Les obligations du vendeur de l'immeuble à construire

Les obligations du vendeur de l'immeuble à construire

– Des contentieux toujours plus nombreux. – Une étude publiée en novembre 2018 par l'UFC-Que Choisir fait état d'une augmentation de 84 % des litiges concernant les achats immobiliers sur plan entre les années 2017 et 2018, après une croissance annuelle moyenne de 8,7 % entre 2010 et 2017. C'est ainsi que, notamment, les retards de livraison touchent près d'un acheteur sur trois (29 %) et sont d'une durée moyenne de 5,4 mois. In fine, les problèmes résultant de malfaçons devancent ceux relatifs au retard de livraison selon cette étude. L'ingénierie du notaire au stade de la préparation du contrat et de la délivrance de conseils aux parties, tant à l'acquéreur qu'au promoteur, s'avère d'autant plus essentielle qu'elle est un moyen efficace d'anticiper ces contentieux au stade de l'exécution du contrat.
Enquête UFC – Que Choisir : « Achats de logements sur plan auprès de promoteurs (Vefa) – Les acquéreurs particulièrement mal lotis » :
– Plan. – Le contrat de vente d'immeuble à construire emprunte à la fois au contrat de vente et au contrat de louage, en cumulant et adaptant les particularités de l'un avec l'autre. Directement issu des réflexions menées par le notariat ayant conduità la loi fondatrice du 3 janvier 1967, ce contrat modèle des contrats de promotion répond à celui des contrats spéciaux en général, que constitue le contrat de vente d'immeuble. Cette filiation entre les deux contrats amène, au moment d'analyser le rôle du notaire dans leur mise en œuvre et leur application, à revenir tout naturellement sur les deux obligations essentielles que sont l'obligation de délivrance, d'une part (Sous-section II), et l'obligation de garantie, d'autre part (Sous-section III). S'y ajoute une obligation tout spécialement adaptée à la vente portant sur une chose future, et destinée à couvrir les éventuels sinistres pouvant apparaître suite à cette construction, l'obligation d'assurance (Sous-section IV). Nous aborderons successivement chacune de ces obligations en insistant sur le rôle central que le notaire doit y jouer. Ces développements seront précédés, en guise de propos préliminaire, d'un rappel sur les notions en présence et le périmètre de la vente d'immeuble à construire (Sous-section I). L'ingénierie du notaire en la matière, comme dans l'ensemble de son périmètre d'activité, nécessite de sa part une parfaite connaissance des concepts en présence afin d'être en mesure de les expliquer à ses clients et de les adapter à chaque opération.

Propos préliminaires : notions et périmètres de la vente en l'état futur d'achèvement

Propos préliminaires : notions et périmètres de la vente en l'état futur d'achèvement

Propos préliminaires : notions et périmètres de la vente en l'état futur d'achèvement

Présenter l'ingénierie du notaire en matière de Vefa nécessite de rappeler certains fondamentaux applicables à ce contrat. Les notions et périmètres de la Vefa seront ainsi appréhendés en guise de préambule.
– Plan. – Nous rappellerons successivement la définition et les éléments caractéristiques de la vente en l'état futur d'achèvement (§ I) avant de revenir sur la distinction entre secteur libre et secteur protégé (§ II).

Définition et éléments caractéristiques de la Vefa

– Une définition à l'efficacité éprouvée. – L'article 1601-1 du Code civil définit en ces termes la vente d'immeuble à construire, dont relève la vente en l'état futur d'achèvement : « La vente d'immeubles à construire est celle par laquelle le vendeur s'oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé par le contrat. Elle peut être conclue à terme ou en l'état futur d'achèvement ». La situation est assez rare pour être relevée : la rédaction ainsi proposée date de la création même de la vente d'immeuble à construire à travers la loi du 3 janvier 1967. Cette remarquable stabilité du dispositif et sa résistance, autant que son adéquation à un marché immobilier tendu, justifient que cette loi du 3 janvier 1967 soit qualifiée de succès, voire même de « top-modèle ».
– Liste des éléments caractéristiques. – La lecture de l'article 1601-1 du Code civil permet d'identifier quatre éléments essentiels à la qualification d'une vente en l'état futur d'achèvement : l'existence d'une vente (A), contenant l'obligation d'édifier (B) une construction (C) dans un délai déterminé (D). Ces critères sont cumulatifs en ce qu'ils sont tous essentiels à cette qualification.
– Les difficultés inhérentes à la théorie du terrain procuré. – Au-delà des éléments caractéristiques ci-dessus listés, il convient de revenir sur des situations dans lesquelles les parties n'ont pas souhaité conclure une Vefa mais se trouvent néanmoins « rattrapées » par la réglementation applicable à ce contrat. Cette véritable requalification légale des conventions des parties avait pour but initial d'éviter le contournement des règles applicables à la Vefa, et donc des protections ainsi offertes à l'acquéreur. Il apparaît néanmoins que cette théorie est aujourd'hui source d'insécurité juridique pour les parties (E).
Premier critère : l'existence d'une vente
– Échelonnement du transfert de propriété. – La Vefa est, bien entendu, une vente. Ainsi que le permet l'article 1196 du Code civil, il est dérogé au principe de transfert immédiat de la propriété au moment de la conclusion du contrat pour retenir un principe de transfert de propriété échelonné. C'est ainsi que les dispositions dérogatoires de l'article 1601-3 du Code civil prévoient que ce transfert s'opère au profit de l'acquéreur immédiatement, dès la conclusion du contrat, à hauteur des droits du vendeur sur le sol et les constructions existantes. Pour le reste, ce transfert s'opère au fur et à mesure de l'exécution des travaux. Les rédacteurs de la loi du 3 janvier 1967 ont finalement tenu compte du particularisme de la vente de biens n'existant pas, pour tout ou partie des constructions, sans rejeter l'application du mécanisme de droit commun de l'accession.
– Distinction avec les contrats voisins. Le louage d'ouvrage. – L'existence d'une vente, et donc d'un transfert de propriété sur le terrain d'assiette des constructions et sur celles-ci, constitue le critère fondamental permettant de distinguer la Vefa et le contrat de louage d'ouvrage. Par essence, le vendeur en l'état futur d'achèvement n'est pas (simplement) l'entrepreneur chargé de réaliser (ou de faire réaliser) les travaux de construction, il est également le propriétaire du terrain devant supporter celles-ci. Ainsi, la distinction entre la Vefa et le louage d'ouvrage est attachée à un seul critère : la propriété du sol. Dans l'un et l'autre cas, les travaux sont réalisés au profit du maître de l'ouvrage, bénéficiaire ultime des constructions au terme du contrat conclu. La qualification est d'importance, en ce qu'elle impose ou non au constructeur le cadre et les responsabilités attachés au contrat de Vefa.
– Distinction avec les contrats voisins. Le CCMI et le CPI. – Le transfert de propriété inhérent au contrat de Vefa permet de le distinguer très nettement du contrat de construction de maison individuelle (CCMI), et du contrat de promotion immobilière (CPI). Dès lors que le maître de l'ouvrage est d'ores et déjà propriétaire du terrain d'assiette des constructions à venir, et en dehors des cas de requalification de l'opération lorsque le terrain est procuré directement ou indirectement par le promoteur, seul l'un ou l'autre de ces deux contrats pourra être retenu. Indépendamment de l'existence d'un mandat, critère essentiel pour la qualification du contrat de promotion immobilière, la fourniture des plans s'avère être le critère ultime permettant de qualifier le contrat en contrat de construction de maison individuelle.
Deuxième critère : l'obligation d'édification
– Vente avant achèvement. – L'obligation d'édification est le deuxième critère fondamental permettant la qualification du contrat en vente d'immeuble à construire. C'est ce qui rapproche la Vefa du contrat de louage d'ouvrage, et la distingue de la vente d'immeuble achevé. La mesure de cet engagement renvoie donc à la notion d'achèvement : pour être qualifiée de Vefa, la vente ne peut porter sur un bien achevé au sens de l'article R. 261-1 du Code de la construction et de l'habitation.
  • le contexte économique tout d'abord. L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a ainsi eu l'occasion de rappeler que l'accès à un logement abordable, « qui constitue un besoin fondamental pour tout être humain, et une dimension sociale du bien-être, devient de plus en plus difficile dans de nombreux pays ». En étendant à la Vefa du secteur protégé ce qui existe d'ores et déjà pour le contrat de construction de maison individuelle, cette évolution permettrait aux candidats à l'acquisition d'acheter « moins cher, tout en se réservant la possibilité d'achever leur logement par leurs propres moyens et dans des délais qui leur conviendront » ;
  • la volonté de certains acquéreurs de « garder la main » sur certaines prestations. Il en va ainsi notamment, mais non exclusivement, d'acquéreurs souhaitant confier l'aménagement intérieur à leur propre architecte et à des entreprises choisies par celui-ci ou par eux-mêmes.
– Vente avec achèvement. Quid de la vente en l'état futur d'inachèvement ? – L'obligation d'édification, en tant que critère essentiel à la qualification du contrat de Vefa, est directement liée à l'obligation d'achever. La question s'est rapidement posée de savoir s'il était néanmoins possible que l'acquéreur en Vefa conserve à sa charge la réalisation de travaux portant sur les biens objet de cette édification. Le secteur libre connaît depuis longtemps les ventes « brut de béton » ou « brut de décoffrage », dans lesquelles le vendeur est conventionnellement tenu à une obligation d'achèvement plus limitée en raison de travaux laissés à la charge de l'acquéreur.
Ainsi que cela a pu être relevé, deux situations semblent commander cette ouverture du secteur protégé aux travaux réservés par l'acquéreur :
La doctrine s'est opposée sur la possibilité de prévoir, dans une Vefa du secteur protégé, que la réalisation de partie des travaux concourant à l'achèvement soit confiée à l'acquéreur. En dehors des travaux de finition ou de parachèvement, qui par définition supposent un achèvement préalable et ne contreviennent donc pas à l'obligation d'achèvement du vendeur, seule la vente « en l'état » d'un bien immobilier inachevé semblait envisageable. La Cour de cassation a d'ailleurs eu à se prononcer sur cette difficulté, en sanctionnant le notaire ayant reçu une vente par laquelle l'acquéreur procédait à l'acquisition « en l'état » d'un appartement dans lequel d'importants travaux de rénovation devaient être réalisés (pour un montant trois fois supérieur au prix de vente) par des entreprises lui ayant été imposées par le vendeur… Pour les hauts magistrats, il ne pouvait s'agir d'une vente de droit commun mais bien au contraire d'une Vefa du secteur protégé. L'impératif de protection du consommateur immobilier, à l'origine du statut impératif du secteur protégé, justifie une lecture restrictive de ce qu'il est possible de laisser à la charge de l'acquéreur dans le cadre de ventes sur plans de biens rentrant dans cette qualification. Àdéfaut, il serait à craindre un dangereux contournement destiné, notamment, à éviter la délivrance d'une garantie portant justement sur l'achèvement des biens à édifier.
Le législateur, conscient des enjeux rappelés ci-dessus et pressé par la pratique, a tenté une première fois d'introduire la possibilité de signer, dans le secteur libre comme dans le secteur protégé, des ventes en l'état futur d'inachèvement. Il aura finalement fallu attendre la loi Elan du 23 novembre 2018 pour que cette possibilité soit consacrée.

La crise du logement en quelques chiffres

La volonté d'introduire la possibilité de signer des Vefa avec travaux réservés par l'acquéreur répond notamment à la crise du logement constatée dans les pays membres de l'OCDE en général, et en France en particulier.
C'est ainsi que :
  • au cours de la décennie 2005-2015, la part des revenus des ménages absorbée par les coûts du logement (prix des logements ou loyers) a augmenté de cinq points de pourcentage en moyenne pour s'établir à 31 % chez les ménages à revenu intermédiaire dans la plupart des pays de l'OCDE ;
  • en France, plus de 4 millions de personnes ne disposeraient pas d'un logement ou seraient mal logées, tandis que la crise du logement affecterait près de 15 millions de Français, à des degrés divers.
– Loi Elan et consécration de la Vefa avec travaux réservés par l'acquéreur. – C'est dans la loi Elan du 23 novembre 2018 qu'a été intégrée la possibilité pour le vendeur et l'acquéreur, dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement (y compris du secteur protégé), de prévoir que certains travaux seront réalisés par l'acquéreur après la livraison du logement par le vendeur.
Cette réforme apparaît utile « par le haut » et « par le bas », permettant de répondre, d'une part, aux besoins d'acquéreurs exigeants et le cas échéant fortunés, désireux d'adapter leur logement en le personnalisant selon leurs envies et goûts personnels et, d'autre part, à ceux qui, à la recherche de solutions plus économiques, souhaitent réaliser eux-mêmes certains travaux sur leur logement.
– Périmètre des travaux réservés par l'acquéreur. – Si le principe de Vefa du secteur protégé avec travaux réservés par l'acquéreur a été fixé par la loi Elan du 23 novembre 2018, son périmètre exact a nécessité un décret pour définir la nature des travaux pouvant être laissés à la charge de l'acquéreur, puis un arrêté pour fixer la liste limitative des travaux concernés et leurs caractéristiques (cf. Figure 18 ci-dessous).
Il apparaît, à la lecture des dispositions de ces trois textes successifs, que le périmètre des travaux dont l'exécution peut être réservée par l'acquéreur d'un bien en Vefa est très restreint. Ces limitations et réserves (reproduites sous la Figure 19 ci-après) sont d'ailleurs de nature à faire douter de la qualification de la vente en l'état futur d'inachèvement. Les conséquences de ce nouveau dispositif en matière d'assurances construction et de responsabilité des constructeurs ont ainsi entraîné la mise en place d'importantes restrictions qui laissent peu de marge de manœuvre pour les parties à l'acte.
– L'ingénierie du notaire pour compléter le dispositif de la Vefa avec travaux réservés par l'acquéreur. – En dehors du périmètre restreint des travaux dont l'exécution peut être réservée par l'acquéreur en Vefa, la procédure elle-même est source de complexités. Elle peut parfois conduire à priver les parties de la possibilité de recourir à cette solution, pourtant souhaitée par certains acquéreurs désireux de réaliser des économies lors de leur acquisition en se réservant la réalisation de certains travaux. C'est ainsi que la décision de réserver certains travaux (dans la limite du périmètre des travaux réservés ci-dessus rappelé) doit intervenir lors de la signature du contrat préliminaire, prenant la forme d'un contrat de réservation dans le secteur protégé. Si celui-ci procède d'une véritable promesse de vente, le programme du promoteur étant à la fois abouti et sécurisé, cela ne posera pas de difficultés majeures. Il en ira autrement si le contrat de réservation se limite au strict minimum prévu par le Code de la construction et de l'habitation, le promoteur ne pouvant parfois s'engager qu'à réserver au profit de son bénéficiaire l'opération dont les contours ou les conditions ne sont pas encore précisément fixés ou sécurisés. Le choix entre ce maximum contractuel (la promesse de vente) et le minimum légal (le contrat de réservation) est d'importance, car la réservation de l'exécution de travaux par l'acquéreur nécessite que ceux-ci soient détaillés et évalués. L'intervention du notaire peut s'avérer ici décisive afin de permettre aux parties de bénéficier de ce dispositif alors même qu'aucune option n'avait été prise à cet égard dans le contrat de réservation initialement conclu. C'est ainsi qu'en proposant aux parties qui le souhaiteraient de modifier ce contrat de réservation à travers un avenant, lequel reprendrait le dispositif prévu sous l'article L. 261-15 du Code de la construction et de l'habitation, le notaire rendrait alors possible ce qui, de prime abord, ne l'était pas, et permettrait aux parties de réserver l'exécution de partie des travaux à l'acquéreur.
Troisième critère : une construction
– Édification d'un immeuble. – Àtravers la signature d'une vente d'immeuble à construire, le vendeur s'oblige à édifier ou à construire un immeuble . Il a été relevé que l'utilisation du terme « immeuble » en lieu et place de « bâtiment » permettait d'appliquer le régime de la vente d'immeuble à construire à la réalisation de constructions ne relevant pas nécessairement de la notion de bâtiment, comme des constructions en sous-sol ou des équipements.
Quatrième critère : un délai déterminé
– Obligation de prévoir un délai. – Directement rattaché aux obligations et caractéristiques précédentes, le délai devant être respecté par le vendeur d'immeuble à construire participe également de la qualification et de l'existence même de ce contrat. Les aléas pouvant être rencontrés par le vendeur dans le cadre de l'opération de construction justifient que, bien souvent, des extensions de ce délai soient prévues. L'existence de causes, alors considérées par les parties comme légitimes, de suspension du délai pour construire, ne contrevient pas à l'obligation s'imposant aux parties de prévoir un délai pour édifier l'immeuble. Le délai sera alors déterminable à défaut d'être précisément déterminé.
Le cas particulier du terrain procuré
– Origines de la théorie du terrain procuré. – La volonté de certains constructeurs d'échapper aux contraintes inhérentes à la Vefa, à une époque où la construction sur le terrain d'autrui ne générait pas les mêmes protections pour le maître de l'ouvrage, les conduisait à décomposer artificiellement et frauduleusement l'opération en deux temps : dans un premier temps, la vente du terrain devant supporter les constructions (en application d'un simple contrat de vente) et, dans un second temps, la réalisation des constructions (en application d'un contrat de louage d'ouvrage ou d'un mandat). Ce contournement des règles de protection issues de la loi du 3 janvier 1967 a justifié que soit étendu son champ d'application et créé la théorie de la procuration à travers la loi du 16 juillet 1971. En procurant directement ou indirectement le terrain devant servir d'assiette aux constructions, le promoteur se trouve tenu de signer une vente d'immeuble à construire avec le maître de l'ouvrage afin de lui faire bénéficier des protections attachées à ce contrat.
– Critiques formulées à l'encontre de la théorie du terrain procuré. – Des critiques particulièrement sévères n'ont pas manqué de pleuvoir sur ce dispositif. Car, ainsi que cela a été relevé, l'extension du champ d'application obligatoire de la Vefa organisée par la loi du 16 juillet 1971 a perdu tout son intérêt en raison même de la création des contrats de promotion immobilière (à travers cette même loi) et de construction de maison individuelle (à travers la loi du 11 juillet 1972). L'un et l'autre de ces contrats organisent la construction sur le terrain appartenant au maître de l'ouvrage en assurant à celui-ci une protection identique à la Vefa, de sorte que l'inutilité du dispositif issu de la loi du 16 juillet 1971 a rapidement été dénoncée.
– Présentation du principe et exceptions à la théorie du terrain procuré. – L'article L. 261-10 du Code de la construction et de l'habitation propose, dans son alinéa 2, une présentation complexe de la théorie du terrain procuré où se succèdent un principe et deux exceptions. Àce texte s'ajoutent les dispositions de l'article L. 231-5 du même code, qui renferme une troisième exception à la théorie du terrain procuré.
– Le mécanisme de l'alinéa 2 de l'article L. 261-10 du Code de la construction et de l'habitation. – Il est ainsi prévu que : « Celui qui s'oblige à édifier ou à faire édifier un immeuble ou une partie d'immeuble à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation, lorsqu'il procure directement ou indirectement le terrain ou le droit de construire sur le terrain à celui qui contracte l'obligation d'effectuer les versements ou les dépôts ci-dessus définis, doit conclure un contrat conforme aux dispositions de l'alinéa précédent (…) ». Nous relevons que cette théorie ne s'applique donc que dans le secteur dit protégé . Seul le consommateur immobilier a vocation à bénéficier du régime obligatoire de protection attaché à la Vefa. En dehors de celui-ci, il est renvoyé à un accord des parties pour appliquer ces dispositions, y compris en cas de fourniture directe ou indirecte du terrain par le promoteur. L'alinéa poursuit avec une première série d'exceptions : « (…) sauf si le terrain ou le droit est procuré à une société régie par les chapitres Ier, II (sections I et II) et III du titre Ier du présent livre, ou si celui qui les procure est un organisme d'habitations à loyer modéré agissant comme prestataire de service ». La qualité des parties est ainsi prise en compte pour écarter la théorie du terrain procuré. S'agissant du maître de l'ouvrage à qui le terrain est procuré, le dispositif protecteur est écarté lorsqu'il s'agit d'une société civile constituée en vue de la vente d'immeubles, d'une société constituée en vue de l'attribution d'immeubles aux associés par fractions divises ou d'une société coopérative de construction. La raison de cette exception est tirée du risque et de l'inutilité de devoir signer deux Vefa successives, l'une entre le promoteur qui procure le terrain à la société et celle-ci, et l'autre entre ladite société et le maître de l'ouvrage. S'agissant du promoteur-constructeur procurant le terrain, le dispositif est également écarté lorsqu'il s'agit d'un organisme HLM agissant comme prestataire de service. La qualité intrinsèque dudit organisme et la nature des contrats conclus par lui justifient cette mesure d'exception.
– L'exception des contrats de construction de maison individuelle. – La loi du 19 décembre 1990 a introduit une exception à l'obligation de conclure une Vefa alors même que le terrain d'assiette de la construction était procuré indirectement par le promoteur. C'est ainsi que l'article L. 231-5 du Code de la construction et de l'habitation prévoit que : « L'obligation, instituée par le deuxième alinéa de l'article L. 261-10, de conclure un contrat conforme aux dispositions de l'alinéa premier de cet article ne s'applique pas lorsque celui qui procure indirectement le terrain est le constructeur ». Il y a lieu de considérer que le constructeur visé dans ce texte est celui-là même chargé de procéder à la réalisation des travaux de construction en application du contrat de construction de maison individuelle.
– Les limites au dispositif. Insuffisance des exceptions. – Ce dispositif est fortement critiqué et apparaît comme une source de contentieux. C'est ainsi que d'importantes limites ont été dénoncées, tant dans le régime des exceptions au principe que dans l'application des critères fixés par l'article L. 261-10 du Code de la construction et de l'habitation. S'agissant des exceptions tout d'abord, le contrat de construction de maison individuelle, bien que tout autant protecteur que la Vefa, n'est pas écarté en toute circonstance. Il ressort ainsi des termes mêmes de l'article L. 231-5 du même code que la Vefa doit s'appliquer lorsque le terrain est procuré directement par le promoteur. De même, et peu importe que le terrain soit procuré directement ou indirectement par le promoteur, le contrat de promotion immobilière ne figure pas au rang des exceptions à la théorie du terrain procuré, peu importe ici aussi la qualité de la protection assurée au consommateur immobilier à travers ce contrat.
– Les limites au dispositif. Les termes de procuration « directe ou indirecte ». – S'agissant des critères, les termes de procuration « directe ou indirecte » ne permettent pas, loin s'en faut, d'écarter le risque d'interprétation et son lot d'incertitudes.
S'agissant du terrain procuré directement, tout d'abord, le doute n'est pas permis lorsque le promoteur, propriétaire du terrain (ou des droits de construire) servant d'assiette aux futures constructions, vend celui-ci (ou ceux-là) au consommateur immobilier. L'absence de signature d'une Vefa sera constitutive d'une fraude et sanctionnée en tant que telle (la sanction pouvant s'étendre bien évidemment à l'engagement de la responsabilité du notaire ayant reçu l'acte de vente sans s'inquiéter, alors qu'il en était informé, de la signature concomitante d'un contrat ne répondant pas aux conditions de la Vefa). La situation est tout autre lorsqu'un laps de temps, plus ou moins long, sépare la vente du terrain par le promoteur au consommateur immobilier et la signature du contrat organisant la réalisation des travaux de construction par ce même promoteur. C'est ainsi qu'il a pu être rappelé que l'acquéreur du terrain pouvait ne pas avoir décidé encore, lors de son acquisition, du projet en question, mais souhaitait après coup interroger et retenir le promoteur pour la réalisation de ces travaux.
S'agissant du terrain procuré indirectement, la perplexité est de mise lorsqu'il s'agit d'apprécier les hypothèses d'application. Faute de définition, il est renvoyé à l'appréciation des juges et aux éclairages de la doctrine qui, de manière unanime et parfois virulente, critiquent l'imprécision de la terminologie employée. L'existence d'un lien, notamment d'affaires ou capitalistique, entre le vendeur du terrain et le promoteur chargé de construire, semble ainsi de nature à caractériser la procuration indirecte du terrain. Au contraire, l'absence de rémunération attachée aux simples renseignements transmis par le promoteur au consommateur immobilier dans la sélection du terrain ne semble pas faire rentrer la situation dans la théorie du terrain procuré indirectement.
– Quelles solutions pour le notaire ? – Confronté à cette situation, que doit faire le notaire chargé de recevoir l'acte de vente portant sur le terrain (ou les droits de construire) devant supporter les futures constructions ? L'ingénierie du notaire, qui l'amène à rechercher des solutions de nature à permettre la réalisation des opérations dont il est saisi, se déploie dans le cadre strict des textes de loi qu'il est chargé d'appliquer et de faire respecter. Il a été rappelé que les sanctions attachées au non-respect des règles de la vente d'immeuble à construire sont lourdes, allant de la nullité des conventions passées en fraude de ces textes jusqu'à d'éventuelles sanctions pénales. Il est donc des situations où le notaire ne pourra qu'opposer à ses clients un refus d'instrumenter, à moins que la situation litigieuse ne soit régularisée et régularisable.
Des solutions ont été recherchées, et émanent tant de l'administration que de la doctrine. Dans le cas où le terrain est procuré indirectement par le promoteur, la question s'est posée de savoir comment devait être gérée la situation de parcelles loties vendues par un particulier, dont certaines par l'intermédiaire de constructeurs appelés à réaliser par la suite les travaux de construction pour le compte des acquéreurs. En réponse à la question posée, et après avoir confirmé qu'il convenait de considérer que le terrain avait bien été procuré indirectement, il a été précisé que les deux contrats envisagés (vente du terrain et contrat relatif à la construction) constituaient en fait « un ensemble d'opérations juridiques concourant au même but ». Dans ces conditions, il convient d'envisager la signature d'un contrat unique rassemblant le vendeur du terrain, l'acquéreur et le constructeur et constituant une véritable Vefa, les obligations du vendeur étant dans ce cas scindées entre le vendeur, simplement tenu de vendre, et le constructeur, chargé de réaliser et de livrer les constructions à venir. Cette présentation est complétée par l'application audit contrat des échelonnements de paiement résultant de l'application des règles en matière de Vefa. Cela ne convainc pas, tant le vendeur et le constructeur ne souhaiteront pas partager leurs obligations respectives de vendre et de construire (et les responsabilités y attachées).
Dans l'hypothèse où le terrain aurait déjà été procuré directement par le promoteur au consommateur immobilier, il a également été envisagé de dissocier la vente (déjà intervenue) du terrain de la réalisation (à venir) des constructions. Cette solution complexe n'aura pas été retenue par la pratique, en raison des réserves d'ailleurs légitimement énoncées par ses auteurs.
Une solution ultime a bien été proposée, consistant à convaincre le promoteur ayant procuré le terrain de décliner l'opération de construction qui lui serait par la suite proposée…
– Supprimer la théorie du terrain procuré. La seule solution ? – Au regard des inconvénients rappelés ci-dessus, notamment empreints d'incertitudes et d'insécurité juridique, il convient de s'interroger sur les raisons du maintien des dispositions de l'article L. 261-10, alinéa 2 du Code de la construction et de l'habitation. Deux solutions semblent pouvoir être retenues :
(i) dans une première approche, il s'agirait d'améliorer le dispositif, sans le supprimer. Il conviendrait dès lors d'étendre les exceptions aux opérations dans lesquelles sont conclus des contrats de promotion immobilière et, dans ces cas comme dans ceux appelant à la signature de contrat de construction de maison individuelle, d'étendre l'exception au terrain procuré directement. Au-delà d'une extension de ces exceptions, il serait également nécessaire de définir précisément ce qu'il faut entendre par terrain procuré directement ou indirectement ;
(ii) une seconde approche, plus radicale et souvent réclamée, consisterait à supprimer purement et simplement l'article L. 261-10, alinéa 2 du Code de la construction et de l'habitation. Cet article semblant désormais dénué d'intérêt, et présentant de sérieux risques juridiques pour les parties à ces opérations, il nous semble qu'il s'agirait de la solution la plus adaptée.

