Le fonctionnement technique de la blockchain peut varier selon les moyens de stockage des actifs générés par la chaîne
(Sous-section I)
, les modes de détention par le titulaire des actifs
(Sous-section II)
, ou enfin selon sa gouvernance interne
(Sous-section III)
.
Les variables
Les variables
Les différents moyens de stockage
L'une des fonctions de la blockchain est de créer un actif numérique, précisément une cryptomonnaie ; ainsi du bitcoin, historiquement. Si d'autres cryptomonnaies ont vu le jour sur des blockchains, certaines en sont dissociées.
Le stockage des cryptomonnaies sur blockchain
Les cryptomonnaies stockées sur des
blockchains sont reliées soit à des blockchains publiques, soit à des blockchains privées.
Parmi les premières, citons Bitcoin, dont le protocole de création en 2008 a fixé à l'origine le nombre d'actifs pouvant être émis. La fin de l'émission est prévue pour 2140, pour vingt et un millions de bitcoins émis. Depuis, les cryptomonnaies générées par les protocoles du type Ethereum (blockchain créée en 2013 qui émet des ethers) ou Tezos (imaginée en 2018, qui émet des XTZ sur une plateforme spécialement dédiée aux smart contacts) sont bâties sur le modèle similaire de consensus, avec leurs objets ou usages propres. D'autres cryptomonnaies telles que Dash, Monero, Zcash, suscitent plus d'interrogations car cherchent un anonymat total
D. Legeais, Blockchain et actifs numériques, LexisNexis, 2019, no 221.
.
Les secondes séries de blockchains abritant des cryptomonnaies sont celles dites « de consortium »
V. infra, no
.
. On peut citer comme exemple Stellar (réseau d'échange entre cryptomonnaies et monnaies classiques par la monnaie virtuelle lumen) et Ripple (protocole de règlement ou d'envoi de fonds, via une monnaie dénommée « XRP », en réseau distribué en open source, nécessitant l'accord de 80 % des serveurs pour la validation d'une transaction).
Enfin, des États ou institutions financières traditionnelles réfléchissent à créer leur propre cryptomonnaie ; des expériences de paiement via un registre distribué ont été menées (Autorité monétaire de Singapour, Banque du Canada) et la conception même d'une monnaie a été réalisée (Chine)
La banque populaire chinoise (PBoC) a annoncé en janvier 2020 qu'elle avait achevé la « conception globale » de sa cryptomonnaie étatique. Le système de monnaie numérique serait basé sur le yuan, appelé Digital Currency Electronic Payment (DCEP).
.
La Banque de France elle-même travaille sur la question
Annonce du gouverneur de la Banque de France le 4 décembre 2019, de lancement d'expérimentations pour développer « une monnaie digitale de banque centrale ».
, une application pratique pouvant se réaliser dans les transactions de montants peu importants, au lieu de paiements en espèces ou cash. Paradoxalement, face à la « menace » d'un ordre bancaire parallèle hors de contrôle des banques centrales, l'idée de développer un euro digital serait le moyen de réaffirmer la souveraineté monétaire des États.
Le stockage des cryptomonnaies hors blockchain
Par ailleurs, des cryptomonnaies peuvent être conçues indépendamment de toute
blockchain.
Les premières, les grandes sociétés de l'internet se sont intéressées aux cryptomonnaies : ainsi de Libra, présentée par Facebook comme une monnaie pour tous, liée à une structure financière propre et mondiale, simple, ouverte aux exclus du système bancaire classique. Les partenaires initiaux étaient des géants de la finance, du numérique, ou de la communication tels Visa, Mastercard, Free, Uber, mais le projet a très vite suscité des inquiétudes chez certains d'entre eux et les gouvernements des principaux pays industrialisés marquent leur méfiance. Sa mise en œuvre dépend donc du gain de confiance des établissements bancaires
Facebook réfléchit aussi à un projet de cryptomonnaie basée sur le dollar, donc moins volatile, de type stablecoin.
.
Plus généralement, ce sont de grandes entreprises de secteurs divers qui réfléchissent à la création de monnaies virtuelles, y compris pour payer leurs salariés
Nike, Facebook, Samsung… (boursedescredits.com">Lien, 7 mai 2019).
.
