– Plan. – Nous nous attacherons à procéder à un rappel général du principe du consensualisme (Section I) avant de revenir sur son application spécifique au contrat de vente d'immeuble (Section II).
Rappel du principe du consensualisme
Rappel du principe du consensualisme
Présentation générale
– Autonomie de la volonté et consensualisme. – Pour devenir la « loi des parties », les contrats doivent être légalement « formés ». Se pose ainsi la question de la formation des contrats pour que ceux-ci soient revêtus de la force obligatoire voulue par les cocontractants.
Par principe, les parties sont libres de décider de contracter, de définir tant les termes et conditions de leurs conventions que les modes d'externalisation de leur accord. Ce principe d'autonomie de la volonté et la liberté contractuelle qui l'accompagne n'ont pour seules limites que la loi en général, et l'ordre public qu'elle est chargée de préserver en particulier.
L'étude de la formation du contrat renvoie tant à ce principe d'autonomie qu'à la « matérialisation » de la convention. Bien que les parties puissent en décider autrement, le contrat en droit français est par principe consensuel.
– Définition. – Si le principe du consensualisme est bien cerné, il a été relevé qu'il n'était pas clairement défini, si ce n'est par opposition au formalisme. Il a ainsi été désigné comme découlant du principe de l'autonomie de la volonté et renvoyant aux actes juridiques consensuels.
Àl'inverse du formalisme, qui permet de le définir par opposition, le terme « consensualisme » est ignoré du langage courant et donc réservé au monde juridique. Le Code civil de 1804 lui-même ignore le terme de « consensualisme » en ne consacrant celui-ci que par prétérition ! Il faudra attendre l'ordonnance du 10 février 2016 pour que soit ajoutée dans la classification des contrats la distinction entre contrats consensuel, solennel et réel.
– Sources et origines du consensualisme. – Inexistant dans le Code civil, non défini dans le langage courant et simplement opposé au formalisme dans le langage juridique, le principe du consensualisme occupe néanmoins une place centrale dans la théorie générale des contrats depuis 1804.
Basé sur une opposition au formalisme et aux régimes juridiques antérieurs, il marque aussi une aspiration à la liberté de contracter.
Avant le Code civil de 1804, la formation des contrats répondait à un formalisme tout d'abord strict, allant vers un assouplissement jusqu'à l'avènement du consensualisme.
Cet avènement en 1804 répond à un grand nombre de paradoxes :
- l'absence de fondement(s) textuel(s) clairement établi(s) : ainsi que l'a relevé Vincent Forray, aucun texte du Code civil ne peut explicitement revendiquer le titre de fondement textuel au principe du consensualisme. Sont ainsi cités, pêle-mêle, les articles 1107, 1138, 1134, 1156 du Code civil et même son article 6… ;
- l'absence de mention expresse dans le Code civil : il est patent de constater l'absence de mention du terme « consensualisme » dans le Code civil de 1804.
– Liberté de forme. – Par principe, un contrat n'est pas soumis au respect de règles de forme pour être valable. Les parties sont libres d'exprimer leur consentement sans être tenues d'accomplir un formalisme particulier. De la même manière qu'elles sont libres de contracter, les parties bénéficient de la liberté de choisir la forme de leur convention. Ainsi que nous l'avons rappelé ci-dessus, cette liberté de forme, qui complète la liberté de contracter dont elle est le corollaire, n'est limitée que par la loi.
– Supériorité du consensualisme ? – Le rejet du formalisme issu du droit antérieur et la volonté d'imprimer et de maintenir un certain modernisme dans la théorie générale des contrats ont conduit la doctrine à promouvoir le principe du consensualisme.
C'est ainsi que l'opposition proposée entre ces deux notions ne s'est pas limitée à la nécessité de définir l'une (le consensualisme) par opposition à l'autre (le formalisme), mais à faire apparaître le consensualisme comme un principe intellectuellement, juridiquement, et même moralement supérieur au formalisme.
Cette « victoire des droits modernes sur le matérialisme des législations primitives » apparaît comme « une conquête de la bonne foi », seul principe admissible « rationnellement » et « moralement », le formalisme étant même quant à lui relégué au rang « d'aberration » ! La société elle-même semble influencée par le « climat de consensualisme ou de formalisme », le consensualisme étant l'apanage d'une « conception du droit (…) moderne, dynamique, profondément intelligente ». La réticence, pour ne pas dire l'opposition de la plupart des jurisconsultes humanistes envers le consensualisme leur a également valu de paraître « rétrogrades » ou dénués « de discernement » !
Les liens entre les principes d'autonomie de la volonté et de force obligatoire des contrats avec le consensualisme expliquent en partie ces prises de position. Le fondement moral de l'adage Pacta sunt servanda
, pour ne pas être récent, n'en a pas moins influencé ces deux principes et, ce faisant, favorisé l'éclosion du consensualisme lui-même.
On retrouve, d'une certaine façon, dans le principe du consensualisme les mêmes fondements qui ont justifié les principes d'autonomie de la volonté et de force obligatoire du contrat. Il en va ainsi de la morale (le respect de la parole donnée), de l'intérêt économique (la nécessité du crédit) et de la philosophie (l'homme est engagé parce qu'il l'a voulu).
Le côté pittoresque de la comparaison proposée par Antoine Loisel a d'une certaine façon renforcé l'évidence d'un principe, pour le porter en étendard, puisqu'aucun autre principe ne semblait pouvoir être retenu : « On lie les bœufs par les cornes, et les hommes par les paroles, et autant vaut une simple promesse ou convenance, que les stipulations du droict romain ».
Le consensualisme appliqué à la vente d'immeuble. Le triptyque de l'article 1583 du Code civil
– Plan. – Le principe du consensualisme ainsi rappelé au titre de la théorie générale du droit des contrats, il convient de l'appliquer désormais au contrat spécial de la vente. Et plus particulièrement à la vente immobilière qui relève directement de la compétence notariale, de sa fonction, de son ingénierie.
Cette application de la règle générale au droit spécial du contrat de vente d'immeuble implique encore une série de rappels.
Pour appréhender le consensualisme en cette matière, encore faut-il maîtriser pleinement ce qui la définit. Un retour sur la définition de ce contrat et ses conditions de formation sera tout d'abord effectué (Sous-section I).
Que les parties au contrat soient des néophytes ou des professionnels de l'immobilier, le contrat de vente immobilière nécessite un cheminement plus ou moins long devant conduire à sa formation.
Le temps et le sérieux accordés à cette étape, autant que son accompagnement par des conseils spécialisés, au premier rang desquels les notaires, conditionnent assez largement la réussite de l'opération. Dans cette acception, nous retiendrons par « opération réussie » celle n'aboutissant pas à une difficulté, voire à un contentieux entre les parties. C'est ainsi que la décision partagée par les parties de ne pas procéder à la vente peut finalement être perçue comme une forme de réussite, celle de maîtriser les échanges et d'éviter un procès par méprise, vice ou incompréhension. Le concept de vice du consentement et ses applications nous montrent combien la vente formée peut ainsi être source de difficultés. Mais c'est avant sa formation et jusqu'à celle-ci que nous allons nous arrêter pour appréhender dans un second temps le processus d'échange des consentements (Sous-section II).
Rappels sur la définition et la formation du contrat de vente
– Contrat modèle. – Le contrat de vente est présenté comme le « contrat modèle » du Code civil, l'archétype des contrats, celui qui en est la matrice, le plus soumis à la théorie générale des obligations.
– Définition et conditions de formation. – De sa définition donnée par l'article 1582 du Code civil, particulièrement sobre, il ne ressort aucun formalisme ni aucune solennité. Cette simplicité, autant que l'application du principe général du consensualisme, sont repris, s'agissant de la vente, à l'article suivant. Alors que l'article 1582 du Code civil définit le contrat de vente par renvoi aux obligations respectives du vendeur et de l'acheteur de livrer une chose (pour le premier) et d'en payer le prix (pour le second), l'article 1583 du Code civil prévoit expressément qu'il n'est point nécessaire que ces obligations aient été exécutées pour que le contrat soit formé.
