérieure dans le périmètre du secteur libre que dans celui du secteur protégé (II).
L'objectif de protection attaché au secteur « protégé »
– La protection du « consommateur immobilier ». – Le notariat français a dégagé, lors de son 81e Congrès, le concept de « consommateur immobilier ». Bien que les notions et périmètres du régime renforcé et du droit de la consommation ne se confondent pas, l'influence de ce dernier sur le premier est très marquée depuis quelques années. La lutte contre le déséquilibre significatif portée par le droit de la consommation fait donc écho à la recherche d'équilibre par le législateur de 1967 entre le promoteur-vendeur et l'acquéreur. Cette protection offerte à l'acquéreur dans le secteur protégé s'applique avant la formation du contrat, au moment de cette formation et dans les effets induits par le contrat formé.
– La protection avant la formation du contrat : le contrat préliminaire de réservation. – Si la régularisation d'un avant-contrat n'est pas un passage obligé, même dans le secteur protégé, l'avant-contrat qui serait régularisé pour des biens relevant dudit secteur ne pourrait valablement emprunter une autre forme que celle du contrat préliminaire de réservation. Du fait de la possibilité de conclure cet acte sous signature privée « sans le secours et les conseils éventuels d'un notaire », le législateur a imposé un cadre strict à l'avant-contrat afin de protéger le candidat acquéreur. C'est que des mentions obligatoires doivent y figurer, qui sont autant de moyens d'informer l'acquéreur, de l'aider à affirmer son consentement et de vérifier la conformité du contrat définitif avec les prévisions du contrat de réservation.
– La protection au stade de la formation du contrat définitif. – La protection légale de l'acquéreur du secteur protégé se poursuit au stade de la conclusion du contrat définitif, tant au regard des règles de forme devant être respectées qu'au regard des règles de fond :
  • sur la forme : le contrat doit obligatoirement être établi par acte authentique, faisant de la Vefa du secteur protégé un acte solennel. Afin d'éclairer le consentement de l'acquéreur, et en plus de l'intervention du notaire exerçant son devoir de conseil, certaines mentions et annexes sont obligatoires, dont la description de l'immeuble, le délai de livraison, le prix et les modalités de paiement de celui-ci, les documents se rapportant à la consistance et aux caractéristiques des biens vendus… ;
  • sur le fond : le prix et ses modalités de paiement sont encadrés. C'est ainsi que la révision du prix est strictement encadrée, et ses paiements échelonnés en fonction de l'avancement des travaux.
– La protection dans l'application du contrat formé. – Une fois le contrat valablement signé, la protection de l'acquéreur en Vefa du secteur protégé se poursuit, et s'applique désormais tant sur les principales obligations du promoteur-vendeur que sur l'éventuelle défaillance de l'acquéreur. L'objectif sera alors soit de garantir l'acquéreur en cas de défaillance du promoteur-vendeur, soit d'atténuer les conséquences de la défaillance de l'acquéreur. La remise à l'acquéreur d'une garantie financière d'achèvement ou de remboursement est ainsi obligatoire dans le secteur protégé. Par ailleurs, la défaillance de l'acquéreur dans le paiement du prix de vente atermoyé est encadrée par une procédure spécifique et peut faire l'objet de sanctions plafonnées dans leur montant, qu'il s'agisse de pénalités de retard ou de clause pénale.
Les limites de la distinction entre secteurs libre et protégé
– Le secteur libre : lieu d'expression de l'ingénierie notariale. – L'objectif de protection de l'acquéreur dans le secteur protégé est poursuivi à travers l'application d'une réglementation impérative. C'est ainsi que la liberté contractuelle des parties est restreinte dans le secteur protégé en ce que les parties ne peuvent convenir de déroger librement au régime renforcé. « L'initiative des parties a peu d'occasions de s'exercer » en la matière, conduisant le secteur protégé à « anesthésie(r) l'intelligence contractuelle dans un ensemble de contraintes parfois déconnectées des réalités économiques ». Au contraire, le secteur libre est, comme son nom l'indique, empreint de liberté. Le principe y est inversé en ce que les parties sont libres de négocier la plupart des dispositions de la convention, qu'il s'agisse des conditions de forme ou des conditions de fond. Laissant le champ libre à « l'ingénierie contractuelle », le secteur libre « fait confiance à la négociation et au contrat ». L'ingénierie du notaire peut alors s'y exercer pleinement dans l'intérêt de chacune des parties.
– Une information accrue de l'acquéreur au stade de la formation du contrat. – Àl'inverse de ce qui est prévu pour le secteur protégé, la Vefa du secteur libre n'est pas soumise au respect de règles de forme particulières. Il en va ainsi notamment de la signature de l'acte authentique, des mentions obligatoires de l'acte et des documents à remettre à l'acquéreur. Sur ce dernier point, il apparaît néanmoins en pratique que les renseignements transmis à l'acquéreur dans le cadre de Vefa du secteur libre s'avèrent bien souvent plus complets que ceux prévus pour le secteur protégé.
– Extension des obligations du promoteur-vendeur. – La libre discussion des parties à la Vefa du secteur libre amène souvent celles-ci à prévoir d'étendre les obligations du promoteur-vendeur à l'égard de son acquéreur. Il peut en aller ainsi, notamment, par l'adoption d'une définition plus extensive de la notion d'achèvement, la mise en place de pénalités de retard dans la livraison, la prise en compte de labels ou certificats environnementaux.
– Une plus grande sécurisation financière de l'acquéreur. – Qu'il s'agisse d'étendre le champ d'action de la garantie financière d'achèvement (ou, plus rarement, de remboursement), ou de conditionner le paiement des échéances de prix à un contrôle des situations de travaux par l'acquéreur ou ses mandataires, la libre discussion amène bien souvent les parties à convenir assez naturellement d'aménagements consistant en des engagements supérieurs du promoteur-vendeur par comparaison avec le secteur protégé. De la même manière, la possibilité donnée aux parties de convenir d'un échéancier de paiement du prix différent de ce qui s'applique au secteur protégé les conduit bien souvent à ne pas se limiter à la seule échéance de livraison pour inclure la levée des réserves, la justification de la levée des désordres relevant de la garantie de parfait achèvement, la justification de l'obtention de la conformité administrative, l'obtention de labels ou certificats environnementaux, la justification du paiement des primes définitives des assurances construction, etc. Il a ainsi été relevé fort justement que « dans le secteur libre, le contrat de Vefa ne prend pas fin à l'Achèvement ».
– Au final, le secteur libre est-il plus protecteur pour l'acquéreur ? – La comparaison des règles applicables au secteur protégé et des applications constatées en pratique dans le secteur libre amène à un constat plutôt flatteur pour ce dernier. Il apparaît ainsi que la liberté laissée aux parties dans le secteur libre semble conduire celles-ci à une recherche d'équilibre et de sécurité encore accrue par rapport à ce que prévoit le régime protégé. La présence du notaire au stade de la négociation du contrat de Vefa s'ajoute à l'existence de cet espace de liberté pour expliquer la réussite du secteur libre. Au regard de celle-ci, et de la protection accrue qui semble en résulter pour l'acquéreur, il serait probablement opportun que le secteur protégé puisse s'en inspirer en prévoyant la possibilité de déroger à ses règles impératives dans un sens favorable à la protection de l'acquéreur.