Le constat : les limites du consensualisme

Le constat : les limites du consensualisme

– Plan. – Le rappel du principe du consensualisme, en ce qu'il s'applique à la vente d'immeuble, a permis d'esquisser certaines difficultés d'application. Il apparaît ainsi qu'il peut être à l'origine d'un contentieux lourd de conséquences lorsqu'il s'applique au contrat de vente d'immeuble (Section I). Ce risque de contentieux se double d'une remise en question régulière et de plus en plus massive du consensualisme, du fait notamment de l'adoption de législations protectrices des parties au contrat (Section III). La pratique même des promesses de vente et l'enchaînement souvent proposé entre la phase précontractuelle et l'avant-contrat montrent également une autre facette des difficultés inhérentes à ce principe en matière de vente d'immeuble (Section II).

Le consensualisme comme source de contentieux

Àl'origine du contentieux : la vente résultant d'une offre acceptée

– Principe. – L'application au contrat de vente d'immeuble du principe du consensualisme conduit à ce que le contrat soit formé par la seule rencontre des volontés d'un vendeur et d'un acquéreur portant sur le prix et la chose vendue, peu importe le formalisme attaché à cette rencontre.
La vente immobilière, prise en tant que contrat et non en tant qu'instrumentum , est ainsi formée au moment même où cette rencontre de volontés sur la chose et sur le prix intervient. Ce peut être lors de la signature d'un acte sous signature privée ou d'un acte authentique, mais ce peut être également avant cela.
Ce qui précède cette rencontre des volontés ne relève pas du contrat de vente mais simplement de la période de négociation ou de pourparlers. Nous avons eu l'occasion de rappeler qu'un comportement fautif ou déloyal d'une des parties aux négociations précontractuelles était susceptible d'engager la responsabilité extracontractuelle de son auteur.
La situation est tout autre dès lors que le contrat de vente est formé, le non-respect de celui-ci, notamment quant à son exécution, étant susceptible d'engager la responsabilité contractuelle du responsable ou toute autre sanction de nature contractuelle, dont notamment l'exécution forcée en nature…
– Changement d'avis et rétractation. – La décision prise par chacune des parties de consentir à la vente (par la double émission ou extériorisation d'une offre et d'une acceptation portant sur la chose et sur le prix) est-elle immuable ou peut-elle être « rétractée » ? Une importante et double distinction est à opérer ici entre l'identité de la partie souhaitant changer d'avis (vendeur ou acquéreur) et sa qualité. C'est ainsi que, par principe, le vendeur ne dispose évidemment pas d'une faculté de rétractation. Àl'inverse, l'acquéreur peut, sous réserve de respecter certaines modalités et de remplir certaines conditions ayant trait à sa qualité et à la nature de l'investissement projeté, revenir sur sa décision.

Les différents types de contentieux

– Plan. – Alors que la vente semble formée du fait de la réunion des conditions fixées par l'article 1583 du Code civil, l'une des parties refuse qu'elle prenne effet ou soit constatée à travers la signature d'une promesse de vente ou d'un acte de vente. La partie « non défaillante » peut décider d'abandonner l'opération de vente, et s'éviter ainsi un contentieux potentiellement long et au résultat incertain. Mais elle peut également souhaiter faire appel au juge. Deux possibilités s'offrent alors à celle des deux parties qui souhaite invoquer la formation du contrat de vente. Elle dispose tout d'abord de la possibilité de faire constater la vente directement par le juge (§ I). Il lui est également possible d'invoquer les règles applicables en cas d'inexécution du contrat, en ce que celui-ci recouvre une véritable obligation de faire (§ II).
– Ne pas confondre exécution forcée de la vente, vente judiciaire et vente forcée. – Puisque définir c'est aussi comparer, on ne peut aborder les procédures devant conduire à sanctionner une partie refusant le contrat de vente sans appréhender les situations voisines. Il en va ainsi des hypothèses de ventes judiciaires d'immeubles et des ventes forcées.
Les ventes judiciaires ont en commun avec notre hypothèse de montrer combien le principe du consensualisme peut aboutir, en matière de vente immobilière, à des blocages tels que l'incapacité ou la « négligence voire la résistance de ceux dont la volonté est nécessaire pour faire aboutir l'opération projetée ». Les ventes judiciaires ont ainsi un champ d'application autant limité que spécialisé, en ce qu'elles portent sur les ventes d'immeubles appartenant à une personne protégée, aux ventes d'immeubles dépendant d'une succession vacante ou en déshérence ou à la licitation d'un immeuble indivis. En pareilles hypothèses, les magistrats sont appelés à encadrer la vente en autorisant celle-ci ou en validant ses conditions, mais ils sont aussi parfois appelés à constater la vente par la voie judiciaire.
Les ventes forcées sur saisie ou dans le cadre d'une procédure collective ont quant à elles pour objectif principal l'apurement d'une dette ou d'un passif.

