La pratique des promesses de vente à l'épreuve du consensualisme

La pratique des promesses de vente à l'épreuve du consensualisme

– Méconnaissance du principe du consensualisme pour le citoyen. – Ainsi que nous avons eu l'occasion de le rappeler, le processus de vente d'un bien immobilier commande souvent le passage par une étape d'échanges et de négociations aboutissant à l'émission d'une offre (d'acheter, ou parfois de vendre). L'acceptation de cette offre, dès lors que celle-ci reprend bien les critères déjà rappelés, forme automatiquement le contrat de vente et engage ainsi définitivement les parties.
Rares sont les parties aux contrats à être conscientes de la nature ferme de leur engagement. Peut-on d'ailleurs leur en faire le reproche ? Il est vrai que l'adage Nemo censetur ignorare lege , bien que ne figurant plus dans le Code civil depuis 1852, reste aujourd'hui encore un principe fondamental implicite de notre droit. Il semble néanmoins raisonnable de considérer que les subtilités inhérentes au principe du consensualisme et les conséquences attachées notamment aux dispositions de l'article 1583 du Code civil soient d'un accès difficile aux citoyens non-juristes.
Plus compliquée apparaît en revanche la situation des professionnels du droit immobilier, juristes (au premier rang desquels les notaires) ou sachants (agents immobiliers, professionnels de l'investissement immobilier, etc.) qui, malgré l'existence d'une offre acceptée en bonne et due forme, enchaînent par la signature d'un avant-contrat de vente immobilière (sous forme unilatérale ou synallagmatique).
– Promesse sur vente ne vaut . – L'accord des parties sur la chose et sur le prix entraîne la formation du contrat de vente. Les dispositions de l'article 1583 du Code civil, dont l'analyse a été faite plus avant, ont à cet égard le mérite de la simplicité.
Il apparaît néanmoins que la lettre d'offre et son acceptation ne comprennent que trop rarement, pour ne pas dire jamais, les éléments permettant d'effectuer l'ensemble des démarches nécessaires à la signature d'un acte de vente ayant vocation à être publié au service de publicité foncière compétent.
Un financement doit bien souvent être recherché et accordé, des diagnostics doivent être établis, des renseignements d'urbanisme et hypothécaires obtenus, des droits de priorité, de préférence ou de préemption purgés, et le cas échéant un délai de rétractation purgé également, sans oublier les vérifications inhérentes à la capacité des parties à signer un acte de mutation immobilière. Cette liste, bien que non exhaustive, est suffisante pour justifier l'importance que revêt le passage chez un notaire pour convenir de chacune de ces situations et organiser ces démarches. La tendance est donc grande, et finalement naturelle, à ce que soit conclu un avant-contrat de vente immobilière alors même que les parties se sont accordées sur les principales caractéristiques de la vente à travers l'échange d'une offre et de son acceptation reprenant les critères de l'article 1583 du Code civil.
On semble alors bien loin de l'orthodoxie juridique. Si une promesse unilatérale de contrat était signée, elle mettrait en avant « un non-sens » voire même une « hérésie » puisqu'elle consisterait à conférer à l'une des parties (bien souvent l'acquéreur) la possibilité d'opter ou de ne pas opter ou, dit autrement, de poursuivre ou de ne pas poursuivre l'opération, alors même que son engagement était ferme dès l'acceptation de son offre par application des dispositions de l'article 1583 du Code civil. A contrario, la signature d'une promesse synallagmatique de vente a ceci de cohérent avec la situation ressortant de l'offre acceptée qu'elle place les parties dans une même position d'engagement réciproque de vendre et d'acheter. Elle suscite néanmoins un cumul d'actes entre l'offre acceptée (formant la vente), la promesse synallagmatique de vente et l'acte authentique de vente destiné à la publicité foncière.
Loin de résulter d'un refus de la pratique, notamment notariale, de s'abstraire du formalisme en matière de vente immobilière ou de respecter les dispositions de l'article 1589 du Code civil, ces situations résultent surtout de la nécessité pour les notaires de sécuriser les relations entre les parties à la vente en effectuant les démarches et vérifications ci-dessus données à titre d'illustration. Il est vrai néanmoins que cette adaptation de la profession se fait au détriment du principe du consensualisme qui paraît, décidément, inadapté aux exigences de telles opérations.