Distinction entre secteur libre et secteur protégé

Les critères de distinction
  • premier critère : un contrat ayant pour objet le transfert de propriété ;
  • deuxième critère : un immeuble à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation ;
  • troisième critère : l'obligation d'opérer des versements ou dépôts de fonds avant l'achèvement ;
  • quatrième critère : la nécessité d'une construction.
– Les critères de l'article L. 261-10, alinéa 1 du Code de la construction et de l'habitation. – Il ressort du premier alinéa de l'article L. 261-10 du Code de la construction et de l'habitation que le régime renforcé du secteur protégé s'applique dès lors que quatre critères cumulatifs sont réunis :
  • sont comprises dans le secteur protégé les ventes portant sur un immeuble :
  • ne sont pas comprises dans le secteur protégé les ventes portant sur un immeuble :
– Les difficultés d'appréciation du critère de l'usage, les différentes possibilités. – En dehors du deuxième critère ayant trait à l'usage des constructions, l'appréciation des autres critères cumulatifs entraînant l'application impérative du régime renforcé du secteur protégé ne présente pas de réelles difficultés. S'agissant de l'usage donc, l'article L. 261-10 du Code de la construction et de l'habitation dispose que le secteur protégé concerne les immeubles à usage d'habitation, bien évidemment, mais également les immeubles à usage mixte contenant à la fois l'usage d'habitation et l'usage professionnel. La situation peut donc être résumée de la manière suivante (en partant du postulat que les trois autres critères sont remplis) :
– Approches objective et subjective de l'usage d'habitation. – L'appréciation de l'usage d'habitation ou de l'usage mixte (professionnel et habitation) peut se faire selon deux approches distinctes. L'une, ne tenant pas compte de l'usage effectif, se réfère à « la configuration physique de l'immeuble vendu en recherchant si celui-ci est un bien à usage d'habitation ou à usage mixte (professionnel et habitation) ». Il s'agit dès lors d'une approche objective de l'usage d'habitation ou de l'usage mixte. Au contraire, l'approche subjective consisterait à rechercher l'intention de l'acquéreur à l'occasion de son investissement. Cette approche subjective conduirait à écarter l'application du secteur protégé dès lors que l'acquéreur s'inscrirait dans une logique d'investissement ou d'affectation commerciale, sans lien direct avec l'intention d'habiter l'immeuble en question. Cette distinction entre approche objective et approche subjective n'est pas sans rappeler celle devant être faite entre destination et usage, renvoyant alternativement et respectivement elles aussi à ce pour quoi la construction est réalisée (la destination, renvoyant à une appréciation objective) ou ce qui en est fait (l'usage, renvoyant à une appréciation subjective). L'une et l'autre de ces approches ont été retenues, la facilité de l'approche objective ayant parfois été supplantée par un renvoi aux intentions du législateur de 1967 qui recherchait, avant tout, à protéger l'acquéreur non sachant procédant à l'acquisition de son logement. Il est vrai néanmoins que dès l'origine, malgré les intentions pouvant lui être prêtées, le législateur de 1967 n'a pas envisagé la subtilité d'une approche subjective. Comme l'a si bien écrit Michel Dagot, « peu importe le mode d'occupation du logement, qu'il soit destiné à la résidence principale ou à la résidence secondaire ; peu importe qu'il doive constituer la résidence personnelle de l'acquéreur, doive être loué à un locataire, être occupé à titre gratuit, voire rester vide dans l'attente d'une occupation quelconque : le mode d'occupation du logement est sans incidence ici dès lors qu'il s'agit d'un logement : la nature de l'immeuble vendu importe seule pour que le contrat relève du secteur protégé ». En dernier lieu, c'est l'approche objective qui semble avoir été retenue par la Cour de cassation, notamment lorsqu'il s'est agi d'apprécier l'usage résultant de modes d'habitats récemment apparus, qu'il s'agisse de résidences hôtelières, de résidences avec services, de résidences étudiantes ou de résidences de tourisme.
– Le cas des résidences services et hôtelières. – Nous constatons ces dernières années un développement important de l'offre de logements rendus accessibles au sein de résidences services, notamment à destination des seniors, ou de résidences hôtelières. Dès lors, et tout naturellement, il est apparu nécessaire que soit précisée leur appartenance ou non au secteur protégé de la vente d'immeuble à construire. Bien souvent, en effet, ces opérations sont réalisées dans le cadre de contrats de Vefa, qui se doublent de la signature de baux commerciaux consentis par les acquéreurs, agissant en tant que véritables investisseurs, au profit des exploitants de ces résidences. La Cour de cassation a tout d'abord reconnu que les logements compris dans une résidence pour personnes âgées correspondaient bien à des immeubles à usage d'habitation, au sens de l'article L. 261-10 du Code de la construction et de l'habitation, et que leur vente en l'état futur d'achèvement rentrait donc dans le champ d'application du secteur protégé. L'argumentation de la Cour de cassation a laissé penser qu'il convenait de distinguer l'usage d'habitation selon une approche subjective, puisque l'appartenance au secteur protégé était motivée au cas particulier par le fait qu'il était établi que les lots vendus étaient des appartements meublés à usage d'habitation principale (chaque appartement étant composé d'une salle de douches, toilettes, cuisine) et étaient destinés à être habités à l'année par des personnes âgées. Si cette situation avait vocation à se rencontrer également en présence de résidences étudiantes (peu importe que les logements soient alors mis à la disposition des étudiants, non pas par l'acquéreur, mais par l'intermédiaire de la société exploitante), il en irait alors autrement pour une résidence hôtelière. C'est d'ailleurs ce qu'est tout d'abord venu confirmer la Cour de cassation en indiquant, à propos d'un investissement contracté dans un but de défiscalisation au sein d'une résidence service de nature hôtelière, que la vente ne relevait pas du secteur protégé dans la mesure où la destination des lots était exclusivement commerciale compte tenu du bail commercial qui avait été conclu. C'est ainsi qu'à quelques mois d'intervalle, la Cour de cassation est venue dire que la location par bail commercial apparaît tantôt indifférente pour la qualification de l'usage d'habitation du lot acquis (pour une résidence service pour personnes âgées), tantôt qu'elle empêchait cette même qualification en présence d'une résidence hôtelière ! La cour est par la suite revenue sur cette jurisprudence pour retenir, à nouveau, l'approche objective, et considérer que la Vefa portant sur des biens situés dans une résidence hôtelière relève bien du secteur protégé. Au final, il suffit désormais que le bien vendu en Vefa soit à usage d'habitation pour entrer dans le champ d'application du secteur protégé. Peu importe son mode d'occupation (résidence principale ou secondaire) ou d'exploitation (résidence service, y compris de nature hôtelière, à travers notamment l'exploitation consentie par suite de la signature d'un bail commercial). L'objectif de défiscalisation pouvant être poursuivi par un investisseur n'est donc plus susceptible de faire sortir ces opérations du champ d'application du secteur protégé.

L'approche extensive du secteur protégé

Le régime renforcé du secteur protégé a vu son champ d'application étendu par les dernières décisions rendues par la Cour de cassation.
Désormais, peu importent :
  • les objectifs poursuivis par l'acquéreur (habitation directe ou investissement, notamment dans un but de défiscalisation) ;
  • le mode d'occupation du logement (résidence principale ou secondaire), sa durée (à l'année ou pour des périodes très courtes) ;
  • ou même son mode d'exploitation (notamment résidences services ou hôtelières à travers la signature d'un bail commercial au profit d'un exploitant).
Seul compte désormais l'usage effectif d'habitation.
L'influence croissante du droit de la consommation à l'origine d'une nouvelle définition du secteur protégé ?
– Une influence croissance du droit de la consommation. – Le droit de la construction ou de la promotion immobilière remonte à 1967 et à l'adoption de la loi du 3 janvier sur la vente d'immeuble à construire. Àune époque donc où les impératifs de construction de logements et de protection de leurs acquéreurs ont conduit notamment la pratique notariale à œuvrer pour la création de ce contrat spécial qui servira ensuite de modèle aux autres contrats de construction. Le droit de la consommation, bien que lui étant largement postérieur, imprègne désormais de nombreuses dispositions de droit de la construction. Le contrat de Vefa, matrice des contrats de construction, n'y fait bien entendu pas exception. Les modifications encore récemment opérées à la Vefa (dont la suppression des garanties intrinsèques d'achèvement) étaient notamment destinées à améliorer la protection de celui que l'on nomme désormais le « consommateur immobilier ». Malgré ces liens évidents entre contrats de construction et droit de la consommation, ces derniers semblent davantage se rejeter que se concilier, ce que le critère fondamental d'application du secteur protégé illustre parfaitement.
– Opposition des critères issus du Code de la construction et de l'habitation et du droit de la consommation. – Nous l'avons rappelé, le critère de l'usage d'habitation ou d'usage mixte (habitation et professionnel) s'apprécie de manière objective en considération des caractéristiques propres à l'immeuble. Bien au contraire, ce sont les qualités de l'acquéreur qui, en droit de la consommation, justifient les faveurs d'une protection particulière accordée au « consommateur immobilier ». Ce dernier correspond ainsi à « toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ». Des conséquences paradoxales peuvent résulter de cette dichotomie, un professionnel procédant à une acquisition en Vefa de locaux d'habitation pouvant se trouver protégé par l'application des règles du secteur protégé là où des particuliers, procédant à l'acquisition sur plans de biens n'étant pas à usage d'habitation ou à usage mixte, ne le seront pas. Le retour en grâce du secteur du logement pour les investisseurs institutionnels, particulièrement marqué au cours de l'année 2021, conduit à ce que cette situation se soit multipliée ces derniers mois. La pertinence de l'application du régime protecteur en considération de la seule destination de l'immeuble à construire est donc remise en question.
– Complémentarité des critères du Code de la construction et de l'habitation et du droit de la consommation ? – Bien plus qu'à une opposition, c'est à une complémentarité des critères d'application des contrats du droit de la construction et du droit de la consommation qu'il nous semble nécessaire de devoir aboutir. Le lien entre ces deux réglementations paraît évident, de même que semble incohérente la protection accordée aux uns et refusée à d'autres en considération de la seule destination de l'immeuble acquis en Vefa. L'amélioration pourrait se faire en doublant le critère de l'usage d'habitation (ou de l'usage mixte habitation et professionnel) d'une exigence tenant à la qualité de l'acquéreur, devant être un « consommateur » pour pouvoir bénéficier du régime protecteur du secteur protégé. Cette solution a été préconisée, et a même été proposée par le législateur dans le cadre des discussions sur la loi Elan, avant d'être opportunément retirée. Il semble en effet inconcevable de modifier la « matrice » que constitue le contrat de vente d'immeuble à construire, qui plus est sur l'un de ses éléments fondateurs, sans procéder à une modification identique sur l'ensemble des contrats dérivés en droit de la construction. S'il est vrai qu' « une bonne évolution législative est celle qui améliore le texte et sait l'adapter aux nouvelles réalités qu'il doit affronter », tel semble être le sort pouvant être réservé à une évolution d'ensemble du critère d'application le plus sensible du secteur protégé, au regard des évolutions constatées depuis l'adoption de la loi du 3 janvier 1967.

La prise en compte de la qualité de l'acquéreur. L'exemple belge

La loi Breyne du 9 juillet 1971 réglementant en Belgique la construction d'habitations et la vente d'habitations à construire s'est directement inspirée de la loi française du 3 janvier 1967. Cette dernière pourrait désormais s'inspirer de l'exemple belge, la Belgique tenant compte de la nature des biens à construire mais également de la qualité de l'acquéreur dans la détermination du champ d'application des règles protectrices.
En effet, son article 1er vise les logements, en précisant que ladite loi s'applique à toute convention ayant pour objet le transfert de la propriété d'une maison ou d'un appartement à construire ou en voie de construction ainsi qu'à toute convention portant engagement de construire, de faire construire ou de procurer un tel immeuble, lorsque la maison ou l'appartement est destiné à un usage d'habitation ou à un usage professionnel et d'habitation et que, en vertu de la convention, l'acheteur ou le maître de l'ouvrage est tenu d'effectuer un ou des versements avant l'achèvement de la construction (champ d'application ensuite élargi par une loi du 3 mai 1993).
L'article 2 quant à lui apporte des restrictions en prenant en compte la qualité de l'acquéreur. Il est ainsi indiqué que ne bénéficie pas des règles protectrices l'acquéreur ou le maître de l'ouvrage dont l'activité habituelle consiste à construire ou à faire construire des maisons ou appartements en vue de les céder à titre onéreux ; toute convention conclue par cet acquéreur ou maître de l'ouvrage est censée l'être dans le cadre de son activité habituelle.
Les incidences de cette distinction
– Une protection en demi-teinte pour le secteur protégé. – La distinction ainsi rappelée entre le secteur protégé et le secteur libre, il convient désormais d'en comprendre les fondements et les incidences. Nous le ferons en rappelant tout d'abord l'objectif de protection attaché au secteur protégé (I). Une incohérence sera ensuite exposée, en ce qu'il est bien souvent constaté en pratique que la protection bénéficiant à l'acquéreur en Vefa paraît supérieure dans le périmètre du secteur libre que dans celui du secteur protégé (II).
L'objectif de protection attaché au secteur « protégé »
– La protection du « consommateur immobilier ». – Le notariat français a dégagé, lors de son 81e Congrès, le concept de « consommateur immobilier ». Bien que les notions et périmètres du régime renforcé et du droit de la consommation ne se confondent pas, l'influence de ce dernier sur le premier est très marquée depuis quelques années. La lutte contre le déséquilibre significatif portée par le droit de la consommation fait donc écho à la recherche d'équilibre par le législateur de 1967 entre le promoteur-vendeur et l'acquéreur. Cette protection offerte à l'acquéreur dans le secteur protégé s'applique avant la formation du contrat, au moment de cette formation et dans les effets induits par le contrat formé.
– La protection avant la formation du contrat : le contrat préliminaire de réservation. – Si la régularisation d'un avant-contrat n'est pas un passage obligé, même dans le secteur protégé, l'avant-contrat qui serait régularisé pour des biens relevant dudit secteur ne pourrait valablement emprunter une autre forme que celle du contrat préliminaire de réservation. Du fait de la possibilité de conclure cet acte sous signature privée « sans le secours et les conseils éventuels d'un notaire », le législateur a imposé un cadre strict à l'avant-contrat afin de protéger le candidat acquéreur. C'est que des mentions obligatoires doivent y figurer, qui sont autant de moyens d'informer l'acquéreur, de l'aider à affirmer son consentement et de vérifier la conformité du contrat définitif avec les prévisions du contrat de réservation.
– La protection au stade de la formation du contrat définitif. – La protection légale de l'acquéreur du secteur protégé se poursuit au stade de la conclusion du contrat définitif, tant au regard des règles de forme devant être respectées qu'au regard des règles de fond :
  • sur la forme : le contrat doit obligatoirement être établi par acte authentique, faisant de la Vefa du secteur protégé un acte solennel. Afin d'éclairer le consentement de l'acquéreur, et en plus de l'intervention du notaire exerçant son devoir de conseil, certaines mentions et annexes sont obligatoires, dont la description de l'immeuble, le délai de livraison, le prix et les modalités de paiement de celui-ci, les documents se rapportant à la consistance et aux caractéristiques des biens vendus… ;
  • sur le fond : le prix et ses modalités de paiement sont encadrés. C'est ainsi que la révision du prix est strictement encadrée, et ses paiements échelonnés en fonction de l'avancement des travaux.
– La protection dans l'application du contrat formé. – Une fois le contrat valablement signé, la protection de l'acquéreur en Vefa du secteur protégé se poursuit, et s'applique désormais tant sur les principales obligations du promoteur-vendeur que sur l'éventuelle défaillance de l'acquéreur. L'objectif sera alors soit de garantir l'acquéreur en cas de défaillance du promoteur-vendeur, soit d'atténuer les conséquences de la défaillance de l'acquéreur. La remise à l'acquéreur d'une garantie financière d'achèvement ou de remboursement est ainsi obligatoire dans le secteur protégé. Par ailleurs, la défaillance de l'acquéreur dans le paiement du prix de vente atermoyé est encadrée par une procédure spécifique et peut faire l'objet de sanctions plafonnées dans leur montant, qu'il s'agisse de pénalités de retard ou de clause pénale.
Les limites de la distinction entre secteurs libre et protégé
– Le secteur libre : lieu d'expression de l'ingénierie notariale. – L'objectif de protection de l'acquéreur dans le secteur protégé est poursuivi à travers l'application d'une réglementation impérative. C'est ainsi que la liberté contractuelle des parties est restreinte dans le secteur protégé en ce que les parties ne peuvent convenir de déroger librement au régime renforcé. « L'initiative des parties a peu d'occasions de s'exercer » en la matière, conduisant le secteur protégé à « anesthésie(r) l'intelligence contractuelle dans un ensemble de contraintes parfois déconnectées des réalités économiques ». Au contraire, le secteur libre est, comme son nom l'indique, empreint de liberté. Le principe y est inversé en ce que les parties sont libres de négocier la plupart des dispositions de la convention, qu'il s'agisse des conditions de forme ou des conditions de fond. Laissant le champ libre à « l'ingénierie contractuelle », le secteur libre « fait confiance à la négociation et au contrat ». L'ingénierie du notaire peut alors s'y exercer pleinement dans l'intérêt de chacune des parties.
– Une information accrue de l'acquéreur au stade de la formation du contrat. – Àl'inverse de ce qui est prévu pour le secteur protégé, la Vefa du secteur libre n'est pas soumise au respect de règles de forme particulières. Il en va ainsi notamment de la signature de l'acte authentique, des mentions obligatoires de l'acte et des documents à remettre à l'acquéreur. Sur ce dernier point, il apparaît néanmoins en pratique que les renseignements transmis à l'acquéreur dans le cadre de Vefa du secteur libre s'avèrent bien souvent plus complets que ceux prévus pour le secteur protégé.
– Extension des obligations du promoteur-vendeur. – La libre discussion des parties à la Vefa du secteur libre amène souvent celles-ci à prévoir d'étendre les obligations du promoteur-vendeur à l'égard de son acquéreur. Il peut en aller ainsi, notamment, par l'adoption d'une définition plus extensive de la notion d'achèvement, la mise en place de pénalités de retard dans la livraison, la prise en compte de labels ou certificats environnementaux.
– Une plus grande sécurisation financière de l'acquéreur. – Qu'il s'agisse d'étendre le champ d'action de la garantie financière d'achèvement (ou, plus rarement, de remboursement), ou de conditionner le paiement des échéances de prix à un contrôle des situations de travaux par l'acquéreur ou ses mandataires, la libre discussion amène bien souvent les parties à convenir assez naturellement d'aménagements consistant en des engagements supérieurs du promoteur-vendeur par comparaison avec le secteur protégé. De la même manière, la possibilité donnée aux parties de convenir d'un échéancier de paiement du prix différent de ce qui s'applique au secteur protégé les conduit bien souvent à ne pas se limiter à la seule échéance de livraison pour inclure la levée des réserves, la justification de la levée des désordres relevant de la garantie de parfait achèvement, la justification de l'obtention de la conformité administrative, l'obtention de labels ou certificats environnementaux, la justification du paiement des primes définitives des assurances construction, etc. Il a ainsi été relevé fort justement que « dans le secteur libre, le contrat de Vefa ne prend pas fin à l'Achèvement ».
– Au final, le secteur libre est-il plus protecteur pour l'acquéreur ? – La comparaison des règles applicables au secteur protégé et des applications constatées en pratique dans le secteur libre amène à un constat plutôt flatteur pour ce dernier. Il apparaît ainsi que la liberté laissée aux parties dans le secteur libre semble conduire celles-ci à une recherche d'équilibre et de sécurité encore accrue par rapport à ce que prévoit le régime protégé. La présence du notaire au stade de la négociation du contrat de Vefa s'ajoute à l'existence de cet espace de liberté pour expliquer la réussite du secteur libre. Au regard de celle-ci, et de la protection accrue qui semble en résulter pour l'acquéreur, il serait probablement opportun que le secteur protégé puisse s'en inspirer en prévoyant la possibilité de déroger à ses règles impératives dans un sens favorable à la protection de l'acquéreur.

Le rôle du notaire dans le cadre du respect de l'obligation de délivrance du vendeur de l'immeuble à construire

– Application et adaptation de l'obligation de délivrance. – Àl'instar de toute vente, le vendeur dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement (Vefa) est tenu d'une obligation de délivrance. Celle-ci comprend deux aspects : l'obligation d'édifier l'immeuble dans un délai fixé au contrat (§ I) et l'obligation de délivrer un immeuble conforme aux prescriptions du contrat (§ II). Cette double branche de l'obligation de délivrance du vendeur d'un immeuble sur plans est régulièrement confrontée, en pratique, aux réalités d'une opération de construction et aux aléas qu'elle subit. Il a été relevé que les aléas inhérents au chantier de construction empêchent de considérer la construction d'un immeuble comme « une œuvre scientifique » dotée d'une précision extraordinaire. Le promoteur chargé de construire l'immeuble conformément aux prévisions du contrat et de le livrer dans le délai convenu doit donc faire face en permanence à ce double risque d'un non-respect de l'une et l'autre de ces obligations essentielles. C'est sur la gestion de ce double risque et le rôle central du notaire pour l'anticiper que nous reviendrons plus particulièrement ici.
– Àl'origine de la délivrance, deux notions : l'achèvement et la livraison. – Le respect de l'obligation de délivrance se vérifie, tant s'agissant du délai dans lequel elle s'exerce que sur sa conformité avec les dispositions contractuelles, en confrontant l'application faite du contrat avec ce qui y était prévu. C'est à ce titre que sont appelées à s'appliquer les notions d'achèvement et de livraison. Régulièrement confondues avec la notion de réception des travaux, les notions d'achèvement et de livraison forment avec elle la « trilogie classique de la fin des contrats immobiliers ».
Dans le cadre d'une vente d'immeuble à construire, ces étapes interviennent le plus souvent dans l'ordre suivant : réception – achèvement – livraison.
La distinction entre les trois notions peut être figurée schématiquement de la manière suivante :
Le respect par le vendeur de son obligation de délivrance, tant en terme de délai qu'en terme de conformité avec les prescriptions du contrat signé, s'apprécie sur la base de la livraison.

Les pièges résultant de la difficile combinaison entre les notions d'achèvement et de livraison dans la rédaction des actes

Le notaire doit apporter un soin tout particulier à la rédaction des clauses de son acte conditionnant la constatation de l'achèvement et, ce faisant, le paiement de 95 % du prix de la Vefa en secteur protégé. Quand bien même les biens seraient réellement achevés, voire même livrés, le promoteur-vendeur est tenu de respecter la procédure le cas échéant convenue dans le contrat avant de prétendre au paiement de la quote-part de prix correspondante.
C'est ce que les magistrats ont eu l'occasion de préciser :
  • bien que la livraison soit intervenue (avant la constatation de l'achèvement) et que les acquéreurs vivaient même dans l'immeuble, la procédure contradictoire permettant de constater l'achèvement, puis de demander le paiement de la quote-part de prix correspondante, devait être respectée ;
  • la remise des clés aux acquéreurs, la prise de possession des biens et même leur location ne justifiaient pas que le vendeur ne respecte pas la procédure prévue au contrat pour constater l'achèvement et demander le paiement de la quote-part de prix correspondante ;
  • le non-respect de la procédure prévue au contrat et de l'ordre des formalités à accomplir (en l'occurrence, l'envoi d'une notification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception portant sur l'achèvement des travaux contradictoirement constaté puis la demande en paiement du prix) empêchait le vendeur de réclamer le paiement du prix, et donc de pratiquer des mesures d'exécution pour permettre ce paiement.

La délivrance dans un délai

Rappel des principes applicables

– Le délai d'achèvement : une condition essentielle à la qualification du contrat de Vefa. – La fixation d'un délai d'achèvement des travaux de construction de l'immeuble vendu en l'état futur d'achèvement est un critère essentiel à la qualification même du contrat. Les articles 1601-1 du Code civil et L. 261-1 du Code de la construction et de l'habitation rappellent que le vendeur s'oblige ici « à édifier un immeuble dans un délai déterminé par le contrat ». Cette exigence s'impose à peine de nullité dans le secteur protégé. Il paraît par ailleurs difficile de ne pas appliquer cette exigence, qui participe de la qualification même du contrat, au secteur libre.
Les sanctions amiables
Au rang des sanctions « amiables » en cas de retard pris dans la livraison des biens, figure bien évidemment la clause pénale, consistant en une sanction prévue à l'avance par les parties. Àtravers celle-ci, les parties conviennent de définir par avance et généralement « forfaitairement » le montant des dommages et intérêts qui seront versés par le promoteur-vendeur en cas de retard non justifié dans la livraison des biens. Une double fonction est attachée à la clause pénale : comminatoire en ce qu'elle sanctionne le non-respect d'une obligation (en dehors de tout préjudice), elle est également réparatrice en déterminant par avance et de manière forfaitaire le préjudice qui serait alors subi. Au-delà de cette caractéristique, le notaire rédacteur de la clause pénale doit garder en tête les trois éléments suivants :
  • la fonction réparatrice, attachée au préjudice effectivement subi, est susceptible de prendre le dessus sur la fonction comminatoire et justifier une modération (ou une augmentation) du montant prévu ;
  • par principe, et dès lors que la rédaction de la clause pénale renvoie précisément aux préjudices consécutifs au retard de livraison, celle-ci permet de faire obstacle à l'allocation de dommages et intérêts portant sur l'indemnisation du même préjudice. Ce faisant, le promoteur-vendeur pourrait avoir intérêt à recourir à la stipulation d'une clause pénale lui permettant de connaître par avance, et sans intervention du juge (sauf l'effet de l'article 1231-5 du Code civil), le montant dont il sera redevable en cas de retard non justifié ;
  • la stipulation d'une clause pénale ayant vocation à jouer en cas d'inexécution d'une convention n'emporte pas de plein droit renonciation à poursuivre la résolution du contrat.
Àla clause pénale peut s'ajouter la sanction sur laquelle les parties peuvent s'accorder alors même que le retard a d'ores et déjà été constaté. Cet accord amiable, qu'il conviendra de formaliser à travers un écrit, présentera notamment pour le promoteur-vendeur l'avantage de pouvoir écarter efficacement toute autre prétention de la part de l'acquéreur subissant le retard.
Les sanctions contentieuses
– Les sanctions possibles en cas de non-respect du délai de livraison. – Qu'il s'agisse des sanctions applicables en cas de retard de livraison ou des causes pouvant légitimer ce retard afin de contourner ces mêmes sanctions, le contrat de Vefa se distingue très nettement d'autres contrats voisins. C'est ainsi que, contrairement au contrat de construction de maison individuelle pour lequel la loi organise un régime de sanctions à travers des pénalités de retard, aucune sanction n'est prévue par la loi en cas de retard de livraison des biens construits, et ce même dans le secteur protégé. Ce silence du législateur, qui tranche avec la pénalité de retard prévue à l'encontre de l'acquéreur, laisse donc les parties contraintes d'organiser elles-mêmes le régime des sanctions, à travers un accord amiable, ou de s'en remettre au juge pour fixer le principe et valider l'importance de ces sanctions (V. infra, Figure page suivante).
L'application du droit commun de l'inexécution contractuelle permet tout d'abord à l'acquéreur d'invoquer l'exception d'inexécution. C'est ainsi que l'acquéreur a la possibilité de conserver les quotes-parts de prix atermoyées et non réglées au jour où serait constaté le retard dans la livraison des biens, afin d'exercer sur le promoteur-vendeur un moyen de pression pour aboutir à la livraison.
La résolution de la vente peut également être demandée par l'acquéreur, tant en application du droit commun de l'inexécution contractuelle qu'en application de textes spécifiques à la vente d'immeuble. Les juges devront en ce cas vérifier que le retard de livraison constitue un manquement d'une gravité suffisante pour justifier la résolution du contrat de Vefa, ce qui peut les conduire à le refuser.
Enfin, peut s'ajouter aux sanctions précédentes l'allocation de dommages et intérêts, ici aussi tant par application du droit commun des contrats que par application du droit spécial de la vente.
– Le recours au droit commun pour échapper à la sanction en cas de retard de livraison. La force majeure. – Dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, l'article 1218 du Code civil définit la force majeure en matière contractuelle par référence à un « événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées », et qui « empêche l'exécution de son obligation par le débiteur ». La nécessaire imprévisibilité de l'événement a été réaffirmée avec force par la troisième chambre civile de la Cour de cassation. Celle-ci est venue confirmer que la responsabilité contractuelle ne pouvait être écartée en raison de la survenance d'un cas de force majeure que s'il s'agit d'un « événement présentant un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution ».
Quant à ses effets, l'invocation d'un événement relevant de la force majeure se distinguera de la cause conventionnellement prévue et organisée de prorogation de délai. C'est ainsi qu'il ne pourra exonérer le débiteur, ici le promoteur-vendeur, de ses obligations (la livraison des biens dans un certain délai) « que pendant le temps où elle l'empêche de donner ou de faire ce à quoi il s'est obligé ».