C'est ainsi que la vente est « parfaite entre les parties » dès que celles-ci se sont accordées sur la chose et sur le prix. Se dégage alors le triptyque défini par l'article 1583 du Code civil pour fixer les conditions de formation du contrat de vente : un accord des parties sur la chose et sur le prix.
Àce titre donc, et par application du principe selon lequel les contrats sont consensuels, sauf exception, le contrat de vente, même appliqué à un bien immobilier, est bel et bien consensuel.
– Application aux personnes publiques. – Àla question de savoir si les dispositions de l'article 1583 du Code civil s'appliquent également aux biens appartenant à des personnes publiques, le juge administratif a répondu par l'affirmative avec la plus grande clarté. Il convient de relever que cette réponse a porté à la fois sur les biens dépendant de leur domaine privé et sur ceux dépendant de leur domaine public.
Il lui a notamment été demandé de trancher des litiges affectant les actes détachables que constituent des délibérations de conseil municipal par lesquelles un accord sur la chose et sur le prix avait été formalisé. Ces dernières, créatrices de droits pour leurs bénéficiaires puisque non conditionnées, ont eu pour effet de transférer la propriété des biens concernés.
L'intervention de circonstances tenant plus de l'exécution du contrat formé (comme le paiement du prix) ou de l'évolution du voisinage, ne peut justifier de revenir sur l'application des dispositions de l'article 1583 du Code civil. Le contrat de vente étant formé à travers les délibérations de conseils municipaux approuvant ses modalités, ceux-ci n'ont plus la possibilité d'annuler ou d'abroger postérieurement ces décisions.
– Offre de réforme du droit des contrats spéciaux (Association H. Capitant) et définition de la vente. – Une nouvelle rédaction de l'article 1582 du Code civil est proposée par l'Association Henri Capitant pour définir le contrat de vente :
« Le contrat de vente est celui par lequel le vendeur transfère la propriété ou tout autre droit réel à l'acheteur qui s'oblige à en payer un prix. Les règles du présent chapitre s'appliquent en tant que de raison aux contrats par lesquels l'acquéreur s'oblige à payer une contrepartie autre qu'un prix, ainsi qu'aux contrats par lesquels le propriétaire constitue à titre onéreux un droit réel sur un bien ».
Nous relevons ainsi l'ajout de la notion de transfert de propriété dans le corps même de cette définition. Ce transfert de propriété, qui est un effet du contrat de vente, figure à ce jour dans l'article 1583 du Code civil qui ne définit pas le contrat de vente mais fixe les conditions de formation de celui-ci. Il est donc proposé de repositionner le transfert de propriété comme élément de définition et non pas de formation du contrat de vente.
Il est également proposé de remplacer la notion de « chose », qui est l'objet même du contrat de vente dans le Code civil de 1804, par celle de « propriété ou tout autre droit réel », ouvrant ainsi le contrat de vente aux démembrements de propriété, notamment.
Enfin, l'Association Henri Capitant propose également d'étendre l'application des règles du contrat de vente aux mutations comprenant une contrepartie différente du paiement d'un prix, ce qui concerne notamment les contrats d'échange.
Le processus d'échange des consentements
– Qui dit accord dit consentement. – Le contrat de vente se trouve ainsi formé par un accord des parties sur la chose et sur le prix, quelle que soit la formalisation de cet accord.
Cet accord des parties renvoie au consentement de celles-ci. La définition classiquement retenue du consentement étant bien « l'accord de deux ou plusieurs volontés en vue de créer des effets de droit ; rencontre de ces volontés qui est la condition de la formation du contrat ».
– Subjectivité de la volonté et objectivité du consentement. – Les termes mêmes de « volonté » et de « consentement » sont régulièrement confondus, sans constituer pour autant des synonymes selon nous. Il n'est que de constater que dans la définition même du consentement ci-avant rappelée, l'un (le consentement) renvoie à l'autre (l'accord ou la rencontre de volontés).
Le Code civil lui-même use de l'un et l'autre terme. Au stade de la formation du contrat, la volonté prédomine, tandis qu'au moment d'en contester l'intégrité ou le caractère éclairé nous retrouvons le consentement.
Il n'est pas inutile de faire à nouveau appel ici à la figure du mariage mise en avant par le doyen Carbonnier pour caractériser le contrat. Il a pu être rappelé que « les mains se rencontrent mais les anneaux s'échangent » dans ce moment clé du cérémonial que l'on appelle « l'échange des consentements ».
C'est alors qu'apparaît le lien d'interdépendance entre ces deux notions distinctes, l'une (le consentement) dépendant de l'autre (la volonté). Si la volonté reste éminemment personnelle en ce qu'elle caractérise la liberté, tout du moins intellectuelle, de chacun, le consentement s'extériorise pour se matérialiser notamment dans la formation du contrat, et faire l'objet d'un échange avec le(s) cocontractant(s).
Apparaît alors plus clairement la distinction, et non l'opposition, entre la subjectivité attachée à l'expression de la volonté et l'objectivité d'un consentement résultant de cette même volonté et nécessaire, dans son expression et son intégrité, à la formation du contrat.
– Plan. – Rappeler combien et comment le principe du consensualisme s'applique au contrat de vente d'immeuble nécessite de revenir sur les étapes de la formation de ce contrat. Pour cela, trois moments sont classiquement et successivement distingués :
- il convient, dans un premier temps, de préparer la formation du contrat par la tenue d'échanges, de discussions et/ou de négociations sur l'objet même du contrat et ses principales conditions, notamment financières. Ce temps, plus ou moins long, est celui des pourparlers (§ I) ;
- vient ensuite le moment pour l'un des futurs cocontractants de transmettre une offre de contracter. C'est le temps de l'offre ou, si plusieurs devaient se succéder, des offres (§ II) ;
- enfin, le processus se terminera par le constat que les futures parties au contrat sont tombées d'accord. Leurs volontés se sont exprimées et, après divers échanges le plus souvent empreints de compromis, se muent en un consentement pouvant entraîner la formation du contrat. Nous en sommes alors au temps de l'acceptation (§ III).
La phase préparatoire : les pourparlers ou négociations précontractuelles
– Présentation. Définition. – Àtravers la réforme opérée par l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, du régime général et de la preuve des obligations, le législateur a comblé une importante lacune du Code civil. Ce dernier, en effet, n'envisageait pas les pourparlers, dont le terme même n'est pas repris (ou les négociations précontractuelles, pour reprendre une autre expression).
La conception même du contrat n'était ainsi abordée qu'à travers une jurisprudence abondante, dont les principaux enseignements se trouvent désormais consacrés dans une nouvelle section 1 « La conclusion du contrat » du chapitre se rapportant à la formation du contrat. Au sein de cette nouvelle section, la sous-section 1 est inédite en ce qu'elle réglemente « les négociations ».
Si le Code civil ne comprend toujours à ce jour aucune définition des « pourparlers », ni même n'en utilise le terme, ceux-ci peuvent se définir comme rassemblant les « entretiens préalables à la conclusion d'un accord (convention, traité), négociations et tractations préliminaires ».
– Principe de liberté. – Se situant avant la formation du contrat, les pourparlers invitent à une double réflexion portant sur l'opportunité même du contrat et sur ses principales conditions. C'est le temps où s'exerce plus particulièrement le principe d'autonomie de la volonté ou, pour ne retenir que sa traduction contemporaine, celui de liberté contractuelle.
La liberté contractuelle bénéficie d'un double fondement : constitutionnel et législatif. Le Conseil constitutionnel a ainsi jugé que la liberté contractuelle découlait ni plus ni moins de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
S'agissant du fondement législatif, cette liberté prend, dans un premier temps, sa source dans l'article 1102 du Code civil et porte ainsi tout d'abord sur le principe même du contrat, chacun restant libre de contracter ou de ne pas contracter. Au-delà, cette liberté autorise le choix du cocontractant, du contenu du contrat et de sa forme.
