La raison d'être

La raison d'être

La société, bien plus que le véhicule d'un projet professionnel ou patrimonial
– Son fondement légal. – L'article 1835 du Code civil, modifié par la loi Pacte, dispose désormais que les statuts « peuvent préciser une raison d'être, constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité ».
À la différence de l'objet social élargi prévu à l'article 1833 du Code civil qui s'applique à toute société sans qu'aucune démarche particulière ne soit à accomplir, la raison d'être d'une entreprise résultera d'une démarche volontaire. L'entreprise qui veut se doter d'une raison d'être devra, dans un premier temps, procéder à la définition de sa raison d'être puis, dans un second temps, définir les moyens qu'elle entend affecter à sa raison d'être dans la réalisation de son activité.
– Son contenu. – Si le législateur n'a pas donné de définition de la raison d'être, nous pouvons néanmoins nous référer au rapport précité de Jean-Dominique Senard et Nicole Notat qui nous indique ceci : « La raison d'être permet de joindre le passé au présent ; c'est l'ADN de l'entreprise. Elle n'a pas de signification économique, mais relève plutôt de la vision et du sens ».
Cette notion, encore jeune, a pour l'instant plutôt concerné les grandes entreprises que les PME ou les ETI. Peu l'ont inscrite dans leurs statuts en raison notamment des conséquences en matière de responsabilité des mandataires sociaux qui sont aujourd'hui difficilement appréhendables.
– Une notion en devenir. – Face à ce manque d'engouement des entreprises, le ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance a commandé un rapport qui lui a été remis le 19 octobre 2021. Ce rapport pointe plusieurs obstacles au développement de la raison d'être au sein des entreprises et suggère des pistes de réflexion pour en améliorer l'efficacité.
Parmi les freins, figure tout d'abord un manque de connaissance du dispositif au sein des petites entreprises. Lors d'une étude réalisée en 2021 par le ministère de l'Économie, des Finances et de la Relance, 58 % des dirigeants interrogés n'avaient pas entendu parler de la notion de RSE.
Le deuxième point mis en avant par les chefs d'entreprise interrogés a trait à la responsabilité potentielle de la société et de ses dirigeants au regard d'une raisond'être qui n'aurait pas été suffisamment prise en considération dans l'activité de l'entreprise.
Le troisième point freinant le développement de la raison d'être tient au risque de purpose washing au travers de la définition d'objectifs dont la portée serait limitée. Si la raison d'être de l'entreprise est davantage perçue comme un « habillage » plutôt qu'une action de fond, les salariés, clients et fournisseurs pourront dénoncer un double comportement de l'entreprise qui rejaillira sur sa notoriété et son image.
Pour toutes ces raisons, une évolution de la notion de raison d'être devrait voir le jour, inspirée par les propositions du rapport Rocher.
– Plan. – Néanmoins, certaines entreprises ayant déjà adopté une raison d'être en ont vu les avantages (Chapitre I), les considérant comme plus importants que les risques (Chapitre II).

Des exemples de raison d’être

Pour donner des exemples de raison d'être, nous pouvons citer :
  • Lego : « Inspirer et développer les constructeurs de demain » ;
  • Decathlon : « Le sport partout, pour tous » ;
  • Google : « Rendre les informations accessibles et utiles à tous » ;
  • Essilor : « Améliorer la vision pour améliorer la vie » ;
  • Danone : « Apporter la santé par l'alimentation au plus grand nombre » ;
  • EDF : « Construire un avenir énergétique neutre en CO2 conciliant préservation de la planète, bien-être et développement grâce à l'électricité et à des solutions et services innovants » ;
  • Icade : « Concevoir, construire, gérer et investir dans des villes, des quartiers, des immeubles qui soient des lieux innovants, des lieux de mixité, des lieux inclusifs, des lieux connectés et à l'empreinte carbone réduite. Des lieux où il fait bon vivre, habiter, travailler. Telle est notre ambition, tel est notre objectif. Telle est notre raison d'être » ;
  • Carrefour : « Notre mission est de proposer à nos clients des services, des produits et une alimentation de qualité et accessibles à tous à travers l'ensemble des canaux de distribution. Grâce à la compétence de nos collaborateurs, à une démarche responsable et pluriculturelle, à notre ancrage dans les territoires et à notre capacité d'adaptation aux modes de production et de consommation, nous avons pour ambition d'être leader de la transition alimentaire pour tous » ;
  • Michelin : « Offrir à chacun une meilleure façon d'avancer ».
Les avantages d'adopter une raison d'être
– Les avantages. – La raison d'être doit avoir pour objectif de faire progresser l'homme et l'environnement. C'est une notion beaucoup plus large que la simple réalisation d'un objet social. Les avantages pourront donc être divers, directs et indirects.
Les enjeux en matière de responsabilité de l'entreprise, et de ses dirigeants
– Les risques. – La violation d'une raison d'être peut entraîner, d'une part, la responsabilité civile de la société et, d'autre part, la responsabilité civile des dirigeants. Il faut toutefois immédiatement préciser que le non-respect de la raison d'être ne peut aboutir, au regard de l'article 1844-10 du Code civil, à la nullité d'un acte ou d'une délibération.