La rédaction de clauses prévoyant des causes légitimes de suspension de délai

Intérêts de la pratique et principes applicables
– La pratique des causes légitimes de suspension de délai. – Il est apparu nécessaire en pratique de ne pas soumettre les parties au contrat à l'aléa d'une appréciation parfois difficile des cas relevant de la force majeure. Àla demande des parties, principalement les promoteurs-vendeurs au regard de la responsabilité engagée par ceux-ci au titre du délai de livraison, des clauses listant des causes légitimes de suspension du délai de livraison se sont développées. Ici aussi, l'absence de disposition législative pour encadrer cette pratique en matière de Vefa tranche avec ce qui existe, notamment, avec le contrat de construction de maison individuelle.
– La validité de principe de la clause de suspension du délai de livraison. – La possibilité donnée à un promoteur-vendeur d'invoquer le bénéfice de circonstances particulières pour justifier d'un retard pris dans la livraison des biens repose sur deux situations bien différentes :
  • soit le contrat signé ne prévoit pas de clause particulière ou renvoie simplement à la théorie de la force majeure, c'est alors celle-ci qui devra s'appliquer (hypothèse rare en pratique) ;
  • soit le contrat prévoit, au-delà des cas de force majeure, des hypothèses où certaines circonstances justifieront un décalage du délai de livraison (hypothèse la plus fréquente). Ces clauses, dans la mesure où elles seront considérées comme valables et efficaces, s'appliqueront indépendamment des cas de force majeure proprement dits.
  • première limite : la nécessité de respecter l'ordre public. Ce n'est pas ici une spécificité de la clause de CLSD, l'article 1102 du Code civil associant ainsi à toute convention le principe de liberté et le nécessaire respect de l'ordre public pour assurer notamment la cohésion d'ensemble. Il s'avère néanmoins que le contrat de vente d'immeuble à construire est « saturé d'ordre public », et que le droit de la construction renferme des dispositions d'ordre public restreignant l'utilisation de clauses de CLSD, dont notamment les contrats de construction de maison individuelle. Ce n'est néanmoins pas le cas des Vefa au titre du respect du délai de livraison ;
  • deuxième limite : l'essence du contrat. En tant qu'obligation essentielle du contrat de vente d'immeuble à construire, l'obligation de livrer l'immeuble dans un délai déterminé au contrat ne peut être purement et simplement écartée, même en application d'une clause de CLSD, sous peine de voir celle-ci réputée non écrite. C'est ainsi notamment que la rédaction de la clause de CLSD doit prévoir des événements listés de manière limitative ;
  • troisième limite : la potestativité de l'engagement du promoteur-vendeur. La rédaction de la clause de CLSD ne peut permettre au promoteur-vendeur de décider unilatéralement de se délier de ses obligations ou de les modifier, sous peine d'encourir le grief de la potestativité. L'événement considéré ne peut ainsi dépendre de la volonté de son débiteur, mais doit au contraire être extérieur à celui-ci ;
  • quatrième limite : la clause abusive. C'est ainsi que la clause de CLSD ne doit pas créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat de vente d'immeuble à construire, au risque sinon d'être réputée non écrite.
Les clauses contenant les causes légitimes de suspension de délai (CLSD) sont par principe valables. Elles consistent finalement à étendre le champ d'application et le cas échéant les effets inhérents aux cas relevant de la force majeure, la définition de celle-ci n'étant pas d'ordre public. La clause n'a pas pour objet de traiter, pour l'atténuer ou la supprimer, la responsabilité du débiteur de l'obligation, ce qui supposerait que ce dernier ne l'a pas respecté. En tant qu' « excuse générale à l'inexécution des contrats », la clause de CLSD a vocation à modeler le périmètre même de l'obligation contractée, celle-ci étant annulée ou reportée du fait même de la survenance de l'événement prévu.
Il a pu être relevé que, bien que valable par principe, la clause prévoyant les causes légitimes de suspension du délai de livraison comprend principalement quatre limites qui sont autant de précautions à prendre au stade de sa rédaction :
– La clause de suspension du délai de livraison est-elle abusive ? – Les contrats de construction, quand bien même prennent-ils parfois la forme d'un acte authentique, sont soumis au contrôle des clauses abusives lorsqu'ils sont conclus entre un professionnel et un consommateur ou un non-professionnel. Il en va donc ainsi de la vente d'immeuble à construire, ce pourquoi la question s'est posée de savoir si la clause prévoyant les causes légitimes de suspension de délai était abusive en ce qu'elle créerait un déséquilibre significatif entre les parties. La validité de principe de cette clause a été consacrée par la Cour de cassation dans une décision du 24 octobre 2012. Il en va ainsi également dans l'hypothèse où la clause a pour effet de légitimer un nombre de jours de retard équivalent au double des jours de retard constatés (intempéries), suite à la validation de cette clause par la Commission des clauses abusives puis par la Cour de cassation. Cette validation de la clause contenant les causes légitimes de suspension du délai de livraison n'est cependant pas absolue. Le vendeur ne pouvant pas « invoquer n'importe quel cas pour justifier un retard de livraison », le notaire devra s'employer à rédiger une clause équilibrée et valable au regard des décisions rendues au titre du contrôle des clauses abusives.
Mise en œuvre. Conseils rédactionnels
– De l'importance prise par la rédaction des causes légitimes de suspension de délai (CLSD). – La clause intégrant les causes légitimes de suspension de délai, pour en établir une liste autant que pour détailler ses conditions de mise en œuvre, a donc été expressément validée par la Cour de cassation et la Commission des clauses abusives. Il n'en demeure pas moins que, cherchant à limiter la responsabilité du vendeur en Vefa en cas de retard pris pour livrer l'immeuble, cette clause demeure « foncièrement suspecte » en ce qu'elle peut marquer un abus à l'origine d'un déséquilibre significatif entre les parties à l'acte. Le notaire en charge de rédiger et de recevoir un acte de Vefa se doit donc d'apporter un soin particulier à la rédaction de ces clauses. Àla recherche de l'équilibre contractuel dans ses conseils et les rédactions proposées, il devra ainsi veiller à protéger le promoteur des risques légitimes attachés aux aléas du chantier, tout en préservant tout aussi légitimement l'acquéreur contre les risques d'abus dans l'utilisation qui pourra être faite de ces clauses. D'une certaine façon, l'importance de la rédaction adoptée par le notaire au sein de son acte s'est trouvée renforcée par la consécration même de ces clauses par la Cour de cassation et la Commission des clauses abusives.
Premier critère : la légitimité.
Il va de soi que la clause contenant les causes légitimes de suspension de délai nécessite de renfermer des causes elles-mêmes légitimes ! Au-delà de l'énoncé d'un principe a priori évident, son analyse laisse apparaître une plus grande subtilité et deux composantes à cette légitimité.
Deuxième critère : l'imputabilité.
La validité de la clause et la survenance de l'événement prévu par celle-ci ne suffisent pas pour invoquer son bénéfice. Il est en effet nécessaire que soit justifié le lien entre l'événement en question et le retard pris dans la livraison des biens ou, dit autrement, que ce retard puisse être véritablement imputé audit événement.
C'est ainsi que les magistrats ont eu l'occasion de rappeler :
  • qu'il convenait de vérifier que le retard pris dans la livraison des biens était bien imputable à la liquidation judiciaire d'un des constructeurs, ainsi que s'en prévalait le promoteur-vendeur en Vefa au titre des CLSD ;
  • qu'une grève des transports, même prévue au titre des CLSD, ne pouvait légitimement constituer une cause de prorogation du délai de livraison dès lors qu'il n'était pas établi que cette grève ait eu une conséquence sur l'approvisionnement du chantier ;
  • que le retard de livraison (de près de quatre années) était imputable au promoteur-vendeur et non pas à l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'encontre du constructeur. Dans cette hypothèse, l'inaction du promoteur-vendeur suite à l'ouverture de ladite procédure de sauvegarde (il attendit tout de même trois années pour réagir) constituait une faute de sa part à l'origine du retard pris dans la livraison des biens. Cette absence d'imputabilité du retard à la CLSD prévue justifia que soit prononcée la résolution de la vente. Au cas particulier, la cause légitime invoquée ne répondait ni au critère d'imputabilité (le retard n'était pas imputable à l'ouverture de la procédure de sauvegarde) ni au critère d'extériorité (le retard était imputable, pour l'essentiel, au promoteur-vendeur) ;
  • que « les jours d'intempéries antérieures à la date d'acquisition ne pouvaient être considérés comme cause légitime de suspension du délai de livraison, pas plus que les défaillances des sociétés Figière et Air Conditionné, faute de justifier du lien de causalité entre ces défaillances et le retard de livraison ».
Troisième critère : la spécialisation.
Quatrième critère : l'extériorité.
Pour être valablement invoquée, la cause légitime de suspension de délai nous semble devoir également respecter un critère d'extériorité à l'égard du promoteur-vendeur. Ce principe comprend lui-même deux déclinaisons :
  • la première renvoie à l'auteur ou au responsable des événements à l'origine du retard pris dans la livraison des biens. Pour être légitimement admis, ces événements ne peuvent consister en une négligence ou une faute du promoteur-vendeur. Cette application du droit commun des contrats, et notamment de l'adage Nemo auditur propriam suam turpitudinem allegans , est retenue par la Cour de cassation pour écarter le jeu des causes légitimes de suspension de délai lorsque le promoteur-vendeur est finalement à l'origine du retard. Pour reprendre l'expression du doyen Carbonnier sur ce critère d'extériorité, l'événement ne peut produire d'effet libératoire pour le débiteur de l'obligation non respectée que s'il intervient hors de « la sphère dont le débiteur doit répondre » ;
  • la seconde se rapporte aux modalités de constatation de l'événement présenté par le promoteur-vendeur comme légitimant le retard de livraison. Dans son avis du 29 septembre 2016, la Commission des clauses abusives a ainsi validé la clause présentée en ce que la survenance des intempéries, à l'origine du retard invoqué, était constatée « par un tiers au contrat » et « sur la base de relevés météorologiques ». L'intervention d'un tiers au contrat permet d'assurer l'objectivité requise de l'information servant de base à l'application de la CLSD. Il peut s'agir d'un bureau d'étude, d'un architecte ou d'un maître d'œuvre. Àl'inverse, la simple constatation de la survenance de l'événement par le promoteur-vendeur, nécessairement soupçonnée de subjectivité, est contestable.
– Proposition de critères pour la validité de la clause de CLSD. – Sur les trois objectifs bien distincts que peuvent rechercher les clauses de CLSD, nous ne retiendrons que le plus courant en pratique, à savoir l'extension du périmètre de la force majeure à des hypothèses qui n'en remplissent pas les conditions fixées par l'article 1218 du Code civil. L'analyse croisée de la jurisprudence rendue en matière de causes légitimes de suspension de délai et de l'avis rendu par la Commission des clauses abusives le 29 septembre 2016 nous permet de proposer quatre critères de validité de la clause. Il est vrai que l'application du droit commun des obligations doit nous amener à la plus grande prudence. En effet, nous savons qu'une stipulation d'un acte prévoyant l'aménagement de l'obligation essentielle d'une des parties à celui-ci ne peut valablement conduire à l'anéantissement de cette même obligation. C'est ainsi que nous distinguerons la légitimité, l'imputabilité, la spécialisation et l'extériorité, qui nous paraissent autant de critères devant être réunis de manière cumulative pour assurer l'efficacité des clauses de CLSD. En gardant à l'esprit qu'à l'occasion de la rédaction de cette clause, comme il en va de tout acte reçu par un notaire, « tout est question de mesure », car « s'il s'avérait que la clause avantage considérablement le vendeur, en permettant une prolongation excessive ou en mentionnant des causes de prolongation dépendant de sa volonté, elle serait alors qualifiée d'abusive ».
C'est ainsi tout d'abord que, pour être légitime, la cause doit être reconnue comme telle, notamment par les tribunaux. En ce qu'elles peuvent relever de cas de force majeure mais se trouvent également consacrées dans la réglementation applicable au contrat de construction de maison individuelle et par la norme Afnor P.03-001, les intempéries ne nous paraissent pas susciter de difficultés particulières, et ce quelle que soit la région concernée par l'opération. Il en va de même, et pour les mêmes raisons, de la grève générale et de la pandémie. S'agissant de cette dernière cause, il nous semble que, depuis la crise sanitaire mondiale liée à la Covid-19, elle mérite d'autant plus de figurer parmi les causes légitimes de suspension de délai contractuellement prévues. En effet, on peut douter que le critère d'imprévisibilité puisse à nouveau être reconnuau cas particulier d'une pandémie pour permettre la qualification de force majeure. Enfin, la défaillance d'une entreprise intervenant sur le chantier a suscité quelques débats, mais a également été validée par les magistrats.
La légitimité nécessite également que la cause invoquée soit clairement prévue au préalable par les parties à travers les dispositions contractuelles négociées entre elles. En dehors des cas de force majeure qui, dès lors qu'ils répondent à la définition qui en est donnée ne nécessitent pas impérativement de dispositions contractuelles préalables pour pouvoir être invoqués, les CSLD ne peuvent reposer que sur une base contractuelle solide et précise. Ainsi que cela a été relevé, la cause de suspension ne peut dépendre de la volonté unilatérale du promoteur-vendeur. Àdéfaut, la clause serait probablement présumée abusive en ce qu'elle consisterait à « réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives à sa durée ». Un événement non prévu au titre des CLSD et ne pouvant être qualifié de cas de force majeure ne pourra légitimement être invoqué pour justifier un retard de livraison.
La clause de CLSD est susceptible de produire des effets considérables sur les parties au contrat. Tout d'abord, « positivement » pour le promoteur-vendeur, qui est alors susceptible de se dégager de tout ou partie de sa responsabilité au titre du retard pris dans la livraison de l'immeuble. D'autre part, et réciproquement, « négativement » pour l'acquéreur, qui serait amené à supporter les conséquences dudit retard sans perspective de compensation, notamment financière. Àmoins d'un mois d'intervalle, la troisième chambre civile de la Cour de cassation et la première chambre civile de la cour d'appel de Caen ont reconnu la validité de clauses de CLSD justifiant d'un retard pris dans la livraison des biens de 820 jours, pour l'une, et même de 1 018 jours pour l'autre !
Il importe donc que les clauses de CLSD soient claires et limitées, et donc spécialement conçues pour le contrat dont l'exécution est demandée, auxquelles elles doivent être adaptées. A ainsi été sanctionnée la clause prévoyant « des causes légitimes de suspension (…) extrêmement larges (…), pour certaines imprécises (défaillance d'une entreprise), pour d'autres [faisant] double emploi ». Il conviendra dès lors d'éviter de retenir des formulations ambiguës ou trop générales comme « la défaillance d'une entreprise » ou « les difficultés d'approvisionnement ».

Répartition des principales causes légitimes de suspension de délai selon l'UFC-Que Choisir

Il ressort de l'étude publiée en novembre 2018 par l'UFC-Que Choisir sur les achats de logements sur plan (Vefa) que les principales causes légitimes de suspension de délai sont :
  • les intempéries (70,1 % des cas) ;
  • les défaillances d'entreprises (43,3 % des cas) ;
  • les anomalies du sous-sol (13,4 % des cas).
– Autres précautions rédactionnelles. – En dehors des critères conditionnant la validité même des clauses contenant les causes légitimes de suspension de délai, les notaires sont tenus de prendre diverses précautions lors de la rédaction de ces clauses pour en assurer la pleine efficacité.
C'est ainsi que les effets de la clause doivent être prévus. Les parties peuvent convenir que le délai de livraison sera légitimement suspendu pour une durée identique à la durée pendant laquelle l'événement en question aura perduré. Il a également été admis qu'elles pouvaient prévoir que la suspension du délai de livraison corresponde au double de la durée de la survenance dudit événement, et ce afin de tenir compte des impacts de cet événement sur l'organisation du chantier pour le promoteur-vendeur. Le notaire peut également proposer aux parties des mécanismes de franchise, permettant par exemple à l'acquéreur de ne pas supporter immédiatement le risque de report du délai de livraison dès lors que la cause légitime (par ex., la survenance d'intempéries) ne dépasse pas une certaine durée (prise de manière cumulative ou non).
Au-delà des effets attachés à la survenance de l'événement au titre de la suspension du délai, la Commission des clauses abusives a rappelé dans son avis du 29 septembre 2016 qu'il convenait de maintenir la nécessaire corrélation entre le délai de livraison des biens et l'échéancier de paiement du prix de vente en fonction de l'avancée des travaux. De droit dans le secteur protégé, cette synchronisation des calendriers d'exécution des travaux et de paiement des échéances de prix s'impose tout autant dans le secteur libre, sous peine d'instaurer un déséquilibre significatif entre les parties.
Enfin, il importe de prévoir dans la clause contenant les CLSD les modalités d'information efficaces et diligentes de l'acquéreur appelé à supporter tout ou partie du retard de livraison en raison de la survenance d'événements considérés comme légitimes. Au-delà de la période précontractuelle, les parties se doivent une information réciproque lors de l'exécution du contrat basée sur le principe d'exécution de bonne foi. Ce principe général est appliqué au cas particulier des Vefa, et notamment des clauses contenant les causes légitimes de retard. Indépendamment de la possibilité donnée au promoteur-vendeur d'invoquer le bénéfice de CLSD pour justifier de tout ou partie du retard pris dans la livraison des biens, l'absence d'information délivrée à l'acquéreur sur la survenance de ces événements engagera sa responsabilité.

La délivrance conforme. L'ingénierie notariale appliquée à la rédaction de clauses de tolérance sur la conformité des constructions

– L'obligation de livrer un immeuble conforme. – Le vendeur-promoteur est tenu, dans le cadre de la signature d'une Vefa, de livrer à l'acquéreur un immeuble conforme aux prescriptions contractuelles. Cette obligation du vendeur relève de son obligation de délivrance, à laquelle il est tenu en application du droit commun de la vente d'immeuble. Appliquée au contrat de Vefa, cette obligation se décline en conformités qualitative (l'immeuble doit correspondre aux qualités ou spécifications prévues au contrat) et quantitative (plus particulièrement la surface de l'immeuble livré). Le notaire sera donc appelé à rédiger des clauses de tolérance ayant vocation à modérer l'obligation de résultat à laquelle le promoteur-vendeur est tenu, tant en ce qui concerne la conformité des caractéristiques de l'immeuble avec les spécifications contractuelles (A) qu'en ce qui concerne sa surface (B).
– La tolérance et le droit de la construction. – En droit de la construction, et notamment en matière de contrat de Vefa, la tolérance paraît tout à la fois naturelle, comme frappée du sceau de l'évidence, et contre instinctive. Par essence, l'opération consistant à vendre un immeuble n'existant pas encore physiquement, sur la base de matérialisations intellectuelles et graphiques, est appelée à connaître les affres d'une opération de construction. De ce point de vue, il peut effectivement apparaître sain, voire nécessaire pour éviter des conflits entre les parties, de tenir compte de la survenance d'événements non maîtrisés car non maîtrisables par le vendeur-promoteur. D'un autre côté, il a pu être rappelé que les constructeurs sont tenus d'une responsabilité importante qui n'est que la conséquence d'une obligation de résultat, avant comme après la réception des travaux. Le notaire devra donc à nouveau déployer son rôle de conseil mais également celui, tout aussi essentiel, de modérateur, pour permettre aux parties d'aboutir à la signature d'un contrat de Vefa à la fois protecteur et équilibré. Ce sera le sens même de son intervention lors de la rédaction des clauses de tolérance en matière de Vefa.

Clauses de tolérance sur la conformité de l'immeuble

– Notion de conformité. Distinction avec le vice. Rappel. – Nous avons déjà eu l'occasion de revenir sur la notion de conformité et l'importance de la distinguer de celle de vice (ou défaut de la chose). Le défaut de conformité suppose que l'immeuble livré ne souffre pas de défaut, mais ne correspond pas à ce qui était prévu au contrat (décalage de surface, caractéristiques techniques ne répondant pas aux prescriptions contractuelles, etc.). En présence d'un vice, il est bien constaté la livraison d'un immeuble conforme au contrat, mais défectueux ou affecté d'une mauvaise exécution. L'intérêt de la distinction, prégnant avant la loi du 25 mars 2009, s'est par la suite atténué en ce que la modification apportée à la rédaction de l'article 1642-1 du Code civil a permis d'harmoniser les vices et défauts de conformité apparents.

Clauses de tolérance sur la surface de l'immeuble

Rappel des principes applicables en droit commun et en droit spécial
– L'absence de règles de tolérance dans la loi du 3 janvier 1967. – Nous avons déjà rappelé qu'une opération de construction se réalisait rarement ne varietur s'agissant des délais de réalisation. Il en va de même de la contenance des biens à construire, tant les aléas de chantier et autres sujétions techniques sont de nature à impacter, le plus souvent négativement, la surface construite. La législation applicable au contrat de Vefa, telle qu'elle résulte de la loi du 3 janvier 1967, peut apparaître à cet égard contradictoire. C'est ainsi qu'obligation est faite de renseigner la surface dans la Vefa du secteur protégé. Il en va de même, en pratique, dans le secteur libre, tant il est rare que cette surface ne soit pas renseignée. Cette obligation de renseignement sur la surface tranche avec le silence de la loi fondatrice sur les modalités de calcul de la surface, et sur l'application d'éventuelles clauses de tolérance ou de modération. Cette absence textuelle impose aux notaires une vigilance particulière devant les conduire à anticiper ces hypothèses de variation afin d'éviter les difficultés qui ne manqueront pas de naître entre les parties au stade de la livraison. Ce silence de la loi du 3 janvier 1967 a également nécessité, au-delà de la vigilance des rédacteurs d'acte, l'intervention de la Cour de cassation pour appliquer au contrat de Vefa des dispositions issues du droit commun de la vente en matière de contenance. C'est en ayant à l'esprit les règles fixées par la Cour de cassation que les notaires doivent envisager la rédaction de règles de tolérance de surface.
– Les tolérances de surface issues du droit commun de la vente d'immeuble. – L'absence de disposition spécifique dans la loi du 3 janvier 1967 a incité les parties et leurs conseils, dont tout spécialement les notaires, et ensuite les magistrats, à trouver des palliatifs. Le droit commun de la vente d'immeuble connaît un dispositif issu de l'application des articles 1616 à 1624 du Code civil. C'est ainsi qu'après avoir fixé comme principe l'obligation faite au vendeur de délivrer la contenance prévue au contrat, le Code civil appelle à distinguer les contrats de vente à « tant la mesure » des contrats de vente à « prix fixe ». Pour les premiers, le principe est l'absence de tolérance en cas de diminution de contenance. Pour les seconds, une tolérance de 5 % est prévue, sauf stipulation contraire des parties et dès lors que l'action est intentée dans l'année de la vente. Un schéma reproduit ci-dessous permet de figurer ce régime de droit commun (V. Figure 22).
– L'intervention du juge pour appliquer les dispositions des articles 1617 et suivants du Code civil à la Vefa. – L'absence de disposition spécifique à la vente d'immeuble à construire et à son contrat phare, la Vefa, a conduit la jurisprudence à se prononcer sur l'application des dispositions du droit commun de la contenance issu des articles 1616 à 1624 du Code civil. En effet, le contrat de vente a fait l'objet, dès 1804, de dispositions spécifiques dans le Code civil afin d'organiser les litiges pouvant apparaître en cas d'écart de surface dans les biens vendus.
La Cour de cassation a reconnu cette application tout d'abord en matière de Vefa du secteur libre, pour écarter une clause du contrat de Vefa prévoyant que l'acquéreur devait agir en réduction du prix de vente, en cas de dépassement du seuil prévu de 2 %, dans les trois mois (au lieu du délai d'un an prévu dans le droit commun de la vente). Àcette occasion, la Cour de cassation ne se contente pas d'appliquer les dispositions des articles 1616 et suivants du Code civil puisqu'elle les adapte également en prévoyant que le délai d'un an ne commence à courir qu'à compter de la livraison des biens. Cette adaptation était nécessaire tant il apparaît évident que le délai d'un an à compter de la signature de la vente ne paraissait pas adapté au contrat de Vefa au regard de l'impossibilité de vérifier la conformité des surfaces d'une construction le plus souvent non encore achevée.
Chose plus étonnante et critiquée, la Cour de cassation a ensuite adopté la même solution pour le contrat de Vefa du secteur protégé. Cette interprétation extensive de la Cour de cassation l'a également conduit à appliquer ces dispositions à la Vefa portant sur un lot de copropriété, les dispositions spécifiques de la loi Carrez ne pouvant pas s'appliquer à des biens non achevés.
– La notion de surface habitable applicable en Vefa. – De la même manière qu'elle ne s'est pas prononcée sur l'application de règles de tolérance, la loi du 3 janvier 1967 ne définit pas la notion de surface devant être prise en compte. C'est à la faveur d'une récente intervention de la Cour de cassation que des précisions ont été apportées et qu'une distinction peut à nouveau être faite entre la Vefa du secteur protégé et celle du secteur libre.
S'agissant des Vefa du secteur protégé, la surface stipulée à l'acte et devant être prise en compte pour apprécier leur conformité avec le contrat est la surface habitable définie par l'article R. 156-1 du Code de la construction et de l'habitation. De ce fait, doivent en être exclues les surfaces des locaux ou parties de locaux d'une hauteur inférieure à 1,80 mètre. Toute clause contraire à cette définition de la surface habitable est exclue du fait même qu'elle violerait une règle d'ordre public.
S'agissant des Vefa du secteur libre, il appartient aux parties de renseigner la surface à prendre en compte et de préciser la définition de celle-ci. Il en va ainsi notamment de l'indication d'une surface utile qui, en l'absence de définition légale, renvoie à une notion définie conventionnellement par les parties. Nous relevons néanmoins qu'en pratique les surfaces inférieures à 1,80 mètre sont le plus souvent exclues de la surface utile, qui renvoie même bien souvent à des surfaces conformes aux critères de décence et aux prescriptions des règlements sanitaires départementaux (souvent 2,20 m ou 2,30 m).
L'ingénierie notariale au stade de la rédaction des clauses de tolérance de surface
– Le rôle primordial du notaire au stade de la rédaction des clauses de tolérance de surface. – Par suite des décisions rendues successivement en 1999 et 2006, et confirmées depuis, la Cour de cassation a décidé qu'au silence du législateur de 1967 sur l'application de tolérances de surface devait être répondu l'application du droit commun de la vente. Les articles 1616 à 1624 du Code civil s'appliquent donc tant à la Vefa qu'à la vente d'immeuble à rénover. Si l'application de ces textes soulève de nombreuses critiques et justifierait que soit proposée, le cas échéant, la mise en place d'un régime légal spécifique aux contrats de Vefa et de vente d'immeuble à rénover, il convient que les notaires en tiennent compte afin d'assurer l'efficacité de leurs actes autant que la protection des parties au contrat. Ces précautions seront autant de conseils rédactionnels devant guider le rédacteur au moment de convenir de ces clauses de tempérament ou de modération.
– Conseil no 1 : Exprimer clairement le seuil de tolérance. – S'agissant de contrevenir, pour le modérer, au caractère contraignant et obligatoire de l'obligation faite au vendeur-promoteur de livrer les surfaces prévues au contrat, il convient de fixer clairement les conditions d'exercice de cette tolérance et donc son seuil de déclenchement. Cette nécessaire clarté doit porter tout à la fois sur le seuil proprement dit et sur l'objet de celui-ci. C'est ainsi qu'il importe, tout d'abord, de fixer précisément le seuil de tolérance, en retenant un pourcentage précis (le plus souvent compris entre 2 % et 3 %). Àdéfaut, la clause de tolérance souffrirait la critique de la potestativité en ce qu'elle dépendrait purement et simplement du débiteur de l'obligation, le vendeur-promoteur. La clause de non-garantie qui en résulterait a été condamnée par la Cour de cassation en matière de vente en l'état futur d'achèvement. Par ailleurs, et au-delà du seuil de tolérance, la clause doit clairement identifier l'objet même de celle-ci. Àtitre d'exemple, il a pu notamment être relevé qu'une clause de tolérance portant sur une « surface habitable » n'emportait pas les mêmes effets qu'une clause de tolérance portant sur la « surface totale ». Dans le premier cas, la surface de l'escalier intérieur sera décomptée, au contraire du second cas.
– Conseil no 2 : Tenir compte de la définition de « surface habitable ». – Nous avons eu l'occasion de citer la décision par laquelle la Cour de cassation a précisé que la surface qu'il convenait de retenir (en matière d'habitation) était la « surface habitable » au sens de l'article R. 156-1 du Code de la construction et de l'habitation. Les hauts magistrats en avaient déduit qu'il convenait d'exclure de la surface devant être prise en compte au moment de la livraison celle d'une hauteur inférieure à 1,80 mètre. Le notaire devra donc veiller à ce que la définition de la surface retenue au titre de la clause de tolérance (qu'il s'agisse de la surface visée dans le contrat de Vefa comme de celle mesurée au moment de la livraison) reprenne bien, à tout le moins, les caractéristiques de la surface habitable de l'article R. 156-1 du Code de la construction et de l'habitation. Bien évidemment, le vendeur-promoteur conservera la possibilité de prévoir des critères encore plus restrictifs en convenant, par exemple, que les surfaces construites ne seront prises en compte que dans la mesure de ce qui dépasserait une hauteur d'1,80 mètre ou même de 2,00 mètres, l'article R. 156-1 du même code fixant ici des règles minimales pouvant être améliorées par des clauses plus engageantes. Avant même cette décision, la Cour de cassation avait appelé à la plus grande vigilance dans la délivrance de l'information sur la nature des surfaces construites. C'est ainsi que le notaire devra veiller à ce que le promoteur-vendeur mentionne expressément et clairement dans le contrat ou ses annexes qu'une partie des surfaces devant être réalisées sera d'une hauteur inférieure à 1,80 mètre. En effet, indépendamment du bien-fondé de toute action portant sur le déficit de surface habitable au jour de la livraison, le promoteur-vendeur est susceptible d'engager sa responsabilité du fait d'un manquement à son obligation d'information résultant de ce qu'il n'avait pas précisé dans les plans annexés au contrat que la surface qu'ils visaient comprenait des locaux présentant une hauteur sous plafond inférieure à 1,80 mètre. Par ce biais, la Cour de cassation permet à l'acquéreur mécontent d'agir en demande de dommages et intérêts au-delà du délai d'un an, son action étant alors enfermée dans le délai de droit commun de cinq années de l'article 2224 du Code civil.
– Conseil no 3 : Tenir compte de l'ensemble des critères fixés par l'article R. 156-1 du Code de la construction et de l'habitation. – Le notaire doit tenir compte de la hauteur sous plafond des surfaces habitables, mais ne peut pas se limiter à ce seul critère. En effet, à travers sa décision du 18 mars 2021, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a procédé à un renvoi à l'ensemble des critères listés par l'article R. 156-1 pour exclure certaines surfaces de la surface habitable. Il en va ainsi de la superficie des combles non aménagés, caves, sous-sols, remises, garages, terrasses, loggias, balcons, séchoirs extérieurs au logement, vérandas, volumes vitrés prévus à l'article R. 155-1, locaux communs et autres dépendances des logements, et donc également des parties de locaux d'une hauteur inférieure à 1,80 mètre. Le notaire devra donc veiller à ce que la définition retenue des surfaces habitables respecte bien l'ensemble des critères d'exclusion ci-dessus rappelés, et à se le faire attester au jour de la livraison par la remise d'une attestation de superficie émanant, idéalement, d'un géomètre-expert.
  • ne pas prévoir des conditions procédurales plus strictes que celles prévues par l'article 1622 du Code civil. Nous le rappelons, l'article 1622 du Code civil prévoit que : « L'action en supplément de prix de la part du vendeur, et celle en diminution de prix ou en résiliation du contrat de la part de l'acquéreur, doivent être intentées dans l'année, à compter du jour du contrat, à peine de déchéance ». Nous savons que la Cour de cassation a étendu ce délai, ou plus précisément son point de départ, afin de le faire débuter uniquement à compter de la livraison des biens et non à compter de la signature du contrat de Vefa.Il ne paraît pas envisageable que l'acte de Vefa prévoie un délai plus court pour entamer cette action. Une telle restriction pourrait en effet s'analyser en une suppression ou entrave à l'action en justice du consommateur ou non-professionnel, présumée abusive par le Code de la consommation ;
  • ne pas prévoir que la tolérance interdira l'exercice de toute action en justice. Une diminution de la surface des biens livrés par rapport à ce que prévoyait le contrat est susceptible d'emporter des conséquences financières, appelant une sanction de même nature. C'est ainsi que les sanctions prévues par les articles 1617 à 1624 du Code civil (exécution de l'obligation par la livraison de la surface manquante, révision du prix ou résolution du contrat) répondent à un objectif de pure justice commutative en ce qu'elles visent à corriger un déséquilibre né de l'inexécution du contrat par le promoteur-vendeur. Mais le préjudice subi peut être d'une autre nature, s'étendant notamment à une diminution ou à une perte de l'usage des biens. Dès lors, l'acquéreur peut souhaiter engager une action fondée sur un défaut de conformité, ou encore invoquer un vice du consentement, tel un dol du vendeur ou une erreur substantielle de l'acquéreur.Dès lors, la clause de tolérance de surface ne doit pas interdire à l'acquéreur d'exercer toute autre action que celles inhérentes aux dispositions des articles 1617 à 1624 du Code civil, spécifiques à la contenance. Àdéfaut, il en résulterait un déséquilibre significatif à l'avantage du professionnel (le promoteur-vendeur) en ce qu'elle laisse entendre à l'acquéreur qu'il ne pourra pas exercer toute autre action.La cour d'appel de Nancy a eu l'occasion de le rappeler à propos d'une clause d'un contrat de Vefa prévoyant qu' « une tolérance sera admise dans l'exécution des travaux par rapport aux cotes des plans, qui sera de 5 % en plus ou en moins et, dans cette limite, aucune réclamation ne sera prise en compte ». La clause en question fut déclarée abusive par les juges du fond.Il y a donc lieu de spécifier dans les clauses de tolérance de contenance que celles-ci interdisent à l'acquéreur d'agir, dans les limites de ladite tolérance, sur le fondement des articles 1617 à 1624 du Code civil ;
  • ne pas étendre la clause de tolérance au-delà de la seule contenance des biens. De la même manière qu'il convient de limiter la clause de tolérance de surface aux seules actions en lien direct avec celle-ci (V. ci-dessus), il y a lieu de prévoir que la tolérance ne portera que sur les écarts de surface, à l'exclusion de toute autre discordance avec les dispositions du contrat de Vefa. La décision susvisée de la cour d'appel de Nancy nous donne l'occasion d'illustrer ce propos en ce que la clause litigieuse, et sanctionnée, prévoyait que la modification tolérée portait à la fois sur la contenance proprement dite et sur la « distribution des pièces, leur configuration, leur destination et leur usage ». L'interprétation restrictive qu'il convient de faire des dispositions de l'article 1619 du Code civil, qui sert de fondement légal à la clause de tolérance prévue dans les contrats de Vefa, amène réciproquement à sanctionner ce qui en excéderait les termes. Puisque ce texte ne prévoit de tolérance que sur la contenance des biens, aucune tolérance ne peut être admise sur les autres aspects, et notamment la distribution des pièces ou encore leur configuration.Le notaire devra donc veiller à limiter la clause de tolérance de surface à ce qui en est l'objet et le fondement, à savoir la contenance elle-même et uniquement celle-ci, sous peine de voir la clause rédigée subir les sanctions prévues en matière de clause abusive, et d'engager sa responsabilité ;
  • ne pas prévoir que la clause de tolérance emporte l'existence d'une franchise. Dès lors que le seuil de tolérance fixé au titre des surfaces est dépassé, se pose la question de la sanction devant être supportée par le promoteur-vendeur. Les articles 1617 à 1624 du Code civil sont clairs, en ce qu'ils prévoient que dans l'hypothèse de diminution des surfaces au-delà du seuil de tolérance, le promoteur-vendeur doit subir une diminution proportionnelle du prix.Une pratique s'est développée, consistant à considérer le seuil de tolérance comme un seuil de franchise et non pas un seuil de déclenchement. Àtravers la rédaction qui accompagne cette interprétation, l'objectif pour le promoteur-vendeur est de limiter la réduction du prix aux surfaces déficitaires dépassant le seuil de tolérance, et donc à retrancher mécaniquement du risque de réduction de prix le montant correspondant à ce seuil.Bien qu'à notre connaissance aucune décision n'ait été rendue à ce sujet, l'interprétation stricte de l'article 1619 du Code civil, qui seule s'impose dans l'hypothèse où la Vefa conclue entrerait dans le champ d'application du contrôle des clauses abusives, nous semble commander de ne pas opter pour cette rédaction. La diminution proportionnelle du prix de vente devrait ainsi être calculée en prenant en compte « la totalité des objets vendus », dès lors que le seuil de tolérance est dépassé.
– Conseil no 4 : Veiller au respect de la réglementation sur les clauses abusives. – Ainsi que nous avons eu l'occasion de le rappeler, les contrats de Vefa sont soumis au contrôle des clauses abusives lorsqu'ils sont conclus entre un professionnel et un consommateur ou un non-professionnel. De la même manière qu'elle a pu se poser pour la clause prévoyant les causes légitimes de suspension de délai, la question se pose de savoir si la clause de tolérance portant sur les surfaces est susceptible de créer un déséquilibre significatif entre les parties. Dans les Vefa échappant au droit de la consommation au titre du contrôle des clauses abusives, le caractère supplétif des dispositions des articles 1617 à 1624 du Code civil prédomine, tant pour les Vefa à prix global que pour les Vefa à « tant la mesure ». Il en va autrement dès lors que s'applique le contrôle des clauses abusives du droit de la consommation. Le notaire est donc appelé à ce titre à une vigilance particulière dans la rédaction des clauses de tolérance. Cette vigilance globale au respect de la réglementation sur les clauses abusives peut être illustrée de quatre manières concrètes :