La constatation judiciaire de la vente

– L'effet translatif de la vente. – Une première approche consisterait à consacrer la vente dans l'ensemble de ses effets, en invoquant le bénéfice de l'effet translatif du contrat de vente. Àtravers l'objectif ainsi recherché, nous pouvons qualifier cette action d'action « translative » . Nous savons en effet qu'en matière de vente, la conclusion du contrat emporte le transfert de propriété (ainsi que le transfert des risques). Àmoins que les parties n'aient prévu dans les échanges préalables à la formation du contrat que celui-ci ne sera formé qu'ultérieurement, notamment par la signature d'un avant-contrat par-devant notaire, le droit commun de la vente emprunte au principe du consensualisme une automaticité et une immédiateté qui favoriseront des demandes en constatation judiciaire de la vente. Il ne s'agit pas dès lors de solliciter le juge afin de faire respecter, par la contrainte, l'exécution d'une obligation, mais de demander à celui-ci de se substituer à la partie défaillante afin de constater que la vente est déjà intervenue et d'en tirer les conséquences.
– Effets du jugement. – La vente étant déjà intervenue, le magistrat se contentera de la constater en l'officialisant. En dehors de la reconnaissance par le magistrat d'un droit préexistant (celui résultant du transfert de propriété issu de la conclusion de la vente entre les parties), il s'agira surtout d'assurer à ce transfert de propriété une opposabilité aux tiers. La décision de justice pourra ainsi être publiée au service de publicité foncière compétent. Le jugement rendu pourra valoir directement acte de vente, ou renvoyer à un acte ultérieur devant être reçu par un notaire pour que cette vente soit constatée (mécanisme assorti alors d'un délai au-delà duquel, faute d'acte de vente, le jugement vaudra vente directement).
– Assignation en exécution forcée, prénotation et abus de droit. – L'engagement d'une procédure en exécution forcée d'une vente immobilière, assise sur un accord des parties sur la chose et sur le prix, nécessite que soit notifiée à la partie récalcitrante une assignation. Celle-ci est toutefois inopposable aux tiers à la procédure, lesquels peuvent se voir conférer des droits réels concurrents sur les biens immobiliers objet de la procédure en exécution forcée, avant même l'issue de celle-ci, et publier efficacement leurs droits au service de publicité foncière. La situation serait alors la suivante :
  • un accord est formalisé le 30 juin de l'année N entre A (vendeur) et B (acquéreur) portant sur un bien immobilier déterminé, répondant aux conditions de l'article 1583 du Code civil ;
  • une difficulté survient, pouvant consister par exemple en un changement de position de A qui ne souhaite plus vendre à B, ou dans des conditions différentes, entraînant un conflit entre les parties ;
  • délivrance d'une assignation en exécution forcée de la vente par B à A sur la base de l'accord formalisé entre eux sur la chose et sur le prix ;
  • signature six mois plus tard (N+6 mois) entre A et C d'une promesse de vente portant sur les mêmes biens, suivie de la signature à N+9 mois de la vente de ceux-ci. Ladite vente étant publiée dans les trois mois (N+12 mois) ;
  • absence de publication de l'assignation par B ou publication de cette assignation tardivement (après la publication de la vente consentie à C, soit postérieurement à N+12 mois).
Dans cette hypothèse, et même si la procédure entre A et B conclut à la perfection de la vente, C est considéré comme acquéreur de bonne foi et son titre est opposable aux tiers.
Dans cette hypothèse, C ne sera considéré comme acquéreur de l'immeuble erga omnes que si la procédure entre A et B conclut à l'absence de perfection de la vente. Si la procédure entre A et B conclut à la perfection de la vente, B sera rétroactivement devenu propriétaire de l'immeuble à la date de la publication de la prénotation, et C n'aura aucun droit sur l'immeuble. C pourra toutefois se retourner contre ses conseils s'ils ne l'avaient pas mis en garde de la situation du vendeur, qui, potentiellement, avait déjà cédé la propriété de l'immeuble litigieux.
Cette intervention de la Cour de cassation semble opportune en ce qu'elle sanctionne l'utilisation abusive de l'assignation en exécution forcée et de l'un de ses accessoires, la possibilité d'en assurer la publication et l'opposabilité aux tiers à travers la prénotation. Néanmoins, il est à craindre que cela n'empêchera pas des acquéreurs d'utiliser cette technique pour contraindre les propriétaires des biens immobiliers concernés, d'autant plus facilement si les forces en présence apparaissent déséquilibrées (des vendeurs particuliers confrontés à des professionnels de l'investissement, mieux armés et équipés pour assumer un contentieux dans la durée). Dans l'affaire jugée le 28 janvier 2021, l'acquéreur était une importante structure de promotion immobilière, les vendeurs un couple de retraités belges âgés au moment des faits de plus de soixante-dix et quatre-vingts ans. La procédure avait débuté en 2015, entraînant une indisponibilité de fait des biens pendant toute cette période…
La publication de la vente consentie à C sera opposable à B, sous réserve que C soit de bonne foi (Figure 14). La notion de bonne foi a été introduite à travers l'ordonnance du 10 février 2016, brisant ainsi la jurisprudence de la Cour de cassation qui avait finalement retenu la conception classique et mécanique de la publicité foncière en pareille hypothèse en écartant la conception subjective et réservé la mise à l'écart des effets de la publicité foncière à la seule hypothèse de fraude.
C'est afin d'organiser cette opposabilité aux tiers que la publicité foncière a été ouverte aux assignations en exécution forcée de ventes immobilières. On retrouve ici la vocation naturelle ou « fonction cardinale » de la publicité foncière.
Parmi les dispositifs permettant la publication au fichier immobilier de certaines demandes en justice, c'est celui de la « prénotation » qui peut s'appliquer à notre situation. Prévu à l'article 37, 2 du décret no 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, il consiste à résoudre « la question délicate de l'opposabilité d'un droit personnel, transformé en droit réel sans qu'aucun acte authentique ait été dressé, précisément parce que l'une des parties se dérobe et refuse de le signer ». Il s'agira dès lors de « prendre date » à travers une première publication (celle de l'assignation en exécution forcée) dans l'attente de l'issue du contentieux au fond sur la reconnaissance de la vente passée et l'exécution forcée de celle-ci. Ce faisant, et dès lors que cette reconnaissance judiciaire intervient dans les trois années suivant la première publication, la publication de la vente rétroagira à la date de la première publication (celle de la prénotation), permettant dans notre exemple à B de rendre son droit sur les biens opposable à C (Figure 15).
Il est apparu dans la pratique que certains investisseurs et leurs conseils ont pris conscience de cet instrument de publicité foncière que constitue la prénotation à des fins qui diffèrent néanmoins de l'objectif recherché. La prénotation, en ce qu'elle apparaît clairement sur les renseignements hypothécaires demandés à l'occasion de toute opération portant sur les biens immobiliers concernés, est susceptible d'entraîner un blocage de toute opération future, et notamment toute mutation de l'immeuble concerné. Bien que ne constituant « qu'une » mesure de formalité auprès du service de publicité foncière, et, partant, ne procédant pas de la création d'un droit de propriété sur le bien, la prénotation empêchera dans les faits le propriétaire actuel des biens concernés de consentir toute mutation sur ceux-ci, bien que cela ne lui soit pas interdit. Et pour cause ! Quel(s) acquéreur(s), quel(s) notaire(s) et plus largement quel(s) conseil(s) accepteront de prendre le risque de voir un droit théorique préexistant (le droit de propriété revendiqué à travers l'assignation en exécution forcée objet de la prénotation) rétroagir à la date où ce droit serait reconnu, anéantissant le droit qui aurait ainsi été nouvellement consenti ? La procédure tendant à reconnaître au fond le bien-fondé de l'assignation en exécution forcée peut être longue (plusieurs années, en fonction notamment des recours éventuels). Pendant toute cette période, les biens immobiliers se trouvent ainsi « bloqués » dans les faits, dans l'attente d'une issue au contentieux. Des recours abusifs via des assignations en exécution forcée suivies de prénotation sur les biens ont ainsi été relevés, alors même que la prétention au fond était mince (les critères de l'article 1583 du Code civil ne semblaient pas réunis), voire inexistante.
Ces comportements abusifs sont l'un des effets du principe du consensualisme appliqué à la vente d'immeuble, combiné avec la technique, au demeurant bien intégrée en droit français, de la prénotation. Les magistrats ont été appelés récemment à se prononcer sur cette situation. La Cour de cassation a ainsi reconnu que le comportement de l'acquéreur évincé marquait de sa part l'intention de « faire obstruction à tout autre projet que le sien », ainsi confirmé par l'envoi d'une lettre comminatoire à un cabinet d'architectes « afin de le faire renoncer à poursuivre la consultation de promoteurs » pour le compte des vendeurs, ce qui constituait un abus de droit engageant sa responsabilité. Ainsi que cela a été fort justement souligné, « la publication de l'assignation a été réalisée dans le seul but d'empêcher les propriétaires de vendre des biens à un tiers. Le but de la publication n'était pas pour le promoteur de protéger ses droits sur le bien, puisqu'il n'en avait aucun, mais de créer un contexte litigieux pour interdire la vente à un tiers et spécialement la réalisation du projet alternatif des propriétaires portant sur l'ensemble de leur propriété ».