Une fois appliquée et exercée, cette liberté s'étend dans un second temps à la préparation et à la finalisation du contrat éventuel. La décision de contracter, la désignation du cocontractant, le choix de la forme du contrat et plus encore du contenu de celui-ci nécessitent tant une prise d'initiative qu'une période d'analyse et d'échanges. Les dispositions de l'article 1112 du Code civil organisent et listent d'une certaine façon les conditions permettant d'aboutir au plein exercice de la liberté contractuelle prévue sous l'article 1102 du Code civil.
La décision d'entamer ces discussions et échanges (le Code civil parle d' « initiative »), leur déroulé comme leur éventuelle rupture sont ainsi couverts par un principe de liberté. Il s'agit ici de ne pas anticiper sur le contrat et sa force obligatoire en maintenant les parties libres d'exprimer leurs volontés comme elles l'entendent. Concrètement, et puisque la liberté c'est « être libre, c'est ne pas être empêché de faire ce que l'on veut », cette liberté contractuelle a vocation à garantir la possibilité de rompre les discussions sans encourir de responsabilité.
– L'aménagement de la liberté de contracter par les parties aux pourparlers. Présentation. – La crainte naturelle, voire le vertige provoqué par une trop grande liberté amènent bien souvent les parties aux pourparlers à aménager le principe de liberté contractuelle. La recherche d'une plus grande efficacité dans les échanges économiques et d'une sécurité juridique accrue motive également ces entraves conventionnelles plus ou moins importantes au principe de liberté contractuelle.
S'il peut apparaître plus difficile d'aménager le démarrage ou l'initiative des pourparlers, leur déroulé et bien évidemment leur rupture peuvent utilement être conventionnellement organisés par les parties aux pourparlers. Ces aménagements peuvent porter sur l'organisation des discussions (documentation et renseignements échangés, diligences particulières devant être menées, rencontres régulières), le calendrier de celles-ci (date de remise de tels documents ou informations, délai de remise des offres), ainsi que le cas échéant sur la forme de l'éventuelle lettre d'offre, son mode de transmission (courrier électronique, lettre recommandée avec demande d'avis de réception, lettre remise en mains propres, exploit d'huissier) et les éléments attendus avec cette offre (plan de financement, statuts de société, projet de l'acquéreur, références, etc.).
Les pourparlers peuvent notamment se tenir dans le cadre d'une procédure d'appel d'offres privé permettant d'organiser en partie ou, le plus souvent, de bout en bout, le processus devant conduire le cas échéant à la formation du contrat de vente. Le principe de liberté contractuelle peut subir ici une double adaptation aux effets opposés. Cette atténuation pourra consister tout d'abord en une atténuation à la liberté contractuelle (par l'imposition de processus et de contraintes particulières, souvent à l'attention du candidat acquéreur). Cette atténuation peut aussi être doublée d'une accentuation de la liberté contractuelle, laissée le plus souvent au vendeur, de contracter ou de ne pas contracter. En effet, « la caractéristique essentielle de l'appel d'offres par pli cacheté est que le vendeur n'est pas engagé : il invite des acquéreurs potentiels à se révéler mais il se réserve lui-même la faculté de vendre ou de ne pas vendre ».
Une analyse détaillée des aménagements conventionnels au principe de liberté contractuelle dans le cadre de procédures d'appel d'offres avait été proposée par l'équipe du 99e Congrès des notaires de France. Ces développements, qui auront bientôt vingt ans, conservent toute leur actualité.
– L'aménagement de la liberté de contracter par les parties dans le cadre des pourparlers. Sanction. – Le non-respect des obligations que les parties ont souhaité aménager pour organiser la période précontractuelle ou les contraindre pendant celle-ci nécessite d'être sanctionné. Au regard de l'objectif recherché à travers ces obligations, qu'il s'agisse de respecter la confidentialité des échanges, l'exclusivité des négociations ou la loyauté de celles-ci, l'exécution forcée en nature ne semble pas pouvoir être retenue. Il apparaît en effet difficile d'imaginer un retour en arrière en cas de manquement à l'un de ces engagements. Si l'on prend l'exemple de l'engagement de confidentialité, le non-respect de celui-ci, qui se traduit par la violation d'une obligation de ne pas faire, ne peut être réparé à travers l'exécution forcée. Le mal est fait, et ne peut être réparé par l'exécution tardive dudit engagement. Faute de pouvoir invoquer efficacement l'exécution forcée en nature, le créancier de l'obligation non respectée s'en remettra à demander la condamnation en dommages et intérêts par application du principe d'exécution par équivalent.
L'accord de confidentialité est ainsi utilisé pour venir insister sur l'importance de conserver le secret des négociations (vertu pédagogique de la clause qui reprend, et le plus souvent complète, ce que prévoit d'ores et déjà le Code civil).
Appliquée à la vente d'immeuble, cette pratique permet à l'une des parties aux discussions (souvent le vendeur) de garder secrets son projet (de vendre) et ses intentions, ainsi que le contenu même des discussions (l'immeuble, les conditions financières, les modalités de financement, etc.).
La rédaction de cet engagement nécessite d'aborder notamment son objet, sa durée, et les débiteurs de celui-ci :
- Objet de l'engagement de confidentialité. Il convient tout d'abord de déterminer aussi précisément que possible l'objet même de l'engagement, c'est-à-dire la nature des informations couvertes par l'engagement de confidentialité. La précision apportée à la rédaction de cet objet permettra, notamment, de contrôler le caractère proportionné de celui-ci avec l'objectif recherché. Cet objet ne peut être ni trop large, sous peine d'être jugé disproportionné ou injustifié, ni trop étroit ou imprécis, sous peine d'inefficacité. L'engagement pourra porter sur le projet même, c'est-à-dire l'existence du projet poursuivi par l'une des parties (vendre ou acheter) ou les deux, tant il est vrai parfois que la divulgation de cette information peut être de nature à entraîner un préjudice. L'engagement pourra porter évidemment aussi sur les informations transmises au stade des pourparlers pour procéder à l'analyse du dossier et permettre à l'une des parties (le plus souvent le candidat acquéreur) d'émettre une offre.
- Durée de l'engagement. La prohibition des engagements perpétuels, désormais consacrée par le législateur, impose d'encadrer l'engagement de confidentialité dans une durée déterminée ou déterminable. En tout état de cause, il est admis que l'engagement de confidentialité n'est plus applicable dès lors que l'information considérée est parvenue à la connaissance de tous à condition, bien entendu, que le débiteur de l'obligation ne soit pas à l'origine de cette divulgation. En tout état de cause, l'absence de durée n'affectera pas cet engagement de nullité, mais permettra à chacune des parties (en ce compris donc le débiteur) de le résilier unilatéralement.
- Débiteur de l'engagement. La rédaction d'un engagement de confidentialité dans le cadre de pourparlers de vente immobilière amène le plus souvent à désigner le candidat acquéreur comme le principal débiteur de cet engagement. Cet engagement de confidentialité est de droit. L'intérêt d'y accorder une rédaction spécifique réside dans la possibilité de venir ajouter d'autres débiteurs que les seules parties aux pourparlers, futurs vendeur et acquéreur. C'est ainsi que leurs conseils y sont classiquement ajoutés : avocats, notaires, experts-comptables, fiscalistes, auditeurs techniques, architectes, etc. Il en va de même, pour les entreprises concernées, de leurs salariés, l'entreprise étant dans ce cas responsable de la divulgation par ces derniers d'une information considérée comme confidentielle.
L'engagement de confidentialité ainsi rédigé sera de nature à encadrer les pourparlers sur le sort des informations considérées par les parties comme confidentielles.
– Le développement des accords de confidentialité. – Bien que l'article 1112-2 du Code civil impose d'ores et déjà, en dehors de toute prévision contractuelle, un engagement de confidentialité, rien n'interdit aux parties aux pourparlers de venir le compléter. Certaines opérations immobilières, empruntant en ce sens au droit des affaires, usent ainsi de la signature d'engagements ou d'accords de confidentialité, appelés également Non Disclosure Agreements (NDA) (accords de non-divulgation). Le notaire a vocation à intervenir dans la rédaction et la mise en œuvre de ces engagements, et à déployer ainsi l'ingénierie qui est la sienne en droit des contrats.
