L'obligation réelle environnementale à vocation patrimoniale

L'obligation réelle environnementale à vocation patrimoniale

– Un succès mitigé. – Les chiffres repris ci-dessus le montrent : on ne peut pas dire que l'ORE suscite un réel enthousiasme de la part des propriétaires fonciers qui seraient susceptibles de s'engager. Il faut donc tenter de comprendre cette réticence générale.
Le rapport précité du gouvernement remis au Parlement pointe un certain nombre de raisons expliquant, selon ses rédacteurs, ce faible succès : le caractère novateur du dispositif nécessitant un temps d'appropriation par les acteurs, l'existence d'autres dispositifs contractuels en matière environnementale, la difficulté à disposer des compétences nécessaires, notamment.
Une raison nous semble cependant plus décisive : la possible perte de valeur du bien grevé de l'ORE. Cela peut facilement se comprendre, car outre les engagements pris par le propriétaire et transmissibles au cessionnaire, la durée potentiellement longue du contrat peut également être un frein important à la possibilité de céder au meilleur prix l'assiette foncière sur laquelle elle repose.
– Un régime fiscal favorable mais insuffisant. – Ainsi que nous l'avons vu, le régime fiscal des ORE présente une relative attractivité, du moins au moment de sa souscription, puisque sa régularisation est exonérée de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière, ainsi que de la contribution de sécurité immobilière. Il faut cependant croire que ces dispositifs favorables ne suffisent pas. Signalons également la possibilité d'exonération des terrains grevés d'une ORE de la part communale des taxes foncières aux intercommunalités à fiscalité propre, mais à la condition que le dispositif ait fait l'objet d'une délibération en ce sens.
– Pistes de réflexion pour améliorer l'attractivité de l'ORE patrimoniale. – L'avantage fiscal semblant donc insuffisant, un certain nombre de suggestions ont été faites, parmi lesquelles une proposition portée par le 114e Congrès des notaires de France visant à exonérer de toute imposition la contrepartie reçue par le propriétaire du fonds supportant une ORE. Si la proposition a été adoptée en séance de ce congrès, il faut avouer qu'elle a été fraîchement accueillie par les pouvoirs publics : visée dans le rapport du gouvernement au Parlement sur la mise en œuvre du mécanisme d'obligations réelles environnementales et sur les moyens d'en renforcer l'attractivité (précité), voici la réponse apportée par le gouvernement : « Cette proposition (…) se heurte à l'obstacle majeur que constitue l'hétérogénéité de la qualité ou de l'ambition des mesures pouvant figurer dans un contrat ORE, ce qui est problématique pour justifier la dépense fiscale. Ainsi exonérer de toute imposition (ou prévoir un abattement ou un crédit d'impôt) la contrepartie versée, le cas échéant au propriétaire du terrain support d'une ORE n'est d'aucune efficacité pour la préservation de l'environnement sans garantie sur le contenu du contrat. Àl'inverse, l'exonération paraît excessive au regard de la modestie potentielle des obligations prévues par un contrat ORE ».
Plusieurs objections peuvent être apportées selon nous à cette réponse pour le moins contestable :
  • si l'on comprend bien, les auteurs du rapport critiquent le virtuel manque d'ambition du régime de l'ORE (l'hétérogénéité de la qualité ou de l'ambition…) pour en tirer l'argument de l'impossibilité d'y affecter des ressources budgétaires. Pourtant ce régime dépend d'un seul article du Code de l'environnement, et l'on aurait pu s'attendre à ce que la proposition soit mieux accueillie dans son principe, et accompagnée d'une recommandation d'amélioration législative du texte comme préalable nécessaire à l'octroi d'un régime fiscal de faveur. Comme par exemple une proposition d'élaboration d'un vrai régime de l'ORE comprenant une liste, même non exhaustive, d'engagements susceptibles de faire l'objet de contrepartie financière. Cela nous semblerait plus cohérent ;
  • les auteurs du rapport reprochent également l'absence de garantie sur le contenu du contrat. Là encore, à défaut de dispositions législatives sur le sujet, le reproche paraît injuste, et rien n'empêcherait une modification du texte à cet égard. Il est vrai que le droit commun de l'ORE ne prévoit pas de sanction pour le propriétaire ne respectant pas ses obligations nées de l'ORE régularisée avec un cocontractant habilité à le faire. Pourtant, là encore, et sans qu'il soit besoin de modifier le texte, on pourrait très bien imaginer qu'un régime de sanctions soit contractuellement déterminé pour chaque contractant selon les engagements souscrits, dont on rappelle qu'ils doivent être réciproques selon le texte. Le rôle du notaire, en tant qu'ingénieur de la convention, sera alors renforcé dans l'élaboration du contrat d'ORE car il devra imaginer les sanctions pouvant être contractualisées, leur mise en œuvre, et les moyens de contrôle.
Il nous semble donc que le meilleur moyen de renforcer l'attractivité de l'ORE patrimoniale est encore l'avantage fiscal l'accompagnant. Àce titre, nous pouvons citer à nouveau l'exemple des conservation easements en droit américain : dans ce cadre légal, le propriétaire bénéficie de différents régimes de faveur en matière de fiscalité, allant de la déduction d'impôt foncier au bénéfice d'un crédit d'impôt, en passant par une déduction sur les revenus imposables.
Dans le même registre, une extension du régime de faveur applicable aux transmissions de bois et forêts, tel que nous l'avons étudié dans le chapitre précédent, pourrait être utilement prévue. La conclusion d'une ORE pourrait donc entraîner la soumission à ce régime de faveur en matière de détention (IFI) ou en matière de transmission à titre gratuit. Notons toutefois, là encore, le refus du gouvernement d'envisager cette solution.