Présentation générale

Présentation générale

– Autonomie de la volonté et consensualisme. – Pour devenir la « loi des parties », les contrats doivent être légalement « formés ». Se pose ainsi la question de la formation des contrats pour que ceux-ci soient revêtus de la force obligatoire voulue par les cocontractants.
Par principe, les parties sont libres de décider de contracter, de définir tant les termes et conditions de leurs conventions que les modes d'externalisation de leur accord. Ce principe d'autonomie de la volonté et la liberté contractuelle qui l'accompagne n'ont pour seules limites que la loi en général, et l'ordre public qu'elle est chargée de préserver en particulier.
L'étude de la formation du contrat renvoie tant à ce principe d'autonomie qu'à la « matérialisation » de la convention. Bien que les parties puissent en décider autrement, le contrat en droit français est par principe consensuel.
– Définition. – Si le principe du consensualisme est bien cerné, il a été relevé qu'il n'était pas clairement défini, si ce n'est par opposition au formalisme. Il a ainsi été désigné comme découlant du principe de l'autonomie de la volonté et renvoyant aux actes juridiques consensuels.
Àl'inverse du formalisme, qui permet de le définir par opposition, le terme « consensualisme » est ignoré du langage courant et donc réservé au monde juridique. Le Code civil de 1804 lui-même ignore le terme de « consensualisme » en ne consacrant celui-ci que par prétérition ! Il faudra attendre l'ordonnance du 10 février 2016 pour que soit ajoutée dans la classification des contrats la distinction entre contrats consensuel, solennel et réel.
– Sources et origines du consensualisme. – Inexistant dans le Code civil, non défini dans le langage courant et simplement opposé au formalisme dans le langage juridique, le principe du consensualisme occupe néanmoins une place centrale dans la théorie générale des contrats depuis 1804.
Basé sur une opposition au formalisme et aux régimes juridiques antérieurs, il marque aussi une aspiration à la liberté de contracter.
Avant le Code civil de 1804, la formation des contrats répondait à un formalisme tout d'abord strict, allant vers un assouplissement jusqu'à l'avènement du consensualisme.
Cet avènement en 1804 répond à un grand nombre de paradoxes :
  • l'absence de fondement(s) textuel(s) clairement établi(s) : ainsi que l'a relevé Vincent Forray, aucun texte du Code civil ne peut explicitement revendiquer le titre de fondement textuel au principe du consensualisme. Sont ainsi cités, pêle-mêle, les articles 1107, 1138, 1134, 1156 du Code civil et même son article 6… ;
  • l'absence de mention expresse dans le Code civil : il est patent de constater l'absence de mention du terme « consensualisme » dans le Code civil de 1804.
– Liberté de forme. – Par principe, un contrat n'est pas soumis au respect de règles de forme pour être valable. Les parties sont libres d'exprimer leur consentement sans être tenues d'accomplir un formalisme particulier. De la même manière qu'elles sont libres de contracter, les parties bénéficient de la liberté de choisir la forme de leur convention. Ainsi que nous l'avons rappelé ci-dessus, cette liberté de forme, qui complète la liberté de contracter dont elle est le corollaire, n'est limitée que par la loi.
– Supériorité du consensualisme ? – Le rejet du formalisme issu du droit antérieur et la volonté d'imprimer et de maintenir un certain modernisme dans la théorie générale des contrats ont conduit la doctrine à promouvoir le principe du consensualisme.
C'est ainsi que l'opposition proposée entre ces deux notions ne s'est pas limitée à la nécessité de définir l'une (le consensualisme) par opposition à l'autre (le formalisme), mais à faire apparaître le consensualisme comme un principe intellectuellement, juridiquement, et même moralement supérieur au formalisme.
Cette « victoire des droits modernes sur le matérialisme des législations primitives » apparaît comme « une conquête de la bonne foi », seul principe admissible « rationnellement » et « moralement », le formalisme étant même quant à lui relégué au rang « d'aberration » ! La société elle-même semble influencée par le « climat de consensualisme ou de formalisme », le consensualisme étant l'apanage d'une « conception du droit (…) moderne, dynamique, profondément intelligente ». La réticence, pour ne pas dire l'opposition de la plupart des jurisconsultes humanistes envers le consensualisme leur a également valu de paraître « rétrogrades » ou dénués « de discernement » !
Les liens entre les principes d'autonomie de la volonté et de force obligatoire des contrats avec le consensualisme expliquent en partie ces prises de position. Le fondement moral de l'adage Pacta sunt servanda , pour ne pas être récent, n'en a pas moins influencé ces deux principes et, ce faisant, favorisé l'éclosion du consensualisme lui-même.
On retrouve, d'une certaine façon, dans le principe du consensualisme les mêmes fondements qui ont justifié les principes d'autonomie de la volonté et de force obligatoire du contrat. Il en va ainsi de la morale (le respect de la parole donnée), de l'intérêt économique (la nécessité du crédit) et de la philosophie (l'homme est engagé parce qu'il l'a voulu).
Le côté pittoresque de la comparaison proposée par Antoine Loisel a d'une certaine façon renforcé l'évidence d'un principe, pour le porter en étendard, puisqu'aucun autre principe ne semblait pouvoir être retenu : « On lie les bœufs par les cornes, et les hommes par les paroles, et autant vaut une simple promesse ou convenance, que les stipulations du droict romain ».