Liens entre Vefa du secteur protégé et droit de la consommation

Au sens où le contrat de Vefa est susceptible de créer un déséquilibre significatif entre le vendeur et l'acquéreur, le régime des clauses abusives s'y applique. Il ne faut néanmoins pas considérer que la protection inhérente au droit de la consommation, et plus particulièrement au contrôle exercé sur les clauses abusives, se confond avec le secteur protégé.
Les clauses abusives sont interdites dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur ou un non-professionnel. Au sens du Code de la consommation, le consommateur est défini comme « toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ». Contrairement à ce que prévoit la directive européenne du 5 avril 1993, le droit français de la protection contre les clauses abusives s'applique également aux personnes morales non professionnelles. Le non-professionnel est quant à lui défini comme « toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles ».
La protection renforcée du secteur protégé s'applique quant à elle à la conclusion d'un contrat portant sur un immeuble à usage d'habitation ou à usage mixte, professionnel et d'habitation.
Il apparaît ainsi que ces réglementations protectrices ne partagent pas le même critère d'intégration :
  • l'usage du bien (usage d'habitation ou à usage mixte, professionnel et d'habitation) pour le secteur protégé du Code de la construction et de l'habitation ;
  • le décalage de qualité entre des parties à protéger (consommateur ou non-professionnel), par opposition à leur cocontractant (professionnel) pour le contrôle des clauses abusives du Code de la consommation.
Il est vrai que les contrats de Vefa du secteur protégé entrent bien souvent dans le champ d'application du contrôle sur les clauses abusives, en ce que l'acquéreur sera bien souvent un consommateur ou un non-professionnel, alors même que le vendeur sera en tout état de cause considéré comme étant un professionnel. Si l'acquéreur ne devait pas néanmoins justifier de l'une de ces qualités, il restera protégé en application du Code de la construction et de l'habitation, mais pas en application des dispositions spécifiques au contrôle des clauses abusives du Code de la consommation.
Àl'inverse, des contrats de Vefa relevant du secteur libre (au regard de l'usage des biens à construire) relèveront du contrôle des clauses abusives du Code de la consommation eu égard, là encore, à la qualité des parties à l'acte.
Il convient donc de bien dissocier les champs d'application respectifs des réglementations sur le secteur protégé du Code de la construction et de l'habitation et sur les clauses abusives du Code de la consommation.
Quid de la mise en place d'un régime légal de tolérance de surface en matière de Vefa ?
Quelles raisons ont dès lors conduit les magistrats à décider d'étendre les règles sur la tolérance de contenance des articles 1617 à 1624 du Code civil aux contrats de Vefa ? Pour l'essentiel, nous pourrions en retenir deux :
  • l'insuffisance de l'analyse conceptuelle de la vente d'immeuble à construire, contrat hybride relevant à la fois du contrat de vente (en ce compris donc les articles 1617 à 1624 du Code civil) et du contrat de construction (et les obligations de résultat auxquelles sont généralement tenus les constructeurs) ;
  • l'absence de toute réglementation en matière de tolérance dans les contrats de Vefa, eu égard au silence de la loi du 3 janvier 1967 et des textes qui ont suivi.
Si la première explication ne peut être réglée que par un changement d'approche doctrinale de ce qu'est un contrat de vente d'immeuble à construire, notamment sur l'une de ses composantes essentielles, à savoir la délivrance d'un immeuble conforme quant à sa contenance, la seconde explication pourrait justifier que soit proposée l'instauration d'un régime légal de tolérance de surface en matière de Vefa.
– Les critiques formulées à l'encontre de la jurisprudence de la Cour de cassation. – Ainsi que nous l'avons rappelé, les critiques à l'encontre de la jurisprudence de la Cour de cassation tendant à étendre aux contrats de Vefa le régime des articles 1617 à 1624 du Code civil sont importantes. Il a ainsi été relevél'incohérence de cette solution avec l'objectif poursuivi par la loi du 3 janvier 1967, notamment en ce que celle-ci s'applique au secteur protégé. L'acquéreur se trouve ainsi défavorisé par l'extension d'un régime qui, au départ, n'avait pas été écrit pour le contrat de Vefa qu'il a régularisé. Les articles 1617 à 1624 du Code civil sont en effet issus du Code civil de 1804, bien avant donc la création en 1967 de la vente d'immeuble sur plans et, plus particulièrement, du contrat de Vefa. La dissonance avec des contrats de construction voisins, qui ne comprennent pas de vente, est à cet égard frappante. C'est ainsi que le contrat de construction de maison individuelle, dont il n'est pas douteux que l'objectif de protection de l'acquéreur, poursuivi par le législateur en 1972, était le même que celui poursuivi par le législateur en 1967, ne comprend pas de règles de tolérance et ne se voit pas appliquer les règles issues des articles 1617 à 1624 du Code civil, puisqu'il ne s'agit pas d'une vente. L'adaptation fondamentale à laquelle la Cour de cassation a dû se prêter, de manière fort opportune, pour permettre de conserver l'efficacité du système issu de l'application des articles 1617 à 1624 du Code civil, illustre d'une certaine façon le caractère non adapté et non satisfaisant de la solution. C'est ainsi qu'il est proposé d'appliquer les dispositions issues du Code civil de 1804 sur la tolérance en matière de contenance du bien vendu, mais seulement partiellement ou, plus exactement, en adaptant ces dispositions à la vente sur plans de 1967 afin de faire courir le délai d'action à compter de la date de livraison des biens et non à compter de la date de signature du contrat.
– L'adoption d'un régime légal de tolérance de surface dans les Vefa ? – L'analyse du régime applicable à l'obligation de délivrance conforme du vendeur en l'état futur d'achèvement, en ce qu'il s'applique à la surface des biens et à son corollaire, le mécanisme de tolérance, laisse apparaître une inadaptation des solutions existantes. Il en va ainsi, tout d'abord, pour l'acquéreur. Celui-ci doit en effet subir le risque d'une modification substantielle de la surface des biens achetés sur plans, sans possibilité d'agir efficacement sur celle-ci ou dans des conditions très contraintes. Le fait qu'il soit un acquéreur « protégé » au titre de la réglementation spécifique au contrat de Vefa du secteur protégé n'y change rien. De même pour le promoteur-vendeur qui, souhaitant qu'il soit tenu compte des aléas de chantier et adaptations nécessaires, y compris sur les surfaces des biens vendus, doit s'en remettre à un système de tolérance issu, pour l'essentiel, de textes anciens et non écrits pour la circonstance. Les conseils enfin, au premier rang desquels les notaires, qui sont susceptibles de rencontrer des difficultés pour sécuriser ces situations. C'est ainsi notamment que la réglementation sur les clauses abusives est susceptible d'écarter l'application des clauses qui auraient été prévues, et d'engager leur responsabilité.
En fin de compte, l'adoption d'un système de tolérance sur les surfaces, qui serait spécifique à la vente d'immeuble à construire, nous paraîtrait de nature à régler ces difficultés. Les objectifs, a priori contradictoires, du promoteur-vendeur à la recherche de souplesse et de l'acquéreur, à la recherche de sécurité, mériteraient d'être combinés pour proposer une solution équilibrée entre les parties. Cette solution paraîtrait d'autant plus adaptée qu'elle serait le fruit d'une pratique de plus de cinquante ans, et non le résultat d'une adaptation à une législation l'ayant précédée de plus de cent cinquante ans !

L'obligation de garantie

En sa qualité de vendeur

– Modèle de contrat – modèle de garantie. – Àl'instar du contrat de vente qui est perçu comme le contrat-type, la matrice des contrats spéciaux, le contrat de vente d'immeuble à construire a quant à lui servi de modèle aux autres contrats de construction. Il est d'ailleurs considéré comme étant l'origine même du droit de la promotion immobilière. Cette influence se retrouve au stade des garanties financières mises en place ultérieurement pour les autres contrats de la promotion immobilière, qu'il s'agisse du contrat de promotion immobilière, du contrat de construction de maison individuelle, du contrat de location-accession, de la vente d'immeuble à rénover, et également en matière de lotissement, s'agissant des obligations d'achèvement des travaux de viabilisation préalables à la cession des lots.
– Plan. – Pris en sa qualité de vendeur d'un immeuble n'existant pas encore, le promoteur-vendeur est tenu de fournir à l'acquéreur une garantie financière de la réalisation effective des travaux jusqu'à leur achèvement. Cette obligation est d'ordre public dans le secteur protégé. Bien que facultative, elle est le plus souvent étendue par les parties à travers des conventions spéciales dans le secteur libre. Le régime de cette garantie financière d'achèvement, perçue exagérément comme la garantie ultime d'un achèvement effectif et en toute circonstance du programme de travaux prévu, nécessite d'en faire une rapide présentation (A) avant d'aborder le rôle de l'ingénierie notariale dans sa mise en œuvre (B).

Présentation du régime actuel

L'objet de la garantie : l'achèvement ou le remboursement
– Une première alternative pour le vendeur. – L'énoncé du principe même de l'obligation de garantie à la charge du promoteur-vendeur dans les Vefa du secteur protégé renvoie à une première alternative pour celui-ci. C'est ainsi qu'il peut choisir entre la délivrance d'une garantie de l'achèvement et une garantie du remboursement. On sait qu'en matière de Vefa, l'acquéreur procède à des versements avant même que n'intervienne l'achèvement des constructions. Àtravers la garantie financière de remboursement, le vendeur garantit à l'acquéreur le remboursement des versements effectués en cas de résolution du contrat à défaut d'achèvement. Àl'inverse, la garantie financière d'achèvement n'a pas vocation à garantir ces remboursements, mais à financer l'achèvement des constructions en cas de défaillance financière du promoteur-vendeur.
– Possibilité de substitution sous certaines conditions. – Dès lors que cette faculté a bien été prévue au contrat de Vefa, le promoteur-vendeur et le garant disposent chacun de la possibilité, au cours de l'exécution du contrat, de passer de l'une à l'autre des garanties d'achèvement et de remboursement. C'est ainsi que la substitution d'une garantie d'achèvement à une garantie de remboursement peut être valablement notifiée à l'acquéreur, et réciproquement. Cette substitution s'effectue souvent d'une garantie de remboursement vers une garantie d'achèvement en fonction de l'avancement des travaux. En effet, plus les travaux seront avancés, plus l'engagement de remboursement sera important (à hauteur des versements alors opérés) alors même que l'engagement d'achèvement s'appréciera sur le reliquat restant à réaliser des travaux de construction.
Les formes de la garantie
– Pour la garantie de remboursement : un cautionnement. – Le défaut d'achèvement peut justifier la résolution amiable ou judiciaire de la Vefa. Le remboursement des versements intervenus préalablement est garanti, dans l'hypothèse où le promoteur-vendeur a opté pour la remise d'une garantie de remboursement, par le biais d'un cautionnement aux termes duquel le garant s'oblige directement envers l'acquéreur.
– Pour la garantie d'achèvement : d'une double à une simple alternative. – Le promoteur-vendeur disposait, il y a peu encore, d'une double alternative dans la mise en place de la garantie d'achèvement en matière de Vefa du secteur protégé. Il lui était tout d'abord possible de choisir entre la remise d'une garantie extrinsèque et la justification de conditions dont la réunion était constitutive d'une garantie intrinsèque, entraînant une véritable dispense de garantie. Afin de relancer le secteur de la promotion immobilière, il est apparu nécessaire d'améliorer la sécurisation financière des acquéreurs, préalable nécessaire à un retour de la confiance des consommateurs dans le secteur de la promotion immobilière. L'ordonnance du 3 octobre 2013 a ainsi supprimé la possibilité de recourir à la garantie intrinsèque pour les opérations dont la demande de permis de construire a été déposée à compter du 1er janvier 2015. La tâche du notaire se trouve à cet égard simplifiée et le contour de sa responsabilité clarifié, en ce qu'il lui appartient désormais de s'assurer de l'existence et de la validité de la garantie extrinsèque délivrée, sans avoir à analyser l'existence de critères propres à justifier l'absence de garantie. En dehors de cette première alternative qui était offerte au promoteur-vendeur, une autre reste d'actualité, qui consiste à lui permettre de choisir entre la remise d'une garantie consistant en une ouverture de crédit et un cautionnement.
– Première possibilité : l'ouverture de crédit. – Le promoteur-vendeur peut tout d'abord garantir l'acquéreur à travers la justification d'une ouverture de crédit. L'engagement du garant, s'il bénéficie évidemment in fine à l'acquéreur, est néanmoins alors consenti au vendeur en ce que le garant « s'oblige à avancer à ce dernier ou à payer pour son compte les sommes nécessaires à l'achèvement ».
– Seconde possibilité : le cautionnement. – Le promoteur-vendeur peut décider de préférer à l'ouverture de crédit une véritable convention de cautionnement. Dans ce cas, l'engagement pris par le garant l'est directement au profit de l'acquéreur en ce qu'il s'oblige, solidairement avec le vendeur, à payer les sommes nécessaires à l'achèvement de l'immeuble. En pratique, il est constaté que la garantie remise par le promoteur-vendeur à son acquéreur prend le plus souvent la forme d'une garantie d'achèvement (et non de remboursement) délivrée à travers un cautionnement solidaire (et non une ouverture de crédit).

Le choix de la forme de la garantie : une singularité de la Vefa

Les garanties de bonne fin des travaux de construction « partagent toutes l'objectif essentiel de sécuriser la situation de l'accédant à la propriété de logements neufs ». Mais, au-delà d'un objectif commun, c'est à une différence essentielle qu'aboutissent les textes applicables. C'est ainsi qu'en matière de Vefa, le promoteur-vendeur a le choix entre ouverture de crédit (destinée à financer l'achèvement) et cautionnement (destiné, au choix, à rembourser ou à financer l'achèvement). Au contraire, la garantie de livraison prévue pour le contrat de construction de maison individuelle ne peut consister qu'en un cautionnement solidaire (garantissant la livraison), à l'instar de la vente d'immeuble à rénover ne prévoyant qu'une garantie financière d'achèvement. Le contrat de Vefa se singularise donc en ce qu'il offre au promoteur-vendeur un système de garantie « à choix multiple » là où les autres principaux contrats de construction ne comprennent qu'un modèle exclusif de garantie.
La qualification de la garantie
– Remise en question de la qualification de cautionnement. – La qualification de la garantie financière d'achèvement, dès lors qu'elle ne prend pas la forme d'une ouverture de crédit, paraît ressortir clairement des termes de l'article R. 261-21, b) du Code de la construction et de l'habitation. Il y est ainsi précisé qu'elle consiste en une convention de cautionnement solidaire. C'est pourtant à une remise en question permanente de cette qualification que nous assistons, à la faveur notamment de celles de « garantie autonome », de « cautionnement de caractère particulier » ou encore de « convention présentant un caractère autonome ne relevant pas du droit commun du cautionnement ».
– La qualification de « garantie autonome ». – Ce « reniement du texte » ou, plus simplement, cette qualification contra legem de la garantie d'achèvement retenue par la Cour de cassation et par une partie de la doctrine, était principalement motivé par des raisons qui, aujourd'hui, n'existent plus. Par ailleurs, la définition de la garantie autonome récemment consacrée par l'ordonnance no 2006-346 du 23 mars 2006 ne semble pas reprendre les critères de celle-ci. Si l'engagement au titre de la garantie d'achèvement l'est effectivement en considération d'une obligation souscrite par un tiers, la garantie financière d'achèvement (GFA) ne contient pas l'obligation de verser des sommes à première demande, pas plus que des modalités de versement (dans sa définition légale, tout au moins). Il a ainsi été relevé que la nécessité de constater la défaillance du débiteur était incompatible avec l'essence des garanties autonomes. La Cour de cassation semble néanmoins maintenir cette qualification, sans convaincre totalement la pratique comme la doctrine. Si les qualifications de cautionnement et de garantie autonome sont écartées, comment qualifier dès lors la garantie financière d'achèvement ?
– Vers une autre qualification de la GFA ? – La consécration d'une « garantie financière du droit de la construction », spécifique à ce secteur d'activité et fédérant les garanties existantes, a été proposée. Celle de porte-fort d'exécution l'a été également, en ce que le garant s'engage, en cas de défaillance du promoteur-vendeur, à financer l'achèvement des constructions tout en désignant un tiers devant disposer des pouvoirs du maître d'ouvrage pour ce faire.
Les bénéficiaires de la garantie
– L'acquéreur : bénéficiaire principal. – L'acquéreur en Vefa est bien entendu le bénéficiaire principal de la garantie financière d'achèvement. L'article L. 261-10-1 du Code de la construction et de l'habitation prévoit d'ailleurs expressément ce bénéfice au stade de la mise en œuvre de la garantie. Dans la mesure où elle serait qualifiée de cautionnement, la garantie d'achèvement devrait être neutralisée en présence d'un acquéreur défaillant, c'est-à-dire n'ayant pas respecté son obligation de paiement des échéances de prix prévues à la Vefa. Le renforcement du caractère accessoire du cautionnement issu de la réforme des sûretés opérée par l'ordonnance no 2021-1192 du 15 septembre 2021 confère à celui-ci une portée quasi absolue. C'est ainsi que le garant peut opposer à l'acquéreur en Vefa, pris en sa qualité de créancier de la garantie d'achèvement, les exceptions issues du non-respect par lui de cette obligation de paiement.
– Le cas particulier des syndicats de copropriétaires. – Par principe, le syndicat des copropriétaires d'un immeuble vendu en l'état futur d'achèvement a vocation à bénéficier de la garantie d'achèvement, et ce au titre de l'achèvement des parties communes. Ce point a été confirmé en jurisprudence. Mais il convient d'opposer à ce principe une limite inhérente au statut de la copropriété des immeubles bâtis. L'efficacité de l'action du syndicat des copropriétaires est évidemment conditionnée à son existence, et par conséquent au fait qu'il existe un immeuble « bâti » et donc achevé. Le syndicat des copropriétaires ne pouvant donc actionner la garantie d'achèvement qu'une fois que l'immeuble se trouve achevé, il apparaît qu'il ne pourra pas justifier d'un intérêt à agir au titre de cette garantie.
La mise en jeu de la garantie
– La notion de « défaillance financière ». – La garantie émise en application de l'article L. 261-10-1 du Code de la construction et de l'habitation, désormais qualifiée de garantie « financière », n'a vocation qu'à prendre en charge la défaillance financière du promoteur-vendeur. C'est ainsi que toute autre défaillance (administrative, technique, etc.), pouvant entraîner un retard ou une absence d'achèvement, n'est pas prise en charge par le garant d'achèvement. C'est une importante limite à la garantie dite « d'achèvement », que peu d'acquéreurs en l'état futur d'achèvement connaissent. Par ailleurs, cette défaillance financière est elle-même comprise strictement. Il ne s'agit pas simplement de la défaillance du promoteur-vendeur dans le paiement des entreprises appelées à réaliser les travaux de construction. Il convient également, depuis la loi Elan du 23 novembre 2018, que le défaut de paiement soit complété d'une absence de disposition des fonds nécessaires à l'achèvement de l'immeuble. Il ne suffit donc pas de prouver que le vendeur ne paye pas les entreprises de construction, il convient de justifier qu'il se trouve dans l'incapacité financière de le faire. Cette consécration par la loi Elan de la proposition faite par le groupe de travail constitué sous l'égide de la Fédération bancaire française (FBF) présente le mérite de définir ce que le garant a vocation à garantir. Elle semble néanmoins présenter une difficulté pratique : sur qui repose la charge de la preuve de la défaillance financière et comment se rapporte-t-elle ? Lorsqu'il est fait appel à l'esprit même de la réglementation applicable aux ventes en l'état futur d'achèvement, une présomption de défaillance financière est proposée. Il est à craindre néanmoins que l'acquéreur soit tenu de rapporter cette preuve, aussi difficile que cela puisse paraître. Au final, le cumul entre charge de la preuve (pesant sur l'acquéreur) et prise en compte de l'unique incapacité financière du promoteur-vendeur amène à s'interroger sur le bien-fondé du curseur proposé par la loi Elan sur cette notion de défaillance financière. L'arrêt des paiements des sommes nécessaires à l'achèvement de l'ouvrage ou l'arrêt du chantier pendant une durée déterminée pourraient utilement être retenus en lieu et place de la définition existante, ce qui nécessiterait toutefois de revenir à nouveau sur les textes applicables en matière de GFA… Par ailleurs, s'il paraît plus aisé pour l'acquéreur de rapporter ces évènements, ces derniers peuvent également résulter de circonstances indépendantes de la défaillance financière du promoteur/vendeur. Ainsi de l'arrêt des paiements qui peut tout aussi bien provenir d'un litige entre le promoteur/vendeur et une entreprise, et de l'arrêt de chantier pouvant être la conséquence d'une grève, de la survenance d'intempéries ou de tout autre cas relevant de la force majeur ou d'une cause légitime de suspension de délai.
– Le rôle plus moins actif du garant. – Le garant d'achèvement n'est pas tenu de poursuivre lui-même l'achèvement en cas de défaillance du promoteur-vendeur, ni d'en reprendre la maîtrise d'ouvrage. Chargé d'assumer financièrement le paiement des entreprises appelées à réaliser les travaux de construction, en cas de défaillance financière du promoteur-vendeur, le garant ne devait jouer qu'un rôle relativement passif, jusqu'à un passé récent. La loi Elan est à nouveau venue combler une importante lacune en matière de GFA. En effet, en cas de défaillance financière, ni le garant ni l'acquéreur ne pouvaient invoquer la qualité de maître d'ouvrage, réservée au seul vendeur en matière de Vefa. Il a donc été prévu que le garant financier peut faire désigner un administrateur ad hoc, lequel disposera des pouvoirs du maître de l'ouvrage, avec pour mission de réaliser les travaux nécessaires à l'achèvement de l'immeuble. Si l'ajout de cette solution doit être salué, il a été fort justement souligné que cette désignation est facultative et nécessite que soit respectée une procédure, à travers une ordonnance sur requête à l'initiative du garant (procédure néanmoins non contradictoire, par opposition à une désignation en référé). Le système retenu en matière de contrat de construction de maison individuelle pourrait inspirer une amélioration de la solution retenue par le législateur en 2018, en ce qu'il est plus protecteur de l'acquéreur en Vefa.
La fin de la garantie
– Le renvoi à la notion d'achèvement. – L'évidence n'est pas toujours de mise en matière juridique. Jusqu'à une intervention récente, l'absence de précision sur ce que la garantie d'achèvement avait vocation à couvrir, ainsi qu'une dualité de la notion même d'achèvement retenue en fonction du mode de constatation retenue par les parties en étaient de belles illustrations. Il aura fallu attendre un décret du 27 septembre 2010, modifié par un décret du 19 mai 2011, pour combler cette lacune et rompre avec cette conception duale, lourde de conséquences pratiques. Désormais, la garantie prend fin à l'achèvement de l'immeuble au sens de l'article R. 261-1 du Code de la construction et de l'habitation. Il y a donc unicité entre l'événement justifiant du respect de l'engagement pris par le promoteur-vendeur de construire et de livrer les constructions prévues au contrat et la garantie remise à l'acquéreur pour le sécuriser sur le respect de cet engagement.
– Une garantie couvrant l'achèvement, rien que l'achèvement. – La solution retenue d'un renvoi strict à la notion d'achèvement définie par l'article R. 261-1 du Code de la construction et de l'habitation est venue clarifier la situation des parties à l'acte (le promoteur-vendeur) autant que celle du garant. Mais elle présente néanmoins une limite fondamentale en ce que la garantie ne couvre donc que l'achèvement, et non le parachèvement, qui est un état distinct, au sens plus abouti, de la construction. La différence est ici frappante avec la solution retenue pour le contrat de construction de maison individuelle, sans que nous puissions expliquer cette différence. Au titre de ce dernier contrat, le garant est ainsi tenu, entre autres, jusqu'à la levée des réserves, et même de la prise en charge des éventuelles pénalités de retard de livraison. Bien que la solution retenue récemment d'un renvoi à la seule notion d'achèvement ait été saluée par la doctrine, et que la limitation à cette seule notion ait été perçue comme favorable, nous nous interrogeons sur une extension de l'objet même de la garantie d'achèvement aux éléments prévus en matière de garantie de livraison dans le contrat de construction de maison individuelle. Au prix d'un probable renchérissement du coût de la garantie, et donc du coût de l'opération pour le promoteur-vendeur et l'acquéreur, la situation de ce dernier n'en serait-elle pas néanmoins plus confortable ? Il s'agirait dès lors que soit garanti le financement de la « conformité contractuelle », le garant devant « financer l'ensemble des travaux prévus contractuellement, y compris donc les travaux de parachèvement, sauf lorsque ceux-ci auront été laissés à la charge de l'acquéreur ».

L'extension de la notion d'achèvement emporte-t-elle l'extension de l'objet de la garantie d'achèvement ?