Les sanctions de l'inexécution du contrat

– Sanctionner la partie défaillante. – Une deuxième approche consisterait à demander à ce que la partie défaillante (en ce qu'elle ne respecte pas le contrat formé), soit sanctionnée pour ce comportement. Cette défaillance peut ainsi venir du vendeur qui refuse désormais de vendre, ou de l'acheteur qui a changé d'avis et ne souhaite plus du bien en question.
– Qualification de l'obligation non respectée. – La classification des obligations relève autant d'une tradition chez les juristes que d'une impérieuse nécessité afin d'en faire apparaître le régime applicable avec autant de clarté que possible. Cet exercice s'est trouvé affecté, s'agissant du classement des obligations, par la réforme opérée par l'ordonnance du 10 février 2016. Ainsi, alors que les obligations étaient auparavant réparties entre obligation de faire, de ne pas faire et de donner, cette dernière catégorie, la plus contestée, a désormais disparu du Code civil. Il a pu être souligné que l'obligation de donner ne se matérialisait que très rarement, voire jamais s'agissant de corps certains (comme le sont les immeubles), tant l'effet translatif du contrat de vente s'opère automatiquement. Si l'obligation de donner n'existe plus dans le Code civil, l'effet translatif du contrat de vente, qui en était le fondement, justifie toujours quant à lui le contentieux en reconnaissance d'un transfert du droit de propriété sur le bien vendu relevant de la constatation judiciaire de celle-ci.
– Les objectifs de l'action. – Plusieurs objectifs peuvent commander cette action. Le premier consisterait à tenter de faire entendre raison à la partie défaillante en la contraignant à signer l'acte attendu (promesse de vente ou acte de vente). Il s'agirait donc d'une action incitative. Un deuxième objectif pourrait résider dans la volonté d'être indemnisé pour le préjudice le cas échéant subi. L'action serait en ce cas réparatrice. Un troisième objectif semble pouvoir être ajouté, en ce que l'action permettrait de libérer son auteur de tout engagement à l'égard de son cocontractant récalcitrant. L'action serait alors libératoire.
– Sanctions du non-respect des engagements contractuels. Liste. – L'ordonnance du 10 février 2016 est venue réformer, compléter et réorganiser le régime applicable en cas d'inexécution du contrat. Elle a notamment inversé la règle selon laquelle « toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts ». C'est ainsi que désormais, et par principe, l'inexécution d'une obligation se règle au travers de l'exécution en nature.
Une présentation liminaire, en forme d'inventaire, des sanctions applicables à l'inexécution contractuelle est proposée sous l'article 1217 du Code civil. Au cas particulier de la formation du contrat de vente à travers l'acceptation de l'offre faite, trois principales sanctions semblent possibles : poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation, provoquer la résolution du contrat ou demander réparation des conséquences de l'inexécution. Ce choix est à la discrétion du créancier de l'obligation de faire non respectée, qui peut cumuler les sanctions qui ne seraient pas incompatibles et demander à ce que soit prononcée, en tout état de cause, la sanction consistant au versement de dommages et intérêts.
– Possibilité d'une exécution en nature ? – L'ordonnance du 10 février 2016 est venue formuler le principe de l'exécution en nature des obligations. Cette exécution en nature pourrait consister, dans notre cas, en une injonction de faire (de signer l'acte contenant promesse de vente ou vente), le cas échéant sous astreinte, ou en une constatation judiciaire d'un acte juridique. L'exécution en nature nécessite que soient réunies trois conditions pour être valablement mise en œuvre : la mise en demeure préalable, la bonne foi du créancier et l'absence de disproportion manifeste entre le coût de l'exécution forcée et son intérêt pour le demandeur.
– La demande tendant à provoquer la résolution du contrat. – L'applicabilité de cette sanction au cas particulier du conflit entourant l'offre de vente (ou d'achat) acceptée interroge sur son principe même, sur son opportunité et même sur son intérêt.
La réunion des critères listés par l'article 1583 du Code civil entraîne automatiquement la formation du contrat de vente et, partant, transfert de propriété. En ce qu'il consiste en la réunion d'obligations réciproques de vendre et d'acheter, le contrat de vente est par essence synallagmatique. S'y appliquent alors les règles propres à cette catégorie de contrat en cas d'inexécution d'obligations contractuelles, dont fait notamment partie la résolution. C'est pourquoi l'engagement pris par chacune des parties de vendre et d'acheter, quand bien même il ne résulterait que d'un échange d'offre(s) acceptée(s), est susceptible de justifier la mise en œuvre de la résolution du contrat en cas d'inexécution par l'une des parties.