– La bonne foi : limite légale au principe de liberté contractuelle. – Outre l'introduction dans le Code civil de la phase de négociations, l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, du régime général et de la preuve des obligations a également étendu le champ d'application du principe de bonne foi. C'est ainsi que la bonne foi s'applique désormais aux négociations entre les parties, sans que cette extension de son champ d'action ne dépende du juge.
Le principe même en est tout d'abord posé par le nouvel article 1104 du Code civil, lequel impose expressément la bonne foi au stade tant de la négociation que de la formation du contrat. Àl'instar des principes de liberté contractuelle et de force obligatoire des contrats, dont il constitue un tempérament de même importance, le principe de bonne foi est ainsi érigé en principe directeur du droit des contrats, par anticipation à leur formation.
Ce principe général est complété par une disposition propre aux pourparlers, qui vient « contraindre » le principe de liberté contractuelle. Chacun reste libre de contracter, mais se voit en même temps imposer l'obligation de le faire de bonne foi. En ce sens, le respect de la bonne foi peut s'analyser plus en une obligation complémentaire ou corollaire du principe de liberté contractuelle, l'un n'allant pas sans l'autre, et non comme une limite ou un tempérament à ce principe.
– La bonne foi – caractère d'ordre public. – La question s'est posée de savoir s'il était possible de modifier conventionnellement le principe de bonne foi en le complétant (fonction complétive) ou en l'atténuant (fonction modérative). Le deuxième alinéa de l'article 1104 du Code civil répond très clairement à cette question en érigeant la bonne foi en principe d'ordre public. S'il paraît toujours envisageable de compléter conventionnellement ce principe en ajoutant des éléments de contexte susceptibles d'aggraver le non-respect de la bonne foi, l'exclusion ou l'atténuation de ce principe directeur est désormais clairement condamnée.
– Principe de responsabilité extracontractuelle. – Àl'instar de toute liberté, la liberté contractuelle impose un principe de responsabilité. L'une ne s'entendant pas ou ne se justifiant pas sans l'autre.
Au cas particulier, la responsabilité venant sanctionner un comportement critiquable pendant la tenue des pourparlers relève par principe d'une responsabilité civile extracontractuelle. Le contrat ne s'étant pas encore formé, c'est en dehors du champ contractuel que la responsabilité de chacun devra être recherchée, nécessitant de justifier que les critères de faute, de préjudice et de lien de causalité soient réunis.
– Faits susceptibles d'engager la responsabilité extracontractuelle. – La liberté de contracter emportant mécaniquement la liberté de ne pas contracter, ce n'est point stricto sensu le refus de contracter qui est susceptible d'engager la responsabilité extracontractuelle. Cette responsabilité sera recherchée dans les circonstances d'une rupture ou d'un comportement considéré(e) comme n'ayant pas respecté les principes applicables aux pourparlers. La Cour de cassation vise notamment le comportement déloyal tendant à tromper la confiance du partenaire.
C'est ainsi que n'ont pas été considérées comme abusives les ruptures suivantes :
- l'arrêt des négociations entre un promoteur et la société McDonald's France dès lors qu'il n'a pas été prouvé que celle-ci avait « agi avec une légèreté blâmable constitutive d'une faute » ;
- la rupture même tardive des négociations, lesquelles se trouvaient « à un stade avancé », dès lors que le contexte de cette rupture constituait en lui-même « un motif légitime pour rompre », le commissaire aux comptes ayant conclu à la nécessité de procéder à l'ouverture de procédures collectives que la cession devait initialement permettre d'éviter.
Au contraire, les tribunaux ont reconnu la rupture abusive des pourparlers dans l'hypothèse suivante :
• la « rupture brutale et abusive » des pourparlers imputée à une société refusant au dernier moment la signature d'un bail commercial portant sur une cellule commerciale en rez-de-chaussée d'un immeuble alors même que des projets de baux avaient été échangés, dont le dernier projet intégrait l'ajout à la demande du commerçant de deux conditions suspensives (obtention de prêt et autorisations administratives) et que des frais avaient été engagés par le propriétaire à la demande du commerçant. Les difficultés financières mises en avant par l'auteur de la rupture abusive, qui « peuvent constituer un juste motif de rupture des relations précontractuelles », ne doivent pas être invoquées dans des circonstances fautives (tardives en l'espèce).
– Préjudice réparable. – Le préjudice réparable en cas de faute commise à l'occasion des pourparlers a été précisé lors de la réforme opérée en 2016. C'est ainsi que le remboursement des frais engagés ou du temps consacré à l'opération avortée peut accompagner la condamnation pour rupture abusive des pourparlers (frais de déplacement, d'études, de conseils, etc.).
La perte des bénéfices attendus de la conclusion du contrat n'est pas en tant que telle indemnisable, le législateur ayant repris en 2016 la jurisprudence constante de la Cour de cassation sur ce point. Cela se justifie par la distinction qu'il convient de faire entre le caractère fautif du comportement du retrayant à l'origine de la rupture des pourparlers, d'une part, et le contexte ayant entouré cette décision, d'autre part. Par ailleurs, retenir cette perte de chance comme préjudice indemnisable au titre de la rupture des pourparlers reviendrait à faire produire des effets à un contrat qui n'a pas été conclu. Il en va ainsi de la disparition d'un programme immobilier envisagé du fait de l'absence de signature d'un « protocole » de vente suite à la décision du propriétaire de signer avec un autre acquéreur que le promoteur initialement retenu.
– Ne pas confondre rupture abusive des pourparlers et rupture brutale des relations commerciales. – Àtravers la loi Galland du 1er juillet 1996, le législateur a modifié l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence pour créer le délit civil de rupture brutale des relations commerciales. Ce délit est désormais repris sous l'article L. 442-1, II du Code de commerce.
Bien que s'appliquant plus naturellement aux relations contractuelles établies, et donc après la formation du contrat, ce délit a vu son application étendue aux relations précontractuelles. C'est ainsi que la Cour de cassation l'a appliqué dans une hypothèse de rupture de négociations en vue de la conclusion d'un contrat d'agent commercial.
La question de la frontière entre rupture brutale des relations commerciales établies et rupture abusive des pourparlers est donc posée. D'autant que l'un et l'autre (i) engagent la responsabilité non pas en raison de la rupture du contrat mais en raison des circonstances entourant celle-ci, (ii) consistent en une application du principe de liberté contractuelle et (iii) sont à l'origine d'une responsabilité de nature délictuelle pour leur auteur.
Pour distinguer ces deux notions, il semble qu'il faille chercher l'existence ou non d'un accord des parties sur les éléments substantiels ou essentiels du contrat. Il paraît évident qu'en présence d'un accord des parties sur ceux-ci, la formation du contrat ou son application par anticipation justifierait d'appliquer le délit de rupture brutale des relations commerciales établies en lieu et place de la rupture abusive des pourparlers.
Il pourra s'agir, à titre d'illustrations :
- du non-respect d'engagements spécifiques en terme de confidentialité, venant en contradiction avec les engagements précis d'un engagement de confidentialité ;
- du non-respect d'un calendrier précisément défini entre les parties.
– Possibilité d'engager la responsabilité contractuelle. – Les parties aux pourparlers ont le loisir d'ajouter aux règles issues du Code civil d'autres conventions pour organiser leurs échanges. La responsabilité de la partie défaillante pourra dans ce cas revêtir les habits de la responsabilité contractuelle fondée sur le non-respect de cette convention (et non pas fondée sur un contrat de vente qui, par définition, ne s'est alors point encore formé).
Cette responsabilité contractuelle permettra à son créancier de demander, entre autres, réparation des conséquences de l'inexécution. L'exécution forcée en nature, désormais consacrée plus largement depuis l'ordonnance du 10 février 2016, sera également possible sous réserve qu'elle n'entraîne pas une disproportion manifeste entre son coût et l'intérêt pour le demandeur.
