– Le formalisme, outil de protection de la liberté des conventions. – En apparence, l'introduction d'un formalisme nouveau reportant la formation du contrat de vente d'immeuble à la signature d'un acte écrit, qui plus est authentique, peut apparaître attentatoire au principe de liberté des conventions rappelé par le Code civil sous son article 1102. Toutefois, à bien y regarder, et en ce qu'il a vocation à garantir un consentement éclairé des parties et un report à cette date seulement des effets induits par la formation du contrat de vente d'immeuble, ce formalisme nous semble de nature à permettre le plein exercice de cette liberté contractuelle. Ainsi que cela a été dit, « le formalisme n'est plus regardé comme une dérogation douteuse, honteuse, à la liberté des conventions, mais comme une technique juridique que la loi peut mettre en œuvre pour répondre à certains besoins, au demeurant variés ». L'objectif ici poursuivi par ce nouveau formalisme serait d'optimiser la protection des parties en faisant naître le contrat au moment où chacun a pris connaissance de ses obligations. Le notaire, en tant que garant d'un consentement « parfait » ou renforcé des parties, serait à nouveau vecteur de sécurité juridique et de déjudiciarisation. Ce changement ne ferait pas du formalisme « la matrice de la relation contractuelle », mais plutôt « un élément d'accompagnement de la volonté contractuelle », sorte de protection ou de garde-fou permettant de s'assurer de la solidité du consentement des parties à l'acte. Le formalisme se trouverait ainsi paré de nouveaux attributs, aux antipodes des rituels de l'Ancien droit, allant jusqu'à être qualifié de « moderne ». Tourné vers la prévention des conflits autant que la protection des plus faibles, ce formalisme répond à un objectif de protection des parties au moment de conclure un acte que les rédacteurs du Code civil n'avaient pas identifié parmi les actes les plus graves justifiant la solennité.
L'exigence d'un écrit
L'exigence d'un écrit
– L'exigence d'un écrit : au commencement de la solennité de la vente d'immeuble. – En ce que le contrat de vente ne pourrait être formé qu'à partir du moment où l'accord des parties serait constaté dans un écrit, le consensualisme s'en trouverait mécaniquement et automatiquement écarté. Cette exigence formelle, qu'elle se double ou non d'une exigence d'authenticité, suffirait à faire sortir le contrat de vente immobilière des contrats consensuels, pour l'intégrer dans la catégorie des contrats solennels.
– Écrit ou acte écrit ? – Nous avons eu l'occasion de rappeler qu'en l'état du droit positif, le principe du consensualisme, actuellement applicable au contrat de vente d'immeuble, permet la formation de celui-ci sans l'accomplissement d'une quelconque formalité. Il est vrai que les exigences de preuve et les pratiques en place conduisent bien souvent à ce que la formation du contrat en soit réduite à la remise d'une lettre d'offre et de son acceptation formelle. Cette formalisation des accords, suffisante pour transformer le contrat de vente d'immeuble en contrat solennel dès lors que sa validité en dépend, apparaît néanmoins insuffisante pour permettre un consentement éclairé des parties, et éviter la naissance d'un contentieux autant que l'immobilisation potentielle des biens immobiliers concernés par l'opération. La sécurité juridique des parties à la vente immobilière, si celle-ci devait devenir solennelle, semble commander de renvoyer à la signature d'un acte écrit (authentique ou sous signature privée) et non pas simplement à l'échange d'écrits au sens de l'article 1365 du Code civil (lettres d'offre et d'acceptation).
– Écrit et contrat formé par courrier électronique. – Il est des circonstances, somme toute très usuelles, où la relation contractuelle peut s'établir par la production d'écrits électroniques ou d'échanges de courriers électroniques. La Cour de cassation a eu récemment l'occasion de le rappeler à travers notamment deux décisions portant respectivement sur la commande d'une consultation fiscale et la formation d'un contrat d'agent de joueur. Dans le premier cas, l'écrit n'était exigé qu'à titre de preuve. Dans le second cas, il l'était ad validitatem
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S'agissant de ce second cas, la Cour de cassation a dû s'employer à deux reprises afin de valider la formation du contrat d'agent de joueur, profitant de chacune de ces occasions pour affirmer (ou rappeler) sa position. C'est ainsi tout d'abord qu'elle sanctionna la cour d'appel de Lyon qui avait considéré que la pluralité de supports, et leur forme électronique, empêchaient d'identifier, au cas particulier, l'écrit prescrit par le Code du sport au titre du contrat d'agent de joueur. La Cour de cassation fait ici application du principe d'égalité entre l'écrit électronique et l'écrit papier prévu par l'actuel article 1174 du Code civil en censurant une première fois les juges du fond. Se prononçant sur renvoi, la cour d'appel de Grenoble a quant à elle considéré que l'acte produit, en l'occurrence l'échange de deux mails, ne pouvait valoir la formalité prescrite par le Code du sport, car il leur manquait à chacun une signature électronique. La Cour de cassation a reconnu ici que, s'agissant d'un acte solennel, la condition d'une signature électronique faisait effectivement défaut, entraînant la nullité du contrat de mandat. Elle décida néanmoins que cette nullité était couverte par application de la règle de la confirmation des contrats nuls résultant d'une exécution volontaire du contrat en connaissance de cause du motif de nullité.
Au cas particulier d'une vente d'immeuble, quelles conséquences devons-nous attacher aux échanges de courriers électroniques ?
L'acte écrit : première marche d'une solennité nouvelle
La formalisation du consentement des parties à la vente immobilière à travers la signature d'un acte écrit apparaît comme étant la première étape d'une solennité nouvelle.
Quelle que soit la forme retenue pour cet acte (authentique ou sous signature privée), elle permettra d'apporter à ce contrat une sécurité juridique accrue à travers un consentement clairement exprimé.