Si la sanction de la résolution du contrat ainsi formé est bien applicable, quels en seraient l'opportunité et/ou l'intérêt au cas particulier ? Il est vrai que nous serions dans une situation où l'un des cocontractants, par exemple l'acquéreur, constate la défaillance d'un vendeur qui refuse la vente d'un bien, malgré la formation du contrat de vente en application des dispositions de l'article 1583 du Code civil. L'acquéreur dispose alors de la possibilité de « forcer » la vente dans des conditions que nous avons rappelées. Il peut également décider de « passer son chemin » en abandonnant purement et simplement l'opération projetée. Mais dans ce cas, lié par un contrat déjà formé, il faudrait qu'il en constate (ou fasse constater) l'anéantissement. Il conviendrait en effet d'éviter que le vendeur, tout d'abord récalcitrant, ne change d'avis et souhaite constater la vente à un moment où c'est l'acquéreur désormais qui aura décidé de reprendre sa liberté (et se sera peut-être même projeté et engagé dans l'acquisition d'un autre bien). Il pourrait à cet égard être conseillé à celle des deux parties confrontées à cette situation d'invoquer à titre conservatoire, et pour éviter des difficultés à l'avenir, les dispositions des articles 1224 et suivants du Code civil. Dès lors qu'une mise en demeure aura été formalisée pour enjoindre la partie défaillante (le vendeur dans notre exemple) à respecter son engagement (de permettre la vente par la signature d'une promesse ou d'un acte de vente), l'autre partie (l'acquéreur) pourra résoudre unilatéralement le contrat de vente formé dans les conditions de l'article 1226 du Code civil. Si la contestation de cette résolution par le débiteur de l'engagement non respecté (toujours le vendeur dans notre exemple) semble peu probable, elle pourra aboutir soit à une demande tendant à la constatation judiciaire de la résolution ou, si l'acquéreur accepte de poursuivre l'opération, en une demande tendant à constater la vente (ce que l'action du vendeur aura facilité). Dans ce dernier cas, et par un procédé contradictoire, la sanction de la résolution (unilatérale) du contrat pourrait consister finalement en une action incitative tendant à obtenir l'application de ce même contrat !
– Le versement de dommages et intérêts. – La condamnation au versement de dommages et intérêts est une sanction éprouvée en matière de vente immobilière et applicable au cas particulier du contentieux de l'offre acceptée et du contrat de vente formé mais non respecté. Cette sanction est désormais prévue aux articles 1231 et suivants du Code civil. Sa mise en œuvre nécessite ici aussi une mise en demeure préalable restée infructueuse dans un délai raisonnable. En dehors de cette condition de forme, cette action nécessite que soient réunies des conditions de fond servant à en dresser le cadre ainsi que les limites. C'est ainsi qu'il est nécessaire d'établir une faute en lien avec un dommage.
La faute sera facile à établir. Elle consistera en l'inexécution du contrat de vente par l'un des cocontractants.
Le dommage est quant à lui susceptible de soulever plus de difficultés et de faire apparaître des limites avec ce qui résulterait de l'application d'une responsabilité délictuelle en lieu et place d'une responsabilité contractuelle. C'est ainsi que le dommage s'identifie aux conséquences attachées à la privation de la prestation promise, l'article 1231-1 du Code civil parlant alors de la perte subie par le créancier et le gain dont il est privé. Le dommage doit être certain et non pas simplement éventuel, ce qui n'empêche pas de consister en une perte de chance. Il doit également être directement rattaché à la faute (la défaillance du vendeur ou de l'acquéreur) par application du critère du lien de causalité applicable tant en matière de responsabilité extracontractuelle qu'en matière de responsabilité contractuelle. Surtout, et ce peut être ici une importante limite à la mise en jeu de la responsabilité contractuelle au travers d'une demande en versement de dommages et intérêts, le dommage doit par principe être prévisible. C'est ainsi que, par principe, le dommage normalement imprévisible ne donne pas lieu à indemnisation, l'appréciation en étant faite lors de la formation du contrat et in abstracto . Si les prévisions du contrat peuvent en la matière jouer un rôle important dans l'appréciation par des magistrats du caractère imprévisible d'un dommage, c'est justement ce qui manquera bien souvent dans la situation d'un contrat de vente formé par la simple et seule rencontre des volontés au travers d'une lettre d'offre acceptée. Il est en effet bien rare, pour ne pas dire exceptionnel, que ces échanges plus ou moins formalisés entre des parties à la vente prévoient les détails ou même simplement les principes d'une indemnisation du préjudice que subirait l'une des deux en cas de défaillance de l'autre partie dans l'exécution du contrat formé. Ces prévisions apparaissent bien souvent au stade de l'avant-contrat, notamment si ce dernier se trouve préparé et reçu par un notaire.
Àcette importante limite peut s'ajouter une différence de traitement dans les défaillances respectives du vendeur et de l'acquéreur. Àtravers la formation de la vente, l'acquéreur se trouve engagé par une obligation principale de payer le prix de vente. Partant, il apparaît possible pour le vendeur d'invoquer, à l'encontre de son acquéreur défaillant, le régime spécifique des obligations de sommes d'argent. C'est ainsi que le dommage serait alors déterminé par renvoi à l'application de l'intérêt au taux légal courant à compter de la mise en demeure, sans que le vendeur ne soit tenu de justifier d'aucune perte, et sans priver le vendeur de réclamer la condamnation de l'acquéreur au versement de dommages et intérêts supplémentaires distincts de l'intérêt moratoire.