Le caractère restrictif de la notion d'achèvement définie par l'article R. 261-1 du Code de la construction et de l'habitation conduit parfois les parties à étendre conventionnellement cette notion. Il s'agit d'une pratique courante dans le secteur libre, mais que rien ne nous paraît devoir interdire dans le secteur protégé, puisqu'il en va d'une protection accrue pour l'acquéreur.
Ces extensions peuvent porter sur les modalités d'accès aux biens, l'achèvement de plantations, la réalisation de certains aménagements dont le défaut n'empêcherait pas de constater l'achèvement au sens strict de l'article R. 261-1 du Code de la construction et de l'habitation.
Cependant, l'ajout de critères complémentaires dans le contrat de Vefa ne peut être rendu opposable au garant d'achèvement que dans la mesure où ces mêmes précisions figurent également dans la garantie délivrée. De la même manière que l'objet vendu doit être décrit aussi précisément dans la garantie délivrée que dans le contrat de Vefa (notamment le renvoi aux permis de construire obtenus et au descriptif), il convient de s'assurer que la définition retenue de l'achèvement soit identique dans le contrat de Vefa et le texte de la garantie d'achèvement. Àdéfaut, la garantie portera sur une notion d'achèvement plus restrictive de ce à quoi le promoteur-vendeur s'est engagé aux termes de la Vefa…
– La constatation de l'achèvement. – La constatation de l'achèvement, en ce qu'elle met fin à la garantie d'achèvement ou de remboursement, a elle aussi fait l'objet d'améliorations récentes. Le renvoi au dépôt de la déclaration « administrative » de l'achèvement des constructions prévue par l'article L. 462-1 du Code de l'urbanisme a ainsi été supprimé. Plusieurs questions se posent en pratique :
  • Comment est constaté l'achèvement (mettant fin à la garantie) ? Désormais, l'achèvement résulte de la constatation qui en a été faite soit par un organisme de contrôle indépendant, soit par un homme de l'art. Il peut aussi être constaté grâce à l'intervention d'une « personne qualifiée » désignée par ordonnance du président du tribunal judiciaire du lieu de situation de l'immeuble.
  • Le promoteur-vendeur peut-il librement choisir entre les deux principales modalités de constatation de l'achèvement ? Non. Il est apparu nécessaire de traiter la situation dans laquelle un lien de dépendance existerait entre le promoteur-vendeur et celui appelé à constater l'achèvement (l'homme de l'art), notamment dans le cadre d'un contrat de maîtrise d'œuvre. C'est pourquoi l'article R. 261-24 du Code de la construction et de l'habitation prévoit expressément que la constatation doit, dans cette hypothèse, être faite par un organisme de contrôle indépendant.
  • La constatation de l'achèvement répond-elle à un formalisme strict ? Oui. L'article R. 261-24 du Code de la construction et de l'habitation dispose désormais que l'achèvement est constaté par la remise d'une attestation d'achèvement émanant du professionnel désigné (l'homme de l'art, l'organisme de contrôle indépendant ou la personne qualifiée désignée par le tribunal judiciaire compétent). Un arrêté est venu imposer un modèle d'attestation, dont un exemplaire doit être remis au notaire chargé de la vente.
  • Est-il possible de saisir le juge en cas de désaccord des parties sur l'achèvement des constructions, et donc la libération du garant ? Oui. C'est d'ailleurs tout l'intérêt du renvoi qui est fait par l'article R. 261-24 du Code de la construction et de l'habitation au mécanisme mis en place en matière de vente à terme sous l'article R. 261-2 du même code. Alors même que par suite du décret du 27 septembre 2010, et avant celui du 19 mai 2011, cette procédure judiciaire de constatation de l'achèvement était même la seule possible, coexistent aujourd'hui deux possibilités de constatation : l'une, amiable, par désignation d'un homme de l'art ou d'un organisme de contrôle indépendant, l'autre, judiciaire, par la désignation d'une personne qualifiée. Ce dernier moyen de constatation de l'achèvement, emportant libération du garant, sera nécessaire chaque fois qu'une contestation naît au stade de la constatation de l'achèvement. Bien évidemment, cette solution n'est pas à privilégier, elle est même à éviter dans la mesure du possible. Les contraintes et coûts qui en résultent pour les parties (désignation d'un expert judiciaire, respect du contradictoire, saisine d'un avocat) doivent inciter celles-ci à privilégier, autant que possible, une solution amiable.Pour un modèle d'attestation d'achèvement d'un immeuble vendu en Vefa :

Une garantie efficace, mais perfectible

La garantie financière d'achèvement a servi de modèle aux autres garanties prévues par les contrats de construction. Néanmoins, elle n'a pas bénéficié de la stabilité d'ensemble de la loi du 3 janvier 1967 dont elle est issue.
Du fait d'interventions législatives récentes, il est désormais clairement établi que :
  • cette garantie s'éteint lorsqu'est constaté l'achèvement au sens du premier alinéa de l'article R. 261-1 du Code de la construction et de l'habitation ;
  • cette garantie est limitée à l'hypothèse de défaillance financière du promoteur-vendeur ;
  • Sa mise en œuvre est condtionnée par la validité du permis de construire autorisant la réalisation des travaux nécessaires à l'achèvement ;
  • le renvoi à la déclaration administrative attestant l'achèvement des constructions n'est plus de nature à justifier l'achèvement libérant le garant de ses obligations.
En revanche, sa nature juridique (cautionnement ?) est contestée, de même que le caractère restreint de son champ d'action, limité au seul achèvement. La désignation de la personne appelée à constater l'achèvement libératoire pour le garant est elle aussi source de difficulté.
L'intervention du notaire pour s'assurer du respect des textes applicables et apporter les explications nécessaires aux acquéreurs est indispensable. Son ingénierie sera également mise à contribution pour préciser ou améliorer conventionnellement les modalités de mise en œuvre de la garantie d'achèvement, voire même pour démontrer qu'une modification de son régime serait opportune.

Qui est l'homme de l'art ?

L'article R. 261-24 du Code de la construction et de l'habitation prévoit la possibilité que l'achèvement, nécessaire pour libérer la garantie financière d'achèvement (ou de remboursement), soit constaté par un « homme de l'art ». Aucune définition de celui-ci n'est donnée. Deux caractéristiques de l'homme de l'art semblent pouvoir être déduites des termes de l'article R. 261-24 :
  • sa compétence tout d'abord ;
  • son indépendance également. Son manque d'indépendance rendrait en effet nécessaire de retenir l'intervention d'un « organisme de contrôle indépendant ».
Au-delà, rien n'est précisé sur cet homme de l'art. C'est ainsi que, contrairement à ce qui a été retenu en matière de vente d'immeuble à rénover, l'homme de l'art de la Vefa n'est pas défini par référence au premier alinéa de l'article R. 262-7 du Code de la construction et de l'habitation, lequel prévoit qu'il doit être un professionnel relevant de la loi no 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture, indépendant, impartial et assuré à ce titre.

L'ingénierie notariale au service de la garantie d'achèvement

Les vérifications devant être opérées par le notaire
– S'assurer de l'indépendance de celui appelé à constater l'achèvement. – L'obligation d'indépendance de la personne ayant vocation à constater l'achèvement des travaux de construction, à l'égard du promoteur-vendeur n'est pas nouvelle. C'est ainsi qu'avant même que ne soit modifié l'article R. 261-24 du Code de la construction et de l'habitation par les décrets des 27 septembre 2010 et 19 mai 2011, la Cour de cassation avait précisé que la déclaration attestant l'achèvement ne pouvait être jugée libératoire pour le garant car elle émanait d'une personne ayant la double qualité de maître de l'ouvrage et de maître d'œuvre, et ne pouvait donc pas être considérée comme émise par un professionnel indépendant ayant la qualité d'homme de l'art. Cette exigence est désormais reprise par l'article R. 261-24. C'est ainsi que le défaut d'indépendance de l'homme de l'art impose de recourir à la constatation de l'achèvement par un organisme de contrôle indépendant. L'indépendance doit, selon nous, s'apprécier tant juridiquement qu'économiquement, et s'entendre de manière extensive pour protéger les intérêts de l'acquéreur, et éviter au promoteur-vendeur comme au garant des contentieux ultérieurs. Même si elle n'est pas obligatoire, l'indication dans l'acte de Vefa de l'identité de la ou des personnes appelées à venir constater l'achèvement nous paraît opportune. Par ailleurs, l'ajout de documents attestant de cette indépendance ou de déclarations spécifiques de l'homme de l'art venant confirmer celle-ci, (accompagné de sanctions pénales en cas de fausses déclarations) pourrait être utilement prévu.
– Vérifier l'absence de clauses de limitation de garantie dans la GFA. – L'effet combiné des crises économiques et des réformes opérées récemment, et notamment l'extension des engagements des garants du fait de la prise en compte de la notion d'achèvement pour les libérer, a conduit certains garants à proposer, ou certains promoteurs à demander que les engagements compris dans les garanties d'achèvement soient limités. L'objectif principal est alors de réduire les risques couverts par ces garanties et, ce faisant, d'en réduire les coûts. Il peut notamment s'agir de plafonner le montant de la garantie en se basant sur le budget initial des travaux de construction. Ces limitations sont entachées de nullité et devraient même être réputées non écrites en ce qu'elles limitent l'engagement des garants et contreviennent à l'objectif poursuivi par la réglementation d'ordre public du secteur protégé, qui est de protéger les acquéreurs. Le notaire devra s'assurer que la garantie d'achèvement ou de remboursement remise n'est pas affectée par de telles clauses restrictives de garantie, afin d'assurer la pleine efficacité de son acte et d'éviter d'engager sa responsabilité professionnelle à ce titre. Il convient de noter qu'en sens inverse, c'est-à-dire lorsque des clauses contiennent une extension ou une amélioration conventionnelle de la garantie (montant garanti, durée, définition de l'achèvement plus large que celle prévue par l'article R. 261-1 du CCH), l'objectif de protection poursuivi par le législateur n'est pas contrarié, au contraire. La validité de ces clauses ne semble donc pas devoir être contestée.
– Vérifier la validité du permis de construire. – La Cour de cassation a récemment eu l'occasion de rappeler le lien entre validité du permis de construire et efficacité d'une garantie financière d'achèvement (Cass. 3e civ., 8 juill. 2021, no 19-25.774, 19-25.775, 19-25.777, 19-25.778 et 19-25.779). Le garant d'achèvement n'étant pas tenu de s'assurer du bon déroulement des travaux, ne peut pas être engagé au titre de travaux ne pouvant plus être réalisés du fait de la péremption du permis de construire les ayant autorisé. Faute d'avoir prévu une garantie de remboursement, l'acquéreur se retrouve dès lors sans protection et sans recours à l'égard du garant. En dehors de ce manque d'efficacité de la garantie financière d'achèvement, la responsabilité du notaire a été confirmée au titre de l'obligation de validité et d'efficacité des actes qu'il reçoit. En ne s'assurant pas du démarrage effectif des travaux avant la signature des actes et du risque de péremption qui en découlerait, sa responsabilité se trouve engagée. Dès lors, le notaire se doit de vérifier la date de péremption du permis de construire et de confronter celle-ci aux réalités du dossier dont il a la charge. L'efficacité de l'acte et de la garantie d'achèvement en dépend, tout autant que sa responsabilité si cette efficacité devait un jour être contestée pour ces mêmes raisons. Des améliorations aux textes applicables ont été proposées, qui permettraient de limiter ces risques (J.-M. Berly & M. Lemue, GFA et permis de construire : une construction non achevée !, RDI 2022, p. 97). Mais en pratique, et au-delà des vérifications qui lui appartient d'effectuer, le notaire pourrait utilement et efficacement renseigner systématiquement dans l'acte de Vefa la date de péremption du permis de construire. Dès lors, le risque éventuellement encouru serait expressément renseigné tant pour les parties à l'acte que pour lui-même, permettant d'assurer une vigilance accrue sur une problématique trop souvent mise de côté.
– Lier modification de l'objet de la Vefa et GFA. – Les engagements du garant sont limités par les textes applicables ainsi que la rédaction retenue de la garantie d'achèvement. Il est loisible aux parties, y compris dans le secteur protégé, d'étendre les engagements du promoteur-vendeur en comparaison avec ce que la loi impose à ce dernier. Néanmoins, il importe que ces ajustements soient utilement reportés dans le texte même de la garantie d'achèvement devant être délivrée, afin que ces extensions soient couvertes par le garant d'achèvement au-delà des engagements du promoteur-vendeur (en cas de défaillance financière de ce dernier). Ce principe est évidemment valable pour une approche plus complète de la notion d'achèvement, mais il ne se limite pas à cette seule hypothèse. Le notaire a donc un rôle essentiel, en ce qu'il doit s'assurer que la rédaction de la garantie d'achèvement reprend bien les extensions prévues par les parties à la Vefa au titre des engagements du promoteur-vendeur. Àdéfaut, s'il n'avertissait pas son client de cette discordance défavorable à l'acquéreur, il en résulterait un manquement au titre de son devoir de conseil, susceptible de porter préjudice à l'acquéreur et d'engager la responsabilité du notaire.
La désignation de l'homme de l'art ou de l'organisme de contrôle indépendant
– Le silence des textes applicables. – Les modifications successives du régime applicable à la garantie financière d'achèvement ou de remboursement n'y ont rien fait : rien n'est dit sur les modalités de désignation de l'homme de l'art ou de l'organisme de contrôle indépendant. Seule l'hypothèse de désignation de la « personne qualifiée » prévue par l'article R. 261-2 du Code de la construction et de l'habitation renvoie expressément à une ordonnance du président du tribunal judiciaire du lieu de situation de l'immeuble. Ànouveau, les dispositions applicables à la vente d'immeuble à rénover sont plus précises. Il y est en effet expressément prévu que l'homme de l'art est désigné « d'un commun accord entre les parties ou, à défaut d'accord, par ordonnance, sur requête, non susceptible de recours, du président du tribunal judiciaire du lieu de situation de l'immeuble parmi celles que le tribunal commet habituellement ».
– La désignation dans le contrat. – L'absence de précision des textes applicables quant à la désignation de celui ( « homme de l'art » ou « organisme de contrôle indépendant ») appelé à constater l'achèvement ne nous paraît pas empêcher les parties d'en convenir. Bien au contraire, et bien que la désignation d'un commun accord du « constatant » par les parties ne soit pas prévue par les textes, il paraît opportun que le notaire invite les parties à s'accorder sur celle-ci dès la conclusion du contrat. La compétence et l'indépendance du constatant pourront dès lors être vérifiées par l'acquéreur, ce qui nous semble de nature à réduire les risques de contestation en justice. Le notaire remplirait, à ce titre, sa fonction de déjudiciarisation en prévoyant dans l'acte les mentions et prévisions de nature à empêcher la survenance d'un contentieux des parties porté devant le juge. Rappelons que les parties disposent de la possibilité de saisir le tribunal judiciaire compétent afin que son président se prononce, sur ordonnance, pour désigner une personne qualifiée pour constater l'achèvement et donc la libération du garant.

Une procédure de constatation de l'achèvement à parfaire

Si la procédure permettant de constater l'achèvement, emportant libération du garant, a été substantiellement améliorée ces dernières années, deux améliorations nous semblent de nature à parfaire le système et, surtout, à sécuriser plus encore l'acquéreur. L'inspiration pourrait être recherchée dans la réglementation applicable à la vente d'immeuble à rénover :
  • Les modalités de désignation de l' « homme de l'art » ou de l' « organisme de contrôle indépendant » : sans revenir sur le rôle central joué par le promoteur-vendeur, lequel doit être force de proposition au stade de la désignation des « constatants » de l'achèvement, la désignation de ceux-ci d'un commun accord entre les parties, dès la signature du contrat, nous semblerait de nature à réduire les contentieux. La solution existante pour les ventes d'immeuble à rénover sous l'alinéa 2 de l'article R. 262-7 du Code de la construction et de l'habitation nous semblerait devoir être étendue.
  • La qualité de l'homme de l'art et l'obligation d'assurance : l'absence de désignation précise de ce qu'est l'homme de l'art appelé à constater l'achèvement fait courir un double risque à l'acquéreur. Un risque technique (lié à la compétence du constatant) et un risque de couverture de son intervention (du fait de l'absence d'obligation d'assurance). Ici aussi, la solution retenue pour la vente d'immeuble à rénover pourrait être étendue, avec une adaptation. Il serait ainsi opportun de compléter l'article R. 261-24 du Code de la construction et de l'habitation en précisant que l'homme de l'art serait (i) soit un professionnel relevant de la loi no 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture, (ii) soit le maître d'œuvre de l'opération retenu pour attester que les différents stades d'avancement des travaux prévus par l'article R. 261-14 dudit code sont atteints (à la condition, dans ce dernier cas, que ce maître d'œuvre soit juridiquement et économiquement indépendant du promoteur-vendeur). Dans les deux cas, cet homme de l'art devra justifier que les missions qui lui seraient ainsi confiées seront couvertes par une assurance professionnelle bénéficiant à l'acquéreur.
Accompagner l'acquéreur en cas de défaillance du promoteur ET du garant
– La GFA : un parcours d'obstacles pour l'acquéreur. – Nous avons eu l'occasion de rappeler combien la garantie financière d'achèvement est susceptible de présenter d'importantes imperfections pour l'acquéreur. Loin d'être la panacée pour un acquéreur victime de la défaillance de son vendeur au titre de son obligation d'achèvement, elle ne couvre pas intégralement la conformité contractuelle des biens prévue au contrat. La mise en jeu de la GFA nécessite par ailleurs que l'acquéreur rapporte la difficile preuve de la défaillance financière de son vendeur. Enfin, elle n'entraînera, de la part du garant, qu'une action relativement passive ou dépendante de sa bonne volonté.
– Le recours à la faculté de remplacement ? – L'application du droit spécial de la vente d'immeuble à construire n'est pas exclusive de l'application des règles non contradictoires du droit commun des contrats. Peut alors se poser la question de l'application des dispositions de l'article 1222 du Code civil, instituant au profit du créancier d'une obligation non respectée une « faculté de remplacement ». En cas de défaillance du débiteur (le promoteur-vendeur dans notre cas), le créancier (l'acquéreur) pourra faire exécuter lui-même l'obligation non respectée dans un délai et à un coût raisonnables. Il est possible de s'interroger, dès lors, sur le rôle du notaire en présence d'une défaillancecombinée du promoteur-vendeur et du garant financier au stade de l'achèvement. Le recours à la faculté de remplacement semble pouvoir être envisagé. Le notaire pourrait conseiller à l'acquéreur de saisir le juge afin que soit désigné un administrateur ad hoc ou une société de promotion chargée de réaliser ou faire réaliser les travaux nécessaires à l'achèvement des constructions. Si la preuve de la défaillance financière du promoteur-vendeur est rapportée, rien ne semble justifier que la garantie financière d'achèvement ne puisse pas être activée pour financer dans ce cas les travaux à réaliser par cet administrateur ad hoc, quand bien même l'initiative de sa nomination ne relèverait pas au cas particulier du garant financier de l'achèvement.

Le rôle du notaire dans l'amélioration et la mise en œuvre de la garantie d'achèvement

La garantie d'achèvement n'est pas complète et sa mise en œuvre souvent compliquée. Le rôle du notaire dans l'amélioration et la mise en œuvre de la garantie d'achèvement est essentiel.
Le notaire est ainsi appelé à veiller à ce que la garantie délivrée soit efficace et protectrice pour l'acquéreur, ainsi que pour le vendeur et le garant, en ce que ces vérifications sont de nature à éviter les contestations futures. Les vérifications du notaire peuvent ainsi porter sur :
  • le contrôle de l'indépendance de celui appelé à constater l'achèvement ;
  • la vérification de l'identité et des qualités du garant ;
  • la mise en cohérence de la rédaction de la GFA avec celle de la Vefa ;
  • la vérification de l'absence de clause limitative de garantie dans la GFA ;
  • la vérification de la non caducité du permis de construire.
Au-delà de ces vérifications, des compléments ou modifications peuvent être proposés par le notaire. Ils pourront porter notamment sur la désignation dans l'acte des personnes appelées à constater l'achèvement.

En sa qualité de constructeur

– Le notaire et l'obligation de garantie du promoteur. – En sa qualité de constructeur, le vendeur en l'état futur d'achèvement est tenu de garanties spécifiques à l'égard de son acquéreur. Dans certaines situations, ces garanties peuvent s'étendre au-delà du promoteur initial, pour rejaillir sur les propriétaires successifs. Le devoir de conseil auquel il est tenu et, plus encore, son rôle de pédagogue ou d'enseignant du droit, imposent au notaire de maîtriser les concepts en présence. Son ingénierie renvoie aussi à cette nécessaire maîtrise. Il sera alors en mesure d'expliquer ces garanties avec clarté aux parties, tant celles ayant vocation à garantir (principalement les promoteurs-vendeurs) que celles devant bénéficier de ces garanties et qui doivent donc connaître leurs modalités de mise en œuvre (principalement l'acquéreur en l'état futur d'achèvement). Ces problématiques font l'objet de développements complets dans les différents précis ou traités spécialisés et reconnus. Il ne sera donc pas question d'en reprendre ici l'ensemble des conditions. Un rappel de ces garanties spécifiques sera néanmoins proposé pour chacune d'elles, de manière synthétique, avant que ne soient proposés les points, essentiellement rédactionnels, sur lesquels le notaire peut y déployer son ingénierie.

La notion de réception dans le régime des garanties des constructeurs

Dans le cadre de son obligation de délivrance, la responsabilité du promoteur-vendeur en l'état futur d'achèvement est appréciée à l'aune de l'achèvement et/ou de la livraison des biens. S'agissant en revanche des garanties auxquelles ce même promoteur-vendeur est tenu en sa qualité de constructeur, il est renvoyé assez largement à la notion de réception.
Définie par l'article 1792-6 du Code civil comme étant « l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves », la date de réception correspond à la pierre angulaire ou élément déclencheur des régimes de garantie des constructeurs. Elle est le point de départ notamment des garanties biennale et décennale, et peut également l'être au titre de la garantie des dommages apparents si la réception est précédée par la prise de possession de plus d'un mois.
En tant qu'acte juridique, la réception répond aux conditions de fond de celui-ci. Elle doit ainsi refléter une volonté réelle et réciproque des parties au contrat, en respectant le principe du contradictoire.
Sur la forme, le Code civil n'a pas imposé de règles particulières pour la réception. L'application du droit commun de la preuve exige néanmoins un acte écrit, sans quoi elle pourra constituer simplement un commencement de preuve. Malgré le silence du législateur en 1978, la réception tacite a néanmoins été reconnue par la Cour de cassation.
– Une garantie en trois temps. – L'acquéreur en l'état futur d'achèvement déçu par l'ouvrage livré dispose classiquement de trois garanties spécifiques à l'encontre de son vendeur, pris en sa qualité de constructeur. Il pourra tout d'abord invoquer « ce qui se voit » dans un délai néanmoins contraint, à travers la garantie des dommages apparents (A). Bien évidemment, il disposera de plus de temps pour engager la responsabilité de son vendeur au titre de ce qui « ne se voit pas », en mettant en jeu la garantie des dommages non apparents (B). Àces deux garanties est venue s'ajouter une garantie faisant appel cette fois-ci à un autre sens, l'ouïe, à travers la garantie des défauts d'isolation phonique (C).

La garantie des dommages apparents

Régime applicable
– Périmètre de la garantie des dommages apparents. – Le périmètre de la garantie des dommages apparents a évolué. Initialement, la garantie spécifique portant sur « ce qui se voit » était réservée aux vices de la construction apparents. Les défauts de conformité, même apparents, étaient quant à eux appréhendés par le droit commun, et notamment sanctionnés à travers les articles 1217 et 1792-4-3 du Code civil. La loi Molle du 25 mars 2009 est venue étendre le régime spécifique de garantie des vices apparents aux défauts de conformité apparents, lesquels forment désormais ensemble la garantie des dommages apparents.
– Raison d'être de la garantie des dommages apparents. – L'existence d'une garantie portant spécifiquement sur les dommages apparents distingue très nettement la vente d'immeuble à construire du droit commun de la vente. On sait en effet que l'article 1642 du Code civil dispense le vendeur de la garantie des vices apparents dont l'acquéreur a pu se convaincre. Un tel mécanisme était évidemment inapplicable en matière de vente sur plans, l'acquéreur étant dans ce cas dans l'impossibilité de « se convaincre » du vice ou du défaut pouvant affecter un immeuble n'existant pas encore à la signature du contrat. C'est ce qui a conduit le législateur de 1967, complété par celui de 2009, à renvoyer au jour de la réception des travaux ou de la prise de possession des biens, l'appréciation de l'existence de dommages apparents. L'article 1642-1 du Code civil est donc une adaptation de l'article 1642 du Code civil à la vente d'immeuble à construire.
– Les modalités d'exercice de la garantie des désordres apparents. – La garantie des désordres apparents soulève principalement les questions pratiques suivantes :
(i) Le désordre apparent doit-il être d'une certaine importance/gravité ?
NON. C'est ici une différence fondamentale avec les garanties renvoyant à l'existence d'un dommage. S'agissant ici de sanctionner l'existence d'un désordre relevant d'un vice ou d'un défaut de conformité, il n'est pas nécessaire de justifier de l'importance ou de la gravité de ce désordre, lequel n'a pas besoin de rendre l'immeuble impropre à sa destination pour être invoqué par l'acquéreur.
(ii) La qualité de l'acquéreur entre-t-elle en ligne de compte dans l'appréciation du caractère apparent du désordre ?
NON. La notion d'apparence retenue ici renvoie aux diligences d'un acquéreur « moyen, dépourvu de connaissances techniques particulières », procédant à des diligences élémentaires. C'est ainsi que « seul le défaut facilement repérable, par une vérification élémentaire, doit être considéré comme apparent ».
(iii) Est-il nécessaire de rapporter la preuve d'une faute du vendeur pour invoquer la garantie des désordres apparents ?
NON. S'agissant d'une garantie, toute action fondée sur celle-ci ne nécessite pas que soit rapportée la preuve d'une éventuelle faute du promoteur-vendeur à l'origine du désordre apparent.
  • la réception des travaux (avec ou sans réserves) ;
  • un mois après la prise de possession par l'acquéreur.
– Le délai pour agir au titre de la garantie des désordres apparents. – Les désordres apparents peuvent être invoqués tant par l'acquéreur en l'état futur d'achèvement (à l'encontre de son vendeur), que par le vendeur en l'état futur d'achèvement (à l'encontre de ses locateurs d'ouvrage). C'est pourquoi le délai de mise en œuvre de cette garantie, qui est d'une année, commence à courir à compter de la plus tardive des deux dates suivantes :
Au cas particulier du délai d'un mois courant à compter de la prise de possession par l'acquéreur, qui sera l'hypothèse la plus couramment applicable, il s'agira donc pour l'acquéreur d'identifier pendant ce délai les désordres apparents pouvant affecter l'immeuble livré. Ce délai, qu'on qualifiera de délai d'apparition , pourra être suivi, à son expiration, d'une décharge par l'acquéreur ayant pour effet de libérer le vendeur.
Les acquéreurs ne seront pas tenus de dénoncer les désordres apparents dans le délai d'un mois, mais le caractère apparent des désordres qui seraient invoqués dans le délai d'un an sera apprécié au plus tard à l'expiration de ce délai d'un mois.

