Les articles 1366 et 1367 du Code civil établissent un principe d'équivalence de l'écrit électronique à l'écrit sur support papier en créant une présomption de fiabilité de la signature qualifiée
(§ I)
, laquelle présomption conduit à s'interroger sur une éventuelle supériorité de l'écrit électronique qualifié par rapport à l'écrit papier
(§ II)
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Une équivalence de l'écrit électronique à l'écrit papier soumise au respect de conditions particulières
Une équivalence de l'écrit électronique à l'écrit papier soumise au respect de conditions particulières
La présomption de fiabilité de la signature qualifiée
? La présomption de fiabilité. ? L'article 1367 du Code civil dispose que : « La fiabilité de ce procédé [d'identification garantissant le lien de la signature avec l'acte auquel elle s'attache] est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État ». Ce type de signature correspond, selon l'article 1er du décret no 2017-1416 du 28 septembre 2017, à la signature qualifiée ci-dessus décrite.
En droit commun, l'article 1372 du Code civil (C. civ., art. 1372">Lien) dispose que : « L'acte sous signature privée, reconnu par la partie à laquelle on l'oppose ou légalement tenu pour reconnu à son égard, fait foi entre ceux qui l'ont souscrit et à l'égard de leurs héritiers et ayants cause ». L'article 1373 du Code civil (C. civ., art. 1373">Lien) ajoute que : « La partie à laquelle on l'oppose [l'acte sous signature privée] peut désavouer son écriture ou sa signature (…). Dans ces cas, il y a lieu à vérification d'écriture ». Pour contester la réalité d'un acte sous signature privée, il faut donc s'opposer à y avoir adhéré en y apposant sa signature ou à l'avoir rédigé. S'ouvre alors la procédure de vérification d'écriture de l'article 287 du Code de procédure civile (CPC, art. 287">Lien)
Sur la signature électronique et la procédure de vérification d'écriture, V. : L. Grynbaum, C. Le Goffic et L. Morlet-Haïdara, Droit des activités numériques, Précis Dalloz, 1re éd., 2014, nos 63 et s.
. Il revient dans cette hypothèse à celui qui se prévaut de l'écrit d'en démontrer la sincérité
Cass. 1re civ., 17 mai 1972, no 71-11.211 : Bull. civ. 1972, I, no 132, p. 117.
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En présence d'une signature électronique et d'une contestation de l'écriture ou de la signature, le juge doit vérifier si les conditions des articles 1366 et 1367 du Code civil sont respectées (CPC, art. 287, al. 2">Lien). Dans l'hypothèse où elles ne sont pas satisfaites, alors l'écrit ne vaut pas comme preuve littérale mais dégénère en commencement de preuve par écrit (C. civ., art. 1362">Lien). C'est notamment le cas en présence d'une signature électronique simple ou avancée.
Ainsi, à l'égard d'un courrier électronique, la Cour de cassation a déjà écarté la présomption de fiabilité de la signature électronique qualifiée (ce qui s'explique par le fait qu'une simple adresse mail ne permet pas d'identifier avec certitude son auteur, et ne remplit donc pas les conditions de l'article 1367 du Code civil)
V. M. Quéméner, F. Dalle et C. Wierre, Quels droits face aux innovations numériques ?, Gualino, 2020, no 309.
et a donc qualifié le courriel de « commencement de preuve par écrit »
Cass. 1re civ., 20 mai 2010, no 09-65.854. En l'espèce, un congé avait été délivré par un locataire à son bailleur, lequel en avait accusé réception par voie de courrier électronique et contestait devant la cour d'appel la réalité de cet e-mail. La cour d'appel de Dijon avait admis à titre de preuve ce courrier électronique en se fondant sur la présomption de fiabilité de l'ancien article 1316-4 du Code civil attachée à la signature électronique sécurisée. La Cour de cassation casse cet arrêt au motif que la cour d'appel aurait dû respecter la procédure de vérification d'écriture de l'article 287 du Code de procédure civile en raison de la contestation par le bailleur de la réalité de cet e-mail.