La détention directe et la détention indirecte : les wallets
– Actifs numériques liés à un compte. – L'ether, le bitcoin et leurs dérivés, abordés précédemment, sont le cas d'usage par excellence de la technologie blockchain ; c'est-à-dire la création d'actifs numériques. Ces actifs numériques sont des inscriptions numériques ayant des caractéristiques proches d'un actif physique. L'inscription sur une blockchain est associée à une identité, un compte
La personne qui détient ce compte peut le transférer, le détruire, le prêter, essayer de s'en servir comme une garantie : questions d'usage, examinées infra, Titre II no
.
, détenu dans un portefeuille dédié appelé wallet.
Le wallet est créé auprès d'un prestataire de services numériques
V. infra, Titre II pour leur réglementation.
, mais il peut aussi être détenu et géré directement par le propriétaire des actifs en question, ce qui a des conséquences sur la qualification du portefeuille si le détenteur détient des unités différentes sous des formats différents
V. R. Vabres, La donation de cryptomonnaies : JCP N 2019, no 47, 1313.
. Il présentera le solde de bitcoins de son titulaire. On distingue le cold/hard wallet (détention des bitcoins dans un contenant non connecté à internet, mais en pratique détenu sur un ordinateur via une clé USB, un disque dur externe ou lu sur flash code imprimé sur papier) du hot wallet (détention via une application en ligne).
Toute une économie se développe autour des services liés à la détention d'un wallet : des sociétés proposent aujourd'hui des services de conservation des clés privées des tiers, les wallet providers.
Les différents modes de gouvernance
On distingue classiquement deux types de blockchains : publique ou privée, selon que le protocole est ouvert à tous et selon la présence ou non d'une autorité centrale.
La blockchain publique et la blockchain privée
La
blockchain
publique fonctionne en réseau dit peer-to-peer qui est ouvert et lisible par tous ; le réseau lui-même, via ses mineurs, est censé assurer la sécurité des opérations d'échange. Le fait que chacun puisse y participer contribue à la fiabilité du système
D. Legeais : JCl. Commercial, préc., no 12.
. Les blockchains publiques qui se sont ainsi développées sont surtout celles donnant naissance aux cryptomonnaies, du type Bitcoin, Ethereum ou Tezos.
On parle aussi à leur sujet de cryptoéconomie incitative
M. Mekki, Les mystères de la blockchain, op. cit.
.
Elles sont marquées par la toute-puissance de la vérité partagée par les membres, loin de tout contrôle de tiers, surtout étatique.
À l'opposé existent des blockchains dites « privées ». Une autorité centrale, ou tiers gérant, maîtrise la chaîne, son protocole, et en réserve le bénéfice à certains acteurs. Les banques l'utilisent aujourd'hui par préférence. Il est possible aussi d'imposer aux membres des obligations juridiques au travers des conditions générales d'utilisation. L'application MiniBonds appartient à cette catégorie.
Enfin, la pratique a imposé un type intermédiaire de blockchain : hybride ou dite « de consortium ».
Ses participants sont limités et un droit de veto peut être affecté à certains. Ses acteurs possèdent des droits et les décisions sont prises à la majorité. Ce type de blockchain attire les institutions bancaires et financières pour opérer dans des environnements réglementés et obligeant à connaître l'identité des participants. Le « R3 » est l'exemple le plus connu
Il compte plus de cent institutions financières, et a levé plus de cent millions d'euros. Une application en 2020 est dénommée R3'Corda, « an entreprise blockchain platform that delivers privacy, security, interoperability and scalability » (www.r3.com">Lien).
.
Citons aussi le projet de blockchain entre le notariat, les banques et les huissiers de justice pour sécuriser et automatiser la mise en œuvre des copies exécutoires d'actes de prêt
V. infra, Commission 3, no
.
.
Les différents types d'oracles
Un oracle
Ibid.
peut être défini comme une entité de confiance faisant partie intégrante du réseau, qui transmet les informations du monde réel physique au contrat intelligent de la blockchain. Les diverses missions des oracles dans le système du smart contract sont examinées plus loin
V. infra, Commission 3, nos
et s.
. Mentionnons seulement ici que l'oracle permet l'exécution du smart contract en fonction d'éléments extérieurs à la blockchain situés dans le monde « réel ».
L'oracle pourra ainsi rentrer une donnée extérieure dans la blockchain de différentes façons
D. Legeais, Blockchain et actifs numériques, préc., no 171 ; V. infra, no
.
: soit en utilisant un élément dans le serveur, soit en recourant à la majorité des membres de la blockchain de consensus, soit en se référant à une base de données acceptée ; l'oracle peut aussi être une personne physique.