Vigilance sur le délai de l'action en garantie au titre des désordres apparents

D'apparence simple, le régime proposé par l'article 1642-1 du Code civil est en réalité susceptible de soulever plusieurs difficultés :
  • Àquoi correspond la date de prise de possession par l'acquéreur ? Alors même que ses effets sont importants, la date de prise de possession n'a pas été définie par le Code civil. Il conviendra dès lors de prendre soin de préciser dans le contrat ce que les parties entendent par « date de prise de possession » afin d'éviter toute discussion ultérieure.
  • Qu'en est-il lorsque la prise de possession intervient avant la réception ? Cette situation n'a pas vocation à se produire régulièrement en matière de Vefa. En effet, le promoteur-vendeur prendra la plupart du temps la précaution de réceptionner les travaux avec ses locateurs d'ouvrage avant de consentir à la prise de possession des biens construits par son acquéreur en l'état futur d'achèvement. Cela n'empêche pas néanmoins de voir cette situation se produire. Les dispositions de l'article 1642-1 du Code civil sont sur ce point très claires, et ne laissent pas de place au doute : il convient de retenir le plus tardif des deux événements, et donc la date de la réception dans ce cas particulier. C'est ainsi que la Cour de cassation a eu l'occasion de confirmer qu'une installation dans l'immeuble, même avant son achèvement, ne faisait pas courir le délai d'un an, l'absence de réception laissant ce même délai se poursuivre.
  • Le délai d'un an est-il interrompu en cas d'action ? Le délai d'un an prévu par l'article 1648 du Code civil est un délai de forclusion. Àce titre, il est susceptible d'être interrompu du fait d'une demande en justice, même en référé. Cette interruption entraîne l'application d'un nouveau délai d'un an, pouvant à nouveau être interrompu pour les mêmes raisons. La Cour de cassation a eu l'occasion de rappeler ainsi que des mécanismes propres aux délais de prescription, tel celui de l'interversion, ne pouvaient allonger le délai au-delà de ce que prévoit l'article 1648, alinéa 2 du Code civil, sauf à ce que ce délai ne recommence à courir du fait d'une interruption.
  • Le délai d'un an s'applique-t-il au vendeur tenu de remédier aux désordres apparents valablement dénoncés ? Le délai prévu par l'article 1648 du Code civil ne porte que sur l'action entamée par celui qui subit le désordre apparent (l'acquéreur dans le cadre d'une Vefa). Ce délai ne vient donc pas s'appliquer au vendeur, tenu de remédier aux désordres valablement dénoncés.
– D'un délai d'action à un délai de garantie. – L'article 1648, alinéa 2 du Code civil prévoit un délai d'action d'un an, à peine de forclusion. Ce délai court, le plus souvent, à compter de l'expiration d'un délai d'un mois suivant la prise de possession des biens par l'acquéreur. Le délai global et cumulé de treize mois qui en résulte se décompose en délai d'apparition du désordre (le mois suivant la prise de possession), qui est lui-même compris dans un délai plus large, le délai d'action, pouvant même aller jusqu'à commencer avant le délai d'apparition. La lecture faite par la Cour de cassation des dispositions combinées des articles 1648 et 1642-1 du Code civil conduit donc à présumer que les désordres dénoncés dans le délai de l'article 1648 du Code civil sont apparus dans le délai d'apparition d'un mois. C'est ainsi que d'un délai d'action nous en arrivons à considérer le délai fixé par l'article 1648 comme un délai de garantie, d'une durée de treize mois courant à compter de la prise de possession ou, si la réception n'a pas encore été prononcée et que cela aboutit à une date ultérieure, dans un délai de douze mois courant à compter de la réception.
– Les sanctions applicables aux désordres apparents. – L'acquéreur déçu dispose, à son choix, de l'action rédhibitoire afin d'aboutir à la résolution de la vente, ou de l'action estimatoire, visant à obtenir une diminution de prix. En réponse, le promoteur-vendeur pourra s'obliger à réparer le désordre soulevé, et ainsi faire obstacle à l'action de l'acquéreur.
L'ingénierie du notaire dans la mise en œuvre de la garantie des dommages apparents
Pour ce faire, deux situations semblent devoir être distinguées, en fonction d'une occupation directe des biens par l'acquéreur ou, au contraire, d'une mise en location de ces biens :
  • pour les immeubles occupés par l'acquéreur : il convient d'indiquer que la prise de possession des biens résultera de la remise des clés des biens construits (qui devra être formalisée afin que le vendeur puisse apporter la preuve de la date en question) ;
  • pour les immeubles loués : faute d'occupation directe par l'acquéreur, la remise des clés ne semble pas être un critère efficace. Il sera dès lors possible de renvoyer à la signature avec le vendeur d'un procès-verbal venant constater l'achèvement des biens construits ou leur livraison à l'acquéreur.
– De l'intérêt de définir clairement la « date de prise de possession ». – Nous l'avons vu, la date de prise de possession est bien souvent celle à partir de laquelle commence à courir un délai de treize mois pour activer la garantie des désordres apparents. La notion même de prise de possession n'est pas définie par l'article 1642-1 du Code civil. Il apparaît dès lors essentiel de définir celle-ci au terme de l'acte de Vefa.
– Est-il possible de prévoir des clauses de décharge automatique ? – L'acquéreur, en qualité de bénéficiaire de la garantie des désordres apparents, peut libérer le vendeur de celle-ci dans certaines conditions. Il ressort ainsi de l'article 1642-1 du Code civil que le vendeur peut être déchargé de cette garantie à compter de la réception ou, si cette date est plus tardive, à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la prise de possession. Cette décharge doit, par principe, être formalisée, afin que le vendeur puisse rapporter la preuve qu'il n'est désormais plus tenu par la garantie des désordres apparents. La question s'est également posée de savoir s'il était possible de prévoir conventionnellement une décharge automatique du vendeur à l'expiration du délai susvisé.
L'intérêt pratique d'une telle clause est évident. La décharge permet au promoteur-vendeur en l'état futur d'achèvement de ne pas demeurer dans l'incertitude d'une éventuelle action de l'acquéreur au titre des désordres apparents, jusqu'à l'expiration du délai d'un an prévu par l'article 1648 du Code civil. Elle permet surtout d'éviter qu'un acquéreur de mauvaise foi n'invoque le bénéfice de cette garantie au titre de désordres dont il pourrait lui-même être à l'origine, notamment dans le cadre de son installation et de la jouissance du bien pendant l'année écoulée. Prévoir que cette décharge s'opérera automatiquement permet au promoteur-vendeur de ne pas être soumis à la volonté de l'acquéreur au moment où la décharge s'avérera possible.
Les articles 1642-1 et 1648 du Code civil n'apportent pas de réponse à cette question. La Cour de cassation quant à elle a eu l'occasion d'adopter des positions fluctuantes, notamment basées sur une distinction entre les vices apparents et les défauts de conformité apparents.
  • c'est ainsi qu'en matière de vices apparents, la Cour de cassation a rejeté une telle clause, qu'elle répute non écrite, l'acquéreur devant disposer de la totalité du délai d'un an pour dénoncer les vices apparents ;
  • en revanche, s'agissant des défauts de conformité apparents, la Cour de cassation a admis que le contrat pouvait prévoir que l'acquéreur devait dénoncer lesdits défauts à la plus tardive des deux dates prévues par l'article 1642-1 du Code civil (et donc, bien souvent, à l'expiration du délai d'un mois suivant la prise de possession).
Le notaire peut-il donc valablement prévoir dans son acte une clause organisant une décharge automatique du vendeur au titre de la garantie des désordres apparents ? En l'état de la jurisprudence de la Cour de cassation, la prudence nous semble commander de refuser d'inclure de telles clauses, en ce compris au titre des défauts de conformité apparents. Seule une prise de position ferme de la Cour de cassation, portant sur des faits où s'appliquent les textes issus de la loi du 25 mars 2009, nous semble de nature à le permettre.
Nous l'avons vu, les vices apparents et défauts de conformité apparents relèvent désormais d'un régime unique par suite de l'extension aux seconds du régime applicable aux premiers. Cela n'a pas empêché la Cour de cassation de maintenir la jurisprudence précitée en reconnaissant la validité d'une clause prévoyant une décharge automatique du promoteur-vendeur à l'issue du délai d'apparition prévu sous l'article 1642-1 du Code civil. Cette solution, il est vrai rendue dans une affaire où le contrat litigieux avait été conclu avant l'adoption de la loi du 25 mars 2009, semble tout de même confirmer l'approche de la Cour de cassation sur cette question.

La garantie des dommages non apparents

Régime applicable
– L'objet de la garantie : un dommage caché. – Depuis la loi du 4 janvier 1978, et plus précisément pour les chantiers ayant fait l'objet du dépôt d'une déclaration d'ouverture à compter du 1er janvier 1979, la responsabilité du vendeur en l'état futur d'achèvement au titre des dommages non apparents est régie par le nouvel article 1646-1 du Code civil. C'est ainsi que ce vendeur est tenu, à compter de la réception des travaux, des garanties prévues aux articles 1792, 1792-1, 1792-2 et 1792-3 du Code civil. La garantie est plus large que le vice éventuel, puisque la notion de dommage, qui a été retenue, renvoie à toute anomalie ou défectuosité de l'immeuble, même non structurelle. Cette notion de dommage exclut les éventuels défauts de conformité, qui relèvent soit de la garantie des dommages apparents, soit du droit commun des défauts de conformité. Le caractère caché est classiquement retenu au jour de la réception, et permet d'inclure des dommages qui existaient à cette date, mais ne se sont véritablement et négativement révélés dans leur ampleur qu'après celle-ci. Dans ce cas, le vice ou dommage résulte plus particulièrement de l'évolution aggravante de ce qui a été relevé lors de la réception, et non en tant que tel des constatations faites initialement.

Appréciation du caractère non apparent du dommage

La garantie des dommages non apparents renvoie à une appréciation :
(i) au jour de la réception des travaux ;
(ii) par le maître d'ouvrage.
Nous savons que la réception intervient entre les constructeurs et le maître d'ouvrage, et qu'en matière de Vefa, le promoteur-vendeur conserve la qualité de maître d'ouvrage jusqu'à la livraison, souvent postérieure à la réception.
Partant, l'acquéreur en Vefa ne participe pas à la réception et n'est donc pas à même d'apprécier ou de déceler à cette date les éventuels dommages (apparents ou non apparents).
Le critère du caractère apparent ou non apparent du dommage est essentiel dans la mise en œuvre des garanties correspondantes. La garantie des dommages non apparents ne peut être actionnée si le dommage devait être considéré comme apparent au jour de la réception, ce dont l'acquéreur n'a donc pas pu se convaincre.
La Cour de cassation a dès lors rappelé que lorsque l'acquéreur agit en réparation contre le vendeur en l'état futur d'achèvement sur le fondement des dommages non apparents, le caractère éventuellement apparent du dommage s'apprécie au jour de la réception en la personne du maître de l'ouvrage (et donc du promoteur-vendeur).
– Champs d'application respectifs des garanties biennale et décennale. – La garantie des dommages non apparents est répartie entre garantie biennale et garantie décennale. Classiquement, et après qu'a été abandonnée la distinction entre les gros et les menus ouvrages, la distinction proposée portait sur l'origine du dommage. Celui-ci portait-il sur l'ouvrage lui-même ou l'un de ses équipements indissociables ? Le régime de la garantie décennale (avec ses critères d'application) devait alors s'appliquer. Au contraire, le dommage prenait-il sa source (ou se matérialisait-il) dans un élément d'équipement dissociable ? La garantie biennale devait alors être mise en œuvre. Cette approche est rapidement apparue comme erronée, puisque ne reprenant pas les termes mêmes des articles 1792 et suivants du Code civil. C'est ainsi que la différence fondamentale entre ouvrages et éléments d'équipements indissociables, d'un côté, et éléments d'équipements dissociables, de l'autre, semble devoir être tempérée voire écartée pour partie. L'essentiel n'est pas de savoir où le dommage prend son siège, mais s'il rend ou non l'ouvrage impropre à sa destination ou s'il en compromet ou non la solidité. Il convient dès lors de privilégier à « l'approche causale » du dommage une « approche fonctionnelle », consistant à se concentrer sur les effets du dommage invoqué pour en déduire s'il relève ou non de la garantie décennale ou de la garantie biennale. Le rattachement (direct ou indirect) à l'ouvrage et la circonstance d'une éventuelle impropriété à la destination de celui-ci semblent dès lors être les critères fondamentaux devant être appréhendés (V. ci-après, Figure 23]).
– Le promoteur-vendeur : un « garant relais ». – Le promoteur-vendeur est assujetti aux mêmes responsabilités que celles applicables aux constructeurs au regard du positionnement spécifique qui est le sien dans l'opération. Il a ainsi une position intermédiaire entre les constructeurs réalisateurs et l'acquéreur en Vefa. Eu égard à l'action récursoire dont il dispose envers les constructeurs réalisateurs, il supporte auprès du client final (l'acquéreur) la même responsabilité que ceux qui sont à l'origine des dommages (les constructeurs réalisateurs). C'est pourquoi le promoteur-vendeur est qualifié de « garant relais » tenu d'une « responsabilité relais ». Sa responsabilité n'a pas vocation à être définitive, par principe, en ce qu'elle est destinée à être répercutée directement aux entreprises responsables. Nous verrons toutefois que ce principe comporte une importante limite en ce que le promoteur-vendeur ne peut bénéficier du concours d'actions récursoires en garantie décennale et en responsabilité de droit commun, ce qui le transforme dans certaines situations en « garant final ».
– Les sanctions applicables aux désordres non apparents. – Reprenant très sensiblement la terminologie applicable aux désordres apparents, l'article 1646-1 du Code civil liste les deux mêmes sanctions et l'exception ou fin de non-recevoir pouvant y être opposée par le vendeur. C'est ainsi que l'acquéreur peut demander la résolution de la vente ou une diminution du prix, sauf si le vendeur s'oblige à réparer les dommages invoqués.
– Délais pour agir au titre des dommages non apparents. – Ainsi que leurs noms respectifs l'indiquent très clairement, les garanties biennale et décennale doivent être activées dans un délai courant à compter de la réception, égal à deux ans pour la première et dix ans pour la seconde. Ce délai court quand bien même des réserves auraient été émises.
– Cumul entre garantie de l'article 1646-1 du Code civil et garantie des dommages apparents. – L'importance des dommages pouvant être constatés, leur caractère apparent ou caché, et la date à laquelle ils sont identifiés conduisent régulièrement à des situations de concours d'actions. La question se pose dès lors de la possibilité de cumuler celles-ci. S'agissant des actions au titre des dommages apparents (C. civ., art. 1646-1) et des dommages non apparents (C. civ., art. 1642-1), la Cour de cassation a récemment validé le cumul entre ces deux actions dans des termes présentant le mérite de la clarté. Dès lors que les conditions de l'une et de l'autre de ces garanties sont réunies, l'acquéreur aura la possibilité d'actionner son vendeur sur l'un ou l'autre de ces fondements. En pratique, il s'agira le plus souvent d'actionner le vendeur sur le fondement de la garantie décennale, le délai d'action au titre de la garantie des dommages apparents étant bien souvent forclos. La position de la Cour de cassation semble s'expliquer par les modalités de constatation de la réception. Rappelons que seuls le promoteur-vendeur et les entreprises locateurs d'ouvrage ont vocation à intervenir à celle-ci. Ce faisant, le caractère non apparent des dommages est apprécié au stade de la réception en l'absence de l'acquéreur. Pour ce dernier, le caractère apparent du dommage, justifiant le recours à la garantie prévue sous l'article 1642-1 du Code civil, s'apprécie à la réception ou dans le mois suivant la prise de possession. Le dommage pourra ainsi être tout autant un dommage apparent justifiant l'action sur le fondement de l'article 1642-1 du Code civil et, en cas de forclusion de ce délai, un dommage non apparent justifiant l'appel à la garantie prévue sous les articles 1792 et suivants du même code dès lors que ses conditions d'application sont réunies.
– Non-cumul entre garantie de l'article 1646-1 du Code civil et garantie des vices cachés de droit commun. – La différence de régime, et tout spécialement de délai d'action, entre la garantie spéciale issue de l'article 1646-1 du Code civil et la garantie de droit commun des vices cachés de l'article 1641 du Code civil a rapidement suscité des contentieux. En effet, lorsque la première de ces deux garanties est atteinte de forclusion du fait de l'expiration du délai de deux ans ou de dix ans courant à compter de la réception, il peut en aller autrement de la garantie de droit commun au titre des vices cachés. Pour cette dernière, le délai d'action est en effet de deux ans à compter de la découverte du vice, ce qui peut donc dépasser les délais de garantie biennale ou décennale. La Cour de cassation a déclaré qu'en matière de vente d'immeuble à construire, la garantie de droit commun au titre des vices cachés était inapplicable et ne pouvait pas dès lors « rattraper » la forclusion des garanties spécifiques de l'article 1646-1 du Code civil.
– Le cas particulier des dommages intermédiaires. – Certains dommages à l'ouvrage, bien que non apparents, ne relèvent pas des champs d'application respectifs des garanties biennale et décennale. Il s'agit des dommages intermédiaires. Reconnus de longue date en jurisprudence, ils ont pendant un temps été considérés comme relevant d'une présomption de responsabilité avant que ne soit confirmée l'application du droit commun de la responsabilité pour faute prouvée. C'est ainsi que le vendeur en l'état futur d'achèvement se trouve tenu, en parallèle des garanties biennale et décennale, des dommages intermédiaires sur justification de sa faute, au même titre d'ailleurs que celui qui vend, après achèvement, un immeuble qu'il a construit ou fait construire (et qui se trouve, par ce biais, réputé constructeur). Cette solution est susceptible d'être à l'origine d'importantes difficultés pour l'acquéreur, y compris dans le secteur protégé. En effet, il apparaît que l'acquéreur ne peut donc engager la responsabilité de son vendeur en l'état futur d'achèvement au titre des dommages intermédiaires que pour faute prouvée. Or, il est rare que le promoteur-vendeur participe directement à la construction, laquelle relève de locateurs d'ouvrage dont il n'est d'ailleurs pas tenu de transmettre la liste et l'identité à l'acquéreur. Ce dernier devra donc bien souvent prouver la faute de locateurs d'ouvrage qu'il ne connaît peut-être pas ou dont il ne connaît pas le périmètre exact de l'intervention afin d'engager leur responsabilité au titre des dommages intermédiaires. Si la solution consistant à exiger de rapporter une faute pour bénéficier des dommages intermédiaires est cohérente avec le droit commun de la responsabilité, elle ne semble pas suffisamment protectrice de l'acquéreur ni cohérente avec le principe selon lequel le promoteur-vendeur est tenu à l'égard de son acquéreur d'une obligation de résultat.
L'ingénierie du notaire dans la mise en œuvre de la garantie des dommages non apparents
– L'intérêt de viser précisément la réception des travaux. – Nous l'avons vu, le jour de la réception des travaux correspond à la date à partir de laquelle courent les délais d'action en garanties biennale et décennale. Il est donc essentiel de tenir compte de cet événement et de le définir de manière expresse et précise dans les actes contenant vente en l'état futur d'achèvement. Àcet égard, il serait opportun de prévoir dans l'acte que le promoteur-vendeur sera tenu de remettre à l'acquéreur des procès-verbaux de réception régularisés entre le promoteur-vendeur et les entreprises de construction, ainsi que la liste des réserves y attachées. L'acquéreur sera par ce biais correctement et précisément informé de la date à compter de laquelle commenceront à courir les garanties biennale et décennale.
– Veiller à informer les parties sur les modalités de mise en jeu des garanties. – C'est une évidence, mais il convient d'informer aussi précisément que possible l'acquéreur des modalités de mise en jeu des garanties des dommages non apparents. Plusieurs illustrations de cet impératif peuvent être données :
  • Exemple 1 : ainsi que nous l'avons évoqué, le délai de mise en jeu des garanties biennale et décennale commence à courir à compter de la réception des travaux, que celle-ci ait ou non donné lieu à l'émission de réserves. Àcet égard, il convient de rappeler à l'acquéreur que le délai pour lever les réserves ne vient pas suspendre le délai de mise en jeu des garanties.
  • Exemple 2 : la possibilité de cumuler les garanties des dommages apparents et non apparents n'est pas une évidence pour les parties à l'acte. Au regard de la position retenue par la Cour de cassation et de la possibilité accordée à l'acquéreur de cumuler ces garanties, il convient que les parties en soient clairement informées dans l'acte.
– Impossibilité de prévoir de restreindre la durée des garanties de dommages non apparents. – La loi de 1978 est venue confirmer le caractère d'ordre public des garanties des dommages non apparents. Ce faisant, toute clause ayant pour objet d'exclure ou de limiter ces garanties est réputée non écrite.

La garantie des défauts d'isolation phonique

Régime applicable
  • uniquement en présence de bâtiments d'habitation. Elle n'est donc pas due (légalement) pour toute autre construction (bureaux, commerces, etc.) ;
  • pendant une durée d'un an à compter de la prise de possession ;
  • uniquement au profit du premier occupant de chaque logement.
– Présentation de la garantie. – Dans le cadre de la construction de bâtiments d'habitation, le vendeur d'immeuble à construire doit garantir, au premier occupant de chaque logement, sa conformité avec les prescriptions légales ou réglementaires relatives aux exigences minimales requises en matière d'isolation phonique. Il ressort de la rédaction de l'article L. 124-4 du Code de la construction et de l'habitation que cette garantie, venant compléter celles prévues aux articles 1642-1 et 1646-1 du Code civil, s'applique :
  • le bénéficiaire de la garantie – la notion de premier occupant : le texte renvoie au « premier occupant de chaque logement ». Qui est-il ? En cas d'acquisition pour y habiter directement, cela ne fait pas de doute qu'il s'agit dès lors de l'acquéreur. Mais en cas de mise en location du bien, il devrait s'agir du locataire. Celui-ci, non lié au promoteur-vendeur, au contraire de l'acquéreur, disposerait-il dès lors d'une action contre lui ? Qu'en serait-il dans ce cas de l'acquéreur qui ne disposerait plus d'aucune action ?
  • le bénéficiaire de la garantie – la limite au premier occupant : par ailleurs, en dehors de l'identification du « premier occupant », la limitation à ce dernier peut surprendre. En effet, alors que les garanties des dommages apparents et non apparents se transmettent aux acquéreurs successifs, il en irait autrement pour la garantie des défauts d'isolation phonique ;
  • la durée de la garantie : la limitation à une année peut apparaître trop courte s'agissant de désordres pouvant se révéler plus tardivement, et notamment à l'emménagement d'autres occupants dans l'immeuble ;
  • la notion de prise de possession : à nouveau, la notion à laquelle il est renvoyé pour faire partir le délai de garantie est celle de « prise de possession ». L'imprécision relevée en matière de garantie des dommages apparents peut donc être regrettée ici aussi.
– Un régime vivement critiqué. – La rédaction de l'article L. 124-4 du Code de la construction et de l'habitation a été vivement critiquée. Les principales critiques ont porté sur les points suivants :
– Une jurisprudence « compréhensive ». – Au regard du feu nourri des critiques formulées à l'encontre de ces dispositions, et pour permettre néanmoins de protéger les acquéreurs en cas de défauts d'isolation phonique, la jurisprudence s'est montrée souple dans la prise en compte de ceux-ci. C'est ainsi que la garantie des dommages non apparents, et notamment la garantie décennale, peut être applicable dès lors que le défaut d'isolation phonique rend l'immeuble impropre à sa destination. De même, le défaut d'isolation phonique peut relever d'une non-conformité lorsqu'il résulte d'un manquement aux stipulations contractuelles.
L'ingénierie du notaire dans la mise en œuvre de la garantie des défauts d'isolation phonique
– L'importance d'une information précise sur une notion qui ne l'est pas. – Nous l'avons vu, les textes applicables au défaut d'isolation phonique sont particulièrement imprécis ou sont susceptibles de susciter des difficultés entre les parties. Il revient dès lors au notaire de rappeler aux parties l'existence de cette garantie, souvent méconnue, en leur précisant que sa mise en jeu peut relever d'un régime de garantie spéciale (celui de l'article L. 124-4 du Code de la construction et de l'habitation) ou de l'application d'autres régimes (la garantie des dommages non apparents, notamment la garantie décennale, ou le défaut de conformité avec les stipulations contractuelles), ainsi que la jurisprudence a eu l'occasion de l'admettre.
– Les apports possibles du contrat sur le régime légal. – Par ailleurs, les limites mises en avant ou critiques soulevées nous amènent à nous interroger sur les améliorations pouvant être apportées aux dispositions de l'article L. 124-4 du Code de la construction et de l'habitation par le contrat. Dès lors qu'il ne s'agira pas de renoncer au bénéfice de cette garantie ni de contraindre l'acquéreur dans sa mise en œuvre, certains compléments ou ajustements nous semblent pouvoir être apportés à travers le contrat :
  • première précision – l'identité du premier occupant : s'il y a des situations où le doute ne sera pas permis (hypothèse de l'acquéreur futur occupant du logement), il n'en sera pas toujours ainsi. C'est pourquoi il paraîtrait raisonnable de préciser dans le contrat de vente quel sera l'occupant appelé à bénéficier de cette garantie (l'acquéreur, un locataire, etc.) ;
  • seconde précision – la matérialisation de la prise de possession : sans revenir sur le principe d'une garantie applicable à compter de la prise de possession des biens, il paraît nécessaire d'adopter le même principe que celui recommandé en matière de garantie des dommages apparents. Il sera donc utile de préciser ce que les parties entendent par prise de possession des biens (remise des clés par exemple).

L'obligation d'assurance

– Plan. – La troisième et dernière obligation essentielle du vendeur en l'état futur d'achèvement consiste, à l'instar de l'obligation de garantie et de certains engagements propres à l'obligation de délivrance, à sécuriser l'acquéreur. Il s'agit, au cas particulier, d'envisager les sinistres pouvant survenir dans le cadre de la construction de l'ouvrage (et non pas simplement après la réception de celui-ci, ainsi que nous le verrons) à travers la souscription d'assurances propres à cette phase de construction. Cet impératif de protection a conduit le législateur à imposer la souscription de certaines de ces assurances, le surplus, qui n'est pas négligeable, étant renvoyé à la convention des parties à l'opération. Pour lui permettre de déployer son ingénierie au titre de la mise en place et l'application de ces assurances construction (§ II) il convient que le notaire maîtrise, ici aussi, les concepts en présence. Nous commencerons donc par rappeler brièvement le régime applicable (§ I).
Un rappel du régime applicable en matière d'assurances construction obligatoires précédera la présentation de l'ingénierie déployée par le notaire en la matière.

