Le notaire et la vente aux enchères de rompus

Le notaire et la vente aux enchères de rompus

Le notaire est apparu récemment au nombre des prestataires de services pouvant prêter son concours à la vente aux enchères de rompus et à la distribution du prix résultant de l'adjudication.
– La notion de rompus. – Certaines opérations sur titres telles que des échanges dans le cadre de fusions, de scissions par exemple, mais aussi telles que des augmentations ou des réductions de capital ou encore telles que des divisions, des regroupements de titres ou des attributions gratuites ne permettent pas toujours d'attribuer aux actionnaires, prenant part à cette opération, un nombre entier de titres. Ces opérations peuvent aboutir à l'apparition de rompus, c'est-à-dire donner naissance à des fractions de titres n'ayant pas d'autonomie en tant que telle, et ne pouvant pas, en l'état, être attribuées à un actionnaire pris individuellement. Mathématiquement, nous serons en présence de rompus toutes les fois où la règle de la parité ou le rapport d'échange n'aura pas pu être respecté(e), ou encore toutes les fois où le nombre de titres nouvellement émis n'aura pas été un multiple du nombre de titres en circulation.
Il est, dès lors, nécessaire pour la société de statuer sur le sort de ces rompus.
– Le décret du 18 mai 2015. – Le décret no 2015-545 du 18 mai 2015, pris en application de l'ordonnance du 31 juillet 2014, dont les dispositions sont entrées en vigueur le 1er juin 2015, est venu préciser le sort des rompus.
L'objectif de cette ordonnance était notamment de simplifier la procédure de vente des rompus en considération de la dématérialisation des titres. Cela s'est essentiellement traduit, dans les textes, par une réduction du délai dans lequel la vente peut intervenir et par un accroissement des prestataires de services ayant qualité à intervenir. C'est dans ce contexte que le notaire est apparu au nombre des professionnels qualifiés pour ce faire.
– Deux régimes distincts. – Le décret distingue deux régimes selon la nature de l'opération ayant donné lieu à l'apparition de rompus : un régime s'appliquant en cas d'augmentation de capital par incorporation de réserves, de bénéfices ou encore de primes d'émission, et un régime s'appliquant aux opérations d'attribution ou d'échanges de titres.
Dans la première hypothèse, la vente résulte d'une décision de l'assemblée générale ; dans la seconde, elle est rendue obligatoire par l'effet de la loi sauf pour les sociétés non cotées dont les titres ne sont pas admis aux opérations d'un dépositaire central pour lesquelles la vente conserve un caractère optionnel.
– Sort des rompus résultant d'une augmentation de capital. – En cas de rompus issus d'une augmentation de capital par incorporation de réserves, de bénéfices ou de primes d'émission, l'assemblée générale peut les déclarer incessibles et non négociables et en ordonner la vente. La vente doit alors intervenir « dans un délai de trente jours à compter de la plus tardive des dates d'inscription, au compte des titulaires des droits, du nombre entier de titres de capital attribués ».
L'apport des dispositions entrées en vigueur en 2015 pour le notariat est que, selon le type de titres dont il s'agit, le notaire peut être mandaté à l'effet de procéder à cette vente par application du 4e alinéa de l'article R. 228-12 du Code de commerce ainsi libellé : « Lorsque les titres ne sont pas admis à la négociation sur un marché réglementé ni sur un système multilatéral de négociation, la vente de ces titres est réalisée par la société émettrice ou peut être faite aux enchères publiques par un prestatairede services d'investissement autre qu'une société de gestion de portefeuille ou par un notaire, conformément aux dispositions de l'article L. 211-21 du Code monétaire et financier ».
En cas de rompus issus d'une augmentation de capital par incorporation de réserves, de bénéfices ou de primes d'émission, le notaire peut donc prêter son concours, qu'il s'agisse de titres non cotés admis aux opérations d'un dépositaire central ou non.
– Sort des rompus résultant d'une attribution ou d'un échange de titres. – Dans cette hypothèse, les rompus correspondant à des titres non cotés mais admis aux opérations d'un dépositaire central suivront le même régime que ceux correspondant à des titres cotés, admis sur un marché réglementé ou aux négociations d'un système multilatéral de négociation (SMN). Cela impacte le délai dans lequel la vente doit légalement intervenir. S'agissant de ces titres, tout comme en présence de rompus résultant d'une augmentation de capital, la vente doit intervenir dans un délai de trente jours à compter de la plus tardive des dates d'inscription, au compte des titulaires des droits, du nombre entier de titres de capital attribués.
En présence de rompus correspondant à des titres non cotés mais également non admis aux opérations d'un dépositaire central, ce délai est porté à un an à compter de la publicité qui est faite de la décision de l'organe de gestion de procéder à cette vente, cette dernière conservant, on le rappelle, un caractère optionnel au sein de ces sociétés. Un avis doit paraître dans deux journaux à diffusion nationale, mettant en demeure les titulaires de droits de les faire valoir dans un délai d'un an, faute de quoi ils seront vendus. Cet avis doit également préciser que le produit net de la vente sera à leur disposition, pendant dix ans, sur un compte bloqué dans les livres d'un établissement de crédit. À l'issue de ce délai de dix ans, l'établissement de crédit pourra se dessaisir des fonds au profit de la Caisse des dépôts et consignations, laquelle les conservera vingt années de plus avant qu'ils ne soient remis à l'État.
Tout comme en cas de rompus issus d'une augmentation de capital par incorporation de réserves, de bénéfices ou de primes d'émission, si les rompus sont issus d'une attribution ou d'un échange de titres, le notaire peut être mandaté pour cette vente, qu'il s'agisse de titres non cotés admis aux opérations d'un dépositaire central ou non.