Le contentieux lié au consensualisme. Synthèse

– Un contentieux protéiforme. – L'application du principe du consensualisme à la vente d'immeuble, au stade de l'échange de lettres d'offre et d'acceptation, peut donc prendre principalement deux formes. Il s'agira, dans un premier cas, de rechercher l'exécution forcée de la vente, en sollicitant le juge pour ce faire. Dans un second cas, le non-respect de l'obligation de faire inhérente à l'engagement pris par chacune des parties justifiera la mise en œuvre des sanctions y attachées.
– Différence de positionnement entre un vendeur et un acquéreur au stade de la sanction de l'inexécution. – Àtitre de synthèse, l'exécution forcée et la demande de versement de dommages et intérêts sont les principales actions pouvant être engagées par la partie non défaillante à l'égard de la partie défaillante. Les positionnements respectifs des vendeur et acquéreur justifient néanmoins que l'approche de l'un et de l'autre ne sera probablement pas la même en cas de défaillance du cocontractant. En effet, la défaillance du vendeur motivera l'acquéreur à engager soit la procédure d'exécution forcée, soit une action tendant à ce que soit prononcée en sa faveur l'allocation de dommages et intérêts. L'inverse n'est pas vrai pour le vendeur. Car s'il est vrai que celui-ci dispose de la même alternative, il l'est également de dire qu'il retiendra dans la plupart des cas la demande en versement de dommages et intérêts au détriment de l'action en exécution forcée. La raison en est simple, la défaillance de l'acquéreur peut être justifiée par des difficultés financières. Àquoi bon « bloquer » le bien immobilier à travers une procédure judiciaire en exécution forcée de la vente alors même que l'acquéreur dudit bien ne serait pas solvable ?
– La prise en compte de l'objectif recherché dans le choix de la procédure. – Le choix d'activer l'une ou l'autre de ces procédures se fera, classiquement, en considérant l'objectif recherché. Ces objectifs détaillés dans les développements ci-dessus peuvent être résumés de la manière suivante :

Des lettres (d'offre et d'acceptation) lourdes de conséquences

L'application du principe du consensualisme, sans réserve ni précaution rédactionnelle au stade de l'échange des lettres d'offre et d'acceptation entre les parties à la vente, est lourde de conséquences. Dans la plupart des cas, fort heureusement, les dossiers aboutissent sereinement à la réalisation effective et souhaitée des ventes en question. Dans d'autres, la défaillance ou le changement d'avis d'une des deux parties, sur la base d'échanges intervenus bien souvent sans conseil et notamment sans notaire, est susceptible de conduire :
  • à une constatation judiciaire et subie de la vente intervenue sur la base d'échanges directs entre les parties ;
  • à une procédure en exécution forcée du contrat (ainsi qu'à la condamnation au versement de dommages et intérêts).