Rappel sur le régime des assurances construction obligatoires

Rappels sur le régime des assurances construction obligatoires

– Plan. – Les assurances construction obligatoires reposent sur un duo d'assurances (A) dont les champs d'application se complètent (B), ainsi que les dommages pris en charge (C). Enfin, leurs durées respectives concluront ces rappels (D).
Présentation du duo d'assurances construction
– Système à double détente. – Le risque de sinistre relevant de la responsabilité décennale se trouve obligatoirement couvert par une double assurance. L'une est spécifique aux intervenants et constructeurs dont elle couvre la responsabilité pouvant être engagée à cette occasion. Il s'agit d'une assurance de responsabilité, la construction de l'immeuble étant envisagée ici in personam. La construction peut également être envisagée in rem, et nécessiter cette fois une assurance de choses. Dans ce dernier cas, l'assurance ne couvre pas et ne recherche pas la responsabilité de l'un ou l'autre des intervenants, elle agit au regard du désordre ou de la malfaçon que subit la construction directement. De cette double couverture résulte une approche assurantielle composée d'un système à double détente. Dans celui-ci, l'assurance de choses intervient dans un premier temps pour couvrir l'immeuble. Par principe, c'est dans un second temps que sera saisie l'assurance de responsabilité qui, comme son nom l'indique, s'intéressera plus spécifiquement au responsable du dommage constaté.
– D'un écran à l'autre. – Avant la réception des travaux, le promoteur fait écran entre les constructeurs et intervenants à la construction, d'une part, et les acquéreurs, d'autre part. Àcompter de la réception, et au titre de la réparation des sinistres pouvant survenir à compter de celle-ci, l'écran existe toujours, si ce n'est que le promoteur est remplacé par l'assurance de dommage dans cette fonction. Les bénéficiaires de cette assurance de dommages feront ainsi appel à la compagnie d'assurance directement pour prendre en charge le sinistre constaté, dès lors que celui-ci remplira les conditions d'application de ladite assurance.
Champ d'application de l'assurance obligatoire
– Plan. – Le champ d'application de l'assurance obligatoire se définit par référence aux personnes assujetties à l'obligation de souscrire les assurances construction ou bénéficiant de celle-ci (I) et aux travaux soumis à cette obligation (II).
Quant aux personnes assujetties ou aux bénéficiaires
– Distinction entre assurances de dommages et de responsabilité. – Les différences de positionnement, d'objectifs et même de nature entre l'assurance de dommages-ouvrage, d'un côté, et l'assurance de responsabilité, de l'autre, entraînent des distinctions quant aux personnes tenues de les souscrire ou appelées à en bénéficier.
S'agissant de l'assurance de dommages
  • il en va ainsi tout d'abord du propriétaire de l'ouvrage, correspondant alors au maître de l'ouvrage. En dehors des cas de mandat, le propriétaire qui réalise les travaux de construction doit souscrire l'assurance dommages-ouvrage. Deux cas particuliers appellent à une réponse opposée : en cas de crédit-bail, l'obligation d'assurance repose sur le crédit-bailleur, tandis qu'en cas de bail à construction ou de bail à réhabilitation, cette obligation pèse sur le preneur, en sa qualité de propriétaire des constructions pendant le bail ;
  • le vendeur de l'ouvrage faisant réaliser les travaux de construction est également soumis à l'obligation de souscrire une assurance dommages-ouvrage. Devant nécessairement être le propriétaire de l'ouvrage à un instant donné, pour pouvoir vendre celui-ci, sa qualité se confond finalement avec celle de propriétaire-maître de l'ouvrage susvisée ;
  • l'obligation d'assurance dommages-ouvrage concerne enfin le mandataire du maître de l'ouvrage, ce qui englobe à la fois le syndic de copropriété, le signataire d'un contrat de maîtrise d'ouvrage délégué et le promoteur titulaire d'un contrat de promotion immobilière.
– Personnes assujetties. Principe. – L'assurance dommages-ouvrage doit être souscrite par « toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de construction ». Trois cas de figure peuvent ainsi se présenter et imposent, chacun, de souscrire cette assurance :
– Personnes assujetties. Exceptions. – L'assurance obligatoire ne l'est plus en considération de la qualité ou de la surface financière du maître de l'ouvrage. Il en va ainsi de l'État lorsqu'il construit pour son propre compte, et des collectivités locales ou leurs groupements, ainsi qu'aux établissements publics dès lors que ces derniers justifient de moyens permettant la réparation rapide et complète des dommages ainsi que d'une décision emportant dérogation totale ou partielle accordée par l'autorité administrative. Par ailleurs, et à la condition que les travaux de construction soient réalisés pour leur compte pour un usage autre que l'habitation, les personnes morales suivantes ne sont pas soumises à l'obligation de souscrire une assurance dommages-ouvrage : les personnes morales de droit public, les personnes morales assurant la maîtrise d'ouvrage dans le cadre d'un contrat de partenariat et les personnes morales exerçant une activité dont l'importance dépasse certains seuils.
– Personnes bénéficiaires. – L'assurance dommages-ouvrage est une assurance de propriétaire. Elle est ainsi souscrite au profit du propriétaire de l'ouvrage, est transférée au nouveau propriétaire en cas de mutation et ne peut être actionnée que par le propriétaire au jour du sinistre. La perte de la qualité de propriétaire de l'immeuble subissant le dommage, par suite de la résolution d'une vente, empêche l'acquéreur initial d'agir efficacement contre l'assureur de dommages-ouvrage. Afin de protéger les acquéreurs successifs ayant vocation à bénéficier de l'assurance dommages-ouvrage, le Code des assurances prévoit un mécanisme dérogatoire au droit commun en cas d'aliénation. C'est ainsi que contrairement au principe voulant qu'en cas d'aliénation de la chose assurée, le nouveau propriétaire mais également l'assureur disposent de la faculté de résilier le contrat, une exception est prévue afin d'interdire cette résiliation aux assurances construction obligatoires.
S'agissant de l'assurance de responsabilité
– Personnes assujetties. – L'article L. 241-1 du Code des assurances prévoit tout d'abord que l'obligation de souscrire une assurance construction de responsabilité s'impose à toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du Code civil. Les « réputés constructeurs » correspondent aux locateurs d'ouvrage et aux mandataires qui leur sont assimilés, et aux vendeurs après achèvement. Les vendeurs d'immeuble à construire, constructeurs de maisons individuelles, promoteurs et autres fabricants d'éléments pouvant entraîner la responsabilité solidaire (Epers) sont également soumis à cette obligation.
Quant aux travaux
– Champ d'application identique aux deux assurances. – Les assurances construction portant sur le dommage (assurance dommages-ouvrage) ou sur la responsabilité des constructeurs et intervenants (assurance de responsabilité) ont une vocation différente mais un champ d'application identique. Leurs vocations diffèrent en ce que l'une (l'assurance de choses) est appelée à couvrir l'ouvrage au profit de son propriétaire et sans recherche de responsabilité, assurant ainsi un véritable préfinancement, tandis que l'autre (l'assurance de responsabilité) est là pour que le dommage soit pris en charge in fine par l'assurance du constructeur ou de l'intervenant qui en est à l'origine. Il n'en demeure pas moins que ces deux assurances construction obligatoires prennent en charge, à des moments différents, un dommage de même nature résultant de la réalisation de « travaux de construction ». Le champ d'application des assurances construction obligatoires, identique aux deux assurances concernées, est désormais fixé par l'ordonnance du 8 juin 2005, applicable aux contrats conclus à compter du 9 juin 2005. C'est ainsi que la notion contestée de « travaux de bâtiment » a été remplacée par celle de « travaux de construction ». De la même manière, l'approche extensive proposée par la Cour de cassation à travers l'intégration des « techniques de travaux de bâtiment » n'a pas été reprise, non plus que, par principe, les ouvrages existants.
– Un principe, trois exceptions. – La réalisation de « travaux de construction » constitue le point d'entrée unique et de principe de l'assurance construction obligatoire. Cette apparente approche extensive résultant du choix opéré en 2005 pour une notion plus large que celle de « travaux de bâtiment » est néanmoins atténuée par les exceptions prévues sous l'article L. 243-1-1 du Code des assurances. Trois hypothèses y sont prévues :
  • des exceptions « absolues » à l'assurance obligatoire : elles concernent les ouvrages de génie civil ainsi que leurs éléments d'équipements ;
  • des exceptions « relatives » , en ce qu'elles s'appliquent à la condition que l'ouvrage ou l'élément d'équipement ne soit pas accessoire à un ouvrage soumis à ces obligations d'assurance. Sont ici concernés, à nouveau, des travaux de génie civil, mais également des travaux de voirie et réseaux divers (VRD) et d'autres ouvrages auxquels la Cour de cassation avait appliqué l'obligation d'assurance à travers la notion de techniques de travaux de bâtiment. Il a été relevé que la présence de travaux de construction dans les deux catégories d'exceptions (absolues et relatives) est de nature à créer une difficulté. Pour résoudre ce qui apparaît comme une « règle de conflit », il conviendrait de retenir l'approche la plus protectrice, conduisant donc à privilégier l'obligation de souscrire une assurance construction dès lors que l'ouvrage ou l'élément d'équipement est accessoire à un ouvrage lui-même soumis à cette obligation ;
  • une exception spécifique aux travaux réalisés sur des existants lesquels sont, par principe, exclus du champ d'application de l'assurance construction obligatoire. Mais ce principe consistant à exclure les ouvrages existants du champ d'application obligatoire des assurances construction est, lui-même, tempéré par une exception.
– Le cas particulier des ouvrages sur existants. – Ànouveau, c'est afin de stopper une jurisprudence considérée par trop extensive du champ d'application de l'assurance construction obligatoire que l'ordonnance du 8 juin 2005 est venue préciser ce qu'il en était des travaux sur existants. C'est ainsi que, par principe, les assurances construction ne s'imposent pas aux ouvrages existants avant l'ouverture du chantier. Mais ce principe est immédiatement atténué par l'ajout d'une exception : lorsque l'ouvrage existant est totalement incorporé dans l'ouvrage neuf et en devient techniquement indivisible, l'assurance construction redevient obligatoire. Au double critère de l'incorporation totale dans l'ouvrage, d'une part, et de l'indivisibilité, d'autre part, s'ajoute une restriction en matière d'intervention sur existants : il ne peut s'agir que d'ouvrages et non d'éléments d'équipement (au contraire de ce qui est prévu pour les travaux de génie civil et de VRD visés sous les alinéas 1 et 2 du même article L. 243-1-1 du Code des assurances). La Cour de cassation a retenu une interprétation restrictive de ce texte en excluant donc du champ d'application de l'assurance construction obligatoire l'installation sur existant d'un élément d'équipement. Elle fait dès lors primer « la qualification d'équipement sur existant sur celle d'ouvrage » pour mieux exclure l'équipement de l'assurance construction obligatoire. Cette approche restrictive de la Cour de cassation semble dès lors enlever une partie de sa portée à l'alinéa 3 de l'article L. 243-1-1 du Code des assurances. Les distorsions qui en résultent entre le domaine de la responsabilité décennale, plus étendu que celui de l'assurance construction obligatoire, conduisent à inciter les parties à recourir à la souscription d'assurances facultatives en matière de travaux sur existants.
Dommages pris en charge par l'assurance obligatoire
Un sinistre
– Principe de réparation intégrale. – Le particularisme de l'assurance dommages-ouvrage, en limitant nos propos à celle-ci, est qu'elle est une assurance de « chose future ». Partant, elle ne se voit pas appliquer le principe général qui prévaut en matière d'assurance de chose, voulant que l'assureur ne peut être tenu de verser qu'une indemnité limitée à la valeur de la chose assurée. Au contraire donc, l'article L. 242-1 du Code des assurances prévoit expressément que l'assurance garantit ici « le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du Code civil ». Les clauses types complètent ce principe en prévoyant que : « La garantie couvre le coût de l'ensemble des travaux afférents à la remise en état des ouvrages ou éléments d'équipement de l'opération de construction endommagés à la suite d'un sinistre », dans la limite toutefois du « montant du coût total de construction déclaré aux conditions particulières revalorisé selon les modalités prévues à ces mêmes conditions particulières pour tenir compte de l'évolution générale des coûts de construction entre la date de souscription du contrat et celle de la réparation du sinistre ». Le principe de réparation intégrale qui se dégage alors postule que la victime du sinistre « soit replacée dans la situation dans laquelle elle aurait été si le sinistre ne s'était pas produit ».
– Un sinistre. – L'assurance construction, qu'elle soit de choses (dommages-ouvrage) ou de personne (responsabilité) ne couvre que la survenance d'un sinistre. L'énoncé de ce principe devrait conduire à devoir se limiter aux dommages résultant des travaux de construction effectivement réalisés. Il s'avère néanmoins que la jurisprudence a retenu une approche extensive de ce qu'il faut entendre par dommages provenant d'un sinistre et couvert par l'assurance construction.
– Absence d'ouvrage et « non-façon ». – Tantôt confondues ou distinguées l'une de l'autre, ces deux notions renvoient en tout état de cause à une situation finale identique : la non-réalisation d'un ouvrage ou de travaux prévu(s) initialement ou non prévu(s) est à l'origine d'un sinistre de nature décennale. Si la réparation devait être prise en compte tant au titre de la responsabilité décennale qu'au titre de l'assurance construction chargée de « couvrir » celle-ci, elle devrait dès lors entraîner la réalisation de deux types de travaux : ceux correspondant à l'ouvrage manquant, à l'origine du sinistre, d'une part, et ceux correspondant à la réparation du sinistre proprement dit ou à ses conséquences dommageables, d'autre part. La question s'est finalement posée de savoir si le principe de réparation intégrale justifie que la victime du sinistre soit, en quelque sorte, indemnisée sans profit ni perte. Doit-elle, en tout état de cause, bénéficier de la réparation du sinistre, que celui-ci justifie le remplacement d'un bien le cas échéant vétuste par un bien de meilleure qualité ou qu'il soit directement la conséquence de la non-réalisation de travaux par le constructeur responsable ? La Cour de cassation a tranché ce débat en le recentrant sur la notion et l'existence même d'un sinistre. C'est ainsi qu'en l'absence de sinistre de nature décennale, l'assurance construction ne saurait s'étendre à la prise en charge de travaux non réalisés par l'entrepreneur défaillant. Àl'inverse, en présence d'un sinistre de nature décennale résultant de la non-réalisation d'un ouvrage, l'assurance construction est appelée à prendre en charge les réparations. Selon la formule de la Cour de cassation, cette prise en charge est ainsi appelée à « replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit », l'acte dommageable correspondant ici à l'omission de l'ouvrage. Que les travaux aient été initialement prévus ou non, la finalité de l'assurance construction prime pour la Cour de cassation, partant du principe que, bien qu'il puisse parfois en résulter un certain enrichissement pour la victime du sinistre, c'est finalement le prix à payer pour respecter le principe de la réparation intégrale du sinistre. Outre la non-réalisation ou l'absence d'ouvrage, d'autres difficultés se posent dans l'appréciation du sinistre pris en charge par l'assurance construction.
– Non-conformité et assurance construction. – La notion de dommage se distingue de celle de non-conformité. Ainsi que nous avons eu l'occasion de le rappeler, la non-conformité est souvent opposée à la notion de vice et renvoie à la non-réalisation d'une prestation prévue au contrat ou à la réalisation d'une prestation différente de celle contractuellement prévue, sans que cette non-conformité soit à l'origine d'un dommage ou constitue un vice. Au contraire de la notion de conformité ou de non-conformité, tournée sur l'objet même du contrat, la notion de vice s'attache à la finalité de celui-ci par la recherche d'un ouvrage répondant aux attentes d'un point de vue fonctionnel. Un résumé efficace consisterait ainsi à dire que « le vice présente un aspect pathologique, la non-conformité n'est qu'une différence ». Alors que la loi du 3 janvier 1967 réservait l'application de l'assurance construction aux vices de nature décennale, c'est désormais la notion de « dommage » qui est retenue, laquelle peut englober à la fois le vice et la non-conformité. C'est ainsi que, comme il en serait d'un vice, une non-conformité à l'origine d'un sinistre de nature décennale entraînerait l'application de la garantie décennale et de l'assurance construction obligatoire. Àl'inverse, et ici aussi comme en matière de vice, une non-conformité n'étant pas à l'origine d'un sinistre de nature décennale ne semble pas pouvoir justifier la mise en jeu de la garantie décennale et du mécanisme assurantiel y attaché. Il a néanmoins été récemment décidé que des non-conformités aux règles d'urbanisme ou aux règles parasismiques devaient être prises en charge par l'assurance construction obligatoire, alors même que ces non-conformités n'étaient pas encore à l'origine d'un sinistre de nature décennale et qu'il n'était pas rapporté qu'elles le seraient dans le délai d'épreuve de dix ans. En l'absence de dommage présent ou futur (mais certain et dans le délai de garantie décennale), ces décisions ont surpris et inspiré les plumes les plus autorisées. De fait, elles semblent assigner à l'assurance construction une mission relevant davantage de l'achèvement de l'ouvrage incombant plus naturellement aux garanties de bonne fin le cas échéant applicables.
Constitutif d'un dommage de nature décennale
– Constitutif d'un dommage de nature décennale. – Le dommage causé à l'ouvrage et pris en charge par les assurances construction obligatoires doit être « de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du Code civil ». Les bénéficiaires de ces polices d'assurance sont donc couverts dans la mesure de l'interprétation qui est faite des articles 1792 et 1792-2 du Code civil par la jurisprudence. C'est ainsi que, par principe, faute d'atteinte à la solidité ou à la destination de l'ouvrage, les défauts de conformité ne sont pas couverts par l'assurance dommages-ouvrage. Au-delà de cette appréciation, les clauses types applicables tant en matière d'assurance de responsabilité décennale qu'en matière d'assurance dommages-ouvrage limitent l'appréciation du dommage aux travaux de réparation des dommages. Ces assurances n'ont donc pas vocation à couvrir les autres dommages que ceux portés à l'ouvrage lui-même, pouvant consister en des dommages corporels ou des dommages immatériels. L'intérêt pour le notaire de conseiller à ses clients la souscription d'assurances facultatives n'en est que plus grand.
– Le sinistre ou dommage futur. – Dès lors qu'il consiste en un sinistre de nature décennale revêtant les attributs de celui-ci à l'intérieur du délai de garantie, le sinistre doit être pris en compte. C'est la position désormais bien établie de la Cour de cassation sur le dommage futur. Sans attendre que ce dommage se réalise effectivement, le maître de l'ouvrage, qui s'estime victime de ce dommage en puissance, peut invoquer celui-ci auprès des constructeurs responsables et des assurances construction dès lors qu'il lui est possible d'établir que ce dommage revêtira la gravité requise dans le délai de garantie. Bien entendu, la projection vers le futur ne s'avère nécessaire que pour autant que le présent ne réponde pas à la question qui se pose, à savoir la gravité du dommage invoqué. Si le délai d'épreuve de dix ans est dépassé sans que le dommage ait présenté la gravité requise pour engager la responsabilité du constructeur et la mise en jeu subséquente de l'assurance construction, le juge, appelé alors à se prononcer, n'aura pas à faire application de la théorie du dommage futur, celle-ci étant devenue inapplicable. Le recours à la notion d'impropriété à la destination, également couverte au titre de la responsabilité décennale des constructeurs et des assurances construction subséquentes, a été proposé pour contourner la rigueur de cette approche de la Cour de cassation. En tout état de cause, interrogé dans le cadre de la mise en œuvre d'une police d'assurance construction (dommages-ouvrage ou de responsabilité) au titre de dommages futurs, le notaire pourrait utilement et prudemment conseiller à son client, maître de l'ouvrage bénéficiaire de ces assurances, d'invoquer à titre subsidiaire l'application de la responsabilité de droit commun fondée sur les articles 1217 et 1231-1 du Code civil dans l'hypothèse où les dommages invoqués seraient finalement qualifiés de dommages intermédiaires.
Portant sur l'ouvrage lui-même
– Le dommage doit porter directement sur l'ouvrage. – L'assurance construction obligatoire ne vient garantir que l'ouvrage lui-même à hauteur des dommages de nature décennale que ce dernier viendrait à subir. Ànouveau, les clauses types applicables tant en matière d'assurance de responsabilité décennale qu'en matière d'assurance dommages-ouvrage nous éclairent sur ce point en précisant que les travaux de réparation ne peuvent porter que sur l'ouvrage lui-même, et donc que le dommage se limite à celui-ci. C'est ainsi que la garantie légale, et l'assurance subséquente, ne sont pas applicables aux dommages causés aux tiers, justifiant une action au titre des troubles anormaux de voisinage. Encore faut-il que la réparation demandée ne porte pas sur l'ouvrage lui-même, ce qui nécessite de distinguer les troubles de voisinage invoqués pour réparer directement le préjudice du voisin (non pris en charge par l'assurance) de ceux invoqués afin qu'il soit procédé aux réparations nécessaires pour faire cesser le trouble (pris en charge par l'assurance). Ainsi limité, le champ d'application des assurances construction obligatoires exclut la prise en charge des dommages intermédiaires.
– La non-prise en compte des dommages intermédiaires. – Les dommages ne portant pas sur l'ouvrage lui-même ou ne relevant pas des garanties biennale ou décennale, c'est-à-dire les dommages intermédiaires, ne sont pas pris en charge par l'assurance construction obligatoire. Si le doute était permis avant la réforme opérée par la loi Spinetta du 4 janvier 1978, il est désormais établi que les assurances construction obligatoires ne peuvent prendre en charge de plein droit les dommages intermédiaires. Dès lors, la souscription d'une assurance spécifique ne peut qu'être recommandée. Cette garantie facultative semble devoir être délivrée dans le cadre de la police de responsabilité civile du promoteur et non dans celui d'une assurance de chose (dommages-ouvrage).
Durée
– Des délais d'application et de mise en œuvre différents. – Les deux assurances construction obligatoires que sont l'assurance dommages-ouvrage et l'assurance de responsabilité obligatoire ne se voient pas appliquer le même régime quant à leur durée. Qu'il s'agisse de la date de mise en œuvre potentielle de ces assurances ou du délai dans lequel elles peuvent être actionnées, ces deux assurances diffèrent.
La durée de l'assurance dommages-ouvrage
– Principe. – La réception de l'ouvrage constitue le point de départ de la garantie de parfait achèvement à laquelle est tenu chaque entrepreneur. Ce faisant, et afin d'éviter que l'assurance dommages-ouvrage ne vienne couvrir des dommages également pris en charge au titre de la garantie de parfait achèvement, l'assurance de chose ne prend effet qu'à l'expiration de la garantie prévue par l'article 1792-6 du Code civil. Partant, l'assurance dommages-ouvrage ne dure, en principe, que neuf ans, les dommages qu'elle est censée couvrir à travers un préfinancement restant quant à eux enfermés dans le délai de garantie décennale courant en effet à compter de la réception. Ce principe connaît deux exceptions, l'une consistant à ce que cette assurance prenne effet avant la réception, l'autre à ce qu'elle prenne effet pendant la période couverte par la garantie de parfait achèvement.
– Première exception : la prise d'effet avant la réception. – La défaillance de l'entrepreneur avant la réception peut conduire à une anticipation de la prise d'effet de la police d'assurance dommages-ouvrage. Cette défaillance sera caractérisée par le fait que le contrat de louage d'ouvrage conclu avec l'entrepreneur se trouve résilié pour inexécution des obligations de celui-ci, et ce après mise en demeure préalable.
– Seconde exception : la prise d'effet dans l'année suivant la réception. – La prise d'effet de l'assurance dommages-ouvrage sera également anticipée en cas de défaillance de l'entrepreneur dans l'exécution de ses obligations après la réception et mise en demeure préalable. Située postérieurement à la réception, cette défaillance portera donc sur les désordres devant être levés par l'entrepreneur au titre de la garantie de parfait achèvement. En effet, le report de la prise d'effet de l'assurance dommages-ouvrage à l'expiration de la garantie de parfait achèvement ne se justifie plus alors du fait même que l'entrepreneur s'avère défaillant dans la levée de ces désordres.
– Synthèse : une durée « flottante » et un risque de prise en charge finale pour l'assureur. – Au final, la durée de l'assurance dommages-ouvrage peut être de neuf années (hypothèse de principe), de dix années (en cas de défaillance de l'entrepreneur dans la levée des désordres relevant de la garantie de parfait achèvement) ou plus encore (en cas d'anticipation sur la réception du fait de la défaillance de l'entrepreneur avant cette date). Le point de départ de la garantie, et donc sa durée, se distingue donc par un caractère passablement flottant. Les deux exceptions au principe ont pour points communs, d'une part, d'anticiper la prise d'effet de l'assurance dommages-ouvrage (avant la réception ou avant l'expiration de la garantie de parfait achèvement), sans aboutir donc à reporter cette assurance au-delà de la durée de garantie décennale, et, d'autre part, de se baser sur la défaillance de l'entrepreneur. Par ailleurs, ces exceptions sont susceptibles de modifier le positionnement de l'assureur de dommages-ouvrage qui, d'assureur relais n'ayant pas vocation à supporter la charge définitive de la réparation, peut devenir l'assureur final, faute de pouvoir se retourner sur l'assureur de responsabilité. En effet, l'absence de réception empêche, dans la 1re exception, la mise en jeu de la responsabilité décennale des entreprises et donc de l'assurance correspondante. Dans la seconde exception, les désordres peuvent avoir été réservés au jour de la réception ou ne survenir qu'après. Seuls les seconds pourront, le cas échéant, justifier que soit engagée la responsabilité décennale de l'entrepreneur, au contraire des premiers qui, pour avoir été réservés à la réception, ne sont donc points cachés. Faute de pouvoir se retourner vers l'assurance de responsabilité dans la première exception et, dans certains cas, dans la seconde exception, il ne restera à l'assureur dommages-ouvrage que la possibilité d'agir contre l'entrepreneur dont la défaillance est déjà avérée et, peut-être, l'insolvabilité aussi. Cet effet induit par la prise d'effet anticipée de l'assurance dommages-ouvrage consiste en une « entorse au principe de la double détente », constitutive d'un véritable « angle mort » de la dommages-ouvrage en tant qu'assurance de préfinancement.
La durée de l'assurance de responsabilité obligatoire
– Démarrage à l'ouverture du chantier ou au commencement des travaux. – La souscription effective d'une police d'assurance de responsabilité doit intervenir avant l'ouverture du chantier. C'est à la fois la limite de la couverture par l'assurance et le commencement des événements couverts par celle-ci. Les clauses types prévoient depuis 2009 que l'ouverture de chantier s'entend d'une date unique applicable à l'ensemble de l'opération de construction, soit la déclaration d'ouverture de chantier si un permis de construire est nécessaire ou, à défaut, la date du premier ordre de service.
– Une durée calquée sur la durée de garantie décennale. – Le risque de doublon avec la garantie de parfait achèvement n'a pas été pris en compte au titre de l'assurance de responsabilité. C'est ainsi que cette assurance prend en charge tous les sinistres de nature décennale intervenus après réception.

L'ingénierie notariale en matière d'assurance construction

– Le positionnement central du notaire. – Les mécanismes d'information mis en place au titre des assurances construction obligatoires reposent eux-mêmes sur un régime obligatoire et sanctionné. Le notaire y joue un rôle central, en ce que les informations ont vocation à transiter par lui au stade de la mutation de l'immeuble, mais également à être vérifiées par lui, sous peine d'engager se responsabilité. L'obligation générale de conseil à laquelle il est tenu se décline ainsi, à titre principal, en obligations d'information (A) et de vérification (B) sur l'existence ou l'absence de souscription des polices d'assurance, d'une part, et sur les caractéristiques de celles-ci, d'autre part. Le devoir de conseil auquel le notaire est tenu englobe ces obligations d'information et de vérification, mais les complète également en ce qu'il emporte le devoir d'informer les clients des moyens leur permettant de sécuriser plus encore leur situation. L'ingénierie notariale s'y déploie alors plus particulièrement (C). L'ensemble de ces interventions, qui font du notaire le garant privilégié de l'application et du respect des textes applicables en matière de protection des acquéreurs à travers les assurances construction obligatoires, sont sanctionnées par le biais d'une responsabilité qui engage le notaire à la mesure du non-respect des obligations auxquelles il est tenu (D).
L'obligation d'information
Information sur l'existence ou l'absence d'assurance
– L'information alternative à laquelle est tenu le notaire. – Lorsqu'il est saisi de la vente d'un bien immobilier ayant fait l'objet, il y a moins de dix ans, de travaux entrant dans le champ d'application des assurances construction obligatoires, le notaire doit répondre, à travers son acte, à une question simple : les assurances ont-elles été souscrites ou ne l'ont-elles pas été ? Les dispositions de l'article L. 243-2 du Code des assurances lui imposent cette alternative afin de répondre à l'objectif de sécurisation et de protection des investissements immobiliers. Le notaire assume à nouveau, à cet égard, une intervention de nature préventive au moment de constater la vente des biens ayant fait l'objet de travaux soumis à l'obligation d'assurance. Au-delà des sanctions auxquelles les assujettis s'exposent en cas de non-souscription des assurances construction obligatoires, et sans attendre la survenance d'un sinistre pour constater que celui-ci n'est pas couvert par ces assurances, faute de souscription, l'intervention du notaire permet de faire apparaître la difficulté éventuelle et ses conséquences pour les parties, tant le vendeur (qui engage sa responsabilité) que l'acquéreur (qui ne sera pas couvert par l'assurance, non souscrite, en cas de sinistre). Ainsi informé, et par crainte de perdre son acquéreur ou de devoir réduire son prix de vente, le vendeur sera ainsi incité à souscrire a posteriori une police d'assurance dommages-ouvrage.
– Périmètre de l'obligation d'information. – Jusqu'à la loi dite « loi Macron » du 6 août 2015, l'obligation d'information de l'article L. 243-2 du Code des assurances ne s'appliquait qu'aux assurances dommages-ouvrage. Depuis lors, cette obligation a été étendue à l'assurance responsabilité civile décennale pour l'ensemble des intervenants. Bien que la ratio legis semble commander de limiter cette information obligatoire à la seule responsabilité civile décennale du vendeur (correspondant à la police constructeur non réalisateur [CNR]), la prudence semble être de mise en l'absence de précision des textes. Il nous paraît donc recommandé d'appliquer cette obligation d'information à l'ensemble des polices de responsabilité civile décennale en interrogeant le vendeur sur les entreprises intervenantes et leurs assurances respectives.
Les justificatifs de souscription des assurances
– La justification : un double impératif. – La nécessité de justifier de la souscription effective (ou de l'absence de souscription) répond à un double impératif qu'il n'est pas inutile de rappeler. Il s'agira tout d'abord de respecter les prescriptions légales, en ce que l'article imposant cette obligation d'information le prévoit expressément. Ensuite, les personnes tenues par cette obligation d'information, ainsi que le notaire chargé d'instrumenter, devront être en mesure de justifier que cette information a bien été transmise à l'acquéreur. Faute de pouvoir apporter cette justification, leur responsabilité respective ne manquera pas d'être engagée.
  • le Code des assurances prévoit tout d'abord qu'au stade du contrat, l'information peut être transmise de deux manières différentes : soit par une mention dans l'acte, soit par une annexe à celui-ci. Àcet égard, s'il s'agit d'informer l'acquéreur de la non-souscription des assurances construction obligatoires, et bien que les annexes à l'acte forment un tout indissociable avec celui-ci, il semble préférable d'apporter cette information directement dans le corps de l'acte, le renvoi aux annexes ne servant finalement qu'à justifier les déclarations ainsi faites. Il apparaît d'ailleurs curieux d'imaginer que la non-souscription d'une assurance construction obligatoire puisse faire l'objet d'une mention en annexe de l'acte. En pratique donc : soit les assurances ont été souscrites, et les documents en justifiant seront annexés pour compléter les mentions apportées dans l'acte (il y aura un cumul de mentions et d'annexes), soit elles ne l'ont pas été, ce qui sera renseigné à travers des déclarations de l'acte ;
  • s'agissant des documents venant compléter ou justifier les déclarations ainsi faites, plusieurs questions se sont posées, dont certaines ne sont pas réglées à ce jour : – Quels sont les documents justificatifs considérés comme recevables ? Se pose ici la question de la différence entre les « attestations d'assurance » et les « notes de couverture ». Une différence de fonds ou de temporalité permet de distinguer l'une de l'autre. C'est ainsi que la note de couverture est émise pour constater la garantie avant la souscription définitive de la police d'assurance. Bien souvent, les compagnies d'assurance les délivrent afin de répondre au souhait de leurs clients de disposer immédiatement d'une garantie, alors même que l'assureur a encore besoin de temps pour étudier le risque et déterminer la prime d'assurance correspondante. Pour toutes ces raisons, les notes de couverture sont la plupart du temps des avant-contrats autonomes par rapport au contrat définitif, et sont émises pour une durée limitée, bien inférieure à la durée ferme nécessaire pour couvrir la responsabilité décennale. Au contraire, l'attestation d'assurance est délivrée après qu'a été mise en place la police d'assurance concernée, afin qu'il puisse en justifier. Sur la base d'une attestation d'assurance, les clauses types des polices concernées s'appliqueront ainsi que la durée de couverture correspondant à la durée de la responsabilité décennale des constructeurs ou assimilés. En conclusion, le notaire chargé de délivrer l'information sur la souscription ou la non-souscription des assurances construction obligatoires ne peut le faire qu'en se basant sur de véritables attestations d'assurance et non sur de simples notes de couverture. – Les attestations répondent-elles à un formalisme strict ? C'est ici une curiosité qui ne s'explique pas. L'objectif de sécurité juridique a conduit le législateur à imposer un formalisme particulier aux attestations d'assurance, lesquelles doivent comprendre des mentions minimales. Ce formalisme ne s'impose néanmoins qu'en matière d'assurance de responsabilité décennale, ce qui exclut les assurances dommages-ouvrage ! Une modification de l'article L. 243-2 du Code des assurances tendant à appliquer aux alinéas 1 (obligation d'information) et 2 (obligation de transmettre des attestations normées) serait de nature à permettre d'accroître la sécurité juridique, tant des personnes tenues de délivrer cette information (assujettis et notaire) que des personnes devant bénéficier de celle-ci.
– La formalisation de la délivrance de l'information. – La justification de la transmission de l'information amène à s'interroger sur sa nécessaire formalisation :

Attestation d'assurance ou note de couverture ?

La note de couverture, établie avant la souscription du contrat et bien souvent pour une durée très limitée, ne permet pas de justifier efficacement de la souscription des assurances construction obligatoires. Le notaire est tenu de se baser sur de véritables attestations d'assurance.

De l’importance des renseignements transmis pour la validité des déclarations de sinistre

La précision et la complétude des informations transmises au stade du contrat dépassent la simple obligation d'information. Elles impactent aussi la validité des déclarations de sinistres pouvant être faites ultérieurement.
Les assujettis aux assurances construction obligatoires sont donc tenus d'une obligation d'information, qui s'exerce tout particulièrement au moment de la signature d'un acte. La précision des renseignements transmis, que ce soit au travers des déclarations figurant dans les actes ou dans les attestations d'assurance remises, peut également impacter le fonctionnement même de cette police au moment où son bénéficiaire devra déclarer un sinistre. C'est ainsi que, pour être valable, la déclaration de sinistre doit comporter des renseignements obligatoires, au rang desquels nous retrouvons le numéro du contrat (et de ses avenants éventuels) et la date de réception des travaux. Dans l'hypothèse où ces renseignements ne sont pas en la possession du bénéficiaire des contrats, le manquement ainsi constaté à l'obligation d'information engagera d'autant plus la responsabilité de ceux qui en sont débiteurs qu'il est susceptible d'entraîner l'impossibilité de mettre en œuvre la police d'assurance elle-même à l'occasion de sinistres.
Information sur les sanctions attachées à l'absence d'assurance
– Sanctions civiles. Personnes responsables. – Le défaut de souscription des assurances construction obligatoires est tout d'abord susceptible d'engager la responsabilité d'un grand nombre d'intervenants à l'opération. Les assujettis, vendeur ou constructeur, sont bien entendu susceptibles d'être recherchés. Le notaire également, tenu d'une obligation d'information qui se double d'une obligation de vérification, peut être recherché si l'une ou l'autre n'est pas respectée. Au-delà, l'architecte, l'agent immobilier, le syndic, le dirigeant d'une société de construction ainsi que l'administrateur judiciaire peuvent voir leur responsabilité civile engagée en cas de non-souscription des assurances construction obligatoires. Si l'absence de souscription des assurances construction obligatoires fait ainsi l'objet de sanctions civiles, certaines ont néanmoins été écartées par les magistrats.
– Sanctions civiles. Pas de lien entre défaillance du maître de l'ouvrage et responsabilité des constructeurs. – Par ailleurs, il convient de préciser que l'omission de l'un (le maître de l'ouvrage ne souscrivant pas l'assurance dommages-ouvrage) n'exonère pas l'autre (le constructeur ne souscrivant pas l'assurance de responsabilité obligatoire). De ce fait, le maître de l'ouvrage pourra engager les responsabilités légale et contractuelle des constructeurs défaillants dans la souscription de leur assurance obligatoire afin de se faire rembourser le coût correspondant à la souscription, en leur lieu et place, de ces mêmes assurances.
– Sanctions civiles. Nullité de la vente pour défaut de souscription ? Impossibilité de vendre ? – La question s'est posée de savoir si le défaut de souscription de l'assurance construction obligatoire, et plus particulièrement de l'assurance dommages-ouvrage, pouvait rejaillir sur la vente et emporter sa nullité pour cause d'erreur substantielle. Si l'argument a été utilisé, la Cour de cassation a clairement énoncé qu'en l'absence de dispositions contractuelles contraires, l'existence d'une assurance obligatoire ne pouvait être considérée comme un élément substantiel de la vente. De la même manière, la question s'est posée de la possibilité pour un notaire de recevoir un acte de vente, notamment en l'état futur d'achèvement, sans que la souscription des assurances construction obligatoires n'ait été justifiée de manière efficace. Sanctionnant la cour d'appel de Paris, la première chambre civile de la Cour de cassation est venue confirmer que « la validité des actes ayant pour objet de transférer la propriété ou la jouissance d'un bien objet des assurances visées aux articles L. 241-1 à L. 242-1 du Code des assurances n'est pas subordonnée à la souscription de ces assurances ». Bien que les assurances n'aient pas été souscrites, le notaire ne semble pas empêché de recevoir l'acte de vente. Il apparaît néanmoins que l'obligation de conseil à laquelle il est tenu, justifiant les précautions prises par la profession, doit l'inciter à la plus grande prudence, en particulier dans le cadre d'opérations de promotion.
– Sanctions pénales. Principe. – La non-souscription des assurances construction obligatoires est constitutive d'un délit pénal puni d'un emprisonnement de six mois et d'une amende de 75 000 €, ou de l'une de ces deux peines seulement. Seule l'hypothèse de construction par une personne physique d'un logement pour son occupation personnelle ou celle de son conjoint, de ses ascendants, de ses descendants ou ceux de son conjoint permet d'éviter cette sanction.
Un rôle actif du notaire source de responsabilité
– Une obligation d'information sanctionnée. – Le non-respect par le notaire de l'obligation d'information qui lui est imposée aux termes de l'article L. 243-2 du Code des assurances est susceptible d'engager sa responsabilité. Qu'il s'agisse de renseigner efficacement l'acquéreur sur l'existence des assurances souscrites ou, au contraire, sur leur absence, l'intervention du notaire impactera directement sur la protection de l'acquéreur en cas de survenance de sinistre de nature décennale. Confronté au défaut d'assurance sans en avoir été informé lors de la vente par le notaire, l'acquéreur ne manquera pas d'engager la responsabilité du notaire qui pourra alors être tenu, in solidum avec le vendeur indélicat, de prendre en charge le coût des travaux de reprise rendus nécessaires. Plus récemment, la Cour de cassation semble avoir limité cette sanction à la perte de chance, sans que la fermeté de cette prise de position ni son périmètre exact ne soient aujourd'hui assurés.

