L'imprévu affectant les parties au contrat

L'imprévu affectant les parties au contrat

– Multiplicité d'événements. – L'événement imprévu par les parties peut être heureux, porteur de chance, ou au contraire malheureux. En ce qu'il est susceptible d'affecter l'exécution du contrat, l'événement imprévu que nous envisagerons sera perçu négativement, en ce sens qu'il correspond à une perte ou une dégradation de la situation existante au jour de l'avant-contrat de vente d'immeuble. Appliquée aux parties au contrat, cette orientation renvoie immédiatement à la capacité des parties à l'acte. Cette capacité peut ainsi être affectée par une dégradation de la capacité des parties entre l'avant-contrat et la vente définitive (mise en place d'un régime d'incapacité, surendettement, procédure collective) ou par le décès d'une partie à l'acte.
– Double distinction. – L'appréciation de ces situations imprévues nécessite de distinguer entre les parties à l'acte, en envisageant l'imprévu affectant le promettant/vendeur, d'un côté (§ I), et l'imprévu affectant le bénéficiaire/acquéreur, d'un autre côté (§ II). Cette distinction sera doublée d'une seconde, se rapportant cette fois-ci à la nature même de l'avant-contrat régularisé, les règles applicables à l'imprévu nécessitant de distinguer entre promesse unilatérale et promesse synallagmatique de vente.
– Objectif du notaire : transformer l'imprévu en incertain. – Àtravers la rédaction qu'il proposera dans son acte, le notaire devra amener les parties à prévoir ce qu'elles n'avaient pas prévu. En prévoyant l'imprévu, le notaire transforme celui-ci en incertain, permettant d'organiser contractuellement les conséquences attachées à sa survenance.

L'imprévu affectant le promettant/vendeur

– Rappel de la nature de l'engagement du promettant/vendeur. – Qu'il s'agisse d'une promesse unilatérale de vente ou d'une promesse synallagmatique de vente, l'engagement de vendre consenti par le promettant/vendeur est définitif. C'est ainsi que, dans le cadre d'une promesse unilatérale de vente, le promettant est définitivement engagé. S'agissant de la promesse synallagmatique, celle-ci « vaut vente » de sorte que l'engagement du vendeur est également définitif. La fermeté de l'engagement du promettant/vendeur au jour de la signature de la promesse de vente nécessite que sa capacité soit appréciée au jour de la promesse. Ce principe n'est pas sans conséquence en cas de survenance d'événements imprévus par les parties entre la promesse et la vente.
– Le décès du promettant/vendeur. – Le décès du promettant/vendeur ne rend pas la promesse caduque. C'est une conséquence directe et une illustration bien établie du principe selon lequel la capacité du promettant/vendeur s'apprécie au jour de la promesse et non au jour de la vente. Dans le prolongement de ce qu'a pu décider la Cour de cassation en cas de décès du pollicitant avant que l'offre, encore valable, ne soit acceptée, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a confirmé que la promesse unilatérale de vente survivait au décès du promettant. Le fait même quel'héritier du promettant soit mineur ne change pas la solution, puisque c'est au jour de la promesse qu'il convient d'apprécier la capacité du signataire, en l'occurrence du promettant encore vivant. L'obligation du promettant est transmise passivement à ses héritiers, engagés au nom de la succession et non pas en leur nom propre. La solution retenue en matière de promesse unilatérale de vente est transposable en cas de décès du vendeur signataire d'une promesse synallagmatique de vente. Le caractère imprévu du décès et les perturbations qu'il entraîne ne peuvent constituer un cas de force majeure pour les héritiers du promettant/vendeur, tenus d'exécuter la promesse signée avant le décès. Elle est d'ailleurs bien souvent retenue dans les promesses de vente signées, quelle qu'en soit la forme (unilatérale ou synallagmatique), les notaires ayant pris pour habitude de prévoir une clause de reprise d'engagement des engagements du promettant/vendeur par ses ayants-droit en cas de décès postérieurement à la promesse.

Incidences du décès sur la publicité foncière

En cas de décès du promettant/vendeur entre la signature de la promesse de vente et la réitération de celle-ci (pour la promesse synallagmatique de vente) ou la levée d'option (pour la promesse unilatérale de vente), est-il nécessaire d'établir une attestation immobilière pour constater le transfert de propriété aux héritiers ? Tour à tour, l'Association mutuelle des conservateurs des hypothèques, une réponse ministérielle et le Cridon de Paris sont venus confirmer qu'il n'était pas nécessaire de publier une attestation immobilière préalablement à la signature de l'acte définitif de vente faisant suite à une promesse synallagmatique de vente. Intervenant à l'acte en tant qu'ayants cause du promettant décédé, et non comme vendeurs, les héritiers agiront en représentation de leur auteur décédé pour réitérer la vente. La transposition de cette solution à la promesse unilatérale de vente ne semble pas possible, sauf bien évidemment dans l'hypothèse où le décès du promettant intervient après la levée de l'option.
– L'incapacité du promettant/vendeur. – Ainsi que nous l'avons rappelé, la capacité du promettant/vendeur s'apprécie au jour de la signature de la promesse de vente. De la même manière que la survenance du décès après la signature de la promesse ne peut entraîner la caducité de celle-ci, la mise en place de mesures d'incapacité postérieurement à la promesse ne peut l'entraîner. Il est vrai que depuis le 1er janvier 2009, le nouvel article 464 du Code civil a introduit une véritable « période suspecte » permettant de réduire ou d'annuler les obligations consenties par celui dont les facultés étaient déjà altérées au jour de l'échange des consentements. Mais cela revient à contester la capacité du promettant/vendeur au jour de la promesse, et non à invoquer la disparition de cette capacité une fois la promesse signée.
– L'ouverture d'une procédure collective à l'encontre du promettant/vendeur. – L'ouverture d'une procédure collective à l'encontre du promettant/vendeur entraîne mécaniquement des restrictions dans la capacité à agir de celui-ci. C'est ainsi qu'une promesse de vente signée antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, mais suivie de celle-ci avant la signature de l'acte de vente définitif, est soumise au régime des contrats en cours. Dès lors que le jugement d'ouverture de la procédure est rendu avant le transfert de propriété et le paiement du prix de vente, l'administrateur peut décider de poursuivre l'opération comme il peut décider de refuser son exécution, ce qui entraîne sa résiliation de plein droit. La chambre commerciale de la Cour de cassation s'est néanmoins prononcée en faveur de la poursuite de l'exécution de la promesse signée, le débiteur placé sous un régime de procédure collective pouvant agir seul, sans pour autant être en mesure de percevoir le prix. La prudence semble commander de relativiser cette décision qui paraît d'espèce, de sorte qu'en présence de l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre du promettant/vendeur après la signature d'une promesse, il semble préférable que le notaire s'en remette à la décision de l'administrateur sur le sort du contrat.