– Les pourparlers : une navette précontractuelle. – Les citoyens sont abreuvés d'informations de manière quasi continue, et connaissent bien à ce titre le mécanisme de la « navette législative » qui commande l'adoption de nouvelles lois. La période des pourparlers semble pouvoir être rapprochée de ce mécanisme d'allers-retours, mais souffre néanmoins une différence fondamentale : si le processus de la navette législative est par principe obligatoire dans le cadre de l'adoption de nouveaux textes, aucune obligation n'est faite de tenir ces échanges de propositions et de contre-propositions dans la perspective de la conclusion d'un contrat. Il en est même où cette étape d'échanges n'existe pas, l'une des parties n'ayant pas d'autre choix que d'accepter ou de refuser de contracter, sans qu'il lui soit possible d'apporter des changements dans ce qui lui est proposé.
– Lien entre pourparlers et contrat d'adhésion. – Un rapprochement peut être opéré avec le contrat d'adhésion. Il semble en effet naturel d'établir un lien entre l'importance accordée aux pourparlers et la qualité du consentement des parties. Le temps et le sérieux des échanges préalables à la conclusion du contrat, s'ils ne permettent pas d'écarter tout risque de difficulté ou de contentieux, seraient ainsi de nature néanmoins à le limiter. Le consentement donné par les parties y apparaît plus éclairé, plus stable, plus solide. Àl'inverse, des contrats sont conclus sans qu'aucun pourparler ne se soit tenu, la relation contractuelle s'établissant sans qu'il ait été possible d'échanger sur le contenu et les conditions du contrat qui dès lors constitue un contrat d'adhésion. Depuis la réforme opérée par l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, du régime général et de la preuve des obligations, et plus particulièrement sa loi de ratification du 20 avril 2018, le contrat d'adhésion s'est trouvé défini par renvoi à ce qui serait déterminé à l'avance par l'une des parties et exclu de toute négociation. Les conséquences attachées à la qualification de contrat d'adhésion montrent, par opposition, l'importance du processus d'échanges entre les parties à travers le processus de pourparlers. L'absence de ceux-ci entraîne intrinsèquement le risque d'une incompréhension, d'une mésentente, voire d'une frustration susceptibles de susciter, d'autant plus facilement, un contentieux si le contrat, venant à être qualifié de contrat d'adhésion, ouvrait de ce fait la voie au régime spécifique attaché à celui-ci.
Les offres de contracter
– Condition nécessaire à la formation du contrat. – Pour importante qu'elle soit pour former un contrat équilibré ou, à tout le moins, éclairé, la période des pourparlers n'est pas obligatoire pour la formation du contrat. Les parties au contrat peuvent en effet décider de se soustraire à cette période d'échanges ou de réflexion, à moins que cette situation ne leur soit imposée. Mais la formation du contrat impose de manière obligatoire la rencontre de deux volontés, une des parties offrant à l'autre de contracter, et l'autre acceptant cette offre. C'est ainsi qu'avec l'acceptation qui lui succède, l'offre est une condition nécessaire à la formation du contrat.
– Plan. – Après une rapide présentation de l'offre de contracter (A) nous rappellerons ses caractères, qui permettent aussi de la définir (B), puis ses effets dans le temps (C).
Présentation
– Définition de l'offre. – Le Code civil envisage depuis peu le processus de formation du contrat à travers l'accord de volontés. Aucune définition n'est néanmoins donnée de l'offre de contracter. Ce n'est qu'au travers des caractéristiques assignées à cette offre par le Code civil qu'une définition peut-être envisagée, l'offre étant ainsi « une manifestation de volonté, expresse ou tacite, par laquelle une personne propose à une ou plusieurs autres (déterminées ou indéterminées) la conclusion d'un contrat à certaines conditions ».
– Formalisation de l'offre. – Le principe du consensualisme ne se limite pas à la forme attachée au contrat. L'extériorisation de la volonté des parties est également soumise au principe de liberté quant à la forme prise par celle-ci. L'offre peut donc, par principe, être formalisée librement et apparaître de manière expresse ou tacite. Le Code civil prévoit ainsi que l'offre doit être prise en compte tant lorsqu'elle résulte d'une déclaration que d'un comportement, dès lors que l'un comme l'autre extériorise de manière non équivoque la volonté de son auteur. De multiples illustrations d'offres tacites peuvent être données. Il en va de même pour les offres qui, de manière obligatoire, exigent un formalisme à travers une solennité de protection. Mais qu'en est-il en matière de vente immobilière ?
Rappel de l'interdiction d'accompagner l'offre de la remise d'une somme d'argent
En tant qu'engagement unilatéral, l'offre d'achat d'un bien immobilier ne peut s'accompagner du versement d'une somme d'argent. Le Code civil prévoit en effet depuis le 1er juin 2001, sous son article 1589-1, la nullité de tout engagement unilatéral en vue de l'acquisition d'un bien ou d'un droit immobilier pour lequel un versement interviendrait, quelle qu'en soit la cause ou la forme. Un candidat à l'acquisition d'un bien ou droit immobilier ne peut ainsi être tenu de procéder à un versement au moment de l'émission de son offre, puisqu'à ce stade le vendeur n'est quant à lui pas encore engagé dans le cadre d'un contrat de vente, faute d'acceptation. Par ce biais, le législateur a voulu faire cesser la pratique dite « de réservation » consistant à exiger des candidats acquéreurs le versement de sommes d'argent dès la remise de leur offre, et alors même que le vendeur n'a pas encore immobilisé le bien en question.
Caractères de l'offre
La fermeté, quant à elle, est le plus souvent contestée par l'émetteur repentant de l'offre qui, à bien y réfléchir (et postérieurement à son acceptation), ne souhaite plus la formation du contrat. Il invoquera alors la qualification d'invitation à entrer en pourparlers en lieu et place de celle d'offre, en retenant que ses termes laissaient à penser qu'il ne souhaitait pas être lié en cas de réponse positive à travers l'acceptation du destinataire de l'offre. La fermeté de l'offre ou son absence sont parfois expressément énoncées, permettant ainsi d'éviter de douter sur les effets induits par l'acceptation de l'offre. Les difficultés et les risques de contentieux proviennent le plus souvent de l'utilisation de termes ambigus ou d'un manque de clarté dans la rédaction de l'offre. Une incompréhension pourra en résulter entre les parties, l'une (le destinataire de l'offre) pensant l'autre (son émetteur) engagé en cas d'acceptation, lorsque le sentiment inverse prédomine réciproquement pour l'offrant. S'il était interrogé par ses clients ou, encore mieux, était sollicité pour les accompagner dès l'étape de rédaction de l'offre, le notaire pourrait éviter ces difficultés par l'utilisation de termes clairs de nature à qualifier correctement l'offre, et réduisant ainsi les risques de contestation et de contentieux entre les parties.
Àtitre d'illustrations :
- a été qualifié d'offre ferme (et donc engageante en cas d'acceptation) :– le document intitulé « proposition foncière » contenant une durée de validité, l'identification du terrain, le prix offert, le programme immobilier envisagé, ainsi que la mention « en cas d'accord sur la présente proposition, nous vous proposons d'établir et de conclure une promesse unilatérale de vente par-devant notaire, après validation de notre comité d'engagement foncier ». Il a pu être retenu que la fermeté de l'offre soit au cas présent déduite de sa grande précision, bien que ces deux critères soient usuellement appréciés séparément ;
- ont au contraire échappé à cette qualification :
– Précision et fermeté de l'offre. – Quel que soit le contrat concerné, l'offre doit tout autant être ferme que précise. Àdéfaut, il ne s'agira que d'une invitation à entrer en négociation, de sorte que son acceptation n'engagera, le cas échéant, que le bénéficiaire de l'offre s'il venait à l'accepter. En effet, l'invitation à entrer en pourparlers débouchant sur une véritable offre de celui qui en a été destinataire (dans l'hypothèse où son acceptation contient quant à elle les termes d'une offre ferme et précise), peut indirectement entraîner la formation du contrat si, à son tour, cette offre véritable était acceptée (par l'émetteur de la première offre donc…).
