Toute personne physique ou morale peut être à l'origine de la création d'une fondation dès lors qu'elle dispose de la capacité juridique. La création d'une fondation s'opère en deux étapes distinctes : la rédaction des statuts, d'une part, et l'acte de dotation, d'autre part.
Les étapes amenant à la création d'une fondation reconnue d'utilité publique
Les étapes amenant à la création d'une fondation reconnue d'utilité publique
Les fondateurs
– Les fondateurs. – Dans la mesure où le fondateur doit être en mesure de doter la fondation, il convient qu'il ait la capacité de consentir une libéralité, ce qui exclut de droit les mineurs et les majeurs sous tutelle qui ne peuvent légalement faire de dons ou de legs de leur propre initiative. Mais ces personnes ne sont pas exclues de la qualité de fondateur si elles ont la capacité d'intervenir au titre de leur action ou leur activité au sein de la fondation. Il y aura donc deux catégories de fondateurs : ceux qui apportent des actifs, comme des titres d'une société, et ceux qui apportent leur activité.
En fonction de la nature de la fondation, certains membres fondateurs pourront avoir un rôle à vie alors que d'autres pourront avoir un rôle statutairement limité, éventuellement renouvelable.
Si la fondation peut aussi être créée par une personne morale, dans notre schéma, qui nous le rappelons a pour objectif de stabiliser le capital social d'une entreprise à très long terme, la fondation sera l'œuvre d'un chef d'entreprise, propriétaire et dirigeant de son entreprise, qui décidera d'y transférer tout ou partie des titres.
Les modalités de création d'une fondation
Il y a deux modalités de création d'une fondation, soit de façon directe, soit de façon indirecte.
– La création directe. – Si la fondation est créée directement par son fondateur, il va lui-même constituer la fondation et, dans le même temps, la doter de tout ou partie des titres de son entreprise. La fondation est ainsi immédiatement active et financée.
– La création indirecte. – Mais une fondation peut également être créée de manière indirecte où, dans cette hypothèse, le fondateur va confier à un établissement déjà existant ou à un légataire le soin de créer la fondation.
Que ce soit une création directe ou indirecte, il y aura en tout état de cause toujours la création d'une nouvelle personne morale.
Pour ce qui concerne le chef d'entreprise qui souhaite apporter tout ou partie des titres de sa société à une fondation, il le fera de façon directe afin d'avoir un contrôle de la fondation et de la rendre immédiatement active.
Dans la plupart des cas, la dotation de la fondation s'opère en deux temps : dans un premier temps, il y a une dotation de la fondation pour une fraction minoritaire du capital social de l'entreprise suivie, dans un second temps, d'une disposition testamentaire qui verra la fondation recueillir le solde des titres au décès du chef d'entreprise.
– Une création directe
post mortem
. – On pourrait même envisager une création directe, post mortem, par voie testamentaire. Le fondateur, chef d'entreprise, organise lui-même la constitution de la future fondation qui ne verra le jour qu'à son décès ; les titres légués deviendront alors le patrimoine de la fondation. Cette technique, qui a suscité un vif débat doctrinal, a été validée par le Conseil d'État qui a considéré comme valable le legs direct du fondateur à une fondation post mortem en écartant l'idée qu'il puisse s'agir d'un legs à personne future et en rejetant toute application de la théorie des biens sans maître pour annuler le legs. En revanche, la Cour de cassation refusait de valider le legs fait à une personne future et n'admettait pas qu'un établissement public soit autorisé à accepter une donation ou un legs fait antérieurement à sa reconnaissance d'utilité publique.
Pour sécuriser cette façon de constituer une fondation, la loi du 4 juillet 1990, modifiant la loi du 23 juillet 1987, a expressément prévu qu'« un legs peut être fait au profit d'une fondation qui n'existe pas au jour de l'ouverture de la succession sous la condition qu'elle obtienne, après les formalités de constitution, la reconnaissance d'utilité publique ». Au décès du fondateur, la fondation devient ainsi propriétaire des titres de la société, sous la condition suspensive de sa reconnaissance d'utilité publique, de sorte qu'elle n'entrera en possession de son legs qu'une fois cette reconnaissance obtenue. L'article 18-2, alinéa 3 de la loi du 23 juillet 1987 précise que « la personnalité morale de la fondation reconnue d'utilité publique rétroagit au jour de l'ouverture de la succession ».
– Les limites. – En raison de l'incertitude liée à la reconnaissance d'utilité publique de la fondation qui entraînerait la caducité du legs et du délai de latence entre le décès et l'acte de reconnaissance de l'utilité publique, nous ne pouvons que déconseiller cette façon de procéder en présence des titres d'une entreprise.
Par ailleurs, des clauses restrictives à la transmission des titres peuvent être contenues dans les statuts ou dans un pacte d'associés, qui soit empêcheront la transmission des titres, soit entraveront la fondation dans la gestion des titres.