Possibilité de prévoir une condition résolutoire portant sur le décès ou l'incapacité du promettant/vendeur

Par principe, et en dehors du cas particulier de la procédure collective, la survenance d'un imprévu venant affecter la personne même du promettant/vendeur n'entraîne pas la caducité de l'avant-contrat signé. Les parties peuvent néanmoins en convenir autrement. C'est ainsi que le promettant/vendeur peut souhaiter délier ses ayants-droit de l'engagement pris par lui aux termes de la promesse de vente signée, dans l'hypothèse où il décéderait ou ferait l'objet d'une mesure d'incapacité postérieurement à la signature de la promesse, mais avant la signature de la vente. L'insertion d'une condition résolutoire reprenant cette hypothèse, si elle est rare en pratique, est néanmoins susceptible de répondre à un objectif de protection des ayants-droit du promettant. La vigilance du notaire, appelé à recevoir l'avant-contrat, et la vérification des intentions des parties, permettront de valider la nécessité d'inclure ou non ce type de modalité de l'obligation.

L'imprévu affectant le bénéficiaire/acquéreur

– Importance de la distinction entre promesses unilatérale et synallagmatique. – Àla différence du promettant/vendeur dont l'engagement de vendre est ferme, quelle que soit la forme retenue pour l'avant-contrat, la situation de l'acquéreur varie en fonction de celle-ci.
– En présence d'une promesse unilatérale de vente. – C'est ainsi qu'en présence d'une promesse unilatérale de vente, le bénéficiaire de celle-ci n'est engagé qu'à compter de la levée d'option. La survenance, entre la signature de la promesse et la levée d'option, d'un événement imprévu affectant sa personne (décès) ou sa capacité, entraîne la caducité de la promesse signée. Àl'inverse, la survenance du décès du bénéficiaire de la promesse postérieurement à la levée d'option n'entraîne pas la caducité de la promesse, la vente étant définitivement formée. Quand bien même le transfert de propriété serait reporté au jour de la signature de l'acte de vente définitif, ce qui est le plus souvent le cas, les ayants cause du bénéficiaire de la promesse seront tenus par celle-ci.
– En présence d'une promesse synallagmatique de vente. – Par principe, et au regard de l'engagement ferme et définitif de l'acquéreur à travers la signature d'une promesse synallagmatique de vente, son décès ne peut entraîner la caducité de la promesse. Les héritiers du promettant décédé après la signature de la promesse peuvent ainsi se retrouver dans une situation périlleuse, à travers laquelle ils se sont engagés à payer un dépôt de garantie (s'ils ne souhaitent pas poursuivre l'opération et que la possibilité leur est offerte d'échapper à l'exécution forcée), voire même le prix. Conscient de ces difficultés, le notariat avait mis en place une police d'assurance dédiée aux risques de décès accidentel ou de perte totale et irréversible d'autonomie résultant d'un accident, qui n'a pas été renouvelée.

De l'importance de prévoir une condition de survie de l'acquéreur

Qu'une promesse unilatérale (lorsque l'événement imprévu survient après la levée de l'option) ou synallagmatique ait été signée, il importe que le notaire prévoie les conséquences de cet événement imprévu afin qu'il ne soit plus qu'un événement incertain. Àtravers la prévisibilité de la rédaction du contrat, le notaire permet d'anticiper la survenance de cet événement et d'y affecter les conséquences sur lesquels les parties se seront accordées. S'agissant plus spécifiquement de l'acquéreur, son décès (ou la mise en place de mesures de protection) est susceptible d'entraîner de grandes difficultés lorsqu'il ne permet pas aux héritiers de se dégager de l'engagement initialement souscrit. La pratique notariale a développé des clauses contenant de véritables conditions de survie du bénéficiaire/acquéreur afin de protéger ses héritiers en cas de décès. Àtravers ces rédactions, les parties conviennent bien souvent que la survenance du décès du bénéficiaire/acquéreur entraîne la caducité de la promesse, en même temps que la restitution de l'indemnité d'immobilisation ou du dépôt de garantie. L'extension de ces rédactions aux hypothèses d'incapacité ou de mise en place de mesures de protection entre la promesse et la vente peut également être utilement envisagée afin de parfaire la protection du bénéficiaire/acquéreur.