La pratique des promesses de vente à l'épreuve du consensualisme

– Méconnaissance du principe du consensualisme pour le citoyen. – Ainsi que nous avons eu l'occasion de le rappeler, le processus de vente d'un bien immobilier commande souvent le passage par une étape d'échanges et de négociations aboutissant à l'émission d'une offre (d'acheter, ou parfois de vendre). L'acceptation de cette offre, dès lors que celle-ci reprend bien les critères déjà rappelés, forme automatiquement le contrat de vente et engage ainsi définitivement les parties.
Rares sont les parties aux contrats à être conscientes de la nature ferme de leur engagement. Peut-on d'ailleurs leur en faire le reproche ? Il est vrai que l'adage Nemo censetur ignorare lege , bien que ne figurant plus dans le Code civil depuis 1852, reste aujourd'hui encore un principe fondamental implicite de notre droit. Il semble néanmoins raisonnable de considérer que les subtilités inhérentes au principe du consensualisme et les conséquences attachées notamment aux dispositions de l'article 1583 du Code civil soient d'un accès difficile aux citoyens non-juristes.
Plus compliquée apparaît en revanche la situation des professionnels du droit immobilier, juristes (au premier rang desquels les notaires) ou sachants (agents immobiliers, professionnels de l'investissement immobilier, etc.) qui, malgré l'existence d'une offre acceptée en bonne et due forme, enchaînent par la signature d'un avant-contrat de vente immobilière (sous forme unilatérale ou synallagmatique).
– Promesse sur vente ne vaut . – L'accord des parties sur la chose et sur le prix entraîne la formation du contrat de vente. Les dispositions de l'article 1583 du Code civil, dont l'analyse a été faite plus avant, ont à cet égard le mérite de la simplicité.
Il apparaît néanmoins que la lettre d'offre et son acceptation ne comprennent que trop rarement, pour ne pas dire jamais, les éléments permettant d'effectuer l'ensemble des démarches nécessaires à la signature d'un acte de vente ayant vocation à être publié au service de publicité foncière compétent.
Un financement doit bien souvent être recherché et accordé, des diagnostics doivent être établis, des renseignements d'urbanisme et hypothécaires obtenus, des droits de priorité, de préférence ou de préemption purgés, et le cas échéant un délai de rétractation purgé également, sans oublier les vérifications inhérentes à la capacité des parties à signer un acte de mutation immobilière. Cette liste, bien que non exhaustive, est suffisante pour justifier l'importance que revêt le passage chez un notaire pour convenir de chacune de ces situations et organiser ces démarches. La tendance est donc grande, et finalement naturelle, à ce que soit conclu un avant-contrat de vente immobilière alors même que les parties se sont accordées sur les principales caractéristiques de la vente à travers l'échange d'une offre et de son acceptation reprenant les critères de l'article 1583 du Code civil.
On semble alors bien loin de l'orthodoxie juridique. Si une promesse unilatérale de contrat était signée, elle mettrait en avant « un non-sens » voire même une « hérésie » puisqu'elle consisterait à conférer à l'une des parties (bien souvent l'acquéreur) la possibilité d'opter ou de ne pas opter ou, dit autrement, de poursuivre ou de ne pas poursuivre l'opération, alors même que son engagement était ferme dès l'acceptation de son offre par application des dispositions de l'article 1583 du Code civil. A contrario, la signature d'une promesse synallagmatique de vente a ceci de cohérent avec la situation ressortant de l'offre acceptée qu'elle place les parties dans une même position d'engagement réciproque de vendre et d'acheter. Elle suscite néanmoins un cumul d'actes entre l'offre acceptée (formant la vente), la promesse synallagmatique de vente et l'acte authentique de vente destiné à la publicité foncière.
Loin de résulter d'un refus de la pratique, notamment notariale, de s'abstraire du formalisme en matière de vente immobilière ou de respecter les dispositions de l'article 1589 du Code civil, ces situations résultent surtout de la nécessité pour les notaires de sécuriser les relations entre les parties à la vente en effectuant les démarches et vérifications ci-dessus données à titre d'illustration. Il est vrai néanmoins que cette adaptation de la profession se fait au détriment du principe du consensualisme qui paraît, décidément, inadapté aux exigences de telles opérations.

Les « atténuations » ou exceptions existantes

– Atténuations et exceptions. – Le principe du consensualisme n'est pas absolu, en ce qu'il peut faire l'objet d'atténuations ou connaître des exceptions.
Les atténuations ou tempéraments, s'ils ne remettent pas en cause la formation même du contrat, réduisent l'impact du consensualisme en y associant des contraintes formelles.
Les exceptions quant à elles ont pour effet de reporter la formation du contrat à l'accomplissement d'un formalisme particulier. Ces exceptions font donc clairement et expressément échec au principe du consensualisme.
– Distinction entre formalisme et solennité. – Cette différence entre, d'une part, les atténuations au principe du consensualisme et, d'autre part, les exceptions à ce même principe, rend nécessaire l'utilisation d'une terminologie propre à chacune de ces deux situations. Dans son célèbre article qui fait encore autorité sur ce sujet, Jacques Flour avait ainsi indiqué que le formalisme consiste en « l'exigence d'une forme déterminée par la loi et à défaut de laquelle la manifestation de volonté se trouve frappée d'inefficacité à un degré quelconque ». L'exigence d'une forme particulière pour extérioriser la volonté des parties à l'acte relève du formalisme en général, dès lors que la validité même du contrat ne s'en trouve pas affectée (Sous-section I). Son efficacité pourrait l'être, en ce que le contrat ne serait pas opposable aux tiers (il en va ainsi des règles imposant l'accomplissement des formalités au service de publicité foncière compétent pour les actes de vente d'immeuble), serait plus difficile à établir et à prouver, ou que des responsabilités particulières seraient supportées par celle des parties à l'acte n'ayant pas respecté, par exemple, son devoir de transmission de documents. Au sein de ce formalisme, certaines règles consistent à imposer, à peine de nullité des actes, la signature d'un acte sous seing privé ou sous forme authentique, ou plus largement l'accomplissement de formalités. Il s'agit en ce cas de véritables exceptions au principe du consensualisme (Sous-section II).