Il conviendra donc que les modalités de transfert des titres au sein de la fondation soient organisées selon un autre schéma.
Les modalités de transfert des titres
Comme nous l'avons vu ci-dessus, la mise en place d'une fondation va prendre la forme d'un apport à titre gratuit et irrévocable de titres d'une ou plusieurs sociétés (§ I). Plus rarement, il pourra s'agir d'une acquisition à titre onéreux (§ II).
L'apport à titre gratuit
– L'apport à titre gratuit. – Une fondation, comme d'ailleurs un fonds de dotation ou un fonds de pérennité, est nécessairement créée par l'apport à titre gratuit et irrévocable de biens, droits ou ressources ou de titres de sociétés exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, ou encore de titres d'une société holding détenant des participations dans des sociétés de cette nature, comme ce sera le plus souvent le cas.
Dans le cadre d'une fondation reconnue d'utilité publique, l'apport doit être au moins de 1 500 000 €.
– La donation à la fondation. – Constituée du vivant du fondateur, la transmission des titres prendra la forme d'une donation consentie par le fondateur à la fondation reconnue d'utilité publique. À cette occasion, la dotation peut se faire en une ou plusieurs fois, par donation mais également par une disposition testamentaire. Constituée post mortem, la transmission prendra exclusivement la forme d'un testament.
Le fondateur peut envisager sa donation en pleine propriété mais il peut aussi, dans une logique de test, n'opérer qu'une donation d'un usufruit temporaire afin de retrouver une réversibilité qu'il perd avec la donation en pleine propriété. Cette donation en usufruit pourra être complétée d'un legs de la nue-propriété à la fondation.
L'apport à titre onéreux
– L'apport à titre onéreux. – Si la transmission à titre gratuit est en principe la règle, rien ne s'oppose à ce que des titres soient transmis à titre onéreux sous la forme d'une acquisition.
Il faudra être particulièrement vigilant sur cette façon d'opérer en présence d'une fondation reconnue d'utilité publique, et ce afin de préserver le caractère non lucratif de la structure. C'est ainsi que la doctrine préconise, si un tel schéma devait être mis en place, que le financement ne soit pas assuré directement par la fondation mais par une holding intermédiaire, détenue par la fondation, laquelle holding détiendrait les titres de la société opérationnelle.
La reconnaissance d'utilité publique
La reconnaissance d'utilité publique est un avantage pour la fondation, et indirectement pour l'entreprise qui y sera logée, en termes notamment de pérennité.
– Le chemin de la reconnaissance d'utilité publique. – L'obtention du statut suppose en effet que le projet présente une importance suffisante lui permettant de perdurer à long terme, grâce notamment à sa dotation et aux moyens financiers qu'elle procure.
Par ailleurs, la présence de l'État comme membre de droit du conseil d'administration est un symbole fort.
Ce n'est qu'à compter de la publication du décret du Premier ministre, pris après avis du Conseil d'État et publié au Journal officiel, que la fondation a une existence légale. Dans cette attente, elle est considérée comme en cours de constitution.
Pour obtenir cette reconnaissance d'utilité publique, un certain nombre de conditions et critères doivent être réunis qui seront évalués et appréciés lors de l'instruction du dossier ; c'est ce qui rend le processus aléatoire.
Tout d'abord, la fondation devra bien entendu servir un intérêt général. Même s'il n'existe pas de définition de la notion d'intérêt général tant le concept est large, nous pouvons nous référer en la matière à l'article 200, 1, b du Code général des impôts qui précise, en visant les œuvres d'intérêt général, qu'il s'agit « d'œuvres (…) ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique (…), à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ». Il s'agit d'un critère essentiel au moment de l'instruction du dossier pour obtenir la reconnaissance d'utilité publique. Les statuts de la fondation devront donc clairement définir ce qu'elle entend mettre dans la notion d'intérêt général.
En deuxième lieu, la fondation devra bien entendu avoir un but non lucratif. Au travers de cette notion, il s'agit de comprendre que la fondation ne pourra pas partager les bénéfices réalisés entre ses membres, à la différence d'une société commerciale. Cela n'interdit aucunement à la fondation de faire des bénéfices ni même de créer des filiales commerciales, à la condition que ces filiales se conforment aux statuts et au but non lucratif de l'institution, c'est-à-dire reversent leurs bénéfices à la fondation elle-même afin de lui permettre de remplir son objet social.
En troisième lieu, la fondation doit, dans le dossier de demande de reconnaissance d'utilité publique, préciser ses ressources et leur affectation. La dotation doit être énoncée et évaluée.
En dernier lieu, le dossier de demande de reconnaissance d'utilité publique doit faire apparaître l'absence de dépendance qui pourrait exister entre la fondation et ses propres membres, et ce de façon à garantir l'intérêt général.