L’importance de la notification de transfert de propriété à l’assureur

Au-delà de l'information délivrée au titre de la souscription des assurances construction, le notaire est également tenu de notifier le transfert de propriété aux assureurs.
La notification de la vente par le notaire aux assureurs répond à un double objectif.
Le premier est spécifique à la vente dans laquelle le prix est payé au moyen d'un prêt. Au regard des droits accordés aux créanciers privilégiés ou hypothécaires sur les indemnités d'assurance en cas de sinistre, et afin d'éviter que la compagnie d'assurance ne règle de bonne foi ces indemnités à l'acquéreur-emprunteur sans tenir compte desdits créanciers, le notaire procède à une notification aux assureurs sous forme d'opposition sur les indemnités à percevoir.
Par ailleurs, et contrairement au droit commun des assurances de chose, l'aliénation de l'immeuble couvert par une assurance dommages-ouvrage ne permet pas à la compagnie d'assurance de résilier le contrat. Pour autant, ce transfert de propriété n'est pas sans impact sur le fonctionnement de cette police d'assurance. La notification de cette aliénation conditionne ainsi la libération du vendeur au titre du paiement des primes à échoir. Trois étapes successives doivent ainsi être distinguées :
  • au jour de l'aliénation : le vendeur restera tenu des primes échues à cette date, l'acquéreur devenant redevable des primes à échoir ;
  • entre la signature de la vente et la réception de la notification informant l'assureur de celle-ci : le vendeur restera garant du paiement par l'acquéreur des primes à échoir, et ce jusqu'à la réception de la notification de la vente à l'assureur. Àcet égard, le vendeur disposera d'un recours contre l'acquéreur dans l'hypothèse où il serait appelé à régler des primes d'assurance non échues au jour de la vente ;
  • à compter de la réception de la notification informant l'assureur de la signature de la vente : le vendeur est définitivement libéré du paiement, même en tant que garant, des primes d'assurance non échues au jour de la vente.
L'obligation de vérification
– Plan. – Le respect de son obligation d'information ne suffit pas, le notaire est également et classiquement tenu d'assumer un rôle actif en vérifiant les informations transmises. Appliquée aux assurances construction obligatoires, cette obligation de vérification s'opère sur l'assureur lui-même (I) et sur la police d'assurance (II).
Vérifications opérées sur l'assureur lui-même
– Agrément de la compagnie d'assurance. – L'activité exercée par les compagnies d'assurance, que celles-ci consentent des assurances construction ou d'autres types de produits, est par essence une activité sensible. Les conséquences attachées à la défaillance de ces compagnies d'assurance sont dramatiques pour les personnes qui étaient susceptibles d'en bénéficier. C'est pourquoi un contrôle strict est exercé sur ces compagnies d'assurance. S'agissant plus spécifiquement de l'assurance dommages-ouvrage, le Code des assurances renvoie expressément à cette exigence d'habilitation. Le notaire est appelé à vérifier que les compagnies d'assurance ayant délivré les assurances construction étaient bien agréées pour ce faire.
– Les outils permettant de vérifier l'agrément de l'assureur. – Afin de vérifier que la compagnie d'assurance dispose bien de l'autorisation d'exercer en France et de délivrer des assurances construction, le notaire dispose des outils mis en place par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et du registre des organismes d'assurance disponible sur le site www.refassu.fr">Lien.
Pour les établissements enregistrés dans d'autres pays européens qui exercent en France par le biais d'une succursale ou de libre prestation de services, l'ACPR conseille vivement de consulter le registre tenu par l'autorité du pays d'origine. L'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (EIOPA) a quant à elle mis à disposition un registre européen alimenté par les informations transmises par chaque autorité de contrôle nationale (Register of Insurance Undertakings) :
https://register.eiopa.europa.eu/registers/register-of-insurance-undertakings">Lien.
Enfin, et par suite du Brexit, une liste des établissements du secteur assurance ne disposant plus du droit d'offrir leurs services en France est également mise à jour et accessible sur le site de l'ACPR :
https://acpr.banque-france.fr/file/document/organismes-dassurance">Lien.

Les difficultés inhérentes à la faillite de compagnies d’assurance étrangères

La multiplication des faillites de compagnies d'assurance étrangères ayant délivré en France des assurances construction obligatoires et exerçant sur la base de la libre prestation de services est à l'origine d'importantes difficultés pour les bénéficiaires de ces contrats.
La libre prestation de services (LPS) a ouvert la possibilité à un assureur d'exercer dans tous les États membres de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, avec un agrément unique et une surveillance prudentielle exclusive par le régulateur du pays d'origine de l'assureur.
De nombreuses compagnies non domiciliées en France sont venues offrir leurs garanties en matière d'assurance construction obligatoire sur la base de la LPS, avec un développement à la mesure du décalage pouvant exister entre les prix offerts par celles-ci et ceux existant alors sur le marché.
Une mauvaise connaissance de ce marché et de la réglementation applicable a entraîné de nombreuses faillites et pertes d'agrément de ces compagnies d'assurance, aboutissant à leur liquidation, et laissant sans recours les bénéficiaires de ces contrats.
Une ordonnance du 27 novembre 2017 a prévu que le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) prenne en charge les dommages dus par l'assureur défaillant au titre des assurances dommages-ouvrage, comme il le fait au titre des accidents de la circulation. Cette ordonnance a été modifiée par la loi de finances pour 2022, afin que le champ d'action du FGAO ne soit plus limité aux seuls contrats conclus après son entrée en vigueur le 1er juillet 2018. Ainsi, il peut dorénavant intervenir pour les contrats d'assurance dommages-ouvrage conclus à compter du 1er juillet 2018 ou en cours à cette date, dès lors que les désordres sont survenus avant la fin de validité du contrat d'assurance.
Le système mis en place reste néanmoins largement perfectible. C'est ainsi que le FGAO n'intervient qu'au profit d'assurés personnes physiques, les personnes morales étant exclues de ce mécanisme. Par ailleurs, les sinistres doivent être déclarés et gérés par le liquidateur de la compagnie d'assurance défaillante, ce qui compliquera la tâche au regard de la domiciliation de celle-ci en dehors du sol français. Enfin et surtout, le FGAO ne prend en charge que les défaillances constatées au titre de l'assurance dommages-ouvrage. Celles relevant des assurances de responsabilité décennale des intervenants à la construction en sont donc exclues.
Vérifications opérées sur la police d'assurance
– Vérification de l'exactitude des déclarations. – L'obligation de vérification, fille du « devoir d'efficacité » édicté par la Cour de cassation et imposé au notaire comme un accessoire de son intervention, s'applique bien évidemment en matière d'assurances construction obligatoires. Le notaire ne peut, en effet, se limiter aux seules déclarations du vendeur sur la souscription effective des assurances construction obligatoires, et doit obtenir des éléments de nature à attester ou confirmer cette souscription, si celle-ci est invoquée. L'obligation de vérification est désormais bien établie, notamment en matière d'assurances construction obligatoires. Cette vérification par le notaire des déclarations du vendeur doit s'opérer dans deux cas de figure. Il en va ainsi, d'une part, lorsque le notaire dispose d'éléments de nature à lui faire douter de la véracité des déclarations faites (ou documents transmis) et, d'autre part, lorsque, par leur nature ou leur portée juridique, ces déclarations conditionnent la validité ou l'efficacité de l'acte. En matière d'assurances construction obligatoires, cette obligation de vérification connaît de nombreuses applications.
– Principales applications de l'obligation de vérification en matière d'assurances construction obligatoires. Liste (non exhaustive). – L'obligation de vérification à la charge du notaire en matière de contrats d'assurance construction obligatoires s'applique, sans exhaustivité, aux démarches suivantes :
  • bien entendu, et à titre principal, à la vérification de l'existence ou de l'absence de souscription des assurances construction obligatoires, ce qui va au-delà des seules déclarations du vendeur ;
  • à la vérification des principales conditions des contrats, lesquelles doivent être conformes aux exigences légales ;
  • à la vérification de la concordance entre l'objet garanti et celui réalisé (ou devant l'être) ;
  • à la vérification de la date de prise d'effet des contrats d'assurance ;
  • et à la vérification du paiement des primes d'assurance (prévisionnelles et définitives).
– Illustration. L'attestation d'assurance. – Nous avons rappelé l'importance que revêtent les attestations d'assurance pour justifier de la souscription des assurances construction obligatoires, ainsi que la forme qu'elles doivent respecter. La Cour de cassation semble apprécier de manière compréhensive l'obligation faite au notaire de vérifier l'attestation d'assurance remise en ne rendant pas cette vérification systématique, alors même qu'il ne fait aucun doute que l'assurance construction obligatoire est susceptible, à défaut de souscription, d'impacter l'efficacité de l'acte. La responsabilité du notaire ne serait, dès lors, engagée que dans l'hypothèse où les éléments transmis étaient de nature à éveiller chez lui des soupçons, rendant par conséquent nécessaires des vérifications complémentaires. Il semble néanmoins qu'il faille appliquer ces décisions avec prudence, en incitant le notaire à effectuer un contrôle minimal de cohérence de l'attestation transmise, tout spécialement si celle-ci lui est remise par le vendeur et non par la compagnie d'assurance.
– Illustration. Franchises et plafonds de garantie. – Les contrats d'assurance construction obligatoires sont soumis à une double contrainte : le respect de la loi et des clauses types fixées pour chacun des contrats. Peuvent s'y ajouter, bien évidemment, les contraintes conventionnellement prévues, dès lors que celles-ci ne vont pas à l'encontre de l'objectif de protection des bénéficiaires des assurances. Le notaire, par sa connaissance des textes applicables, est tenu de vérifier que les assurances souscrites répondent à ces exigences ou, à défaut, d'en informer les parties. C'est ainsi, tout d'abord, que la mise en place de franchise n'est valable qu'en matière d'assurance de responsabilité décennale, mais voit son effet limité aux cocontractants (assuré et assureur) puisque les franchises sont inopposables aux tiers lésés bénéficiaires de l'assurance. En revanche, aucune franchise n'est admise en matière d'assurances dommages-ouvrage, ces dernières devant garantir le paiement de l'intégralité des travaux de réparation. Des plafonds de garantie peuvent cependant être prévus, tant en matière d'assurance de responsabilité décennale qu'en matière d'assurance dommages-ouvrage, mais uniquement pour des constructions destinées à un usage autre que l'habitation et dans les limites fixées par l'article R. 243-3 du Code des assurances. En revanche, aucune restriction ne peut être prévue en terme de durée de la garantie, celle-ci ne pouvant être inférieure à la durée de la garantie décennale.
– Illustration. Réduction proportionnelle de l'indemnité ou de nullité du contrat. – L'accompagnement du notaire ne se limite pas à la vérification de l'existence de souscription des assurances construction obligatoires. Le comportement du souscripteur de ces contrats est également à observer au titre des déclarations qu'il a pu effectuer auprès des assureurs et des informations transmises à ces derniers. Dès lors qu'il en dispose, notamment à travers la communication des polices d'assurance ou d'attestations d'assurance détaillées, le notaire se doit de vérifier que les éléments transmis aux assureurs ne sont pas de nature à tromper l'analyse que ces derniers ont pu faire du dossier au moment d'accepter le risque et de fixer le montant de la prime d'assurance. Une omission ou une fausse déclaration, dès lors qu'elle ne relève pas de la mauvaise foi du souscripteur, ne peut entraîner la nullité du contrat d'assurance. Elle peut néanmoins justifier une demande de paiement d'un supplément de prime ou même de résiliation du contrat, si elle est constatée avant tout sinistre, ou le versement d'une indemnité réduite à due proportion si elle l'est après la survenance d'un sinistre. La mauvaise foi éventuelle de l'assuré est quant à elle constitutive d'une fraude justifiant que le contrat soit annulé dès lors qu'elle a changé l'objet du risque ou diminué l'opinion que pouvait en avoir l'assureur, sans que ce dernier soit tenu de rembourser les primes payées ni ne perde le droit au paiement de celles échues.

Le rôle central du notaire au titre des assurances construction obligatoires

Au résultat du cumul de son obligation d'information et de son obligation de vérification ou de vigilance, le notaire est institué garant du respect de la loi par les parties en matière de souscription d'assurances construction obligatoires.
L'obligation de conseil
– Une autre manifestation du devoir de conseil. – Le devoir de conseil du notaire apparaît de plus en plus comme le réceptacle de bon nombre d'obligations attachées à l'intervention de cet officier ministériel. C'est ainsi que la validité et l'efficacité des actes qu'il reçoit, ainsi que l'adéquation avec les objectifs poursuivis par les parties, justifient que soit engagée sa responsabilité en cas de manquement au titre du devoir de conseil du notaire. « Le respect de la loi n'exclut pas la pédagogie ». Le principe énoncé est marqué du sceau de l'évidence, mais il rappelle utilement que le notaire, tenu à un devoir de conseil à l'égard de ses clients, ne doit pas se contenter de respecter les obligations d'information prescrites par le Code des assurances en matière d'assurance construction ainsi que les obligations de vérification déjà rappelées. Il peut et doit même aller au-delà. Il est vrai que la Cour de cassation a confirmé que, dès lors que le notaire avait satisfait à son obligation d'information en mentionnant dans l'acte l'absence d'assurance dommages-ouvrage, il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir attiré l'attention des parties sur les conséquences résultant de cette absence d'assurance. Cette décision paraît surprenante. Il a d'ailleurs été précisé ultérieurement que le notaire était tenu « d'informer et d'éclairer les parties sur la portée et les effets, (…) ainsi que sur les risques de l'acte auquel il prête son concours, et, le cas échéant, de le leur déconseiller ». Appliqué à l'absence de souscription d'une assurance construction obligatoire constatée au moment d'une vente, ce principe semble commander d'informer l'acquéreur des risques encourus par lui du fait qu'il ne pourra pas invoquer le bénéfice du mécanisme protecteur renvoyant aux assurances (de dommages-ouvrage puis de responsabilité) la prise en charge des dommages. Cela peut l'amener à déconseiller de réaliser l'opération ou, de manière plus constructive, à proposer aux parties des solutions permettant de se prémunir du risque. L'obligation d'information s'étend également à l'information devant être délivrée au vendeur qui, après réalisation de travaux de construction portant sur un ouvrage, décide de vendre celui-ci et devient par la même occasion responsable comme le serait un constructeur au titre de la garantie décennale. La vente vient, d'une certaine façon, provoquer une situation nouvelle à travers laquelle le vendeur se trouve tenu de la garantie décennale, mais également, par construction, de l'obligation de justifier de la souscription d'une assurance de responsabilité décennale.
– Au-delà de l'information et de la vérification : la proposition de solutions. – C'est ainsi l'ingénierie du notaire qui a vocation à se déployer au moment de trouver et de proposer des solutions en matière d'assurance construction. Ce rôle actif n'est finalement qu'une émanation supplémentaire de son devoir de conseil. Il doit l'amener, entre autres, et en fonction des circonstances, à combler la lacune résultant d'une absence de souscription des assurances construction obligatoires (I) et à rechercher à compléter les mécanismes d'assurances obligatoires à travers la souscription d'assurances complémentaires (II).
Sur la souscription a posteriori des assurances construction obligatoires
– Positionnement du problème. – Nous l'avons rappelé, la souscription des assurances construction dommages-ouvrage et responsabilité décennale n'est pas une option pour les personnes assujetties. Cette souscription est une obligation dont le non-respect est lourdement sanctionné. Son absence peut avoir des conséquences importantes pour le détenteur de l'immeuble ayant fait l'objet des travaux. Au stade de la revente de biens ayant fait l'objet de travaux soumis à cette obligation d'assurance dans les dix ans suivant leur achèvement, le défaut d'assurance doit conduire le notaire à conseiller au vendeur de souscrire l'assurance dommages-ouvrage, même si les travaux ont déjà commencé, et surtout – cas le plus fréquent – s'ils sont déjà achevés. Les articles L. 241-1 et L. 242-1 du Code des assurances font obligation de souscrire les assurances construction obligatoires avant l'ouverture de chantier. C'est en raison de cette obligation que les compagnies d'assurance ont pendant longtemps refusé la souscription des polices d'assurance construction alors même que le chantier avait démarré, voire même alors que les constructions étaient achevées. Une décision du Conseil d'État du 19 janvier 1998 est venue valider la possibilité de souscrire ces polices d'assurance a posteriori, « dès lors que le seul fait de l'engagement de travaux ne rend pas certaine la survenance d'un dommage, ni impossible l'évaluation de l'aléa ».
– Modalités de souscription après le démarrage des travaux (voire après leur achèvement). – Le maître de l'ouvrage peut apparaître soudain désireux de se conformer à la loi. Le plus souvent, il s'agira simplement de bénéficier (en l'absence de vente) ou de faire bénéficier des garanties inhérentes aux assurances construction obligatoires, alors même que la réalisation des travaux de construction soumis à l'assurance obligatoire a commencé ou s'est achevée. Les compagnies d'assurance ne peuvent plus, en principe, refuser d'accorder ces couvertures en arguant du non-respect du principe de souscription préalablement au commencement des travaux. Si une difficulté ou opposition devait néanmoins survenir, la saisine du Bureau central de tarification sera alors possible, qui permettra de fixer les conditions, notamment financières, de l'assurance demandée. Sa décision s'imposera aux assureurs, sous peine de perte de leur agrément.
Sur l'intérêt de souscrire des assurances facultatives
– Un intérêt découlant du champ d'application des assurances construction obligatoires. – En tant que complément des assurances construction obligatoires, les assurances construction qualifiées, par opposition, de « facultatives », permettent de garantir à la fois les maîtres d'ouvrage et les constructeurs au titre d'événements non couverts de manière obligatoire. Il s'agira, schématiquement et ainsi que nous l'avons déjà rappelé, soit d'anticiper sur la réception, soit d'étendre la garantie aux dommages ne relevant pas de la responsabilité des constructeurs. En effet, dans l'un et l'autre cas, les assurances construction obligatoires ne joueront pas. Le notaire pourra utilement conseiller ses clients, constructeur-vendeur ou acquéreur, afin que ces derniers s'assurent de pouvoir bénéficier de garanties aussi complètes que possible.
  • Avant la réception : rien n'empêche tout d'abord que soit souscrite immédiatement une assurance « multirisque » dès l'ouverture du chantier, et bien que la réception ne soit pas intervenue. Elle pourra ainsi couvrir les risques d'incendie, de dégâts des eaux ou d'explosion. La garantie spécifique à l'effondrement en cours de chantier peut également être comprise, à titre d'extension de la police d'assurance décennale des constructeurs, voire plus couramment une assurance dite « Tous risques chantier » (TRC). Cette dernière, basée sur le principe d'un périmètre défini sur la base d'exclusions limitativement fixées (formule « tout sauf ») expirera, par principe, au jour de la réception, et couvrira des hypothèses plus larges que la seule assurance « multirisque » (effondrement, chute d'engins, etc.). Les dommages immatériels consécutifs étant exclus de la garantie obligatoire de responsabilité décennale, ils ne sont donc pas couverts par l'assurance construction obligatoire. Une garantie complémentaire facultative pourrait dès lors utilement compléter la protection du maître d'ouvrage.
  • Après la réception : les dommages dits « intermédiaires », constatés après la réception sans manifester les critères de gravité nécessaires pour engager la responsabilité décennale des constructeurs, relèvent de la responsabilité contractuelle de droit commun de ces derniers. Ils ne sont pas couverts par les assurances construction obligatoires. La souscription d'une assurance complémentaire paraît donc indispensable pour venir garantir l'acquéreur dans l'hypothèse où la responsabilité du constructeur serait reconnue au titre de ces dommages intermédiaires. Il pourrait même être envisagé que soit souscrite une assurance complémentaire venant garantir la levée des désordres soulevés au titre de la garantie de parfait achèvement à laquelle est tenu l'entrepreneur sans qu'aucune assurance ne soit légalement prévue.
– Présentation de quelques assurances facultatives. – Les assurances facultatives peuvent être distinguées en tenant compte d'un critère formel et fonctionnel (assurances de choses ou de responsabilité) ou temporel (avant ou après la réception). Nous retiendrons ce dernier critère de distinction.

L'importance de conseiller la réalisation d'un audit de fin de garantie décennale

L'arrivée de l'échéance de la garantie décennale, et donc de la couverture correspondante des assurances construction obligatoires, doit inciter à prémunir les bénéficiaires de ces garanties au titre de tout sinistre pouvant se révéler mais n'ayant pas encore été déclaré. C'est ici tout l'enjeu de l'audit de fin de garantie, proposé par de nombreux bureaux d'étude ou cabinets spécialisés. En vertu de son devoir de conseil, le notaire doit ainsi recommander à ses clients la réalisation d'un tel audit afin de leur permettre de préserver leurs droits au titre de ces garanties et assurances.

La prescription des actions fondées sur un contrat unique d’assurances responsabilité décennale et dommages-ouvrage

En présence d'un contrat unique, quelles sont les incidences d'un décalage dans la mise en œuvre des assurances dommages-ouvrage, en premier lieu, et responsabilité décennale, en second lieu ?
Le principe de mise en œuvre des assurances construction obligatoires à travers un séquençage en « double détente » amène, mécaniquement, à ce que soit activée l'assurance de préfinancement (l'assurance dommages-ouvrage) avant l'assurance de responsabilité (assurance de responsabilité décennale). Interrogé par ses clients dans la mise en œuvre de ces couvertures assurantielles, le notaire sera tenu de les conseiller en veillant à ce que les délais de prescription de chacune des actions ne soient pas prescrits. La situation s'avère plus compliquée lorsque l'une et l'autre de ces assurances sont incluses dans un contrat unique faisant l'objet d'un même référencement auprès de la même compagnie d'assurance à travers un même numéro de police. La Cour de cassation est venue préciser que cette situation, source de confusion en pratique, ne justifiait pas que le délai de prescription de l'action à l'encontre de l'assureur de responsabilité soit interrompu du fait de la saisine de l'assureur de dommages-ouvrage, pourtant relevant de la même compagnie et du même contrat. La vigilance du notaire sera ici primordiale pour éviter au bénéficiaire de ces assurances construction obligatoires de perdre le bénéfice de l'une (responsabilité décennale) en ne faisant qu'actionner l'autre (dommages-ouvrage).
La responsabilité du notaire en matière d'assurance construction
– Àl'origine d'un cumul d'obligations… – Au titre des assurances construction obligatoires, le notaire s'avère donc être le débiteur d'obligations au titre de l'information des parties et du contrôle de l'efficacité de son acte à travers les vérifications devant être opérées. Son devoir de conseil doit également s'exercer et justifie qu'il déploie, en ce domaine également, toute son ingénierie juridique.
– … une « responsabilité intégrale » du notaire… – La défaillance du notaire dans la mise en œuvre de l'une quelconque des obligations susvisées en matière d'assurance construction est susceptible d'engager sa responsabilité. Il ne s'agit pas d'un risque théorique dont il convient de se prémunir, car les magistrats et la Cour de cassation en particulier ont d'ores et déjà eu l'occasion d'engager la responsabilité du notaire à plusieurs reprises au titre de ces obligations. Les dommages et intérêts qui lui seront alors bien souvent réclamés, et au paiement desquels il pourra être amené à être condamné, se sont tout d'abord élevés au montant total des travaux de reprise nécessaires eu égard au sinistre déclaré, et que la garantie avait vocation à couvrir, dès lors bien entendu que les dommages dont la réparation est demandée sont de nature à être couverts par l'assurance construction obligatoire. L'étendue de cette responsabilité est apparue discutable, le véritable préjudice devant être apprécié à hauteur de la perte de chance d'obtenir plus rapidement l'indemnisation au titre du dommage. Àtravers cette position, la Cour de cassation semble dès lors considérer que le principe de réparation intégrale applicable à la réparation du dommage de nature décennale par l'assurance dommages-ouvrage vient s'étendre à la responsabilité du notaire n'ayant pas respecté les obligations qui sont les siennes en la matière. La rigueur de la sanction a par la suite été atténuée.
– … qui semble désormais se limiter à l'indemnisation d'une perte de chance ? – La rigueur de la jurisprudence de la Cour de cassation dans l'étendue de la responsabilité du notaire ne respectant pas les obligations qui sont les siennes en matière d'assurances construction obligatoires semble s'être atténuée. C'est ainsi que la première chambre civile de la Cour de cassation a admis que la responsabilité du notaire avait vocation à réparer un préjudice né d'une « perte de chance », et qu'il ne pouvait être alloué « une indemnité égale au bénéfice que le demandeur aurait retiré de la réalisation de l'événement escompté ». Cette position a par la suite été partagée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation. Cet alignement des première et troisième chambres civiles de la Cour de cassation ne doit pas occulter une nuance dans l'objet même de la perte de chance retenue, celle-ci correspondant, pour la troisième chambre civile, à la perte de chance d'être indemnisé du sinistre à raison de la non-souscription de l'assurance construction obligatoire, tandis qu'elle consiste, pour la première chambre civile, dans la possibilité pour l'acquéreur de tenir compte de cette non-souscription par une négociation pouvant entraîner une réduction du prix, s'il avait été correctement informé de cette situation. Tout récemment, la troisième chambre civile a confirmé son analyse en retenant que le notaire ayant manqué à ses devoirs d'information et de conseil doit être condamné, in solidum, avec les vendeurs, à réparer le préjudice subi par les acquéreurs à hauteur de 50 %.

Précautions rédactionnelles en cas de non-souscription des assurances construction obligatoires

En l'absence de souscription des assurances construction obligatoires, le notaire ne semble pas en mesure de refuser d'instrumenter l'acte. Le non-respect des obligations légales de souscription engage la responsabilité des personnes assujetties à ces obligations, mais pas celle du notaire.
En revanche, le notaire est spécifiquement tenu d'une obligation légale d'information des parties et, d'une manière générale, son devoir de conseil lui impose d'alerter les parties sur les conséquences attachées à un éventuel défaut de souscription des assurances construction obligatoires.
Le notaire qui informe efficacement les parties ne peut engager sa responsabilité, dès lors qu'il est en mesure de prouver que cette information a bien été délivrée. Il convient donc de renseigner l'acte avec précision en y rappelant :
  • les obligations légales des parties en matière de souscription d'assurances construction obligatoires ;
  • l'existence ou non d'assurances construction valablement souscrites ;
  • le cas échéant, les conséquences pour les parties attachées à l'absence de souscription.
C'est à ces conditions que le notaire sera considéré comme ayant respecté ses obligations et qu'il sera donc en mesure d'échapper à sa responsabilité.
– Subsidiarité de la responsabilité du notaire. Incertitudes. – Au-delà de l'étendue de la responsabilité du notaire, s'est posée la question des liens de dépendance ou de subsidiarité qui pourraient lier celle-ci avec les personnes à l'origine du dommage ou également responsables de celui-ci, dont les constructeurs ou assimilés. La première chambre civile de la Cour de cassation a, dans un premier temps, précisé que la responsabilité du notaire n'était en rien subsidiaire en ce qu'elle n'était pas subordonnée à l'impossibilité d'obtenir la réparation des coresponsables, conduisant certains commentateurs à assimiler le notaire à un constructeur sur le plan de la responsabilité. La troisième chambre civile de la Cour de cassation, rejointe par la première chambre civile, a ensuite considéré que la responsabilité du notaire était bel et bien subsidiaire par rapport à celle des constructeurs. Finalement, et à notre connaissance en dernier lieu, le défaut de subsidiarité a été à nouveau retenu par la première chambre civile de la Cour de cassation. « La responsabilité civile n'étant pas subsidiaire, celle des professionnels du droit ne l'est pas non plus », de sorte que « la mise en jeu de la responsabilité d'un notaire, dont la faute n'est pas contestée, n'est pas subordonnée à une poursuite préalable contre un autre débiteur ».

Quelle responsabilité pour le notaire en matière d'assurance construction obligatoire ?

En cas de non-respect par lui des obligations lui incombant en matière d'assurance construction obligatoire (information, vérification ou conseil), le notaire peut voir sa responsabilité engagée au titre de l'indemnisation d'une perte de chance.
Cette responsabilité civile n'est pas subsidiaire, de sorte qu'elle n'est pas subordonnée à la poursuite préalable des responsables des dommages constatés, à savoir les constructeurs ou assimilés.