S'agissant de la précision en matière de contrat de vente d'immeuble, elle s'entend de la reprise a minima des deux critères essentiels du contrat de vente : la chose et le prix. C'est ainsi qu'une offre consentie moyennant un « prix à débattre » ne peut-être qualifiée d'offre au sens de l'article 1114 du Code civil.
– Offre de contracter et promesse de contrat. – L'offre de contracter relevant de l'article 1114 du Code civil ne doit pas être confondue avec la promesse de contrat. Engagement unilatéral l'un comme l'autre, ces manifestations de volonté ont pour frontière commune la formation d'un contrat, résultant de l'acceptation par son bénéficiaire. C'est ainsi que, dans le cas de l'offre de contracter, le contrat n'est pas encore formé, faute d'acceptation par le destinataire de l'offre. Àl'inverse, la promesse de contrat suppose qu'un contrat ait été formé en raison de l'acceptation de cette promesse par son bénéficiaire. Il en va ainsi de la promesse unilatérale de vente ou d'achat par exemple. La distinction, récemment rappelée par la Cour de cassation, est importante en pratique. En nous situant avant la formation du contrat, l'offre de contracter connaîtra un régime spécifique de rétractation ne pouvant engager que la responsabilité extracontractuelle de l'offrant. En sens contraire, la promesse de contrat est engageante pour « l'offrant » ou le « promettant », tant que cette promesse n'est pas frappée de caducité en raison de l'écoulement du temps notamment. Le promettant ne peut ainsi rétracter sa promesse de contrat sans s'exposer au régime d'une responsabilité contractuelle.
– Nature de l'offre émise par le mandataire du vendeur. – L'hypothèse est très courante en pratique d'une mise en vente d'un bien immobilier après que le vendeur a confié un mandat à un agent immobilier. La question s'est posée de savoir si le mandat signé mettait le vendeur, mandant au titre du mandat, en position d'offrant à l'égard d'acquéreurs potentiels. Une réponse positive conduirait le vendeur à se retrouver engagé dès lors que l'offre ainsi émise par l'intermédiaire de son mandataire était acceptée. La jurisprudence est désormais établie sur ce sujet, et considère qu'il convient de distinguer selon la nature du mandat régularisé.
Si le mandat se trouve rédigé dans les termes de l'article 72, alinéa 3 du décret du 20 juillet 1972, le mandataire est investi de la mission de vendre le bien en question. Il a donc la faculté d'engager le vendeur à travers l'émission de véritables offres qui, en cas d'acceptation, entraînent la formation de la vente.
Àl'inverse, à défaut d'une telle rédaction, la mission confiée au mandataire se trouve limitée à la simple recherche d'un candidat acquéreur. Une relation triangulaire est alors établie entre un vendeur, un potentiel acquéreur et l'agent immobilier. Les échanges entre l'agent immobilier et le candidat acquéreur ne sont pas, dans ce cas, susceptibles d'entraîner la formation de la vente et, partant, de justifier une quelconque demande en exécution forcée de la vente.
Effets de l'offre dans le temps
– Acceptation et formation du contrat. – L'offre de contracter n'emporte pas la formation du contrat, laquelle est reportée à l'acceptation qui en sera faite. Schématiquement, le processus conduisant à la formation du contrat de vente peut être représenté de la manière suivante (Figure 8) :
Outre la formation du contrat, l'acceptation aura aussi un impact direct sur la possibilité pour l'offrant de révoquer son offre.
– Révocabilité de l'offre. Principe de liberté. – L'offre n'ayant pas encore été acceptée reste, par principe, révocable par le pollicitant. Puisque le contrat n'est pas encore formé, en l'absence d'acceptation, le pollicitant est encore libre de ne pas contracter (par anticipation avec ce qui serait sa situation en cas d'acceptation de l'offre). Il s'agit ici d'une application du principe de liberté contractuelle emportant la liberté de contracter ou de ne pas contracter. Les circonstances accompagnant cette révocation pourront le cas échéant rendre celle-ci fautive et engager la responsabilité du pollicitant, sans pour autant empêcher celui-ci de faire obstacle à la formation du contrat. Plusieurs hypothèses sont à distinguer.
– Révocabilité de l'offre. Les hypothèses. – Tout d'abord, l'offre est-elle parvenue à son destinataire ? Dans la négative (Figure 9), le destinataire n'a pas encore été en mesure d'accepter l'offre et la rencontre des volontés n'a pas pu s'opérer. Le contrat ne peut donc être formé avant que l'offre ne soit rétractée, de sorte que la rétractation est à la fois efficace et libre. C'est le principe consacré par l'article 1115 du Code civil dans sa rédaction adoptée suite à la réforme issue de l'ordonnance du 10 février 2016. Dans l'hypothèse où l'offre est parvenue à son destinataire avant sa rétractation, il convient à nouveau de distinguer deux hypothèses. Cette offre a-t-elle été acceptée avant que le pollicitant ne se rétracte ? Dans l'affirmative, le contrat a été formé, de sorte que la rétractation n'est par principe plus possible, le pollicitant étant désormais engagé dans le cadre d'un contrat et responsable contractuellement de sa bonne exécution. Àl'inverse, si la rétractation intervient avant toute acceptation de l'offre, le contrat ne peut se former, la rétractation reste possible et efficace mais peut néanmoins apparaître fautive en fonction du moment où elle intervient.
– Révocabilité de l'offre. Synthèse. – La lecture des dispositions de l'article 1115 du Code civil fait donc émerger plusieurs périodes successives. C'est ainsi qu'apparaît tout d'abord une période de rétractation efficace de l'offre, laquelle est elle-même scindée en une période de rétractation libre, suivie d'une période de rétractation tout aussi efficace mais susceptible d'engager la responsabilité du pollicitant décidant de se rétracter (Figure 9).
Une rétractation intervenant pendant cette période sera efficace en ce qu'elle empêchera la formation du contrat de vente, peu important que le destinataire de l'offre n'en ait pas encore été informé (Figure 10). Par suite de cette rétractation efficace, le contrat de vente ne peut être formé (Figure 11). Une acceptation de l'offre postérieurement à sa rétractation sera inefficace (Figure 12).
– L'émission de la rétractation prime-t-elle sur la réception de l'offre ? – Une lecture stricte de la rédaction retenue de l'article 1115 du Code civil soulève une difficulté pratique : que se passe-t-il si l'envoi (et non la réception) de la rétractation de l'offre par le pollicitant précède la réception de l'offre par son destinataire ?
Le silence, ou plus exactement le manque de précision de l'article 1115 du Code civil laisse à penser que l'émission seule de la rétractation est suffisante, sans attendre que celle-ci parvienne au destinataire de l'offre. Ce destinataire peut donc légitimement recevoir une offre qu'il croit valable, et l'accepter, alors même qu'entre-temps l'offrant a décidé de se rétracter et lui a transmis cette décision (qui ne lui est donc pas encore parvenue) (Figure 13).
Cette lecture stricte est renforcée, à la faveur d'un raisonnement a contrario, par la rédaction de l'article 1118, alinéa 2 du Code civil, issu également de l'ordonnance du 10 février 2016. En précisant que la rétractation de l'acceptation de l'offre doit, pour être efficace, être parvenue à son destinataire (le pollicitant) avant l'acceptation, nous en déduisons par opposition que l'absence de cette précision pour la rétractation de l'offre initiale exonère celle-ci de cette obligation, rendant ainsi efficace la rétractation de l'offre dès son émission.
Àtitre d'illustration, prenons l'exemple d'une offre émise le 1er février, et réceptionnée par le destinataire le 6 février. Le pollicitant décide et émet sa rétractation le 10 février, laquelle ne parviendra au destinataire de l'offre initiale que le 16 février. Une acceptation le 10 février de l'offre, soit postérieurement à l'émission de sa rétractation (acceptation qui sera, par définition, réceptionnée encore ultérieurement par le pollicitant) ne formera pas le contrat et ne pourra pas être considérée comme fautive.