. La difficulté résulte dans ce cas, pour celui qui se prévaut de l'écrit, d'établir qu'il émane de celui à qui il l'oppose. Cette preuve peut notamment résulter de l'ordinateur du supposé émetteur, de son serveur ou encore de l'hébergeur de sa messagerie
Sur le commencement de preuve par écrit, V. : L. Grynbaum, C. Le Goffic et L. Morlet-Haïdara, Droit des activités numériques, Précis Dalloz, 1re éd., 2014, no 65 et M. Quéméner, F. Dalle et C. Wierre, Quels droits face aux innovations numériques ?, Gualino, 2020, nos 309 et s.
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Dans l'hypothèse où au contraire l'écrit électronique répond aux exigences des articles 1366 et 1367 du Code civil, l'écrit est présumé établi par celui dont il semble émaner (C. civ., art. 1367, al. 2). Il revient donc à celui qui est présumé être l'auteur ou le signataire de renverser la présomption et prouver que l'écrit n'émane pas de lui.
Cette présomption de fiabilité en faveur de l'écrit électronique qualifié ne permettrait-elle pas de lui attacher une force probante supérieure à l'écrit papier ?
Une supériorité de l'écrit électronique qualifié sur l'écrit papier ?
L'inversion de la charge de la preuve est l'avantage non négligeable de la présomption de fiabilité attachée à l'écrit électronique qualifié pour celui qui se prévaut d'un tel écrit. Il suffit que les conditions de fiabilité soient respectées pour que la présomption joue, ce qui suppose que l'écrit soit associé à un certificat valide émis par un service de confiance qualifié. Il sera dans cette hypothèse très difficile pour celui dont est présumé émaner l'écrit de prouver qu'il n'en est pas l'auteur. L'écrit électronique qualifié profite alors d'une supériorité sur l'écrit papier qui ne bénéficie pas d'une telle présomption. Le support manuscrit ou autographe ne peut être opposé à son auteur qui en conteste l'origine qu'à la condition de prouver qu'il émane bien de ce dernier. La preuve pèse donc sur celui qui se prévaut de l'écrit, contrairement à l'écrit électronique qualifié.
La supériorité de l'écrit électronique qualifié sur l'écrit papier.
L'écrit électronique qualifié dont la fiabilité est présumée profite d'une supériorité sur l'écrit papier qui ne bénéficie pas d'une telle présomption.
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Quid
de l'écrit papier avec certification de signature ? ? La France encadre peu la certification. Seul l'article L. 2122-30 du Code général des collectivités territoriales (CGCT, art. L. 2122-30">Lien) évoque la compétence des maires pour les certifications de signature (et non d'écrit en général). Les autres autorités certificatrices, tels les notaires, tirent leur compétence de l'usage
Sur la certification de signature sur support électronique par le notaire : V. supra, no .
. Le rôle de la certification est d'apporter un crédit complémentaire à un écrit. Toutefois ce « complément de force probante » ne résulte d'aucun fondement textuel, ce qui l'affaiblit grandement. La certification est davantage une pratique destinée à limiter les risques d'imitation et d'usurpation d'identité. Elle ne permet en aucun cas d'inverser la charge de la preuve comme le fait la présomption de fiabilité de l'écrit électronique qualifié. Ce dernier reste donc supérieur à l'écrit papier, même certifié. Afin de préserver l'égalité de traitement souhaitée par l'Union européenne entre les supports numérique et papier, il pourrait être envisagé la création d'une présomption de fiabilité en faveur de l'écrit papier certifié par une autorité compétente, dont le pouvoir de certification résulterait de la loi, et non plus simplement de l'usage.
L'écrit électronique fait donc l'objet d'un encadrement européen et législatif clair, devant encourager son utilisation. Il en va autrement de la blockchain, dont la portée probatoire est plus incertaine.