Les tempéraments ou atténuations au principe du consensualisme

– Atténuations par application de règles de preuve ou d'opposabilité. – Sans chercher à remettre en question le principe du consensualisme, certaines atténuations en tempèrent néanmoins les effets.
L'article 1173 du Code civil, après avoir rappelé que ces atténuations n'affectent pas la validité des contrats, nous précise les principaux objectifs qui leur sont assignés. C'est ainsi que ces atténuations ou tempéraments d'origine légale au consensualisme tendent à répondre principalement à un objectif de preuve (§ I) ou à permettre d'assurer l'opposabilité d'un contrat (§ II). D'autres objectifs sont parfois assignés à ces atténuations (§ III).

Le formalisme aux fins de preuve

– Opposition entre formes ad solemnitatem et ad probationem . – Le principe du consensualisme est dans ce cas écarté, non pas pour la validité du contrat, mais pour en apporter la preuve. La forme n'est pas exigée ad solemnitatem mais ad probationem . Il s'agit d'une atténuation au principe du consensualisme dans les rapports entre les parties.
– Atténuation. – Par application du principe du consensualisme, le contrat de vente d'immeuble est valable sans l'accomplissement d'aucune forme. Son « efficacité » peut néanmoins en apparaître entachée faute de pouvoir apporter la preuve de l'existence de ce contrat ou de la nature des conventions qu'il renferme.
Sur ce point, il a pu être relevé qu'il convenait de tempérer la différence entre une forme contractuelle exigée ad validitatem et une forme exigée ad probationem , tant la preuve d'un droit apparaît déterminante en cas de litige.
– Obligation d'un écrit aux fins de preuve. – Aussi consensuel qu'il soit, le contrat de vente n'en est pas moins un acte juridique soumis aux règles générales du droit de la preuve prescrites par le Code civil. Au-delà d'un certain montant, dérisoire lorsque l'on parle de contrat de vente d'immeuble, l'écrit est obligatoire pour apporter la preuve du contrat.

Le formalisme aux fins d'opposabilité

– Objet de l'opposabilité aux tiers. – Le souci d'efficacité du contrat ne se limite pas aux parties mais peut devoir s'étendre aux tiers. Il s'agit dans ce cas de rendre le contrat opposable aux tiers.
L'atténuation au principe du consensualisme consiste finalement en une limite fondamentale : le contrat ne peut pas, en raison seulement de son existence et de sa validité, être immédiatement opposable erga omnes, et notamment à l'égard des tiers à celui-ci.
Cette atténuation connaît une illustration légale bien connue en matière de vente d'immeuble.
– Illustration. La publicité foncière. – Une illustration peut être trouvée dans l'obligation de publication au service de publicité foncière des actes portant mutation de droits immobiliers, au premier rang desquels les ventes d'immeuble.
Àtravers cette formalité, les tiers au contrat et ayant acquis un droit concurrent sur le bien sont réputés avoir été informés de celui-ci, indépendamment de leur connaissance effective dudit contrat.
En l'absence d'accomplissement des formalités de publicité foncière, un contrat de vente d'immeuble reste valable, mais ne produira ses effets qu'inter partes.

Les autres objectifs assignés au formalisme

– Formalisme de protection. – Rejoignant la justification accompagnant habituellement les exigences de solennité auxquelles sont soumis certains actes, qui sont autant de « précautions prises en vue de parvenir, autant que possible, à ce que le consentement des parties soit réfléchi et donné en toute connaissance de cause », le formalisme dans son ensemble semble embrasser cet objectif de protection de la partie faible ou ignorante au moment où celle-ci envisage de souscrire à des engagements d'importance. Il a ainsi été relevé que « la forme est devenue l'instrument privilégié de toute protection de la partie faible et, l'impératif de protection ayant été perçu comme primordial, s'en est nécessairement suivi un développement sans précédent du formalisme ».
– Les délais de rétractation. – Comment ne pas analyser les délais de rétractation (cooling-off period) en une atteinte combinée aux principes du consensualisme et de force obligatoire des contrats ? Nous avons rappelé les liens existant entre ces deux principes, l'un découlant finalement de l'autre. Il n'est donc pas étonnant de constater que l'un comme l'autre se trouve atteint par ces dispositions qui ne sont que le prolongement d'un droit de repentir tendant à se généraliser. Le principe de force obligatoire du contrat est en effet touché, puisque le contrat, bien que formé, peut-être unilatéralement anéanti par l'une des parties à la vente. Le principe de consensualisme est lui aussi atteint ; puisque la rencontre des volontés ne suffit pas à former le contrat de manière pérenne, il convient encore que ce contrat survive à l'écoulement d'une période au cours de laquelle son anéantissement libre et unilatéral est rendu possible. Il apparaît par ailleurs nécessaire, pour purger ces délais de rétractation, qu'un formalisme bien précis soit respecté, nécessitant en pratique la signature d'un acte, matérialisant dès lors une nouvelle atteinte au principe du consensualisme.
Pour une analyse plus complète de ces différents délais de rétractation, nous renvoyons au rapport du 111e Congrès des notaires de France :
www.congresdesnotaires.fr/media/uploads/ouvrages/rapport_111.pdf">Lien.