– L'offre contient-elle une durée de validité ? – Outre la réception de l'offre par son destinataire, se pose également la question de la durée de l'offre. En partant de l'hypothèse que l'offre a été réceptionnée par son destinataire, qu'elle n'a pas été efficacement rétractée au préalable ni acceptée par le destinataire, deux situations peuvent ici aussi se présenter. Dans une première hypothèse, l'offre émise contient une durée. Le pollicitant est tenu de maintenir son offre et, par principe, ne peut pas se rétracter avant l'expiration de cette durée. Dans une seconde hypothèse, l'offre ne contient pas de durée. Le pollicitant est dans ce cas tenu de la maintenir pendant un « délai raisonnable ». L'interdiction faite au pollicitant de rétracter son offre avant l'expiration du délai prévu dans celle-ci (premier cas) ou d'un délai raisonnable (second cas) fixe les contours d'une rétractation considérée comme fautive, mais néanmoins efficace. Le législateur a en effet décidé d'accorder à cette rétractation, pourtant fautive, l'efficacité recherchée par le pollicitant, partant du principe qu'elle empêchait en toute hypothèse la rencontre de volontés et donc la formation du contrat dès lors qu'elle intervenait avant la réception de son acceptation par le destinataire de l'offre.
– Quelle responsabilité en cas de rétractation fautive de l'offre ? – La rétractation, même fautive, de l'offre faite empêche la formation du contrat. Le législateur en a donc logiquement déduit que le pollicitant, auteur d'une rétractation efficace bien que fautive puisque ne respectant pas le délai prévu à l'offre ou, à défaut de délai, un délai raisonnable, engage sa responsabilité extracontractuelle. Il est ici fait application de la responsabilité retenue en matière de rupture abusive des pourparlers. Puisque le contrat n'est pas formé, il est vrai que les parties n'ont pas quitté la période de discussions préalables à sa conclusion. Nous relevons d'ailleurs que le parallèle fait entre la révocation fautive d'une offre avec la rupture abusive des pourparlers s'étend aux limites du préjudice indemnisable. Dans l'un comme dans l'autre cas, la responsabilité extracontractuelle ne peut s'étendre à la compensation de la perte des avantages attendus du contrat.
Conseil pratique : de l'importance de prévoir une durée de validité à l'offre
Àtravers la réforme opérée par l'ordonnance du 10 février 2016, le législateur a décidé d'enfermer la validité des offres dans un « délai raisonnable » dès lors que le pollicitant n'a pas lui-même apporté cette précision.
Cela revient à renvoyer à l'appréciation souveraine des magistrats pour définir le délai qui devait « raisonnablement » être accordé au destinataire de l'offre pour décider d'accepter ou non celle-ci.
Cette appréciation se fera au regard des circonstances de fait et notamment de la qualité des parties autant que de l'importance de l'opération. Il est donc fortement recommandé de conseiller au pollicitant de prévoir lui-même le délai de validité de son offre. Outre l'opportunité de cette précision pour apporter de la clarté et de la prévisibilité dans les échanges entre les parties, il s'agira surtout d'éviter, en cas de contestation, de reporter cette appréciation à celle du magistrat du fond.
– Caducité de l'offre. Hypothèses. – Outre l'acceptation de l'offre qui entraînera non pas sa disparition, mais la transformation d'un engagement unilatéral en engagement bilatéral résultant de la formation du contrat, l'offre peut également être frappée de caducité dans deux hypothèses : l'expiration du délai pour lequel elle a été consentie (ou, à défaut, expiration d'un délai raisonnable) et l'incapacité ou le décès de l'auteur de l'offre.
Ces hypothèses sont expressément visées par l'article 1117 du Code civil. Si l'hypothèse d'expiration du délai convenu ou du délai raisonnable résulte directement de l'ordonnance du 10 février 2016, il aura fallu attendre la loi du 20 avril 2018 pour que la caducité en cas d'incapacité ou de décès de l'auteur de l'offre soit étendue au cas de décès de son destinataire.
S'agissant du refus de l'offre par son bénéficiaire, la question s'est posée de savoir si elle libérait mécaniquement le pollicitant et rendait caduque son offre. Si de nombreux textes ainsi que l'avant-projet Catala tendent à admettre la caducité de l'offre essuyant un refus de la part de son destinataire, une autre lecture consisterait à limiter les hypothèses de caducité à celles expressément et limitativement prévues sous l'article 1240 du Code civil. Un droit de repentir serait ainsi offert au destinataire de l'offre, d'autant plus dangereux pour l'offrant si la durée de validité de celle-ci est longue, plus grave encore si aucune durée n'a été prévue, renvoyant ainsi au concept de délai raisonnable. La réforme opérée en 2016 n'apporte pas de réponse à cette question. Rien ne semble néanmoins interdire de convenir que le refus de l'offre entraînera automatiquement sa caducité. Ici aussi, l'intervention du notaire pour vérifier l'ajout de cette mention serait de nature à sécuriser les relations entre les parties et éviter un contentieux.
Les risques attachés à une acceptation de l'offre avec réserves
Bien que traditionnellement analysé comme une nouvelle offre, l'acceptation avec réserves ou l'apport de précisions peut également s'avérer engageant pour l'offrant. En effet, et notamment dans l'hypothèse où l'offre initialement émise s'avérait suffisamment précise (et ferme) pour constituer une offre, mais néanmoins succincte sur les modalités de réalisation de la vente, il est possible que l'offrant reçoive en retour une acceptation marquant à la fois l'accord du bénéficiaire de l'offre sur les termes de celle-ci, et des compléments qui pourraient ne pas lui convenir. L'absence de mention de cette situation dans l'offre initiale expose l'offrant au risque de se retrouver engagé dans des conditions qui ne lui conviennent pas.
Afin d'éviter cette situation, il paraît opportun de prévoir expressément dans l'offre initiale qu'un retour sur celle-ci comportant des réserves ou contre-propositions ne pourra entraîner la formation du contrat.
La rédaction suivante pourrait être retenue :
« Les éléments de la présente offre, pris dans leur ensemble, constituant des éléments essentiels pour l'offrant, la présente offre sera automatiquement caduque en cas d'acceptation avec réserves ou de contre-proposition émanant de son destinataire. Cette caducité fera obstacle à son acceptation ultérieure ».
– Vers une caducité « relative » des offres. – La question s'est posée de savoir qui, de l'émetteur ou du destinataire de l'offre, pouvait invoquer sa caducité. La Cour de cassation a eu récemment l'occasion d'y apporter une réponse, sous l'empire des textes applicables avant la réforme de 2016, en indiquant, dans l'hypothèse d'une offre dont la durée de validité avait expiré, que seul l'offrant pouvait se prévaloir de l'expiration du délai de l'offre. Rien ne semble empêcher l'application de cette jurisprudence aux contentieux fondés sur les textes issus de la réforme de 2016. De la même manière, si la Cour de cassation se prononce ici sur une hypothèse spécifique de caducité (l'expiration du délai), rien ne semble restreindre ce principe qui dès lors devrait pouvoir trouver application aux autres hypothèses de caducité (incapacité ou décès notamment). C'est ainsi qu'il a pu être proposé de dégager de cette jurisprudence un principe de « caducité relative » qui, à l'instar de la nullité relative, ne pourrait être évoquée que par celui-là même que ce motif de caducité a vocation à protéger. Qu'il s'agisse de l'offrant (expiration du délai, incapacité ou décès) ou du destinataire de l'offre (décès), il paraît naturel de réserver à celui que la loi a décidé de protéger à travers ce motif de caducité la possibilité d'invoquer cette caducité.
L'acceptation de l'offre
– Condition nécessaire à la formation du contrat. – Àl'instar de l'offre, et pour les mêmes raisons que celle-ci, l'acceptation est une condition nécessaire à la formation du contrat. Elle permet en effet de constater la rencontre de deux volontés, le destinataire de l'offre acceptant la proposition de contracter que lui a préalablement transmise le pollicitant.
– Définition de l'acceptation. – Contrairement à l'offre, l'acceptation bénéficie d'une définition dans le Code civil remanié en 2016. C'est ainsi qu'elle consiste en une « manifestation de volonté de son auteur d'être lié dans les termes de l'offre ».
– Formalisation de l'acceptation. – Le principe du consensualisme est applicable à l'acceptation comme il l'est à l'offre de contracter. Cette manifestation de volonté peut ainsi se révéler d'une manière quelconque, dès lors qu'elle ne suscite pas l'équivoque. C'est ainsi que l'acceptation peut être expresse ou tacite, le silence pouvant même être efficace sous certaines conditions.
Conseil pratique : de quelques aménagements conventionnels qu'il est opportun de prévoir dans l'attente de l'acceptation
Soumise, tout comme l'offre, au principe du consensualisme, l'acceptation de l'offre de contracter se voit appliquer certaines règles peu adaptées au contrat de vente d'immeuble. Il en va ainsi de la liberté de forme au titre de l'acceptation, cette dernière pouvant être expresse ou tacite, dès lors qu'elle manifeste sans équivoque l'intention de son bénéficiaire d'être tenu par son acceptation. Le silence a même été ajouté au rang des modalités possibles pour « formaliser » une acceptation.
Afin de sécuriser le pollicitant et, plus globalement, l'ensemble des parties, il est donc opportun d'ajouter à l'offre certaines mentions venant contraindre l'acceptation en lui imposant un certain formalisme.
Il est ainsi possible d'imposer, par exemple :
- un retour écrit (le cas échéant sous la forme d'une lettre recommandée, d'une lettre remise en main propre ou d'un exploit d'huissier). Le courrier électronique peut également être envisagé, notamment avec la mise en place d'accusés de réception et/ou de lecture ;
- l'envoi de documents détaillant, par exemple, la solvabilité de l'acquéreur (aura-t-il besoin d'un financement ? Si oui, dispose-t-il d'une lettre d'intention de ses financeurs ?) ou le projet qu'il souhaite développer (aura-t-il besoin d'un permis de démolir ou de construire ?) ;
- l'énoncé des éventuelles conditions suspensives ;
- les délais prévus pour la finalisation de l'opération (délai de signature d'une promesse de vente, de la vente…) ;
- etc.
Ces précautions auront une double finalité : éviter d'accorder à une acceptation non formalisée le caractère d'une acceptation véritable et engageante au sens des articles 1118 et suivants du Code civil, et permettre au pollicitant de disposer de plus d'informations et d'engager le bénéficiaire de l'offre sur celles-ci.
Elles pourront néanmoins entraîner une requalification de cette acceptation en nouvelle offre. Dans la mesure où les mentions ainsi nouvellement apportées viendront compléter l'offre initiale en raison de discordances avec celle-ci, ce retour ne pourra être analysé comme une acceptation mais pourra au contraire constituer une nouvelle offre, elle-même soumise à l'acceptation de l'offrant initial.
– Acceptation pure et simple. – L'acceptation doit bien évidemment respecter le délai dans lequel l'offre reste valable (que ce dernier soit expressément fixé ou qu'il faille renvoyer à la notion de délai raisonnable), mais également être « pure et simple ». Le législateur de 2016 est venu préciser ce qu'il fallait entendre ainsi en spécifiant qu'il doit s'agir d'une acceptation par laquelle son auteur consent à être lié dans les termes de l'offre. C'est ainsi que l'acceptation avec réserves, ou contenant des non-conformités avec l'offre initiale, consistera en une nouvelle offre soumise, à son tour, à l'acceptation du pollicitant initial.
– Rétractation de l'acceptation. – Le contrat se forme par la rencontre et la concordance d'une offre valable et d'une acceptation pure et simple. Cette formation n'intervient néanmoins que lorsque l'acceptation parvient au pollicitant. Il ne suffit pas que des volontés concordantes existent (le bénéficiaire de l'offre marquant et émettant son acceptation au pollicitant), encore faut-il que cette acceptation soit parvenue au pollicitant. Le Code civil consacre ainsi la théorie de la réception au détriment de la théorie de l'émission. Cette consécration n'est pas sans incidence sur les règles applicables à la rétractation de l'acceptation. Tout comme l'offre de contracter peut faire l'objet d'une rétractation, l'acceptation d'une offre peut elle aussi être rétractée. Nous avons eu l'occasion de relever une différence importante en pratique : alors que la seule émission de la rétractation de l'offre avant la réception de l'acceptation suffit, il est nécessaire, à l'opposé, que la rétractation de l'acceptation de l'offre soit parvenue à l'offrant avant l'acceptation initiale pour qu'elle soit opposable, et éviter ainsi la formation du contrat.
Le principe du consensualisme appliqué à la vente d'immeuble
L'article 1583 du Code civil exprime en des termes clairs les trois conditions entraînant la formation du contrat de vente, qu'il porte sur un immeuble ou un meuble.
Se dégage ainsi un triptyque formé d'un consentement des parties (premier élément), portant sur la chose (deuxième élément) et sur le prix (troisième élément).
Les parties ont la possibilité de convenir d'un report de cette formation de la vente à la réalisation d'un ou plusieurs autres événements (par ex. : signature d'un acte authentique). Àdéfaut, le contrat sera automatiquement formé et a vocation à emporter ses effets dès que les trois critères légaux se trouvent réunis.
L'Association Henri Capitant a ainsi élaboré et remis à la Chancellerie deux offres de réforme du droit des contrats spéciaux en juin 2017 puis en avril 2020.
De prime abord, les auteurs de ce projet ont choisi de réaffirmer l'application du principe du consensualisme à la vente d'immeuble.
Pouvons-nous en déduire que toute discussion sur ce principe du consensualisme, appliqué à la vente immobilière, est ainsi écartée par l'éminente association ?
Nous nous permettrons d'en douter pour trois raisons :
- tout d'abord, nous relevons que les auteurs de cette offre de réforme indiquent eux-mêmes que le principe du transfert de propriété solo consensu « pouvait être discuté en termes de réalité pratique et d'opportunité » ;
- il est ensuite précisé qu'une remise en question de ce principe aurait nécessité d'importantes modifications dépassant la mission du groupe de travail, notamment en matière de publicité foncière. Ainsi que nous le verrons plus loin dans nos développements, ces ajustements seront abordés dans le cadre de nos travaux (V. infra, nos et s.) ;
- enfin, et c'est probablement l'argument fondamental, le groupe de travail a pris appui sur l'ordonnance du 10 février 2016 en ce que celle-ci a réaffirmé le principe du transfert de propriété solo consensu avec la plus grande netteté à travers son article 1196, alinéa 1 du Code civil.
–
Quid
du consensualisme à la veille d'une réforme des contrats spéciaux ? – Dans le prolongement de l'importante réforme ayant conduit à modifier en profondeur le droit commun des contrats à travers l'ordonnance du 10 février 2016, s'est posée la question d'y adjoindre une réforme du droit des contrats spéciaux.
C'est ainsi que, bien que « le principe du transfert solo consensu pouvait être discuté en termes de réalité pratique et d'opportunité », les auteurs du projet n'ont pas « souhaité revenir sur celui-ci ».
Nous ne retiendrons que ce dernier point dont nous ne partageons pas la conclusion. Il est vrai qu'à travers le nouvel article 1196 du Code civil, le principe de transfert de propriété dès la formation du contrat de vente s'est trouvé réaffirmé.
Le texte de l'article 1196 du Code civil nous semble traiter ou rappeler l'un des effets immédiats et fondamentaux du contrat de vente, à savoir le transfert de propriété. Il n'est pas fait mention ici, nous semble-t-il, des effets induits du consentement sur le transfert de propriété, d'autant que, comme nous l'avons rappelé, ce consentement n'entraîne pas la formation du contrat de vente sans un accord sur la chose et sur le prix. La formation de la vente entraîne effectivement le transfert de propriété. C'est ce principe qui nous semble rappelé par l'article 1196 du Code civil, non pas celui qui commande à ce jour la formation du contrat de vente, figurant sous l'article 1583 du même code.
Notre réflexion consistera, non pas à modifier le principe de transfert de propriété une fois la vente conclue, mais à reporter la date de formation du contrat. Cette évolution ne nous paraît pas contradictoire avec la réforme récemment opérée par l'ordonnance du 10 février 2016.