Actualisation des propos du 111 Congrès des notaires de France en matière de délais de rétractation

Il convient de rappeler que le Code de la consommation a fait l'objet d'une refonte aux termes de l'ordonnance no 2016-301 du 14 mars 2016, de laquelle il résulte notamment que le droit de rétractation prévu par la loi no 2014-344 du 17 mars 2014, dite loi « Hamon » a été expressément exclu de la matière immobilière. Ainsi, le nouvel article L. 221-2 du Code de la consommation (anciennement L. 121-16-1) prévoit désormais que sont exclus les « contrats portant sur la création, l'acquisition ou le transfert de biens immobiliers ou de droits sur des biens immobiliers, la construction d'immeubles neufs, la transformation importante d'immeubles existants ou la location d'un logement à des fins résidentielles ». Des modifications ont également été apportées au droit de rétractation prévu à l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation : outre le passage du délai de sept à dix jours, la principale évolution concerne le recours désormais possible à la lettre recommandée électronique (LRE), prévue aux articles R. 53 et suivants du Code des postes et communications électroniques. Nous relevons aussi l'apport de précisions jurisprudentielles quant à l'étendue du contrôle de la bonne remise de la lettre recommandée par l'émetteur de la notification et une possible orientation vers un aspect « absolutoire » de la signature de l'acte authentique de vente.
– Le cas de la promesse unilatérale de vente. – Nous pouvons tout d'abord citer les promesses unilatérales de vente sous seing privé afférente à un immeuble ou à un droit immobilier. Faute d'avoir respecté la formalité de l'enregistrement dans les dix jours à compter de la date de l'acceptation de cette promesse par son bénéficiaire, celle-ci se trouve frappée de nullité. L'accord des parties et l'application du principe du consensualisme ont permis la formation du contrat, lequel se retrouverait néanmoins dans pareille situation anéanti postérieurement en raison du non-respect d'une règle de forme.

Les exceptions au principe du consensualisme

– Énoncé des exceptions par le Code civil. – Après avoir énoncé le principe même du consensualisme, l'article 1172 du Code civil liste les deux catégories d'exception à ce principe : les contrats solennels et les contrats réels. Cette distinction est également reprise au titre des dispositions liminaires du sous-titre 1er sur le contrat, comblant ainsi une lacune de l'ancien code qui ne comprenait pas cette distinction. Survivance du droit romain, les contrats réels font de la remise de la chose une forme essentielle à la formation du contrat. Le prêt à usage et de consommation et le dépôt sont les principales illustrations de contrats réels. Pour les besoins de notre démonstration, nous ne reprendrons pas les contrats réels dans nos développements pour nous limiter aux seuls contrats solennels.

Notion de contrat solennel

– Principe. – La validité même de l'acte solennel est subordonnée à l'accomplissement d'un formalisme écrit qui, en fonction des contrats, doit revêtir la forme d'un acte sous signature privée ou celle d'un acte authentique. Il peut également s'agir de l'obligation d'accomplir des formalités particulières déterminées par la loi (respect d'un délai, etc.).
Sans ce formalisme, l'acte n'est pas valable. La preuve qui pourrait le cas échéant être apportée de l'existence de l'acte solennel ne changerait rien à la nullité de celui-ci faute d'avoir respecté le formalisme y attaché. C'est là toute la différence entre l'exigence d'un écrit aux fins de preuve (ad probationem) et l'exigence d'un écrit pour la validité même de l'acte (ad validitatem).
– Objectifs. – Le fondement même de la solennité attachée à certains actes réside dans la nécessité de protéger l'ordre public de direction ou l'une des parties à l'acte (ordre public de protection). Les actes concernés sont considérés à ce point graves ou engageants, pour les parties elles-mêmes ou des tiers à l'acte, qu'un écrit, le cas échéant authentique, apparaît nécessaire.

Illustrations

– Liste limitative. – La solennité d'un contrat ne se présume pas, elle doit résulter expressément et sans discussion possible des termes mêmes de la loi. Le principe restant celui du consensualisme, la solennité fait figure d'exception. En nous limitant aux seuls actes authentiques, peuvent ainsi être cités la constitution d'hypothèque, la subrogation conventionnelle par la volonté du débiteur, la donation, le contrat de mariage, la vente d'immeuble à construire du secteur protégé, la location-accession, le contrat de fiducie lorsque les biens, droits ou sûretés transférés dans le patrimoine fiduciaire dépendent de la communauté existant entre les époux ou d'une indivision.
– Le cas de la promesse d'une durée de plus de dix-huit mois. – Le Code de la construction et de l'habitation impose désormais que la promesse de vente consentie par une personne physique soit conclue par acte authentique si sa durée dépasse dix-huit mois. La nullité encourue est relative, de sorte que seul le promettant peut l'invoquer. Il s'agit d'une illustration récente du recours à l'acte authentique pour protéger les contractants. Son insertion sous le titre « Mesures de protection concernant certains vendeurs de biens immobiliers » ne laisse pas de doute sur les objectifs poursuivis par le législateur à travers cette solennisation de certaines promesses de vente.
– Les cessions de parts de sociétés à prépondérance immobilière constatées à l'étranger. – « Sont considérées comme sociétés à prépondérance immobilière les sociétés dont l'actif est, à la clôture des trois exercices qui précèdent la cession, constitué pour plus de 50 % de sa valeur réelle par des immeubles ou des droits portant sur des immeubles, non affectés par ces sociétés à leur propre exploitation industrielle, commerciale, agricole ou à l'exercice d'une profession non commerciale ». Lors de la cession de parts de sociétés à prépondérance immobilière, dont l'actif est ainsi principalement constitué d'immeubles ou de droits immobiliers situés en France, la constatation par acte authentique de cette cession est obligatoire. Le notaire est ici mis à contribution afin d'assurer le recouvrement des impositions dues, renforcer dans ces opérations la lutte contre le blanchiment de capitaux, s'assurer de la purge effective d'éventuels droits de préemption et, bien évidemment, dispenser son devoir de conseil aux investisseurs étrangers ne maîtrisant pas nécessairement les subtilités du droit applicable à des immeubles situés en France.
Nous renvoyons sur ce point au rapport du 111e Congrès des notaires de France :
www.congresdesnotaires.fr/media/uploads/ouvrages/rapport_111.pdf">Lien.